アサクラ

La demeure Kyu-Asakura est un havre de paix à Daikanyama. Pas que Daikanyama soit particulièrement bruyant, par rapport au centre de Shibuya qui se trouve à une seule station de train de là, mais cette maison et son jardin nous coupent complètement de l’ambiance de la ville. J’y vais tôt le matin après avoir déposé Zoa à son cours de danse. Il n’y a pas grand monde à part quelques touristes étrangers principalement. La demeure est peut être indiquée dans les guides de voyage. Elle n’est de toute façon pas très difficile à trouver, car on aperçoit sa toiture de tuiles depuis un parking du complexe Hillside Terrace. Elle est située sur le plateau de Daikanyama mais à la limite de la pente descendant vers la rivière de Meguro, au niveau de Naka-Meguro. Une route très étroite et en zigzag, bien connue des taxis entoure le terrain de la demeure. Je connais bien cette rue étroite et courbe pour l’emprunter plusieurs fois par semaines en voiture pour descendre jusqu’à Naka-Meguro. Une grande partie du jardin se trouve en pente. Il faut sauter de pierres plates en pierres plates pour en faire le tour. Ce domaine qui incluait le terrain de la demeure ainsi que l’ambassade danoise et Hillside Terrace juste à côté étaient au 19ème siècle la propriété de la riche famille de négociants en riz Asakura. La maison fut construite en 1919 par le fils, politicien local, Torajiro Asakura. Cette maison familiale de l’époque Taisho est classifiée comme une importante propriété culturelle nationale. L’ensemble de la maison est de style japonais, à part une petite pièce de style occidental à l’entrée de la maison. Cette anomalie de style est assez fréquente dans ce style de riches demeures. Cette petite salle de style occidental servait autrefois de lieu de réception pour gérer les affaires courantes. La maison est désormais administrée par la mairie de Shibuya et la visite ne coûte que 100 Yens. En ce matin d’octobre, la température était très douce et on avait ouvert quelques unes de portes coulissantes. J’aurais aimé m’asseoir sur le tatami dans une des pièces, histoire de m’imprégner des lieux, mais le temps me manquait. Deux jeunes femmes étrangères étaient assises à discuter dans un coin de la maison, sur le tatami donnant sur le jardin en pente. En les apercevant, je les envie un peu.

Ce matin dans les couloirs du métro de la gare de Omotesando, une dame d’un certain âge plutôt forte marche sans dévier son chemin parmi la foule et bouscule volontairement sans s’excuser ou se retourner une autre dame plus âgée. Ce n’était pas un effleurement mais une bousculade manifeste de l’épaule. La dame bousculée reste stupéfaite tandis que l’autre bulldozer continue son chemin et bouscule une autre personne pour finalement disparaître dans les escalators. Personne n’est tombé à terre de par ce passage en force mais ce comportement est des plus rares. Il n’est pas rare de voir des gens se bousculer ou forcer le chemin dans le métro, mais l’attitude ici était des plus inquiétantes. Mari me dira plus tard, quand je lui raconte cette épisode de la matinée, que la police a déjà arrêté des personnes avec un comportement similaire en gare de Shibuya. La même matinée, alors que je monte dans le wagon moyennement plein du métro à cette même gare de Omotesando, deux personnes assises sur la même banquette parlent tellement fort que je les entends par dessus le son du podcast que j’écoutais avec des écouteurs. Par curiosité, je baisse un peu le son du podcast pour me rendre compte que le jeune adulte assis avec son ordinateur portable sur les genoux et la dame un peu plus âgée à côté étaient en train de s’engueuler, pour je ne sais quelle raison. Peut être que l’homme ou la dame avait poussé l’autre du coude. Cette discussion houleuse ne prend pas fin rapidement et je me demande s’ils ne vont pas en venir aux mains, sous les regards un peu gêné des gens autour. Mais le ton finit par redescendre et j’entends le jeune homme s’excuser d’une manière non convaincue et mécontente pour terminer cette dispute. Ils resteront assis silencieux l’un à côté de l’autre pendant le reste du voyage. J’imagine le bouillon dans leurs têtes qui ne demanderait qu’un petit mouvement de travers de l’un(e) ou l’autre pour éclater une nouvelle fois. C’est rare d’être témoin de ce genre de scènes au Japon, car en général, on prend sur soi pour ne pas déranger les gens autour et la collectivité de manière générale. C’est d’autant plus étonnant d’être témoin dans une même journée de deux scènes relativement atypiques. Debout dans le métro, je pense soudainement aux Jeux Olympiques de 2020 à Tokyo. Je me demande comment la population japonaise va gérer l’afflux de personnes venues assister aux Jeux, dans les rues et dans les moyens de transport. J’imagine que ce genre de frictions seront plus fréquentes, quand le stress de la congestion devient trop grand et insupportable. La machine japonaise tient son équilibre de règles strictes, je me demande comment elle va gérer cette « épreuve ».

