コンクリートもスウイング

Le nouveau building Ginza Sony Park, conçu par Takenaka Corporation, est officiellement toujours en construction et ouvrira ses portes en Janvier 2025. Un programme artistique de pré-ouverture intitulé ART IN THE PARK (Under Construction) s’y déroule pourtant depuis le 19 Novembre 2024 et on peut visiter le building pour voir les œuvres présentées en réservant sa place à l’avance. On y montre les créations de trois artistes: Shun Sudo, Koji Yamaguchi (山口幸士) et Takuro Tamayama (玉山拓郎). J’avais réservé ma place pour le Samedi 23 Novembre car j’étais vraiment très intrigué de voir l’intérieur de cet étrange bloc de béton ressemblant à bunker brutaliste, pourtant grandement ouvert sur le grand carrefour de Sukiyabashi à Ginza. J’étais également assez curieux de voir les graffitis floraux de Shun Sudo mis en situation dans cette architecture. Shun Sudo est familier du Ginza Sony Park, car il avait déjà agrémenté de ses illustrations les longs murs blancs entourant pendant plusieurs mois les travaux du site. Les objets lumineux conçus par l’artiste Takuro Tamayama, originaire de Gifu mais actuellement basé à Tokyo, sont particulièrement bien adaptés à l’architecture de béton du building. Les lumières rouges et vertes des tubes de ses installations viennent éclairer des pans entiers de murs du building avec un subtil dégradé de luminosité. Certains de ses objets lumineux courbes sont installés dans les sous-sols du building et apportent une ambiance tout à fait particulière, assez irréelle. Je commence la découverte du building par ses sous-sols pour ensuite remonter le grand escalier de béton qui nous amène à l’étage. Le building est tellement brut de décoffrage qu’on a du mal à vraiment comprendre s’il est terminé ou si des revêtements de surface viendront agrémenter les parois du building. On trouve toujours des échafaudages sur certaines zones en construction et on se demanderait presque s’ils sont destinés à rester là en permanence comme un élément à part entière de l’architecture. Le quadrillage métallique couvrant une grande partie des façades pouvait d’abord surprendre mais on comprend maintenant qu’il sert de support pour des grandes affiches comme celles qu’on peut voir en ce moment. Aux étages où sont montrées les fleurs boutonnées de Shun Sudo et les fleurs floues pastel de Koji Yamaguchi, les plafonds laissent apparente toute la tuyauterie des appareils d’air conditionné. Là encore, je ne sais pas si cette non-couverture est volontaire et sera permanente car il n’est pas rare de voir apparent ce genre de tubes et équipements électriques dans des bâtiments commerciaux. J’espère en fait que ce building si particulier et unique restera tel qu’on peut le voit actuellement. Le béton est plein d’aspérités et n’est pas parfaitement uniforme ou lisse comme on pourrait le voir sur les constructions de Tadao Ando. C’est un autre genre de brutalisme qu’on peut voir là et on en savoure chaque centimètre. Pour continuer la visite, je montre également quelques autres photos sur mon compte Instagram.

