美しく戦いましょう

Il faut se battre contre les chaleurs du mois de Septembre comme on le faisait au mois d’Août. Mon envie de marcher s’érode avec les degrés dépassant les normales saisonnières. Je prends donc moins de photos en ce moment et c’est une bonne chose car j’ai un peu de mal à tenir le rythme au niveau de l’écriture. Je manque parfois de courage pour me lancer dans l’écriture de certains billets, quand je sais à l’avance qu’ils vont être longs à écrire. Je suis loin de regretter de les avoir écrit une fois qu’ils sont terminés, mais c’est ce genre de longue écriture consommatrice en temps qui me font poser une fois de plus des questions sur l’utilité et la finalité de ce blog.

Je connaissais la jeune compositrice et interprète Toaka (十明) pour son chant remarquable sur le single Suzume (すずめ) de RADWIMPS pour le film d’animation Suzume (すずめの戸締まり) réalisé par Makoto Shinkai. Ce morceau avait eu beaucoup de succès et l’avait tout de suite fait connaître du grand public. Je n’avais pourtant pas suivi son actualité jusqu’à ce que son nom me revienne en tête récemment car la photographe Mana Hiraki (平木希奈) a réalisé la couverture de son dernier single intitulé Dancing on the Miror, sorti le 30 Juillet 2024. Ce n’est pas la première fois que je découvre une nouvelle ou un nouveau artiste par l’intermédiaire de cette photographe, qui est donc pour moi une très bonne source d’inspiration. Dans la foulée de ce dernier single, je me lance dans l’écoute de son excellent EP Boku Dake no Ai (僕だけの愛) composé de cinq titres. Sur le morceau Cinder ella (灰かぶり), j’adore sa voix, assez exceptionnelle il faut bien le dire, pleine de nuances qu’elle maîtrise à la perfection jusqu’aux soupirs entre certaines paroles. Elle a une voix puissante et expressive qui en impose, comme si elle prenait le dessus sur les mots qu’elle prononce. J’ai commencé l’écoute de cet EP par le dernier morceau intitulé Sanagi (蛹) qui a la composition la plus atypique. Ce genre de morceaux m’attirent particulièrement. J’aime aussi beaucoup la manière dont l’atmosphère musicale varie au fur et à mesure des morceaux. Le morceau titre Boku Dake no Ai (僕だけの愛) évolue par exemple sur un rythme folk à la guitare sèche pendant sa majeure partie, mais décolle tout d’un coup sur des hauteurs inattendues. La voix de Toaka lui permet tout à fait ce genre d’envolées et c’est un plaisir de se laisser guider par son chant. Ses morceaux ont pour la plupart une densité et une tension pop qui nous accrochent immédiatement et cette composition musicale clairement axée pop possède une inventivité certaine. Sur son dernier single New Area on dirait qu’elle chante comme elle mènerait une bataille, tant elle transmet de la force à chaque mot qu’elle prononce. Et cette bataille vocale est menée avec beaucoup d’élégance.

美しく戦いましょう。Let’s fight gracefully.

完璧にバグってる生き物で

Je n’étais pas revenu vers cette forme de composition photographique que j’appelle moi-même Shoegazing Photography depuis très longtemps. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque d’apporter des perturbations à des photographies plutôt classiques, prises ici à Daikanyama et Ebisu. Tout comme le shoegaze en musique rock, des nappes viennent se superposer au dessus d’espaces clairs et lisibles pour y introduire un univers vaporeux proche du rêve. Avec l’été qui est déjà bien présent en ce tout début du mois de Juillet, me viennent des envies de mirages, comme si la moiteur ambiante rendait flou le contour des choses. La ville devient un immense désert de solitude, bien que la présence humaine soit omniprésente dans le décor urbain tout autour de moi. Elle n’est qu’images qui passent puis disparaissent à jamais. Ces images défilent et m’effleurent délicatement, s’échappant du bruit insaisissable qui les envelope, mais ne viennent pas altérer mon espace vital. Je m’extrais de ce bruit pour en écouter un autre dans mes écouteurs. Mais ce bruit là, celui des guitares, est accompagné d’une voix qui m’élève loin au dessus de ce monde urbain.

