I know you dream of snowfields, Floating high above the trees

Je traverse régulièrement à pieds le sanctuaire Toranomon Kotohiragu (虎ノ門 金刀比羅宮) dont l’origine remonte à l’année 1660. Une de ses particularités remarquables est qu’il se trouve encastré entre des hauts immeubles. Il partage son emplacement avec la tour Kotohira et une partie du sanctuaire est d’ailleurs située dans cette tour. Cette combinaison d’un sanctuaire et d’une tour moderne peut paraître assez atypique mais n’est pas particulièrement rare à Tokyo. Dans le cas présent cependant, on a vraiment le sentiment que la tour à optimiser l’espace utilisable sans trop porter atteinte à l’environnement nécessaire au sanctuaire. Un des grands torii du sanctuaire est par exemple situé à l’entrée du building et l’approche du sanctuaire est en grand partie couverte par celui-ci. On pourrait très bien retrouver cet entrelacement de sanctuaire et de building dans le petit guide jaune Made in Tokyo de Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima. Je continue ensuite ma marche en longeant en partie le parc Hibiya, que je traverse aussi assez souvent en ce moment sans pourtant le prendre en photo. Le Hibiya Chunichi Building (日比谷中日ビル), conçu par Nikken Sekkei et construit en 1973, se trouve devant une des entrées du parc. J’ai toujours été intrigué par l’ouverture horizontale et biseautée située à un angle du building. Quelle peut bien être la fonction de cette ouverture, elle ne semble pas utilisée actuellement. Le bâtiment est occupé par une agence de presse et je me suis même imaginé qu’on jetait depuis cette fenêtre les journaux aux passants qui souhaiteraient bien les recevoir, un peu à la manière de paperboy dans le jeu vidéo d’arcade des années 80. Mais tout ceci est très improbable et le mystère reste entier. Je rejoins ensuite Kyobashi où un matsuri se prépare. Une dame me dit gentiment en anglais que le matsuri ne commencera qu’à 15h. Je lui réponds en japonais et elle se trouve du fait tout embêtée. Depuis quelques années, on ne m’adressait jamais la parole en anglais car on ne me confondait pas avec un touriste pendant toute la période de la crise sanitaire, les touristes étrangers étant quasiment absents. C’est désormais beaucoup plus fréquent qu’on m’adresse la parole en anglais. Il n’y a rien là de vraiment désobligeant mais je viendrais presqu’à oublier que j’habite au Japon depuis maintenant 24 ans. L’avantage d’être pris pour un touriste est de pouvoir prendre tout et n’importe quoi en photo sous prétexte d’exotisme, sans attirer grande attention. Ça apporte un confort certain.

Il suffit que je dise que je n’écoute pratiquement plus que de la musique japonaise pour que certains des artistes anglo-saxons que je préfère se mettent à sortir des nouveaux morceaux. Je suis toujours très attentif aux dernières créations électroniques d’Aphex Twin car je suis rarement (jamais) déçu. Il n’a pas sorti de nouvelles musiques depuis 2018 avec le EP Collapse. Un nouvel EP intitulé Blackbox Life Recorder 21f/In a Room7 F760 sortira le 28 Juillet 2023 et le premier morceau Blackbox Life Recorder 21f est déjà disponible. On ne sera pas surpris par l’ambiance générale du morceau. Il s’agit bien, dès les premières notes, du style Aphex Twin et c’est exactement ce qui me plaît. Il y a toujours un savant mélange et dosage entre les mélodies et la destruction sonores. La superbe image de couverture très architecturale est signée Weirdcore. Les shoegazers ’historiques’ Slowdive viennent également de sortir un nouveau single intitulé Kisses, en avance de leur prochain album Everything is alive qui sortira le 1 Septembre 2023. On a le temps de l’entendre venir mais ça fait de toute façon six ans qu’on attend un nouvel album de Slowdive, le précédent album éponyme étant sorti en 2017. Ce nouveau Kisses est vraiment excellent surtout quand les voix des anciens amants Neil Halsteid et Rachel Goswell se mélangent entre elles, avec des guitares très spatiales qui envahissent tout l’espace. Trente années après leurs heures de gloire avec l’album culte Soulvlaki, Slowdive n’a rien perdu de son inspiration et ça fait beaucoup de bien. Une autre excellente surprise est la découverte d’un nouveau morceau du projet The Smile fondé par les deux membres de Radiohead, Thom Yorke et Jonny Greenwood, avec Tom Skinner à la batterie. Ce nouveau morceau intitulé Bending Hectic fait 8 minutes. Je pourrais m’arrêter là car on peut facilement imaginer la qualité du morceau rien qu’en annonçant sa longueur. Il commence doucement, axé sur la voix hantée de Thom et sur des notes atypiques de guitare enclenchant des décélérations étranges. Et puis, il y a un retournement de situation assez flippant qui donne la chair de poule. Le morceau part ensuite vers d’autres territoires plus violents et chaotiques. Émotionnellement, c’est très fort. Ayant récemment réécouté certains albums de Radiohead comme Hail to the Thief, Amnesiac ou le single Ill Wind, ce nouveau morceau arrive au meilleur moment possible. Il y a une dose de génie chez Thom Yorke. Je le pense à chaque fois que j’écoute sa musique à travers Radiohead ou ses autres projets.

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Je ne sais pas si c’est une coïncidence mais au moment même où je passe devant la maison en cours de destruction sur la dernière photographie du billet, le morceau Nostalgia de Kumi Takahara (sur le label Flau) démarre ses premières notes de piano. Le morceau est vraiment très beau mais j’ai du mal à encaisser cette tristesse là. Elle tend trop vers l’introspection. Je n’ai pas pu m’empêcher de rester immobile devant cette maison quasi détruite. Il était trop tard pour essayer d’imaginer la vie de ses habitants. Je reste donc la tête vide devant cette démonstration du renouvellement urbain. Le bâtiment de l’avant-dernière photographie a lui aussi disparu. Je ne l’avais pas remarqué auparavant et je ne sais donc pas si les dessins de sa façade étaient présents à l’origine ou s’ils ont été dessinés après la décision de détruire le bâtiment. On voit de temps en temps ce genre de grands graphs éphémères dessinés sur des immeubles voués à disparaître. Un des meilleurs exemples que je connaisse était l’ancienne Ambassade de France à Tokyo, prise d’assaut volontaire par un groupe d’artistes. Ça avait donné une exposition intitulée No Man’s Land en Février 2010.