Comme souvent lorsque je rencontre ce genre de bâtiments bruts de béton, je me demande quelle pourrait être la musique qui correspondrait à l’ambiance qu’il dégage. La réponse semble avoir déjà été trouvée car se déroulera au Ginza Sony Plaza à partir du 16 Décembre un événement appelé sakamotocommon en lien avec le compositeur Ryuchi Sakamoto. On sait que Ryuchi Sakamoto était capable de créations expérimentales qui à mon avis s’accorderaient très bien avec cet ensemble de béton. Mais, je pense à quelque chose de plus radical en écoutant l’album Happy Trigger de MO’SOME TONEBENDER (モーサム・トーンベンダー). Cet album m’entraine vers un rock à tendance punk et expérimentale par moments très inspiré. Il m’arrive de temps en temps de choisir un album au hasard lorsque je parcours les rayons CDs d’un disquaire Disk Union. Ici, à Shinjuku, je tombe sur cet album de MO’SOME TONEBENDER dont je ne connaissais que le nom. Le groupe a été fondé en 1997 à Fukuoka par Kazuhiro Momo (百々和宏) au chant et à la guitare, et par Isamu Fujita (藤田勇) à la batterie, accompagné par Yasunori Takei à la guitare basse et à la trompette sur cet album. Le nom du groupe est en fait une contraction des noms/prénoms de deux des membres (Momo pour MO’ et Isamu pour SOME). L’album Trigger Happy est sorti en 2003. Il se compose en tout de dix morceaux, dont deux, reprenant le titre de l’album, viennent encadrer l’ensemble dans des ambiances tres différentes, relativement apaisée pour le premier et exagérément bruitistes pour le second. Plus qu’un album, il s’agit d’un objet musical difficilement identifiable car il part parfois vers des expérimentations sonores inattendues. La base reste tout de même rock, mais les manipulations sonores éloignent chaque morceau du format classique refrain et couplets. On y trouve une grande liberté de composition et le deuxième morceau hang song en est peut-être le meilleur exemple. Ce morceau est particulièrement inspiré tout comme les suivants BIG-S et go around my head. Ce dernier morceau go around my head est pour moi le sommet de l’album. Il y a une sorte d’hystérie subtile dans la voix de Kazuhiro Momo qui me fascine vraiment et les guitares puissantes ajoutent à la tension de l’ensemble. Je trouve un certain brutalisme dans ce morceau qui est fantastique, surtout le final qui déclenche un son lourd et répétitif de guitare rythmé par une batterie ressemblant à des battements de cœur. On trouve une émotion forte dans cette forme brute à priori hostile, un peu comme dans les structures de béton du building ci-dessus. L’album s’adoucit ensuite un peu avec quelques morceaux en grande partie instrumentale comme VIEW VIEW, qui est excellent notamment pour les cuivres qui l’accompagnent.

De MO’SOME TONEBENDER, je connaissais en fait un morceau depuis longtemps, Rockin’ Ruler (ロッキンルーラ), car il était présent sur l’album compilation Ukina (浮き名) de Sheena Ringo, sorti en Novembre 2013. Ringo jouait du piano et chantait dans les chœurs de ce morceau. Rockin’ Ruler était initialement sorti en 2005 sur l’album du même nom de MO’SOME TONEBENDER. Son style rock plutôt classique est complètement différent de l’approche expérimentale de l’album Trigger Happy. La voix de Kazuhiro Momo y reste très typée, dans un style un peu similaire à la voix de Kenichi Asai de Blankey Jet City. Sur Rockin’ Ruler, il faut quand même dire que sa voix puissante effaçait complètement celle de Ringo au point où on a un peu de mal à l’entendre dans les chœurs. Comme je l’évoquais déjà précédemment, Kazuhiro Momo jouait de la guitare sur les morceaux Shūkyō (宗教) et Sōretsu (葬列) de l’album Kalk Samen Kuri-no-Hana (KSK) et accompagnait Ringo sur quelques photographies du magazine Gb d’Avril 2003, intitulé Shūgen (祝言). Le fait que l’album Trigger Happy soit sorti la même année (2003) que KSK et que cette série de photographies avait en très grande partie attiré ma curiosité. Dans les sorties musicales rock, il y a quelques années qui pour moi sont importantes et attirent mon attention: 1991 (the year punk broke), 1999 (la tension pre-millenium et mon arrivée à Tokyo) et 2003 (la sortie de KSK qui cassait tous les codes et les attentes). Je suis en fait assez curieux d’écouter les sorties rock de 2003 et des années autour, pour essayer de mieux me remémorer ou même appréhender l’environnement musical dans lequel KSK est sorti, voire comprendre l’influence que cet album a pu avoir sur d’autres groupes et artistes dans les années qui suivent.