Je découvre parfois des pépites dont je ne soupçonnais pas l’existence, c’est la cas de l’album Time Machine ga Kowareru mae ni (タイムマシンが壊れる前に) d’abord sorti en 2015 puis ré-enregistré en 2021. C’est cette dernière version que j’écoute en ce moment avec passion. Il s’agit d’un album du groupe Tokenainamae (溶けない名前) formé en 2012 à Nagoya et composé d’Uran Uratani (うらたにうらん) au chant et aux claviers, Ryūta Itō (イトウリュウタ) à la guitare et au chant, Takuya Shimamoto (シマモトタクヤ) à la basse, Naoki Sogabe (ソガベナオキ) également à la basse et Kiyoshi Niwa (ニワキヨシ) à la batterie. Tokenainamae compose une musique shoegaze et noise-pop qui se caractérise par une certaine nostalgie et innocence adolescente, à chaque fois représentée en photo sur les couvertures des albums et EPs. Le groupe n’a en fait sorti que deux albums: Time Machine ga Kowareru mae ni en 2015/21, et Seifuku Kanro Kurabu (制服甘露倶楽部) en 2017, ainsi que trois EPs dont deux à leurs débuts (おやすみA感覚 et おしえてV感覚) puis un en 2022 intitulé Kasuka ni sō matou (幽かにそう纏う). L’album Time Machine ga Kowareru mae ni (タイムマシンが壊れる前に) est tout à fait remarquable et je le classifie facilement dans ma liste des meilleurs albums shoegaze japonais. On y trouve bien sûr les plages de bruits de guitares caractéristiques du genre depuis lesquelles s’élève la voix légèrement vaporeuse d’Uran Uratani. La particularité qui fait toute la différence est l’utilisation des claviers qui apportent une pointe de pop à l’ensemble et une dynamique assez inattendue pour du shoegaze. Les morceaux sont étonnement rapides, le chant d’Uran quasi-omniprésent assez souvent accompagné par une deuxième voix masculine, celle du guitariste Ryūta Itō. L’album de huit morceaux pour 37 minutes est fabuleux de bout en bout sans faiblesse. J’adore absolument tous les morceaux qui ont tous cette même beauté mélancolique mais j‘attends toujours avec une certaine impatience le quatrième morceau √2四 pour l’introduction aux claviers pleine de réverbération. Je trouve que cet album parvient à une sorte de perfection dans sa balance entre la légèreté flottante et délicate du chant et la densité pesante des guitares. Et puis le morceau final de sept minutes Dream Memorandum (睡眠抄) touche au sublime. J’écoute également le EP Kasuka ni sō matou (幽かにそう纏う) et l’album Seifuku Kanro Kurabu (制服甘露倶楽部) qui sont également très beaux mais qui n’arrivent pas au même niveau que Time Machine ga Kowareru mae ni, même si on y trouve de très beaux morceaux comme Double Platonic Suicide (ダブル・プラトニツク・スウイサイド) ou Mahoroba no Reactance (まほろばのリアクタンス). Leur dernière sortie date de 2022, et je ne sais pas si le groupe est toujours en activité car ils ne sont pas très actifs sur Twitter et le dernier billet sur leur page Tumblr semble également dater de cette période. En regardant le fil Twitter du groupe j’ai d’ailleurs été amusé par une reinterpretation de la couverture et du titre de l’album Time Machine ga Kowareru mae ni en montrant Bocchi de l’anime Bocchi The Rock (ぼっち・ざ・ろっく!) avec un nouveau nom d’album ぼっちちゃんが壊れる前に (avant que Bocchi ne se casse) attribué au Kessoku Band (結束バンド), le groupe de l’anime. Dans l’anime, l’instabilité émotionnelle de Bocchi fait qu’elle se « casse » souvent d’une manière similaire. C’est intéressant de voir comme cet anime est encore très présent. On trouve souvent des posters dans les magasins Disk Union et à certains endroits de Shimokitazawa (où se déroule l’histoire). Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence de cet anime sur la jeune génération. La fille d’un ami a par exemple commencé à jouer de la guitare après avoir vu cet anime. Il y aura peut-être dans les années qui viennent de nombreux jeunes groupes de rock influencés par Bocchi The Rock qui verront le jour.

