the streets #13

La série que je n’arrive pas à terminer continue encore un peu avec un treizième épisode. En marchant au hasard des rues de Yoyogi vers Setagaya, je retrouve Hironaka House conçu par l’architecte Ken Yokogawa. Je l’ai déjà pris en photo plusieurs fois, mais je n’hésite pas à faire un petit détour pour passer une nouvelle fois devant. Les deux photographies suivantes doivent avoir été prises quelque part en direction de Hatsudai, mais je ne me souviens plus exactement du lieu. La troisième photo d’une coccinelle mécanique a très certainement été influencée par la musique de Petrolz que je devais écouter en marchant à ce moment là, peut-être s’agissait t’il de l’excellent morceau Holloway (ホロウェイ) du EP Idol de 2010, que j’écoute en complément de l’album Renaissance dont je parlais dans mon billet précédent. Les quatrième et cinquième photographies nous amènent dans le quartier de Kanda Sudachō. Je n’avais pas fait de déplacement volontaire pour voir un bâtiment spécifique depuis longtemps. Mes idées de déplacement sont assez souvent liées à ce que je peux voir d’intéressant niveau architecture sur mon flux d’images sur Instagram. Je les garde en bookmark et y revient plus tard lorsque je cherche un endroit vers où aller marcher. Ce nouveau bâtiment à Kanda Sudachō se nomme 12 KANDA et a été conçu par sinato et l’atelier NANJO en 2023. Il contient des espaces commerciaux et de bureaux partagés. L’aspect extérieur et sa complexité visuelle me rappellent beaucoup Sauna Reset Pint, de l’architecte Akihisa Hirata, situé à Asakusa, mais les escaliers arrondis de métal me ramènent vers le petit hôtel Siro conçu par Mount Fuji Architects Studio dans un quartier d’Ikebukuro. On ressent assez clairement ces influences sur ce nouveau building encastré parmi d’autres de tailles similaires. Je ne suis pas certain de l’utilisation effective des escaliers extérieurs car on préférera toujours les ascenseurs, surtout par temps de pluie, mais l’impact visuel est marquant. Les deux photographies suivantes, les deux dernières du billet, ont été prises le long de la rue semi-piétonne Cat Street. La Porsche 968 Roadster installée dans un des bâtiments de béton de la petite galerie The Mass est une version re-dessinée par Arthur Kar, fondateur du label de mode parisien L’Art de l’Automobile. Cette voiture avait apparemment déjà été exposée à Paris dans Le Marais il y a quelques années. Cette exposition me rappelle que j’avais déjà vu une Porsche verte vintage il y a deux ans au même endroit, et une autre Porsche de couleur bronze devant une maison individuelle d’un quartier d’Aoyama. Cette dernière était érodée, avec une carrosserie rouillée à certains endroits. Je me souviens m’être demandé si cette dégradation était volontaire, ce qui ne peut être que le cas car le reste de la voiture de sport restait en bon état, à part la carrosserie. En y repensant maintenant, il s’agissait peut-être d’une création de l’artiste Daniel Arsham, qui a conçu des Porsche ayant subi l’épreuve de l’érosion. Je ne suis cependant pas en mesure de trouver une confirmation de ce que j’avance. En continuant toujours un peu sur Cat Street, je me dirige ensuite vers la galerie Design Festa pour voir si les illustrations des murs ont changé, ce qui était le cas. J’avais auparavant toujours un peu de mal à trouver son emplacement et, encore maintenant, je pense que j’y accède en faisant un détour. Ça ne me déplaît pas non plus, car ça me donne l’impression que la galerie est cachée dans une sorte de labyrinthe. On n’est pas très loin de la réalité. Bien que j’aime voir la galerie de l’extérieur, j’y rentre rarement car on y trouve plutôt des œuvres de jeunesse qui ne me passionnent en général pas beaucoup.

De haut en bas: Extraits des vidéos de Tokyo High Heels (とうきょうハイヒール) par Tsukimi (つきみ), The Sign (彗星) par Mei Watanabe (ワタナベ・メイ) avec une production de Shinichi Osawa et Sunny Girl (晴れ女) par Koyoi Matsuda (松田今宵).

