Nous avions le sanctuaire Kitaguchi Hongu Fuji Sengen Jinja (北口本宮冨士浅間神社) dans notre liste de lieux à visiter depuis longtemps. Il se trouve au pied du Mont Fuji, dans la ville de Fujiyoshida (富士吉田市), à mi-chemin entre les lacs Kawaguchiko et Yamanakako. Les lecteurs attentifs auront peut-être remarqué que nous allons souvent près du Mont Fuji depuis le début de cette année. Il s’agit en fait de la troisième fois. Sans vouer un culte (le fuji-ko) à cette montagne certes sacrée, on reste à chaque fois impressionné par cet immense volcan qui ne s’est pas réveillé depuis plus de 300 ans (la dernière éruption était celle de Hōei en 1707). Le sanctuaire Kitaguchi Hongu Fuji Sengen Jinja fait partie des ~1300 sanctuaires de type Asama, disposés autour du Mont Fuji pour tenter de calmer ses futures ardeurs en le vénérant. On dit que les origines remontent à l’an 100 pour célébrer la visite du prince Yamato Takeru-no Mikoto, fils du douzième empereur Keikō, lors d’un voyage entre Hakone et la province de Kai (l’actuelle préfecture de Yamanashi). Un autel y fut ensuite construit en 788 pour tenter de stopper les éruptions qui étaient nombreuses à cette époque. Wikipedia indique qu’il y a eu en effet seize éruptions enregistrées depuis 781 dont douze entre 800 et 1083. Espérons que cette barrière spirituelle entourant le Mont Fuji soit efficace. Une éruption pourrait rejeter des débris jusqu’à Tokyo.
La beauté de ce sanctuaire vient en partie de son emplacement à l’entrée d’une immense et dense forêt aux arbres gigantesques souvent très anciens. Tout près du hall principal du sanctuaire, on note au moins quatre grands arbres millénaires, vénérés comme des dieux de la forêt. L’approche est magnifique. L’allée qui mène au sanctuaire est bordée d’arbres dont les racines se regroupent, couvertes de mousse tout comme les lanternes de pierre. On pourrait presque voir les esprits circuler entre les arbres. Les taches de lumière sur plusieurs photographies ci-dessus ne sont d’ailleurs pas volontaires. La journée n’était pas vraiment ensoleillée et la lumière ne m’a pas semblé transparaître à travers les branches des arbres. Malgré cela, des halos de lumière apparaissent sur plusieurs photographies. J’ai d’ailleurs eu du mal à prendre le hall principal en photo d’une manière nette sous certains angles en raison de ces étranges lumières vaporeuses. La composition des miroirs a l’intérieur de l’objectif de mon appareil explique très certainement ces effets de lumière, mais j’aime à penser que certains esprits sont venus nous accueillir.
Derrière le sanctuaire, on trouve un sentier historique qui permet de monter jusqu’à la cinquième station du Mont Fuji et ainsi continuer l’ascension jusqu’au sommet. A l’époque Edo, les adeptes du culte Fujikō (富士講) commençaient leur ascension depuis ce point là, mais cette route n’est plus beaucoup utilisée à notre époque. Voir cette entrée vers le Mont Fuji m’a rappelé ma propre ascension à partir de la classique cinquième station en Juillet 1999. C’était il y a 25 ans mais mes souvenirs sont encore très précis. Je me souviens encore du froid au sommet et du fait qu’on était bien mal équipé, de la foule en haut pour les derniers mètres, de la fatigue qui nous avait pris soudainement après un déjeuner chaud dans un restaurant de soba d’altitude, de la descente en courant sur les roches volcaniques, et de la brulure solaire mémorable alors qu’on avait eu la mauvaise idée de s’endormir sans protection sur le parking de la cinquième station en attendant les autres et le bus pour le retour vers Tokyo. J’y repense maintenant en souriant.