終わらない迷路

Dans le labyrinthe sans fin des rues tokyoïtes, je pense aux plages du shōnan vers lesquelles nous iront bientôt et tout d’un coup les images commencent à se mélanger dans ma tête. Aux photographies de rues du quartier de Daikanyama, se superposent celles de Enoshima, l’île accrochée par un pont aux plages de la petite ville de Fujisawa dans la préfecture de Kanagawa. Le regard inquisiteur d’un guerrier mythique me réveille de mes songes et mon attention se re-concentre sur la musique qui se joue en ce moment dans mes écouteurs.

Je consulte régulièrement le blog musical Make Believe Melodies et j’y découvre de temps en temps de très belles choses, comme cet EP intitulé Paranoia par une jeune compositrice interprète originaire de Kanagawa appelée Araki Takara 荒木宝. Les morceaux sont atmosphériques à l’ambiance sombre voire même à tendance gothique. Le ton de la voix de Araki contribue à cette ambiance musicale crépusculaire qu’on pourrait même imaginer être associer à un film d’angoisse (ce qui est fort à propos en cette fin de mois d’octobre). Le premier morceau Paranoia me fait un peu penser aux morceaux de trip hop que j’écoutais il y a bien longtemps, avant de venir vivre au Japon. Sur Paranoia, il y a notamment un certain son que j’aurais du mal à décrire mais que j’imagine comme une lumière trouble un peu cosmique. Ce son me rappelle des sonorités similaires entendues sur le morceau Black Coffee chanté par Martina Topley-Bird sur Nearly God, le deuxième album de Tricky. Le quatrième morceau Speechless est un autre très bon morceau de cet EP. A la moitié du morceau, on attend un brouhaha de rires en fond derrière la voix, très belle d’ailleurs, de Araki. Ce brouhaha me fait penser à celui du morceau Pornography de The Cure sur l’album du même nom. Il n’y a pas spécialement une ressemblance forte mais une même ambiance torturée. Pour continuer avec les rapprochements qui me viennent en tête les uns après les autres, la rose et la main que l’on voit sur la pochette du EP m’amène à penser à la rose qui transperce la main de Alice Glass sur le morceau Without Love du premier EP de sa carrière solo post-Crystal Castles. Je ne dirais pas qu’il y a une ressemblance entre ce morceau d’Alice Glass et ceux de Araki Takara, mais cette ambiance m’amène ces images en tête. Les morceaux de cet EP sont tous très beaux et gagnent en intérêt à chaque nouvelle écoute. Le EP Paranoia est disponible sur Bandcamp depuis sa sortie le 18 Octobre 2018 et est même proposé en téléchargement gratuit par le label Tanuki Neiri Records.