gravity so gravity

La lumière sur ces quelques photographies est estivale. Les températures actuelles vers les 28 degrés annoncent un été précoce, mais l’air reste encore frais ce qui rend les marches dans Tokyo particulièrement agréables. La première photographie a été prise près de la station de Yoyogi. Je prends en général cet endroit en photo de l’autre côté de la voie ferrée, sous le tunnel car je suis toujours attiré par le puits de lumière qui s’échappe de l’obscurité du tunnel. Je suis cette fois-ci attiré par les longues roses trémières sauvages que l’on voit pousser en ce moment à différents endroits de la ville. Les photographies qui suivent sur ce billet sont mélangées sans aucune unité de lieu. On passe du centre de Shibuya devant le Department Store PARCO, à un festival vietnamien organisé près du parc de Yoyogi, aux allées etroites autour du petit parc Kitaya, tout ceci sous le regard interrogatif d’une jeune femme en kimono rouge. Je me sens immédiatement le besoin de lui décrire le détail des photographies que je viens de prendre, mais elle reste muette et désintéressée, sans aucune réaction aux mots que j’écris. Une approbation même infime m’aurait suffit, un clignement d’oeil furtif ou un léger mouvement de menton, par exemple. Écouter le Anti EP d’Autechre en écrivant ce court texte me fait divaguer vers des terrains pleins d’une abstraction qui me semble proche mais qui m’échappe et que je n’arrive pas à clairement appréhender. La gravité ramène sans cesse mon esprit vers la terre ferme, et c’est certainement préférable car on ne peut pas se perdre à jamais dans ces vagues atmosphériques attirantes qui se chevauchent, s’entrelacent jusqu’à nous faire perdre la trace de toute réalité.

À l’achat de l’album Slash & Burn de DAOKO au Tower Records de Shibuya, un petit billet en papier nous était donné pour pouvoir faire dédicacer son album par l’artiste. Cette session de dédicace se déroulait le Dimanche 2 Juin à partir de 17h. Je n’étais pas sûr d’être en mesure d’y aller aux heures indiquées, mais j’ai pu y assister de justesse. je suis arrivé au Tower Records de Shibuya un peu après 17:30 et il y avait une file d’attente s’étendant dans l’escalier entre les troisième et cinquième étages. Il fallait se munir du CD de l’album Slash & Burn car la dédicace se fait uniquement sur la jaquette de couverture. Il me faudra environ 40 minutes d’attente avant de voir DAOKO derrière une table dans un espace temporairement clos du troisième étage du magasin. J’avais donc tout le temps de réfléchir à ce que j’allais lui dire pendant les quelques courtes minutes accordées par personne. À vrai dire, je pense que c’est la première fois que je participe à ce genre de session avec des musiciens (j’ai par contre déjà fait signer des livres). Une fois devant elle, le temps passe plus vite que prévu. Elle saisit rapidement le CD et me demande mon prénom pour signer. Elle prend par contre son temps à styliser son nom d’artiste. J’en profite donc pour lui dire que j’ai beaucoup aimé son nouvel album, que je l’avais acheté en pré-sortie ce qui a l’air de la surprendre un peu, et que j’avais hâte de la voir en concert. Elle était très souriante et sympathique, réagissant à mes paroles mais le temps a forcément passé très vite. Je n’ai même pas eu la présence d’esprit de lui dire que j’avais été très impressionné par sa présence au côté de Sheena Ringo pour le morceau Ishiki (意識) remixé par Shinichi Osawa (大沢伸一) lors du concert Shogyō Mujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) de 2023. Je n’ai pas eu le temps non plus de la féliciter pour son duo très réussi avec Sheena Ringo sur son dernier album Hōjōya (放生会). Bref, elle me remercie alors que je reprends en mains mon CD de Slash & Burn joliment signé. Le suivant attend déjà à la porte, guidé par le personnel du magasin. On ne pouvait à priori pas prendre de photos mais je n’ai pas demandé.