Continuons en musique avec quelques morceaux de groupes et artistes que je ne connaissais pas jusqu’à leur découverte au hasard des recommandations de YouTube ou Instagram. Il y a d’abord le morceau intitulé Tokyo High Heels (とうきょうハイヒール) d’un groupe rock nommé Tsukimi (つきみ), originaire d’Iwaki dans la préfecture de Fukushima. Tsukimi est un trio de filles composé de Nini-chan (ににちゃん) à la guitare et au chant, Shuka (しゅか) à la batterie et aux chœurs et Ri-tan (りーたん) à la basse et aux chœurs. Tokyo High Heels est leur dixième single présent sur leur troisième EP Even Strong Angels Roar Loudly (強い天使も超吠える) sorti le 16 Octobre 2024. Je suis toujours attiré par les morceaux rock évoquant Tokyo, non sans une certaine mélancolie. On trouve ici le sentiment de solitude des grandes villes et j’aime beaucoup la manière posée avec laquelle la chanteuse Nini-chan aborde ce morceau, contrastant avec le reste du EP beaucoup plus virulent. Une autre belle surprise est le single Sunny Girl (晴れ女) de la compositrice et interprète Koyoi Matsuda (松田今宵), sorti le 28 Août 2024. On trouve dans ce morceau aux ambiances folk à la guitare acoustique une proximité, comme si on était assis dans son petit salon près de la baie vitrée à apprécier la lumière qu’elle attire de son chant. Ce morceau aux apparences simples est tout à fait marquant. Je n’étais pas correct en mentionnant que je n’évoquerais dans ce billet que des morceaux de groupes que je ne connaissais pas, car je reviens vers le groupe rock Chilli Beans avec le superbe single yesterday, sorti le 9 Octobre 2024. On ressent une grande sensibilité et fragilité dans le chant pour un morceau qui a pourtant une dynamique pop. J’écoute aussi beaucoup le morceau All Night Radio (アールナイトレディオ) de la compositrice et interprète N・FENI (ん・フェニ) qui se faisait appeler auparavant Yoneko (ヨネコ) et qui a fait partie du groupe d’idoles alternatives Migma Shelter (ミグマシェルター). On ressent une certaine influence de la musique d’idoles dans le chant et l’immédiateté de la mélodie, qui nous accroche donc tout de suite, mais l’approche reste résolument rock. Je termine cette petite sélection avec la voix fantastique de Mei Watanabe (ワタナベ・メイ) sur un morceau intitulé The Sign (彗星), produit par Shinichi Osawa. Je suis toujours attentif aux nouvelles productions de Shinichi Osawa, notamment sur ses albums sous le nom MONDO GROSSO, surtout lorsqu’il s’agit de collaborations avec d’autres artistes. Mei Watanabe à un petit quelque chose d’Utada Hikaru dans la voix, mais je trouve que son amplitude de chant est plus vaste. Cela donne un morceau superbe, d’autant plus quand il est mis en musique par Shinichi Osawa.

誰にも分からないここはcrazy

Le Tokyo Architecture Festival (東京建築祭) avait lieu les Samedi 25 et Dimanche 26 Mai 2024. Avec un tel nom, on pouvait s’attendre à beaucoup de choses, mais au final, ce festival ne se limitait qu’à trois zones dans Tokyo (Ginza Tsukiji, Nihonbashi Kyōbashi et Ōtemachi Marunouchi Yūrakuchō) où l’on pouvait accéder à certaines zones de bâtiments qui ne sont normalement pas autorisées au public ou profiter d’une visite guidée. J’ai opté pour la zone Ginza Tsukiji en passant d’abord voir le temple Tsukiji Honganji (築地本願寺). J’y suis déjà allé plusieurs fois mais j’étais assez curieux de visiter l’intérieur des salles ou endroits habituellement fermés au public. J’ai malheureusement été assez peu intéressé par ses salles « secrètes » car elles n’avaient rien d’aussi grandiose que le hall principal ouvert au public. J’ai ensuite continué par la visite de l’ancienne église catholique de Tsukiji (カトリック築地教会), mais la file d’attente devant l’édifice n’était pas vraiment justifiée car l’intérieur très sobre ressemblait tout simplement à une église typique. J’ai préféré quitter l’itinéraire pour partir de mon côté à la recherche de l’ancien bureau et maison de l’architecte Yōji Watanabe. Cet architecte a construit l’iconique New Sky Building (Sky Building 3) à Shinjuku que je montrais pour la première fois sur ce blog en 2007. La construction du petit immeuble de bureaux de Yōji Watanabe à Hirakawachō date de 1962 et est donc antérieure à celle du New Sky Building. Cette structure brutaliste, que je montre sur la cinquième photographie, se compose de six étages et d’un sous-sol, le tout construit sur une petite surface de 36m2.