Pour continuer un peu avec Sheena Ringo, je pensais avoir fait le tour de sa discographie depuis longtemps, mais je ne découvre que récemment un morceau que je ne connaissais pas. Il ne s’agit pas d’une composition originale mais d’une reprise du single Georgy Porgy du groupe américain TOTO, inclus sur le premier album éponyme du groupe sorti en 1978, l’année de naissance de Ringo. La reprise du morceau Georgy Porgy sorti en 2002 n’est pas créditée sous le nom de Sheena Ringo mais du groupe Yokoshima (邪) composé entre autres du frère de Ringo, Junpei Shiina (椎名純平), de Ringo bien sûr et d’un certain Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) qui n’a pas encore pris le surnom d’Ukigumo. Ryōsuke Nagaoka et Sheena Ringo chantent en duo sur ce morceau avec Junpei Shiina dans les chœurs. Ryōsuke Nagaoka connaissait en fait déjà Junpei Shiina, car un concours de circonstances l’avait amené à devenir guitariste d’appoint de son groupe de l’époque, The Evil Vibrations, lors d’un concert en 2000. L’idée de la reprise du morceau de TOTO a germé lors des enregistrements de l’album de reprises de Sheena Ringo, Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) sorti cette même année 2002. Nao Numazawa (沼澤尚), le batteur de la formation pour cet album de reprise, était apparemment un disciple du père du batteur de TOTO, Jeff Porcaro, et, pendant ses années de lycée, Sheena Ringo avait repris ce morceau à la batterie avec son groupe du club de musique. Ceci a déclenché l’idée d’enregistrer une reprise du morceau, mais Ringo ne se voyait pas chanter seule toute la partie vocale masculine interprétée par Steve Lukather, le chanteur de TOTO. L’idée de faire intervenir Ryōsuke Nagaoka au chant sur ce morceau est né lors d’un trajet en voiture. Le morceau Georgy Porgy passait sur l’autoradio et Ryōsuke Nagaoka se serait mis à le chanter ce qui aurait fait comprendre à Ringo, également présente dans cette voiture, qu’il serait un très bon interprète pour un duo. Sheena Ringo dit souvent que Ryōsuke Nagaoka a une belle voix, mais je ne savais pas que ce morceau Georgy Porgy était le premier qu’il ait chanté officiellement, sous l’impulsion de Ringo. Cette petite anecdote est très intéressante car elle permet de mieux connaître les liens entre Ringo et Ukigumo, et la genèse musicale de ce dernier. Ukigumo participera ensuite à l’album KSK. Georgy Porgy ne sera finalement pas inclus sur la compilation de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi car Ringo a estimé qu’il s’agissait d’une copie plutôt que d’une reprise. C’est vrai que la composition est identique à l’originale mais l’interprétation à deux voix par Ukigumo et Ringo n’en reste pas moins très réussi. La tension vocale de Ringo y est même fabuleuse, dans un anglais excellent. Le morceau était sorti en ligne sur le site de Toshiba EMI pour une durée très limitée en 2002 mais n’est actuellement disponible nulle part à la vente. Il faut vraiment que Sheena Ringo pense à l’épisode 2 de Utaite Myōri pour y intégrer ce genre de pépites. Ça paraît même assez incroyable qu’un aussi bon morceau, même s’il ne s’agit que d’une reprise, ne soit écoutable que sur une page YouTube non officielle.