DAOKO disait elle-même qu’elle est OTK de base (普通のOTK) dans l’émission spéciale Snack Kimagure Remote Eigyōchū (スナックきまぐれ~リモート営業中~) sur YouTube, visible seulement le 29 Mai 2024, jour de la sortie de l’album Hōjōya. DAOKO était invitée à cette émission organisée par Sheena Ringo avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン). On ne peut pas dire que cette émission était particulièrement intéressante ni mémorable car elles n’ont pratiquement pas évoqué le nouvel album. On sentait, du moins au début, une certaine nervosité chez DAOKO et Ikkyu, mais beaucoup moins chez Momo. Le décor reprenait celui d’un petit bar snack tenu par une Mama. En accord avec cette ambiance, DAOKO était habillée d’une tenue jaune très inhabituelle, qui ne lui allait pas du tout. Ringo avec son costume masculin vert et ses lunettes de soleil réfléchissantes n’était pas non plus sous son meilleur jour. Seule Ikkyu avait une tenue qui lui convenait admirablement. Dans ce décor aux airs désuets, Ikkyu jouait le rôle de la patronne des lieux mais ne se prêtait pas du tout au jeu.

J’ai souvent chercher sans les trouver les albums de DAOKO au Disk Union de Shibuya. Je me suis rappelé qu’il y avait en fait un autre magasin Disk Union spécialisé en hip-hop à quelques dizaines de mètres. Je me suis en fait rappelé que les disques de DAOKO sont classifiés dans la catégorie hip-hop car il s’agit de son genre musical principal, bien qu’elle évolue dans des styles très variés. J’y trouve avec une joie certaine son deuxième album intitulé Gravity, sorti en Décembre 2013 pendant sa période indépendante. On ressent tout de suite ce son indé avec une production qui n’est pas aussi évoluée que sur ses albums plus récents. J’aime cette imperfection car elle nous amène vers des sons plus bruts et parfois bizarres, mais assez souvent très inspirés. Certains morceaux tiennent à mon avis moins bien la route, mais le morceau titre Gravity est vraiment superbe, que ça soit pour ses sons électroniques de néons vaporeux ou pour le rap de Jinmenusagi. Il y a une sorte de beauté mélancolique contemplative assez difficile à décrire mais qui est très belle et qui me touche beaucoup sur ce morceau. Je suis agréablement surpris de retrouver aussi vite ce rappeur après l’avoir entendu sur l’album Saisei de DJ KRUSH. J’adore le rap de DAOKO sur le morceau qui suit Heigai (弊害) et l’ambiance du morceau Negative Monster (ネガティブモンスター). Ce morceau compte aussi parmi les meilleurs de l’album, assez caractéristique du rap de DAOKO à la fois rapide et quasiment chuchoté. Ce déséquilibre fait tout la particularité de son flot, surtout quand il est accompagné de sons décalés. Dès les premières notes du motif électronique se répétant sur le premier morceau de l’album, ISLAND, on se laisse emporter dans un monde instable. On y perd volontairement l’équilibre et on se laisse emporter par la gravité. Comme sur ses autres albums, DAOKO fait appel a plusieurs producteurs. Je reconnais le nom DJ 6月qui intervient également sur son nouvel album. Il produit le deuxième morceau BOY à l’approche plus pop et le onzième morceau TWINS où DAOKO utilise sa voix plus kawaii. Je me surprends moi-même à apprécier le rythme répétitif du refrain qui a quelque chose d’innocent. Il fonctionne particulièrement bien car DAOKO défile son flot rap sans discontinuer et faiblir, se reliant parfaitement avec les enchaînements du refrain. Les productions de COASARU sont assez chaotiques sur les morceaux Zureteru (ずれてる) et Megitsune (メギツネ). Ce dernier fait intervenir les rappeurs Page et Gomess mais le style brut de certains voix laissent interrogatifs car le morceau ressemble à une météorite attrapée par la gravité terrestre qui n’aurait très certainement pas dû arriver sur terre. Le morceau Romantic Delinquency (浪漫非行) également produit par DJ 6月 fait aussi figure d’ovni qu’on n’entendrait certainement pas sur l’album d’une major, mais c’est ce genre de compositions qui me font énormément apprécier les albums de jeunesse d’une période indépendante.