J’ai tellement de nouvelles découvertes musicales à mentionner que je regroupe dans un billet toutes celles qui ont une tendance pop. On commence d’abord par le nouveau single d’ELAIZA (池田エライザ) intitulé Tamashii (たましい), sorti le 10 Juillet 2024. Le morceau est écrit et composé par Taiiku Okazaki (岡崎体育). Il apporte au morceau une trame électronique très rythmée avec un beat très présent, qui accroche tout de suite et vient habillement contraster avec la manière assez mécanique de chanter d’ELAIZA. Je connaissais Elaiza Ikeda comme actrice pour l’avoir découvert dans le drama Followers de Mika Ninagawa (蜷川 実花) sur NetFlix, mais je ne m’étais jamais penché sur sa carrière musicale, malgré une reprise du morceau Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。) de Sheena Ringo qu’elle avait interprété lors d’une émission télévisée le 25 Novembre 2020 (comme un cadeau d’anniversaire). J’aime beaucoup son nouveau single car il semble très improbable et la sort à mon avis de sa zone de confort. J’adhère en tout cas tout à fait à cette nouvelle direction de laquelle se dégage une force certaine. La vidéo montre une prise d’otage qu’Elaiza parvient à déjouer par sa seule force psychique, ce qui la fait saigner du nez comme Onze (Millie Bobby Brown) dans Stranger Things. Je reviens ensuite vers la musique qui fusionne les genres du groupe Kroi sur l’excellent single Green Flash, extrait de leur dernier album Unspoiled sorti le 19 Juin 2024. Tout comme le single Hyper dont je parlais dans un billet précédent, je suis vraiment impressionné par la facilité par laquelle Leo Uchida et son groupe jouent avec les genres. Je ne suis pas encore sûr d’aimer toute leur discographie mais il y a des pépites comme ce morceau qui ne laissent pas indifférents. Kroi a depuis quelques temps acquis une notoriété qui les fait passer à la télévision sur Music Station ou apparaître dans une publicité télévisée. Dimanche dernier, Leo Uchida était invité de l’émission hebdomadaire de Seiji Kameda sur la radio J-Wave et on sentait toute l’effervescence qui se dégageait entre les deux musiciens. Il est clair que Kroi a une force créative indéniable, et ne semble pas avoir de limites dans les associations instrumentales. Ça donne au final des morceaux sublimes de rythme et de créativité comme Green Flash. Je suis là en train de me convaincre de continuer l’écoute de l’album Unspoiled. La découverte suivante est le single intitulé sister du groupe ChoQMay (チョーキューメイ). Je me demande pourquoi il y a autant de morceaux aussi bons en ce moment par des jeunes groupes dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à maintenant, comme ChoQMay. Le groupe a été fondé en 2020 par Urara (麗) qui assure le chant, la guitare et le violon, accompagnée de trois autres membres: Renpi (れんぴ) aux claviers et piano, Gon Fujii (藤井ごん) à la basse, Kōichirō Kuga (空閑興一郎) à la batterie. Le nom étrange du groupe est tiré d’une histoire de Rakugo employant les mots Chōkyūmei no Chōsuke (長久命の長助) faisant référence aux idées de longévité à travers les mots Chōkyū (長久) et Chōmei (長命). Le groupe souhaite se donner ainsi une longue carrière musicale, et c’est tout ce qu’on peut leur souhaiter. La trame de clavier qui démarre le morceau nous accroche tout de suite et la manière de chanter légèrement non-conventionnelle d’Urara me ravit tout de suite, surtout qu’elle a une plage de chant assez étendue. L’approche pop un peu sursautante me plait vraiment beaucoup et est furieusement contagieuse. J’entends souvent parler du groupe Chilli Beans. ces derniers temps, alors j’ai fait le curieux en écoutant le single Mum sorti le 26 Juin 2024, et je ne regrette pas du tout car l’ambiance rock indé lorgnant vers des sons américains est très loin de me laisser indifférent. Chilli Beans. est un jeune trio féminin composé de Moto au chant, Maika à la guitare basse et aux chœurs, et Lily à la guitare et aux chœurs. Elles ont entre 24 et 26 ans. Là encore, il s’agit d’un jeune groupe qui ne révolutionne pas les codes du genre mais arrive tout simplement à écrire, composer et interpréter un morceau d’un pur bonheur rock. J’ai l’impression d’une grande facilité dans la composition car le morceau est d’une fluidité impeccable. Je trouve même un petit quelque chose d’estival dans ce morceau et un enthousiasme qui me met de bonne humeur.