the streets #10

On peut se demander combien d’épisodes va durer cette série. Il en reste deux pour l’instant incluant celui-ci, car je me suis décidé ces derniers jours à utiliser de nouveau mon objectif Canon 17-40. Les photographies de la série the streets sont par contre pratiquement toutes prises avec mon petit objectif fixe 40mm. Sur les premières photographies, on revient vers le quartier de Jimbocho avec la fameuse météorite du Jimbocho Theater. On repasse ensuite faire un tour dans la librairie vintage Komiyama Tokyo. Je constate avec un certain plaisir que la série de grands posters de l’illustratrice Akiakane (秋赤音) est toujours affichée à l’étage. L’affiche publicitaire Supreme avec Kate Moss semble par contre avoir été vendue, et celle avec Neil Young est toujours là, sur un mur de l’escalier montant à l’étage. Ils ne vendent pas encore celle avec Lady Gaga. Juste à côté d’une plaque au sol NTT à l’effigie du petit chat du roman Je suis un chat (吾輩は猫である) de Natsume Sōseki (夏目漱石), nous nous arrêtons quelques instants chez un petit glacier donnant sur la rue. Mari et moi observons la rue distraitement tout en mangeant notre glace à la pistache assis sur un petit banc. Les autres photographies ont été prises à Ginza, dans le grand Department Store Ginza6. J’aime y aller de temps en temps en filant directement à l’étage du Tsutaya, car on y trouve deux petites galeries d’art. Je voulais voir cette fois-ci les gros chats cosmonautes de l’artiste contemporain Kenji Yanobe (ヤノベケンジ), connu pour ses très grandes sculptures. Celle-ci se nomme Big Cat Bang. Dans le vaste atrium de Ginza6, les deux chats sont assis sur la fameuse Tour de Soleil de Tarō Okamoto (岡本太郎). La Tour du Soleil, créée pour l’Exposition universelle de 1970 et toujours en place à Osaka, est bien entendu modifiée pour pouvoir voyager dans l’espace, avec turbines, hublots et autres artifices félins. Les chats ne peuvent par contre apparemment pas entrer à l’intérieur de cette fusée « okamotesque ». Et avec ce billet qui montre beaucoup de photos de chats, je compte ben entendu re-dynamiser mon auditoire.

Photographie extraite de la vidéo du morceau City Lights du groupe anglais The WAEVE.

Côté musique, je pioche quelques très bons morceaux anglais et américains après avoir écouter le podcast Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter. J’écoute ce podcast par à-coups suivant les sujets couverts. J’aime beaucoup les grandes rétrospectives sur un ou une artiste ou sur un genre (récemment sur le hip-hop new-yorkais), couvrant plusieurs épisodes du podcast, ainsi que les épisodes évoquant les nouveautés rock et parfois electro-pop. Sur l’épisode Un automne très anglais, je découvre de très belles choses avec le groupe The WAEVE de Graham Coxon et Rose Elinor Dougall sur le morceau City Lights de l’album du même nom. On reconnaît tout de suite la touche Blur qu’apporte Graham Coxon à la guitare sur ce morceau, et l’intervention du saxophone vers la fin du morceau est un vrai bonheur. J’y découvre également l’excellent morceau intitulé The Painting of the Bay par W. H. Lung sur leur nouvel album Every Inch of Earth Pulsates. J’adore ce type de sons synth-pop-rock. Dans ce podcast, Michka Assayas évoque également le groupe irlandais Fontaines D.C. dont le nom m’est déjà familier, sans m’être penché sur leur musique. Ma petite sœur qui semble beaucoup apprécié la musique du groupe me conseille de démarrer avec le morceau Starbuster de leur dernier album Romance. Ce morceau à base de phrasés hip-hop mélangeant piano et rock est en effet assez exceptionnel. Il y a une intensité qui ne nous laisse pas tranquille pendant toute l’écoute. Le podcast de Very Good Trip consacré à l’ex-Pink Floyd David Gilmour et ses héritiers inattendus me fait découvrir le sublime morceau Between Two Points que David Gilmour interprète avec sa fille, Romany Gilmour, au chant. La voix de Romany et le morceau ont une beauté pénétrante à laquelle on ne peut rester indifférent. Dans les héritiers inattendus mentionnés dans le titre de ce podcast, on trouve Thurston Moore avec un nouveau morceau intitulé New in Town sur son dernier album Flow Critical Lucidity. Thurston Moore s’éloigne ici un peu des sons rock vers quelque chose de plus abstrait voire psychédélique, même si certains accords sonnent toujours comme du Sonic Youth (au moins un accord). Je trouve que son approche rejoint un peu celle de Kim Gordon. Je ne suis pas sûr d’ailleurs d’avoir mentionné ici l’excellent morceau Bye Bye de Kim Gordon sur son album The Collective sorti en Mars 2024, démarrant par des sons de passages ferroviaires japonais. Ces deux là devraient considérer une réformation de Sonic Youth et partir vers ce type de sons expérimentaux. Mais l’irréparable ne peut peut-être pas être réparé. Une excellente surprise de ce podcast Very Good Trip est l’écoute du morceau Riptide d’un groupe nommé Orcas sur l’album How to Color a Thousand Mistakes. Orcas est un duo américain formé par le compositeur minimaliste Rafael Anton Irisarri et par le compositeur, chanteur multi-instrumentiste Benoit Pioulard. Ce deuxième nom m’est tout de suite familier car j’ai quelques morceaux de Benoit Pioulard sur mon iPod depuis presque vingt ans, notamment le morceau RTO vers lequel je reviens régulièrement car sa composition me fascine. Sur le podcast, Michka Assayas nous apprend que Benoit Pioulard est en fait un pseudonyme et que le véritable nom de l’artiste est Thomas Meluch. Je tombe de ma chaise (c’est une image) car le nom Benoit Pioulard m’avait beaucoup intrigué lorsque j’avais découvert ses premiers morceaux. J’imaginais que cet américain devait forcément avoir des origines québécoises, ce qui donnait à sa musique un côté bucolique. Cette impression est peut-être dû au fait que j’associe très fortement le morceau RTO à un lieu spécifique dans la verdure de Nasu Shiobara lorsque j’écoutais presque religieusement ce morceau. Il y a quelque chose qui me réconforte dans la voix de Benoit Pioulard, et je retrouve tout de suite cette impression sur ce nouveau morceau d’Orcas.

