the streets #4

Je reprends une série de photographies de rues commencée il y a longtemps. Le troisième épisode a été publié en Mai 2019 et je continue maintenant avec le quatrième épisode, et quelques autres plus tard, après plus de cinq ans. Il faudrait que je dresse une cartographie de toutes les séries démarrées et en cours sur Made un Tokyo car je les ai pour la plupart déjà perdu de vue. Celle intitulée the streets m’est soudainement revenue en tête car j’y dû y faire allusion dans un billet récent. Pour cet épisode, on commence par le nouveau complexe de buildings gigantesques entourant la gare Yamanote de Takanawa Gateway (高輪ゲートウェイ). Ces nouveaux immeubles ont poussé comme une immense muraille. La taille monstrueuse, bien que relativement élégante, de ce nouveau complexe interroge. A t’on vraiment besoin d’autant d’espaces de bureaux et de zones commerciales? Fallait il renforcer la barrière d’immeubles qui vient couper un peu plus les vents provenant de la baie de Tokyo pour ne faire qu’aggraver le phénomène de « heat island » dans le centre ville? Ces nouveaux buildings vont certainement en détruire d’autres dans un autre lieu de Tokyo pour faire perdurer les cycles perpétuels de renouvellement urbain. Les canaux au delà de la grande station de Shinagawa semblent par contre être préservés des manipulations d’urbanisme. Certains bateaux appelés yakatabune nous amènent pour des petites croisières sur la baie. Je me déplace une nouvelle fois à vélo et ma destination était cette fois le centre de galleries d’art Terrada. Mais une fois arrivé sur place, l’envie de rentrer à l’intérieur des anciens hangars reconvertis de Terrada m’a passé. Je préfère continuer à vélo pour rejoindre les bords des canaux longeant Tennozu Isle. On peut rouler le long du canal sans interruption et je continue pour voir jusqu’où il m’amène. Je pense avoir parcouru la promenade du canal de Takahama jusqu’au niveau de la gare de Takanawa Gateway. L’avant dernière photo est prise dans un tout autre lieu, au centre de Shibuya près du disquaire Disk Union. Je ne pensais pas que les sanctuaires portatifs mikoshi passaient en plein centre de Shibuya, dans le quartier de Center-gai.

Le groupe de hip-hop expérimental Dos Monos est pour moi une sacrée découverte, aussi imprévue que passionnante. A la fin de son concert, Haru Nemuri nous avait prévenu qu’elle retournerait sur cette même scène du WWW X de Shibuya pour un nouveau concert en deux parties avec Dos Monos. Le nom m’était déjà familier mais il m’aura fallu cette annonce pour y jeter une oreille de curieux. Je ne pensais pas recevoir aussi directement un uppercut dans les gencives dès l’écoute du premier morceau HAROU de leur dernier album Dos Atomos, sorti le 30 Mai 2024. J’écoute en fait deux albums du groupe, leur premier intitulé Dos City sorti 2019 et Dos Atomos. Le premier album Dos City a une approche plutôt jazz bourrée de samples, tandis que Dos Atomos est beaucoup plus percutant en introduisant plutôt des sonorités rocks pleines de guitares agressives. Dans tous les cas, leur approche musicale basée sur le hip-hop est complètement imprévisible et expérimentale. Le morceau Hi No Tori, un de ceux que je préfère de Dos Atomos, est d’une liberté de forme vraiment épatante, mélangeant les effets de voix, les pistes vocales et les ambiances qui ne sont pas sans une petite pointe d’humour. Il faut être préparé pour ce genre de sons, car on peut être par moments un peu décontenancé et malmené par les changements soudains de rythmes et de trames. Le cinquième morceau de Dos Atomos, intitulé QUE GI, est une association avec le musicien multi-instrumentaliste Yoshihide Otomo (大友良英). Ce musicien a le statut de légende mais je ne connais qu’un seul de ses albums de free jazz intitulé Dreams du Otomo Yoshihide’s New Jazz Ensemble avec Jun Togawa (戸川純) et Phew, qui est également d’une liberté vraiment déconcertante. Tout comme sur Dos City, Dos Atomos doit également être composé de samples, mais je serais bien incapable de les reconnaître. Un passage particulier du morceau BON me fait pourtant beaucoup penser au morceau Atlas de Battles, et je crois reconnaître sur COJO certaines sonorités électroniques de Gantz Graf d’Autechre lorsque la machine vit ses dernières minutes. Dos Atomos s’écoute comme une expérience fusionnant de nombreux styles pour créer quelque chose de novateur. Dos City est peut-être moins percutant mais il n’en demeure pas moins original et des morceaux comme in 20XX et Clean Ya Nerves comptent parmi les excellents morceaux de cet album. Je dirais qu’il faut commencer l’écoute de la musique de Dos Monos avec des morceaux comme Mountain D et in 20XX pour voir si ça passe ou ça casse. Et si ça passe de justesse en frôlant la carrosserie, ces albums deviennent très vite de vraies pépites regorgeants de matières brutes qui se révèlent, au fur et à mesure des écoutes, être des trésors d’inventivités.