une calamité

Nous sommes ici, sur la première photographie, à proximité de la station de Ebisu, derrière les immeubles donnant sur la rue principale, la rue Komazawa passant devant la station. Derrière la barrière d’immeubles, se cache un espace urbain à l’écart: un petit jardin public où se sont regroupés quelques adolescents pour s’entrainer à la danse ou pour jouer à voix haute une scène dans l’espoir d’une célébrité future. A côté du parc, un large parking ressemble à un terrain laissé en jachère. Le vaste espace creusé derrière la barrière blanche d’immeubles, les plantes vertes sauvages qui investissent le terrain du parking, mais surtout cette lumière forte attirent mon regard photographique. Un peu plus loin, au croisement de Yarigasaki près de Daikanyama, j’aperçois une succession d’affiches publicitaires qui attirent le regard. C’est fait exprès. Il s’agit d’une publicité pour la marque de vêtements Franco-japonaise Maison Kitsune, qui s’est, à n’en pas douter, inspirée des campagnes d’affichage de la marque New Yorkaise Supreme. On en voit moins en ce moment, mais Supreme avait pris l’habitude d’aligner les affiches publicitaires identiques sur deux ou trois rangées. On voyait sur ces affiches, des personnalités américaines, de Kate Moss à Neil Young. La caractéristique des affiches Supreme est qu’elles étaient toujours un peu déchirées. J’ai d’ailleurs toujours pensé que c’était fait exprès pour représenter une certaine forme d’art urbain. Allez, Maison Kitsune, déchirez un peu vos affiches! La dernière photographie est prise à la station de Shibuya, toujours remplie elle aussi d’affiches publicitaires. Cette fois-ci, c’est l’actrice Suzu Hirose, assise en tenue de collégienne au milieu du croisement de Shibuya, qui occupe l’espace d’affichage stratégique de la station. J’avais vu cette actrice pour la première fois au cinéma dans le très beau film Notre Petite Sœur de Hirokazu Kore-Eda. Le dernier film de Kore-Eda, Manbiki Kazoku, qui a reçu la palme d’or à Cannes cette année, n’est pas encore sorti au cinéma, mais j’ai très envie de le voir. D’ailleurs un peu avant le début du festival de Cannes, j’avais regardé un autre film de Kore-Eda, Nobody Knows. Je voulais le voir depuis longtemps mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée. Je ne le découvre qu’il y a quelques semaines et c’est un sacré choc. Les jeunes acteurs sont excellents tout comme la mère jouée par YOU. On croit tellement à cette histoire d’abandon que ça nous prend au cœur. C’est tiré d’un fait divers, me semble t’il. J’ai beaucoup pensé à ce film et à cette histoire après l’avoir vu. Le fait d’être parent joue certainement beaucoup sur l’émotion qui se dégage quand on regarde ces images. Derrière l’affiche de Suzu monopolisant tout l’espace du croisement de Shibuya, l’immeuble de Kengo Kuma grandit de plus en plus. Il doit avoir atteint sa taille finale et on s’occupe maintenant des vitrages. Je suis venu exprès devant la station pour voir l’avancement des travaux et surtout pour constater de mes yeux le travail de « deconstruction » d’une des façades, que j’avais pu constater avec beaucoup de surprise sur une maquette à l’exposition de Kengo Kuma à la galerie de la gare de Tokyo, le mois dernier.

Photographies extraites de la video du morceau 災難だわ (Sainan dawa) de Megumi Wata 綿めぐみ disponible sur Youtube.

Je continue mes recherches et découvertes musicales japonaises avec Megumi Wata 綿めぐみ, sur le label indépendant Tokyo Recordings, fondé en 2015 par un certain Nariaki Obukuro 小袋成彬, dont je parlais précédent pour son album Bunriha no Natsu. En fait, de Megumi Wata, je n’ai écouté que ce morceau, sorti en Janvier 2015, intitulé 災難だわ (Sainan dawa) qu’on traduirait par C’est une calamité, qui est génial. Le rythme un peu mécanique de la voix et des mouvements de Megumi Wata sur la vidéo en noir et blanc, et le phrasé rapide qui se construit de répétition de quelques phrases sont vraiment addictifs. Les voix féminines sont souvent trop aiguës pour mon goût mais ça passe bien sur ce morceau (pas sûr pour le reste de ses morceaux par contre). Toujours est il que cette calamité-là est la bienvenue dans mes oreilles. Je l’écoute en boucle avec quelques autres morceaux dont je parlerais certainement plus tard dans un prochain billet.

