seeing sounds hearing time

Museum of Contemporary Art Tokyo, Parc de Kiba, le 4 Janvier 2025.

La première exposition artistique à laquelle j’ai assisté pour cette nouvelle année était celle dédiée à Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) au Museum of Contemporary Art Tokyo (MoT, 東京都現代美術館). Je le souhaitais ainsi car je voulais y trouver une inspiration qui m’avait manqué pendant les dernières semaines de l’année. L’exposition intitulée seeing sound, hearing time (音を視る 時を聴く) a démarré le 21 Décembre 2024 et se déroulera jusqu’au 30 Mars 2025. J’apprécie bien sûr les compositions au piano de Ryuchi Sakamoto, qui nous a quitté en Mars 2023 à l’âge de 71 ans, mais ce sont surtout ses compositions plus expérimentales qui m’attirent et qui sont le sujet de cette exposition. Dans les années 2000, Ryuichi Sakamoto a collaboré avec différents artistes sur des grandes installations sonores et visuelles, et l’exposition se concentre sur ces installations. La plus impressionnante est issue d’une collaboration entre Ryuichi Sakamoto et Shiro Takatani (高谷史郎) et est intitulée TIME TIME (2024). Cette installation a été créé spécialement pour cette exposition, mais est basée sur une pièce de théâtre intitulée TIME datant de 2021. C’est la première œuvre que l’on peut voir au début de l’exposition et c’est certainement la plus fascinante. Elle se compose de trois larges écrans sur une longue salle. On nous raconte une fable nous interrogeant sur ce qu’est le temps. Le danseur, chorégraphe et acteur Min Tanaka (田中泯), âgé de 79 ans, y représente l’humanité cherchant à contrôler la nature. Les scènes abstraites accompagnées par la musique sombre et envoûtante de Ryuichi Sakamoto sont entrecoupées par des interludes montrant la joueuse de l’instrument traditionnel japonais shō, Mayumi Miyata (宮田まゆみ), traverser les trois écrans d’un pas lent, les pieds dans une fine surface d’eau. On s’assoit dans le noir et on se laisse hypnotiser par cette longue fresque qui doit bien durer une trentaine ou quarantaine de minutes. Je voulais prendre mon temps pour apprécier et m’imprégner des œuvres de cette exposition. Je pense être resté au musée pendant au moins trois heures, en essayant de me couper de toute notion de temps, en faisant en quelque sorte le vide en moi.

L’exposition comprend douze installations de tailles différentes, mais elles sont en général imposantes par leur taille et par leur force d’évocation. La moitié des installations présentées sont des collaborations avec l’artiste Shiro Takatani, basé à Kyoto. Sa collaboration avec Ryuichi Sakamoto démarra en 1999 lorsque ce dernier lui demanda de prendre en charge la direction visuelle de son opéra LIFE. Les deux photos ci-dessus montrent deux œuvres de Ryuichi Sakamoto avec Shiro Takatani. IS YOUR TIME (2017) montre un piano surplombé par un panneau vidéo montrant le ciel et ses intempéries. Sakamoto trouva ce piano dans une école de la préfecture de Miyagi dévastée par le grand tremblement de terre et tsunami de Mars 2011. Il a vu ce piano transformé par la nature, ayant perdu son rôle et sa fonction primaire car on ne peut plus en jouer, mais faisant désormais partie entière de la terre qui l’entoure jusqu’à pouvoir transmettre ses gémissements. LIFE-fluid, invisible, inaudible… (2007) est une autre collaboration remarquable de Sakamoto et Shiotani. Il s’agit d’une installation sonore et visuelle composée de neuf bassins transparents d’eau placés en hauteur dans une grande salle sombre. Un brouillard intermittent se crée dans ses bassins sur lequel sont transmis des images vidéos provenant de l’opéra LIFE de 1999. Le sens inhérent de chaque installation est difficile à appréhender mais on les ressent comme une expérience sensorielle forte. On ressent, comme une constante dans chaque installation, le concept de temps que Sakamoto veut nous faire entendre à travers ses compositions (hearing time). L’autre moitié des installations de l’exposition sont par l’artiste allemand Carsten Nicolai (également connu sous le nom Alva Noto), le réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, les artistes japonais Toshio Iwai (岩井俊雄) et Daito Manabe (真鍋大度, fondateur du collectif créatif Rhizomatiks), le collectif Zakkubalan (dont fait parti Neo Sora, le fils de Ryuichi Sakamoto), mais ce sont celles de Shiro Takatani qui m’ont laissé la plus forte impression.