feeling toooo lazy

C’est peut être l’effet Golden Week, mais je me sens paresseux pour écrire de nouveaux billets sur ce blog, même si les photographies à montrer ne manquent pas, car nous sommes allés à différents endroits ces dernières semaines. J’ai en fait tellement de billets en brouillon en attente d’écriture que je ne sais pas par lequel commencer. Ces billets ont déjà des photos allouées et un titre provisoire mais il me reste les textes à écrire pour une douzaine d’entre eux, dont celui-ci. Nous sommes actuellement entrés dans une des deux meilleures périodes de l’année au Japon et l’envie de prendre des photos est très forte. Celles de ce billet sont relativement classiques, prises à Daikanyama, Ebisu et Shibuya. Sur l’avant-dernière photographie, je montre une nouvelle fois mais en contre-plongée l’unité d’appartements haut de gamme conçue par Toyo Ito à Shibuya Tokiwamatsu. J’ai également déjà montré le bâtiment rond couvert de bois de la première photographie. On y trouve actuellement un café et une galerie appelés Monkey Café & Gallery D.K.Y. Ce bâtiment a été conçu par Hiroshi Nakamura (中村拓志) & NAP et se nomme Sarugaku Cyclone. Les plaquettes de bois du haut du bâtiment subissent malheureusement l’usure du temps et ont perdu de leur fraîcheur d’origine. On peut voir un phénomène similaire sur certains bâtiments de Kengo Kuma, qui ne vieillissent pas très bien par rapport, par exemple, au béton de Tadao Ando.

Les petits tunnels de Biku et de Koshin sous la voie ferrée entre les gares d’Ebisu et de Shibuya sont souvent taggés en long et en large, puis nettoyés et re-taggés dans une boucle infinie qui n’est pas sans intérêt pour le photographe que je suis. Depuis quelques semaines, une grande fresque de l’artiste californien Barry McGee vient occuper un des murs du tunnel sur une surface de 16m de large sur 3.5m de long. L’art de Barry McGee combine des graphismes géométriques très riches en couleurs avec des dessins de portraits. Cette fresque vient s’inscrire dans un projet appelé Shibuya Arrow qui a été lancé en 2017 dans le but de diffuser des informations sur les sites d’évacuation temporaires et les itinéraires d’évacuation en cas de catastrophe tel qu’un tremblement de terre. En regardant bien les dessins de Barry McGee, j’ai quand même beaucoup de mal à y déceler des informations d’évacuation en cas de tremblement de terre. Toujours est-il que ces dessins viennent embellir un tunnel qui ne l’était pas et je suis curieux de voir apparaître soudainement d’autres œuvres de ce projet. Voici donc un nouveau sujet à suivre de près. Tout comme les toilettes publiques d’architectes dans Shibuya, j’imagine que la découverte de nouvelles fresques dans Shibuya créera de nouvelles vocations de guides pour les touristes venus de loin. Et comme je le mentionnais au début du billet, nous terminons la deuxième partie de la Golden Week, période pendant laquelle on voit apparaître aux quatre coins du pays des carpes colorées accrochées en haut de mâts et se laissant porter par les vents.