Parmi les belles découvertes musicales récentes, je compte également le dernier EP d’usabeni (宇佐蔵べに). Je ne connaissais pas cette artiste, anciennement idole dans diverses formations dont les noms me sont également inconnus (avandoned, Engawa, Apokalippps, Childish Tones, Fun Fin Friends). Elle a ensuite démarré une carrière solo et le EP Air sorti le 27 Mai 2024, que je découvre récemment, est son premier après deux albums. La musique électronique riche d’une multitude de sons divers est assez éloignée de la musique typique d’une idole, et montre par moment quelques moments plutôt expérimentaux. Le dernier morceau intitulé Trip (Remix) du EP de quatre titres est en fait le plus expérimental et donne à l’ensemble une certaine consistance. Sa manière de chanter, souvent proche du rap, est assez unique, notamment dans son utilisation hachée de l’anglais mélangé au japonais. La fin de ce morceau Trip est particulièrement hypnotisante dans les répétitions de même phrases (this is a very nice Beni’s journey, this is a very nice Beni’s trip) à des vitesses variantes. Au final, le EP Air est un petit objet musical de 10 minutes un peu fou et bancal, mais très inspiré qui donne l’impression d’une grande liberté créative comme si usabeni avait voulu casser la cage formatée dans laquelle peut se trouver une idole. Je retrouve ensuite avec grand plaisir la compositrice et interprète Noa (乃紫) avec le single Hatsukoi Killer (初恋キラー), qui est très différent du rock du morceau Exit 8 (A8番出口) que j’avais évoqué dans un billet précédent. J’aime beaucoup la légère arrogance qui se dégage de ce morceau très axé pop et le chant de Noa qui roule très légèrement les ‘r‘ par moment. il y a quelque chose de très ludique, d’une légèreté agressive, dans ce morceau et ses paroles, qui est vraiment très plaisant. Le morceau Deadline Syndrome (デッドライン症候群) est très léger et drôle, car sa compositrice et interprète Irom (あいろむ) exprime dans les paroles toutes ses difficultés à se concentrer et organiser son temps pour tenir une deadline. Je ne sais pas grand chose de cette artiste mais ce morceau a une bonne humeur et un humour particulièrement contagieux. Et pour terminer cette série de découvertes musicales, j’écoute pour la première fois un morceau de Mega Shinnosuke (メガシンノスケ) intitulé Ai to U (愛とU). Je connaissais déjà ce compositeur pour avoir croisé sa voix rappée sur l’excellent morceau Hyper Angry Cat (超怒猫仔) d’4s4ki. Le single Ai to U est en comparaison beaucoup plus cool et chantant. Ce morceau, comme la grande majorité de la petite playlist de ce billet a une nette tendance upbeat, qui change un peu de la mélancolie rock qui ponctue régulièrement les billets de Made in Tokyo. Comme quoi j’aime varier les plaisirs tant que la musique est bonne, et je trouve la musique de la jeune génération japonaise particulièrement remarquable, avec cette petite pointe de folie indispensable.