La deuxième partie de l’exposition se concentre sur des installations accompagnant l’album async de Ryuichi Sakamoto sorti en 2017. De cet album, je n’avais sur mon iPod que le premier morceau andata. J’ai couru acheter l’album au Disk Union de Shinjuku quelques jours après avoir vu l’exposition. Le morceau andata est un morceau tellement fort émotionnellement que j’ai toujours eu un peu de mal à le gérer, tout en appréciant sa beauté conceptuelle touchant à l’expérimental. Le morceau aurait très bien pu s’appeler Sōretsu (葬列, cortège funèbre), comme pour nous prévenir de ce qui nous attend si on ne prend pas plus de considération pour notre environnement terrestre. J’ai pourtant toujours gardé cet album en tête avec l’envie de l’écouter un jour car son titre m’intriguait beaucoup. Les installations de la deuxième partie de l’exposition utilisent des musiques que l’on trouve réunies sur l’album async. L’installation async-immersion Tokyo (2024) est une adaptation de l’oeuvre du même nom d’abord montrée à Kyoto en 2023 après la mort de Sakamoto. Sur un très large écran vidéo, des images reprennent le concept vu en photos sur l’album async. Des paysages ou des objets de vie et de travail de Ryuichi Sakamoto sont lissés progressivement en bandes visuelles et sonores. Les images se transforment en bandes sonores, puis les bandes sonores se transforment à nouveau en d’autres images, matérialisant le concept de l’exposition de « voir le son » (seeing sound). L’album async est magnifique, difficile d’approche car il est conceptuel, mais les compositions que l’on écoute viennent nous toucher profondément. C’est en ce sens qu’il n’est pas toujours facile à gérer. La plupart des morceaux de async sont abstraits et on les accompagne par des images dans notre tête en les écoutant. L’album s’oriente parfois vers l’expérimental, avec des morceaux comme disintegration et async, parfois atmosphérique, comme garden concluant l’album. En écoutant certains morceaux de l’album comme celui intitulé ubi qui est rythmé par une sorte de bip hospitalier, on ne peut s’empêcher de penser à sa mort récente, ce qui nourrit un peu plus l’émotion qu’on peut avoir à son écoute. Maintenant que je l’ai écouté plusieurs fois pour en apprécier les aspérités, j’aimerais repartir voir l’exposition avant qu’elle ne se termine au mois de Mars. En chemin vers l’exposition, J’avais écouté un autre album de Ryuichi Sakamoto que j’aime vraiment beaucoup, celui qu’il a composé, arrangé et produit pour Miki Nakatani (中谷美紀). Cet album s’intitule Shiseikatsu (私生活) et j’en avais parlé dans un billet l’année dernière. Shiseikatsu est très différent de ce qu’on peut entendre sur async, mais il s’agit également d’un album concept qui n’exclut pas les expérimentations sonores.

Les premières photographies du billet sont prises à l’intérieur et au-dessus de la terrasse externe du musée (Sunken Terrace), pour une collaboration spéciale entre Ryuichi Sakamoto, Shiro Takatani et Fujiko Nakaya qui est spécialiste dans les structures de brume, que l’on pouvait voir pour la première fois en 1970 lors de l’Osaka EXPO’70. Pendant environ une demi-heure, un brouillard blanc vient envahir par intermittence la terrasse, nous laissant seul, isolé des autres visiteurs que l’on ne voit plus. Ce sentiment d’isolation et de réconfort lorsque l’on aperçoit quelqu’un d’autre devant nous est assez particulier. J’en ai pris de nombreuses photographies que je montre en tête du billet. Les gens apparaissent soudainement sous la lumière puis s’engouffrent de nouveau soudainement sous une autre vague de brouillard. Au loin, une personne seule, debout et fixant le vide, semble réfléchir à sa vie et son avenir. Je recherchais un peu de cet état d’esprit en venant voir cette exposition. Ces photographies me rappellent certaines compositions vaporeuses, faites de superpositions d’images, que j’ai très souvent expérimenté et montré sur ce blog.