Lors du concert final de For Tracy Hyde, le 25 Mars 2023 dans la salle WWWX de Shibuya, Azusa Suga (管梓) nous avait fait part qu’il continuerait à composer pour son autre groupe April Blue (エイプリルブルー) mais également plus occasionnellement pour des groupes d’idoles alternatives. Je pensais à RAY pour lesquelles il a déjà composé un certain nombre de titres rock. J’ai appris à travers son fil Twitter qu’il compose également pour un autre groupe appelé airattic (エアラティック) que je ne connaissais pas. Le morceau Film Reel of Our Youth (フィルムリールを回して) est sorti il y a plus d’un d’un an, en Septembre 2022, mais je ne le découvre que maintenant. Dès les premiers accords de guitares, on reconnaît tout de suite les compositions d’Azusa Suga pour ses ambiances de rock indé au style Dream pop légèrement mélancolique. Le titre même du morceau m’évoque tout de suite For Tracy Hyde, ce qui me fait penser que ce morceau aurait très bien pu être chanté par Eureka si le groupe n’avait pas pris fin le 25 Mars 2023, d’autant plus qu’il s’agit de Mav, également un ancien de For Tracy Hyde, qui y joue de la basse. Le morceau est donc chanté à plusieurs voix, celles des cinq idoles alternatives d’airattic, à savoir Hinari Koizumi (小泉日菜莉), Nene Kagura (神楽寧々), Madoka Momose (百瀬円香), Honoka Sakuragi (桜木穂乃花) et Ami Mukai (向日葵海). La production du groupe, dirigée par un certain Shota Homma (本間翔太), nous indique que le nom de la formation provient des mots air (空気) et attic (屋根裏), mais je ne peux m’empêcher d’entendre phonétiquement le mot Erratique, qui ne caractérise pourtant pas la musique du groupe. Tout comme pour RAY, plusieurs compositeurs indépendants rock ou électro composent pour airattic. J’aime beaucoup le morceau Film Reel of Our Youth mais je lui préfère celui intitulé Lightning (閃光) sorti en Décembre 2022. Ce deuxième single a une approche complètement différente, beaucoup plus rapide et dynamique. On dirait un single de Nogizaka 46 qui serait passé en accéléré. Ce qui fonctionne très bien sur ce morceau, c’est le rythme vocal soutenue des filles du groupe tenant très bien la route et n’ayant pour le coup absolument rien d’erratique. La vitesse excessive du morceau a même quelque chose de ludique, tout comme leur chorégraphie, dans la pénombre d’un vieil hangar. Parmi les autres découvertes musicales récentes, je ne suis pas mécontent de revenir vers le beat électronique de type house music de tofubeats avec le morceau I CAN FEEL IT sur son nouvel EP NOBODY sorti le 26 Avril 2024. La vidéo du morceau est concentrée sur l’actrice et cascadeuse (notamment dans l’épisode de John Wick sorti en 2023), Saori Izawa (伊澤彩織) devant des claviers ou au volant d’un 4WD sur l’autoroute express de Tokyo intra-muros. Ce n’est pourtant pas elle qui chante sur ce morceau, car tofubeats utilise ici un software vocal appelé Synthetiser V doté d’intelligence artificielle. La voix auto-tunée qui en ressort a quelque de neutre et d’inorganique mais elle n’en reste pas moins expressive, ce qui est au final assez étonnant. Pour être très honnête, j’aurais préféré qu’il utilise une véritable voix, car ce ne sont pas les belles voix qui manquent dans le paysage musical japonais. Cette voix artificielle combinée aux beats plein de cascades de tofubeats rendent tout de même ce morceau extrêmement intéressant et accrocheur. Depuis qu’elle a signé sur une major, je trouve que les vidéos d’a子 gagnent en qualité. Son dernier single intitulé Lazy est sorti le 17 Avril 2024, date facile à retenir car c’était le même jour que la sortie du dernier single de Sheena Ringo. L’amateur que je suis des compositions et de la voix d’a子 n’est pas déçu par ce nouveau single qui continue vers des terrains musicaux qu’on lui connaît. J’ai un avis un peu partagé sur les derniers singles d’a子 car j’aimerais qu’elle explore des horizons un peu différents, mais j’ai en même temps le sentiment qu’elle a trouvé une ambiance qui lui convient et lui correspond, à mi-chemin entre rock indé et pop. Continuer sur cette voie lui permet en même temps de se construire une identité immédiatement reconnaissable. On est en tout cas très loin de s’ennuyer en écoutant ce nouveau single car a子 parvient à chaque fois à attraper notre attention avec un refrain bien vu. Le quatrième morceau de cette playlist me fait particulièrement plaisir à écouter car il s’agit du dernier single intitulé Yogensha (預言者) du groupe Tempalay sur leur cinquième album ((ika)) sorti le 1er Mai 2024. Tempalay est le groupe dans lequel AAAMYYY joue du clavier et assure les chœurs, avec Ryōto Ohara (小原綾斗), le chanteur, guitariste et compositeur du groupe, et Natsuki Fujimoto (藤本夏樹), le batteur. Sachant qu’AAAMYYY jouait dans ce groupe, j’ai eu à plusieurs reprises envie de découvrir Tempalay, sans être malheureusement très convaincu par le rock un peu psychédélique qui les caractérise. Je trouve par contre ce dernier single excellent, avec une bonne balance entre les voix d’AAAMYYY et de Ryōto Ohara. En fait j’adore quand AAAMYYY vient mélanger sa voix avec celle d’un autre chanteur car elle a une tonalité un peu différente, très légèrement rugueuse qui complète bien l’autre voix. Le single a une atmosphère très cool et on s’y sent bien. J’ai du coup très envie de découvrir cet album de Tempalay, car j’y retrouve assez clairement l’empreinte d’AAAMYYY.