don’t wanna come down just let me fly

La construction du nouveau building Ginza Sony Park vient de s’achever le 15 Août 2024 au croisement de Sukiyabashi à Ginza. Je me suis empressé d’aller le voir mais il n’était malheureusement pas encore ouvert au public. Ce nouveau building de béton conçu par Takenaka Corporation est de taille volontairement basse par rapport au reste du quartier de Ginza et montre un style brutaliste particulièrement unique dans ce quartier. Ce nouveau Ginza Sony Park est en fait la dernière étape d’un processus de reconstruction suite à la démolition de l’immeuble initial, le Sony Building conçu par l’architecte Yoshinobu Ashihara ouvert en 1966. Suite à la destruction du Sony Building en 2017, un parc urbain minimaliste déjà appelé Ginza Sony Park avait vu le jour de 2018 à 2021. Cet espace contenait des zones en sous-sol utilisées pour des évènements notamment musicaux. J’avais par exemple mentionné sur ce blog l’exposition de King Gnu et Millennium Parade et des Live sessions de D.A.N. ou encore Tamanaramen (玉名ラメン). Je suis à vrai dire assez impatient de voir quelle utilisation sera faite de cet espace et j’espère que ça restera dans le même esprit que le parc urbain précédent, plutôt qu’une succession de magasins standardisés. Je lis que l’intention est toujours que cet espace soit avant tout un espace publique pour divers événements notamment artistiques.