Les coïncidences veulent que j’ai regardé le matin de ma visite de l’exposition le film Monster (怪物, L’innocense) du réalisateur Hirokazu Kore-eda (是枝裕和), qui est finalement disponible sur Amazon Prime. Je ne me suis rendu compte qu’en cours de route que Ryuchi Sakamoto en avait composé les musiques, car on peut y entendre le morceau intitulé Hibari de son album out of noise (アウト・オブ・ノイズ) sorti en 2009. Le film nous raconte l’histoire d’un jeune garçon au comportement étrange dans une ville de province japonaise. Son histoire est racontée sous plusieurs angles pour nous faire progressivement comprendre qui est le véritable monstre mentionné dans le titre. Comme souvent dans les films de Kore-eda, il nous raconte l’enfance qu’on ne cherche pas assez à comprendre, ou qu’on oublie de comprendre, lorsque l’on devient adulte. La voix de l’enfance y est souvent pleine d’une sagesse fondamentale que l’adulte a perdu. Le réalisateur aborde des thèmes souvent similaires de film en film avec à chaque fois une justesse et une retenue qui force au respect. C’est un très beau film que je ne peux que conseiller.

ハタチ

Depuis le 1er Février 2019, cela fait exactement vingt ans que je vis au Japon. Il y a vingt ans, j’étais dans l’avion qui m’amenait de Paris Charles de Gaulle à Tokyo Narita. Hier, j’étais dans l’avion qui me ramenait d’une semaine à Hong Kong vers Tokyo Haneda. Les sensations à mon arrivée à l’aéroport de Tokyo hier et il y a vingt ans sont certes bien différentes. J’y pense un peu hier, assis dans l’avion, entre deux films. A l’allée et au retour, j’ai vu deux très bons films japonais, de styles très différents mais qui m’ont tous les deux donné la larme à l’oeil par moments, car on y parle de relations enfants parents. A l’allée, sur le petit écran du fauteuil de l’avion, j’ai vu Une affaire de Famille, en japonais Manbiki kazoku 万引き家族, le film de Hirokazu Kore-Eda 是枝 裕和 ayant reçu la palme d’or à Cannes l’année dernière. C’est l’histoire d’une famille recomposée dont les liens sont assez flous, pauvre et vivant de débrouilles et de vols à l’étalage dans les petits supermarchés. L’histoire commence alors qu’ils recueillent une petite fille, Yuri battue par ses parents et délaissée à l’extérieur de l’appartement familial dans le froid. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, on découvre un peu plus précisément les liens entre les personnes partageant le toit d’une vielle baraque autour de la grand mère dont il profite de la pension. Le jeu des acteurs et actrices est excellent comme toujours dans les films de Kore-eda. C’est d’ailleurs là que se trouve toute la force de ses films. L’histoire est différente mais me rappelle beaucoup un autre film plus ancien de Kore-Eda, Nobody Knows 誰も知らない sorti en 2004. On y trouve la même force émotionnelle. Les enfants sont toujours au centre de l’histoire. Dans un style très différent, c’est aussi le cas du film d’animation Mirai, en japonais Mirai no Mirai 未来のミライ de Mamoru Hosoda. L’histoire du petit Kun, voyant arriver sa petit soeur Mirai dans la maison familiale, mélange les visions fantastiques qui viendront l’aider dans les épreuves de sa vie d’enfant. Parmi ces visions, celle de sa petite soeur mais plus âgée et semblant venir du futur. D’autres personnages du passé de la famille interviennent ensuite dans cette histoire très originale et bien construite. Il y a beaucoup de moments émouvants, que l’on est amené à ressentir en tant que parent. C’est un des très bons films d’animation que j’ai pu voir dernièrement.