permanently necessary

J’ai d’abord pensé qu’une personne mal intentionnée avait passé la nuit à gribouiller de graffiti la façade de cette boutique à Daikanyama, mais il n’en est rien. Il s’agit en fait d’une re-décoration intentionnelle de cette façade par un certain Ryuji Kamiyama. Les qualités artistiques de cette nouvelle façade sont discutables mais j’aime beaucoup le personnage de fantôme noir se cachant dans un coin.

Je passe souvent devant cette affiche publicitaire à Yurakucho montrant quelques unes des membres du groupe à rallonge Nogizaka46 en tenue de pseudo-rockeuses avec des oreilles de souris. J’ai fini par les prendre en photo au passage.

Je prends souvent quelques minutes quand je suis à Shibuya pour aller voir ce que l’on montre dans la petite galerie d’art du dernier étage du grand magasin Seibu. Cette fois-ci, il s’agissait d’une série appelée Geidai Meets Shibuya, avec divers jeunes artistes de l’école des Beaux Arts de Tokyo. Mon œil est attiré par une représentation d’un être futuriste à mi-chemin entre les sculptures blanches et organiques de Lee Bul et les créatures gigantesques de la série Evangelion.

Je cours régulièrement pendant au moins une heure les week-ends et j’amène bien entendu avec moi mon iPhone pour quelques photos en chemin quand mon œil est attiré par des couleurs ou des formes. Les couleurs de ce petit café sur Cat Street ont tout de suite accroché mon regard.

J’avais déjà pris en photo plusieurs fois ce grand dessin sur un mur de Daikanyama car j’aime beaucoup cet art de rue. J’aimerais voir plus de créations de ce genre dans les rues de Tokyo, dans les rues où personne ne va. Ce serait comme un trésor à découvrir pour les explorateurs urbains.

Je cours maintenant dans le parc de Saigoyama, toujours à Daikanyama. Sur les hauteurs du parc, la vue sur Naka-Meguro est dégagée et c’est agréable de s’y arrêter quelques minutes pour scruter l’horizon. Je recherche des yeux des toitures particulières qui pourraient indiquer un bâtiment intéressant à prendre en photo plus tard, mais je crois bien avoir déjà parcouru pleinement cette zone de la ville et rien de nouveau ne fait surface.

Je n’ai jamais vu l’interieur de l’école Hiko Mizuno à Jingumae. Il doit certainement être fascinant s’il est dans le style des façades brutalistes de l’ensemble. Je ne me lasserais jamais de le prendre en photo lorsque je passe à proximité. C’est un objet énigmatique, conçu par Mitsuru Kiryu, qui attire l’oeil du photographe, indéniablement.

Il y a quelques semaines, j’ai redémarré tranquillement mon compte Instagram. Je ne l’avais pas effacé mais désactivé pendant 8 mois. Il m’a donc suffi de le réactiver en quelques clics. On dirait que les créateurs d’Instagram ont intégré le fait que leur outil pouvait générer des frustrations au point de faire de longues pauses dans son utilisation. Mais comme je l’avais noté dans un billet précédent, Instagram a quand même l’avantage d’apporter un feedback pratiquement immédiat aux photos que l’on y publie, ce qui joue un rôle non négligeable, quoiqu’on en dise, sur la motivation. Je reprends donc cet outil tranquillement sans trop pousser et en gardant en tête que ce blog reste l’espace ultime où je montre mes photos. Je re-publie donc ici les photos déjà montrées sur Instagram, pour la plupart, mais avec un peu plus de contexte.