Côté musique, la mauvaise nouvelle d’abord est que Millennium Parade a soudainement décidé d’annuler leur tournée mondiale incluant les deux dates à Tokyo. Les places sont bien entendu remboursées mais c’est quand même bien dommage. La raison est donnée par le groupe mais reste assez vague, car on se demande s’il s’agit d’un manque de temps pour la préparation ou de problèmes techniques avec les promoteurs de salles de spectacle à travers le monde. Il est mentionné que le groupe ne serait pas en mesure d’assurer le niveau de qualité souhaité et a pris la difficile décision de tout arrêter pour cette tournée. A vrai dire, j’étais déjà un peu inquiet car Millennium Parade n’a sorti que deux morceaux récemment sans perspective d’un nouvel album avant la série de concerts. Leur dernier single M4D LUV est certes plaisant mais je le trouvais quand même nettement moins intéressant et en deçà des morceaux du premier album du groupe. Je pense que je tenterais leur prochain concert en fonction de la qualité de leur prochain album. Ce n’est pas vraiment pour compenser mais je me suis finalement décidé à aller voir Haru Nemuri (春ねむり) en concert dans la salle Shibuya WWW X. Je suis assez partagé sur la musique d’Haru Nemuri qui suit son excellent album Haru to Shura, mais en écoutant à nouveau quelques morceaux de ses albums et EPs suivants, je me dis qu’il me faut peut-être reconsidérer mon opinion. En fait, je suis surtout extrêmement curieux de la voir sur scène et l’émotion des premières fois où j’ai été pris par la force de sa musique reste très bien ancré dans ma mémoire. Il y aura également deux premières parties: un jeune artiste d’influence hip-hop nommé Yatsui Ichijiku (奴居イチヂク) que je ne connais pas et qui jouera à priori pendant une trentaine de minutes, puis le groupe rock alternatif Mass of the Fermenting Dregs (Masudore) que je connais assez bien et qui devrait jouer pendant environ une heure avant le set d’Haru Nemuri. Je suis en fait également très curieux de voir et écouter le set de Masudore car je les suis depuis un bon petit moment. Pour le concert d’Osaka d’Haru Nemuri le Vendredi 30 Août 2024, les invités étaient différents, car se produisaient le rappeur GOMESS et Minori Nagashima (長嶋水徳). Le rock alternatif assez brut de Minori Nagashima m’intéresse et le fait qu’elle participe à la tournée d’Haru Nemuri a certainement été le déclic même si elle ne jouera pas à priori à Tokyo. Minori Nagashima (alias Serval Dog) est également parfois la guitariste accompagnant Haru Nemuri. De Minori Nagashima, j’écoute en ce moment son nouveau single intitulé Sea of Dawn (夜明けの海) qui a une petite pointe de rock 90s qui me plait vraiment beaucoup. Elle est originaire de Shizuoka et j’imagine que la vidéo du morceau a été tournée sur une plage quelque part là bas. J’écoute également récemment le nouveau single d’AiNA The End intitulé Love Sick, qui est extrêmement dense et changeant. Je trouve ce morceau très fidèle au style qui n’a rien d’apaisé d’AiNA car elle pousse sans cesse sa voix à la limite de la rupture. Ce morceau est une nouvelle fois de TK de Ling Toshite Shigure (凛として時雨) et ça se ressent également beaucoup lors de certaines transitions où on croirait presque que la voix de TK se croise avec celle d’AiNA. Ils devraient vraiment faire un duo ensemble, ça pourrait ressembler à la catharsis de Ling Toshite Shigure quand les chants de TK et de 345 (Miyoko Nakamura) s’entrainent l’un et l’autre. AiNA a également cette même densité vocale et ça doit être la raison pour laquelle les compositions de TK fonctionnent bien pour elle. Et le titre du billet est titré des paroles du morceau Fly (feat. Cherish) du compositeur et producteur électronique anglais Mura Masa, que j’écoute également en boucle en ce moment.

city scape with film 8
(une énergie)

Ces quelques photographies sur film proviennent d’une pellicule que j’avais démarré il y a plusieurs années et que je n’ai fait développer que récemment. Une des premières photographies de cette pellicule montre l’affiche de l’album Sandokushi de Sheena Ringo posée au coin du Tower Records de Shibuya, ce qui m’indique qu’elle a été démarrée vers le mois de Mai 2019. J’avais dû prendre quelques photos en 2019 puis délaisser cette pellicule pendant plusieurs mois voire années. Ce qui est amusant c’est que je mentionnais déjà cette pellicule noir et blanc dans un billet de Juin 2019 en me demandant quand je pourrais bien la finir. J’étais loin de me douter que ça me prendrait plusieurs années. Je pense l’avoir terminé il y a plus d’un an mais elle est resté près de l’ordinateur sans que j’y touche jusqu’à maintenant. De ce fait, je n’ai plus de souvenirs très précis de ces photographies, et c’est ce qui me plait d’une certaine manière. Je ne suis par contre pas certain de reprendre des photos argentiques avec mon EOS10, car le coût de développement est assez prohibitif, même sur CD comme c’était le cas pour cette pellicule noir et blanc. Il m’a fallu attendre dix jours pour le développement par un petit magasin de photo. On est pour sûr très loin de l’immédiateté du numérique. Ça m’étonne moi-même mais je n’avais pas montré de photos argentiques depuis Octobre 2015, avec une série de sept billets intitulé city scape with film. La présente série en noir et blanc ne fera que deux épisodes mais vient en quelque sorte compléter celle déjà commencée. Pour ce premier billet, on passe par le centre de Shibuya, le parc Inokashira à Kichijōji, celui d’Hibiya, le bâtiment Nissan Crossing à Ginza et pour terminer, un vieil arbre posé dans le parc de La Croix Rouge à Hiroo. Ce grand arbre est tenu par des béquilles mais semble rester fort. Je le regarde toujours quelques instants lorsque je passe devant, histoire d’emprunter un peu de son énergie.