les chats de mer

Nous allons assez souvent à Enoshima mais assez rarement jusqu’au bout de l’ile et c’était même la première fois que nous entrions à l’intérieur des grottes de Iwaya. J’aime beaucoup Enoshima même s’il y a en général beaucoup de monde qui s’y promène le week-end. L’ile n’est pas encore prise d’assaut par les cars de touristes, donc ça reste agréable. Il faut traverser l’ile dans toute sa longueur pour arriver aux grottes de Iwaya. La traversée de l’ile nous fait passer devant le sanctuaire de Enoshima, ses dépendances avec représentations de dragons. L’allée qui traverse l’ile nous fait aussi passer devant quelques magasins de souvenirs ouverts sur l’extérieur et des cafés, qui semblent se développer de plus en plus récemment. On redescend finalement vers le plateau maritime Chigogafuchi où se trouve l’entrée des grottes. On a assez vite fait le tour mais elles valent le déplacement, notamment pour la vue que l’on peut avoir de l’océan depuis le bord des grottes à travers les rochers, et par le fait qu’on se déplace à l’intérieur avec une petite bougie tout en faisant très attention de se baisser pour ne pas se cogner la tête. Le conduit de la grotte qui nous amène devant des stèles est très étroit mais tout de même bien protégé. Heureusement d’ailleurs qu’il est protégé, car nous avons été témoin de chutes de pierre dans la partie principale du conduit, heureusement recouvert d’un toit de plastique renforcé. On s’inquiète de ces chutes de pierre soudaine, mais on nous dit que ça arrive régulièrement et qu’il n’y a pas de danger. On croit sur parole le gardien des grottes, mais nous activons l’air de rien le pas pour ne pas rester très longtemps dans cette partie de la grotte.

Ces derniers temps, nous allons à Enoshima en voiture. Je connais bien la route qui part de Ōfuna et traverse Les collines de Kamakurayama. Elle se trouve juste en dessous du monorail suspendu qui file comme un fou tel des montagnes russes. J’aime cette route qui alterne quartiers de banlieue et passages dans les montagnes boisées. On aperçoit de temps en temps le Mont Fuji et il était d’ailleurs très dégagé ce jour là. Il y a de grands parkings en bas de Enoshima. Des motards se réunissent tous les week-ends à côté pour comparer leurs motos. Un peu plus loin, je reconnais le restaurant où vont souvent les quatre sœurs du film Notre petite sœur (海街ダイアリー) de Hirokazu Kore-Eda. J’avais beaucoup aimé ce film pour le jeu des actrices mais également pour sa lenteur qui nous laisse apprécier les lieux. Les scènes du film se passent à différents endroits de Kamakura, près de la station du temple Gokurakuji par exemple, mais également à Enoshima dans ce restaurant. Le restaurant familial, comme une cantine, s’appelle dans le film Umineko Shokudō (海猫食堂) et sert comme spécialité du poisson chinchard frit (アジフライ). En réalité, ce restaurant a l’écart des zones touristiques de l’ile se nomme Bunsa Shokudō (文佐食堂) et il sert plutôt du shirasu sur un bol de riz (しらす丼), une des spécialités reprises par de nombreux restaurants de l’ile. Nous n’y sommes pas entrés cette fois-ci, mais ça sera peut être pour une prochaine fois.