sakura overload (un fleuve urbain)

Les sakura étaient cette année comme une belle princesse qui se fait attendre à une réception (ou comme une rockeuse en kimono qui tarde à monter sur scène). Les cerisiers en fleurs se sont fait attendre en arrivant beaucoup plus tard que d’habitude, et en bouleversant par la même occasion l’organisation des diverses festivités ponctuelles accompagnant leur arrivée. La floraison est aussi imprévisible qu’éphémère et on nous avait assez répété à la télévision que ce week-end était le moment ou jamais pour apprécier les cerisiers en fleurs cette année. On sait que pluie et vent nous attendent la semaine prochaine, et il faudra être stratégique pour pouvoir profiter pleinement des paysages fleuris avant le point de non-retour. Cette présentation de la situation semble bien dramatique mais il n’en est rien. Cela fait 25 ans que je vois des cerisiers en fleurs tous les ans et l’effet de surprise s’est quelque peu estompé. Malgré cela, nous restons tout de même comme hébétés devant la beauté de ces cerisiers quand ils sont à leur pic de floraison. Je me demande bien quel effet addictif ces arbres parviennent à nous transmettre. On ne se lasse pas de les regarder et on éprouve à chaque fois le besoin renouvelé de partir à leur recherche, que ça soit dans l’environnement urbain proche de nous ou dans les campagnes aux alentours de la ville. Nous essayons en général de profiter des deux. Et les Sakura ne sont jamais aussi beaux que quand ils se réunissent pour former des toits ou des tunnels. L’avenue Meiji entre les carrefours de Tengenjibashi et de Shibuyabashi est trop large pour que les cerisiers de chaque coté se rejoignent pour former un tunnel mais l’endroit n’est en pas moins magnifique en cette période. Les cerisiers sont ensuite plus petits et moins fleuris entre Shibuyabashi, au niveau de la salle de concert Liquidroom que je montre en photo, et la station de Shibuya. L’avenue Meiji est souvent le premier endroit où je vais admirer les cerisiers en fleurs et naviguer cette rivière urbaine en voiture est à chaque fois une belle expérience.