ginza nexus state survivor

Juste après la fin du mini-live du groupe de rock indé For Tracy Hyde, je quitte le magasin Tower Records de Shibuya pour attraper la ligne de métro Ginza, direction le centre de Ginza. Dans mes petites notes, j’avais listé depuis plusieurs semaines une visite de l’exposition de la photographe Anju (安珠) se déroulant dans le Nexus Hall du bâtiment Chanel du 18 Janvier au 12 Février 2023. Anju était modèle haute couture dans une vie précédente, ce qui explique certainement qu’elle expose dans ce bâtiment Chanel. L’entrée du hall se trouve sur le côté du building et on la remarque à peine. Un portier est posté derrière la porte vitrée et devant les ascenseurs. Il nous fait un peu hésiter à entrer mais le visiteur est bien entendu le bienvenu. Il ne faut pas de réservation pour visiter cette galerie d’art.

L’intérieur de la galerie est volontairement sombre et les photographies d’Anju y sont éclairées individuellement. Un mot de Richard Collasse, dirigeant de Chanel Japon et japanophile confirmé, nous accueille et on se laisse ensuite entrainer dans le monde de fantaisie créé par Anju pour cette exposition intitulée A girl philosophy (ある少女の哲学). On reconnaît dans ces séries de photographies des personnages de contes, connus comme Alice au pays des merveilles ou le petit chaperon rouge, dans des versions réinterprétées par la photographe. L’exposition prend les rêves d’une jeune fille comme thème principal. C’est un fils conducteur qui lie les différentes séries de photographies. Un petit film montré dans un coin de l’exposition regroupe certaines des photographies en images fixes accompagnées de petites séquences filmées mettant en scène ces rêves. Haruomi Hosono signe la musique de ce petit film. Cette musique est abstraite mais vient inconsciemment s’imprégner dans mon cerveau au point où j’ai eu envie de l’enregistrer sur mon iPhone. J’ai beaucoup aimé les mises en scène des photographies qui nous font entrer dans un monde irréel. Les couleurs très marquées et les zones de noirceurs au contraste renforcé par les lumières donnent beaucoup d’impact à ces photographies. Anju était apparemment l’invitée d’un talk-show le Samedi 28 Janvier dans le restaurant plein de livres Megutama du photographe Kotaro Iizawa (飯沢耕太郎). J’ai loupé cette occasion ce qui est bien dommage car j’aime beaucoup cet endroit, dont j’ai déjà parlé quelques fois.

J’ai déjà parlé d’Anju plusieurs fois sur ces pages. Je suis sur Instagram ses photographies depuis que j’ai découvert l’album The Invitation of the Dead de Tomo Akikawabaya. Elle posait sur une photographie prise en 1983 utilisée pour cet album et j’avais trouvé que la musique sombre et pleine de mystères de Tomo Akikawabaya pouvait difficilement se dissocier de cette photographie d’Anju, comme un ange au visage sombre qui nous accompagne pendant l’écoute. J’avais fait part de cette remarque au photographe Alao Yokogi lorsqu’il avait montré sur son compte Instagram une photographie de cette série. Le photographe Alao Yokogi a pris de nombreuses fois Anju en photo à cette époque, notamment avec le Yellow Magic Orchestra (イエローマジックオーケストラ. YMO) car Anju était une des actrices jouant dans leur film Propaganda, qui marquait d’ailleurs la fin des activités du YMO. Les trois photographies ci-dessus ont été prises en 1983 par Alao Yokogi pour un nouveau magazine féminin nommé FREE de la société d’édition Heibonsha (平凡社): à gauche avec Haruomi Hosono (細野晴臣), au centre avec le regretté Yukihiro Takahashi (高橋幸宏) et à droite avec Ryuichi Sakamoto (坂本龍一). Anju rendait bien entendu hommage à Yukihiro Takahashi, décédé récemment le 11 Janvier 2023, en montrant une photo sur Instagram tirée du film Propaganda. Les articles a son sujet étaient nombreux ces derniers jours.