une calamité

Nous sommes ici, sur la première photographie, à proximité de la station de Ebisu, derrière les immeubles donnant sur la rue principale, la rue Komazawa passant devant la station. Derrière la barrière d’immeubles, se cache un espace urbain à l’écart: un petit jardin public où se sont regroupés quelques adolescents pour s’entrainer à la danse ou pour jouer à voix haute une scène dans l’espoir d’une célébrité future. A côté du parc, un large parking ressemble à un terrain laissé en jachère. Le vaste espace creusé derrière la barrière blanche d’immeubles, les plantes vertes sauvages qui investissent le terrain du parking, mais surtout cette lumière forte attirent mon regard photographique. Un peu plus loin, au croisement de Yarigasaki près de Daikanyama, j’aperçois une succession d’affiches publicitaires qui attirent le regard. C’est fait exprès. Il s’agit d’une publicité pour la marque de vêtements Franco-japonaise Maison Kitsune, qui s’est, à n’en pas douter, inspirée des campagnes d’affichage de la marque New Yorkaise Supreme. On en voit moins en ce moment, mais Supreme avait pris l’habitude d’aligner les affiches publicitaires identiques sur deux ou trois rangées. On voyait sur ces affiches, des personnalités américaines, de Kate Moss à Neil Young. La caractéristique des affiches Supreme est qu’elles étaient toujours un peu déchirées. J’ai d’ailleurs toujours pensé que c’était fait exprès pour représenter une certaine forme d’art urbain. Allez, Maison Kitsune, déchirez un peu vos affiches! La dernière photographie est prise à la station de Shibuya, toujours remplie elle aussi d’affiches publicitaires. Cette fois-ci, c’est l’actrice Suzu Hirose, assise en tenue de collégienne au milieu du croisement de Shibuya, qui occupe l’espace d’affichage stratégique de la station. J’avais vu cette actrice pour la première fois au cinéma dans le très beau film Notre Petite Sœur de Hirokazu Kore-Eda. Le dernier film de Kore-Eda, Manbiki Kazoku, qui a reçu la palme d’or à Cannes cette année, n’est pas encore sorti au cinéma, mais j’ai très envie de le voir. D’ailleurs un peu avant le début du festival de Cannes, j’avais regardé un autre film de Kore-Eda, Nobody Knows. Je voulais le voir depuis longtemps mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée. Je ne le découvre qu’il y a quelques semaines et c’est un sacré choc. Les jeunes acteurs sont excellents tout comme la mère jouée par YOU. On croit tellement à cette histoire d’abandon que ça nous prend au cœur. C’est tiré d’un fait divers, me semble t’il. J’ai beaucoup pensé à ce film et à cette histoire après l’avoir vu. Le fait d’être parent joue certainement beaucoup sur l’émotion qui se dégage quand on regarde ces images. Derrière l’affiche de Suzu monopolisant tout l’espace du croisement de Shibuya, l’immeuble de Kengo Kuma grandit de plus en plus. Il doit avoir atteint sa taille finale et on s’occupe maintenant des vitrages. Je suis venu exprès devant la station pour voir l’avancement des travaux et surtout pour constater de mes yeux le travail de « deconstruction » d’une des façades, que j’avais pu constater avec beaucoup de surprise sur une maquette à l’exposition de Kengo Kuma à la galerie de la gare de Tokyo, le mois dernier.

Photographies extraites de la video du morceau 災難だわ (Sainan dawa) de Megumi Wata 綿めぐみ disponible sur Youtube.

Je continue mes recherches et découvertes musicales japonaises avec Megumi Wata 綿めぐみ, sur le label indépendant Tokyo Recordings, fondé en 2015 par un certain Nariaki Obukuro 小袋成彬, dont je parlais précédent pour son album Bunriha no Natsu. En fait, de Megumi Wata, je n’ai écouté que ce morceau, sorti en Janvier 2015, intitulé 災難だわ (Sainan dawa) qu’on traduirait par C’est une calamité, qui est génial. Le rythme un peu mécanique de la voix et des mouvements de Megumi Wata sur la vidéo en noir et blanc, et le phrasé rapide qui se construit de répétition de quelques phrases sont vraiment addictifs. Les voix féminines sont souvent trop aiguës pour mon goût mais ça passe bien sur ce morceau (pas sûr pour le reste de ses morceaux par contre). Toujours est il que cette calamité-là est la bienvenue dans mes oreilles. Je l’écoute en boucle avec quelques autres morceaux dont je parlerais certainement plus tard dans un prochain billet.

avant les fantômes (2)