Et pour accompagner la beauté parfois oppressante des cerisiers, je sélectionne quatre morceaux à tendance hip-hop plus ou moins marquée. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais vraiment eu l’idée d’écouter la musique du groupe Kroi. Je pensais, pour je ne sais quelle raison, que leur style musical n’était pas pour moi. Je me rends compte que c’était une erreur en écoutant le single Hyper sur un EP du même nom sorti en Octobre 2023. Kroi est un groupe de Tokyo créant sa musique en fusionnant les genres, entre rock et hip-hop mais aussi Funk, Soul et R&B. L’idée du groupe est de créer une nouvelle musicalité en mélangeant tous ces styles musicaux et c’est en fait la signification de leur nom de groupe. Kroi vient du mot Kuroi (黒い), « noir » en japonais, qui est la couleur résultante lorsque toutes les couleurs sont mélangées. Kroi a été fondé en 2018 par Reo Uchida (内田怜央), au chant et guitare, et Yūki Hasebe (長谷部悠生), à la guitare, accompagnés de Masanori Seki (関将典) à la basse, Hidetomo Masuda (益田英知) à la batterie et Daiki Chiba (千葉大樹) aux claviers. Le morceau Hyper que j’écoute en ce moment correspond tout à fait à cet esprit de fusion musicale. Le tout début du morceau commence par une guitare très lourde et la voix sombre de Reo Uchida me rappellerait presque le grunge hardcore d’Alice in Chains, mais l’ambiance du morceau change très vite avec une voix rappée et un rythme extrêmement dynamique mélangeant même les cuivres. Ce melting-pot musical a une construction certes atypique mais montre une très grande maîtrise. Ce style aux apparences chaotiques n’est pas sans me rappeler l’approche stylistique du Millenium Parade de Daiki Tsuneta. Je ne soupçonnais pas que Kroi créait une musique aussi dense et maîtrisée. On reste ensuite dans les ambiances hip-hop avec le morceau Jibun no Kigen ha Jibun de Toru (自分の機嫌は自分で取る) d’ASOBOISM, sur son album YOLO sorti en Août 2023. ASOBOISM est compositrice, interprète et rappeuse originaire de Totsuka dans préfecture de Kanagawa. Je connaissais son nom depuis quelque temps car elle évolue dans les cercles du hip-hop féminin proche d’Akko Gorilla (あっこゴリラ) et de Valknee dont j’ai déjà parlé sur ce blog. Akko Gorilla participe d’ailleurs au morceau d’ASOBOISM que j’écoute en ce moment avec une autre rappeuse nommée CLR. J’aime beaucoup les nappes musicales enveloppantes et vaporeuses de ce morceau et la manière dont la voix rappée d’ASOBOISM et des deux invités viennent s’y intégrer d’une manière parfaitement fluide. C’est un superbe morceau qui a même un petit quelque chose de relaxant. Le morceau de Valknee, Not For Me, de son premier album Ordinary sorti le 10 Avril 2024, a en comparaison une trame musicale de synthétiseur beaucoup plus agressive. J’ai toujours aimé cette approche sans concession mélangée à la voix rap tout à fait atypique de Valknee, mais j’avais un peu perdu le fil ces dernières années. J’aime beaucoup ce morceau, même si je ne suis pas certain d’écouter tout l’album. De l’album, le morceau Loose est très particulier dans sa manière de forcer les fins de phrases, mais démontre qu’elle maîtrise extrêmement bien son flot. Elle n’intègre pas de coréen dans ses morceaux, ce qui est un peu dommage car j’adore quand elle le mélange avec le japonais, mais elle garde un certain accent de Kanagawa. DAOKO vient de sortir un nouveau single Tenshi ga Itayo (天使がいたよ) qui est assez génial, très rythmé et dense musicalement dans une ambiance de néons que j’adore. Ce morceau sera à priori sur son cinquième album Slash-&-Burn qu’elle vient d’annoncer et qui sortira le 22 Mai 2024, accompagné d’une petite tournée de deux dates à Osaka et Tokyo en Juin à laquelle j’aimerais bien assister, si le fan club (dont je ne fais pas partie) ne raffle pas toutes les places. Vue qu’elle n’a pas sorti de nouvel album depuis quatre ans, avec Anima, j’imagine qu’il n’y aura pas beaucoup de places disponibles. Ça fait en tout cas plaisir d’écouter ce genre de morceaux où DAOKO semble trouver parfaitement sa place, à mi-chemin entre la J-POP mainstream et une approche musicale beaucoup plus indépendante.