Je suis très loin de bien connaître la musique du YMO mais depuis l’annonce du décès de Yukihiro Takahashi, je me suis remis à écouter leur album Solid State Survivor sorti en 1979. Nous avons une version de 1992 du CD de cet album à la maison. En feuilletant une nouvelle fois le livret accompagnant le CD, je me rends d’ailleurs compte que les photographies de l’album ont été prises par Masayoshi Sukita. Il est notamment reconnu pour ses photographies de David Bowie dont celle de l’album Heroes que j’évoquais dans un billet précédent (qui montrait également une photo de Megutama d’ailleurs). De cet album, le morceau RYDEEN écrit par Yukihiro Takahashi est tellement connu qu’il fait quasiment partie du patrimoine immatériel japonais. Il m’est difficile d’écouter ce morceau avec une oreille nouvelle tout comme il m’est difficile de donner un avis sur un album et un groupe qui sont devenus des monuments, inspirant la musique électronique qui suivra. Mais je ne parle de toute façon ici que des choses qui me plaisent et m’émeuvent. Le morceau que je préfère de l’album est très certainement le cinquième Behind the mask, accompagné du précédent Castalia et les deux derniers Insomnia et le morceau titre de l’album Solid State Survivor. Le premier morceau Technopolis puis RYDEEN sont bien entendus très marquants et difficiles à oublier. Je reste tout de même assez interrogatif sur la reprise des Beatles avec le morceau Day Tripper et le deuxième morceau Absolute Ego Dance a tendance à m’agacer un peu. Il n’empêche que j’écoute beaucoup cet album, pris par l’envie d’écouter les morceaux qui me plaisent le plus.

De Yukihiro Takahashi, j’écoute aussi beaucoup le fabuleux Drip Dry Eyes de l’album Neuromantic sorti en 1981, que j’ai du mal à m’empêcher d’écouter encore et encore. Outre le YMO, je pense que j’avais surtout découvert Yukihiro Takahashi par ses collaborations nombreuses avec Towa Tei. Je me souviens d’une période, il y a 6 ans, où j’écoutais beaucoup Towa Tei et j’avais écouté par extension quelques morceaux du super-groupe Metafive, notamment celui intitulé Don’t move. Metafive a été fondé par Yukihiro Takahashi et de compose de Towa Tei, Keigo Oyamada (aka Cornelius), Yoshinori Sunahara, ancien membre de Denki Groove et remixeur récidiviste de Sheena Ringo, entre autres. Dans un billet, en prenant pour point de départ l’art de Yayoi Kusama, je m’étais même intéressé à imaginer un lien artistique entre Sheena Ringo et Yukihiro Takahashi, mais il est désormais trop tard malheureusement. J’aime aussi revoir cette vidéo datant du 4 Juillet 1985 de l’émission Waratte iitomo! Telephone Shocking (笑っていいとも! テレフォンショッキング) de Tamori où Jun Togawa était l’invitée. Le principe de l’émission est que l’invité du jour appelle au téléphone l’invité du jour suivant. C’était Yukihiro Takahashi qui était invité par Tamori le 3 Juillet et il a donc appelé Jun Togawa pour l’émission du lendemain. Ce passage de l’émission est très drôle car Jun Togawa est complètement endormie et Yukihiro Takahashi essaie très aimablement de lui remémorer le fait qu’il lui avait dit à l’avance qu’il l’appellerait ce jour lå pour l’émission. J’en avais déjà parlé mais j’adore revoir cette émission sur YouTube.