Il y a quelques semaines de cela, nous avions découvert par hasard la rue Yūrei-zaka, autrement dit la rue des fantômes, quelque part près de la station de Ochanomizu. Les hasards de mes courses à pied du week-end me font découvrir une autre rue en pente avec ce même nom Yūrei-zaka, mais cette fois-ci à Mita. Les rues n’ont pas de noms au Japon sauf ces rues particulières en pente. Etant une ville très vallonnée, Tokyo possède un grand nombre de rues en pente comme celle-ci. Il y a même des passionnés obsessionnels du sujet qui répertorient toutes les rues en pente sur une carte, avec diverses informations indispensables (nom, longueur, description…). Dans la ville, ces rues en pente sont indiquées d’un pôle en bois avec leur nom et une courte explication. Il y a 8 rues appelées Yūrei-zaka dans Tokyo, mais celle du quatrième bloc de Mita est certainement la plus connue. Ce quartier possède un grand nombre de temples que l’on dit avoir été déplacé du château de Edo-jō par le shogunat à l’époque Edo. Cette zone de temples bouddhistes accompagnées de cimetières était autrefois très boisée et donc grandement assombrie par les arbres et la végétation dense. On imagine donc une ruelle peu accueillante pour les passants qui s’y aventuraient. Mais les fantômes qui semblaient hanter cette rue n’étaient peut être que les effets de lumière des lanternes des passants sur la végétation dense bordant la rue.

Je n’ai bien sûr aperçu aucun fantôme dans cette rue, même si j’ai pourtant bien regardé. La rue est maintenant beaucoup plus dégagée qu’à l’époque et il n’y a plus de grands arbres. Mes photographies des temples tout autour de la rue n’ont pas non plus capturé de silhouette de fantômes. Les temples sont vraiment nombreux autour de cette rue. Je me suis promené dans le quartier pour les découvrir un à un. Les quelques photographies ci-dessus sont une sélection de cette série de temples ainsi que des photographies de cette fameuse rue Yūrei-zaka. Apparemment, il y a une autre rue au même nom dans le quartier juste à côté, à Takanawa. Je ne manquerais pas d’aller y jeter un coup d’oeil.

Changeons un peu de sujet. Je me dis souvent que Twitter ne me sert pas à grand chose et que je devrais peut être désactiver mon compte, mais je n’ai pas réussi à m’auto-convaincre jusqu’à maintenant. Il faut dire que je trouve parfois des choses très intéressantes dans le fil des gens que je suis sur Twitter. Par exemple, je découvre récemment sur le fil Twitter de Patrick Rebollar un lien vers une série d’émissions en podcast intitulée La Fabrique de l’Histoire sur France Culture consacrée au Japon. Le premier épisode nous parle de la représentation de la contestation des années 1960 dans les arts et plus particulièrement dans la photographie avec le mythique magazine Provoke. Le deuxième épisode nous donne un aperçu de la vie du peintre japonais Foujita installé à Paris pendant les années folles. Et tandis que l’épisode 3 aborde comme thème la place de la femme et du féminisme dans la société japonaise, le quatrième et dernier épisode évoque lui les figures des guerriers samouraïs et la manière dont leur statut a évolué vers celui d’hommes de lettres et d’arts, alors que les innombrables conflits entre clans adverses prenaient fin et que la paix s’installait dans le pays. Ce dernier épisode est tout spécialement intéressant quand il aborde l’esprit du bushido, le code moral des samouraïs, et sa résurgence avant et pendant la seconde guerre mondiale. Ces épisodes étaient vraiment intéressants et j’ai appris pas mal de choses. J’essaierais certainement d’approfondir plus en avant ces sujets, peut être en me procurant le livre d’un des intervenants Pierre-François Souyri appelé Les guerriers dans la rizière.

En attendant, je pars à la recherche d’autres épisodes sur le Japon dans les podcasts de France Culture. Je tombe sur une émission fort passionnante de Laure Adler proposant quelques émissions enregistrées au Japon, 7 épisodes de son émission Hors-champs. J’écoute avec beaucoup d’intérêt l’interview du cinéaste Hirokazu Kore-eda dont j’ai beaucoup apprécié les films que j’ai pu voir récemment, l’interview du photographe Hiroshi Sugimoto que j’apprécie beaucoup également. Plusieurs écrivains sont également interviewés dont Kenzaburô Oe en deux épisodes passionnants. Dans ces interviews, des thèmes récurrents sont abordés comme la présence américaine dur les îles d’Okinawa ou l’après Fukushima. L’épisode avec Kenzaburô Oe nous parlant de son fils autiste Hikari et son amour obsessionnel de la musique classique est touchant. Pour ne rien gâcher à cette série d’épisodes, la musique d’introduction et de conclusion au piano de Chilly Gonzales est très belle, bien qu’un peu entêtante.