言葉以上・現実以上

Le retour au rythme tokyoïte sur Made in Tokyo n’est pas aussi facile que je l’imaginais. Le sentiment de fatigue post-Covid m’a poursuivi plusieurs semaines et j’ai par conséquent eu un manque de volonté et d’énergie pour me lancer dans l’écriture de longs billets comme j‘ai pu en écrire jusqu’à présent avant nos vacances en France ou comme je le fais maintenant. Et pourtant, le niveau de fréquentation particulièrement haut du blog pendant le mois d’Août aurait dû me motiver un peu plus. La chaleur estivale infernale avec ces 35 degrés tous les jours de la semaine est peut propice aux promenades photographiques, mais j’ai tout de même marcher près du gymnase de Yoyogi, où des danses Yosakoi (よさこい) ont attiré mon attention. Le Yosakoi est une interprétation moderne de la danse traditionnelle Awa-Odori que l’on peut souvent voir dans les festivals d’été. Plusieurs groupes habillés de tenues différentes dansaient les uns après les autres, d’une manière très dynamique caractéristique du genre, le long de la large allée piétonne séparant le Hall de la NHK du gymnase de Yoyogi. La musique qui accompagne les danses a un côté un peu kitsch mais l’énergie communicative des danseurs et danseuses faisaient plaisir à voir. Ils m’ont en quelque sorte transmis un peu de leur énergie. Bien que je n’ai pas publié de billets pendant ces vacances françaises, ça ne m’a pas empêché de réfléchir à la direction que je devrais donner à ce blog. Je me suis dit que ça n’avait pas beaucoup de sens de montrer des photos de choses et d’endroits que j’ai déjà maintes fois montré et qu’il faudrait que j’y apporte une touche un peu plus personnelle et spécifique à mon style visuel. Il faudrait aussi que je travaille un peu plus la sensibilité des textes qui accompagnent mes photographies pour éviter le descriptif.

Mais cette sensibilité est de toute façon grandement et principalement influencée par la musique que j’écoute. Je me remets lentement mais sûrement à écouter de nouvelles très belles choses musicalement. Quand je me perds dans la direction de ce que je veux écouter, je reviens souvent vers LUNA SEA et cette fois-ci, j’écoute beaucoup l’album Lunacy de 2000. Je l’avais acheté en CD à l’époque et ce n’est pas l’album vers lequel je reviens le plus souvent, ce qui est une erreur car le morceau Gravity est un de leurs meilleurs. J’avais aussi oublié que certains morceaux étaient des collaborations avec DJ KRUSH, comme celui intitulé KISS. Quelques morceaux au milieu de l’album sont particulièrement inspirés, notamment le sublime Virgin Mary. C’est un long morceau de plus de 9 minutes placé exactement au centre de l’album. Ce morceau me rappelle que Ryuchi Kawamura utilise régulièrement des références religieuses, en particulier chrétiennes, dans les paroles de ses morceaux. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois d’être assis à côté de sa femme et de son fils à l’église avec mon grand lorsqu’ils étaient petits dans la même école maternelle. Ryuchi Kawamura ne venait bien évidemment pas. Je n’ai malheureusement jamais pu dire à sa femme toute l’admiration que j’avais pour lui. LUNA SEA est le seul groupe qui fait le lien entre la musique japonaise que j’écoutais en France et celle que j’écoute encore maintenant. Écouter LUNA SEA remet en quelque sorte les pendules à l’heure, pour me permettre de repartir vers d’autres horizons.

Dans ces belles découvertes récentes, il y a le morceau Kikikaikai (器器回回) de Nagisa Kuroki (黒木渚) sorti le 23 Août 2023. Je ne connaissais pas cette compositrice et interprète originaire de la préfecture de Miyazaki dans le Kyūshū. Je la découvre par l’intermédiaire de la photographe et vidéaste Mana Hiraki (平木希奈), que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur ce blog, car elle a réalisé la vidéo de ce morceau. Cette vidéo est très inspirée d’ailleurs, comme peut l’être le morceau. Nagisa Kuroki a fait ses études à Fukuoka, ce qui peut expliquer qu’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) ait joué de la guitare sur certains enregistrements de ses morceaux. Mais Hisako Tabuchi ne joue pas sur le morceau que j’écoute en ce moment. Kikikaikai a une composition brillante, très méthodique avec un flot verbal en escalade. La dynamique du morceau est très prenante et laisse peu de temps au répit sans pourtant être poussive. La dernière minute de Kikikaikai est particulièrement excellente car la densité et la tension vocale deviennent débordantes. C’est un excellent morceau qui se savoure d’autant plus après plusieurs écoutes.

Le morceau asphyxia de Cö shu Nie sur l’album PURE n’est pas récent car il date de 2019, mais l’idée m’est venu de revenir un peu vers la musique de ce groupe après avoir vu plusieurs fois la compositrice et interprète Miku Nakamura (中村未来) sur mon flux Twitter (on dit maintenant X mais je préfère l’ignorer pour l’instant) ou Instagram. Le morceau asphyxia est une sorte d’objet musical non identifié car la voix de Miku et la composition musicale ont toutes les caractéristiques de déconstruction du math rock. On y trouve une grande élégance et inventivité. Le morceau nous trimballe sur différentes voies comme si le train musical déraillait soudainement pour se rattraper de justesse vers une nouvelle direction. Mais le morceau n’en reste pas moins très construit. On peut se demander ce qui passe par la tête de la compositrice pour en arriver à de telles envolées. Sur le même album, j’écoute également Zettai Zetsumei (絶体絶命), car je suis attiré par le titre me rappelant un morceau de Tokyo Jihen. Ce morceau est un peu plus conventionnel et calme qu’asphyxia, mais juste un peu car l’escalade instrumentale est toujours bien présente, pour mon plus grand bonheur, il faut bien le dire. C’est un style musical, un peu comme celui de Ling Toshite Sigure, qui me paraît tout à fait unique au Japon.

L’émission radio du dimanche soir What’s New FUN? de Teppei Hayashi (林哲平) sur InterFm me fait découvrir le rappeur originaire d’Oita Skaai qui y était invité pour une interview. Quelques morceaux de Skaai étaient diffusés, notamment celui intitulé Scene! en collaboration avec Bonbero. Ce morceau de hip-hop en duo est vraiment excellent pour son ambiance sombre et atmosphérique, comme on pourrait en trouver chez DJ KRUSH, et pour les talents vocaux multiples de Skaai. J’adore le hip-hop lorsqu’il part vocalement vers ce genre de terrains mouvants. Je découvre plus tard un autre excellent morceau hip-hop de Skaai intitulé FLOOR IS MINE (featuring BIM, UIN). La voix de Skaai chantant en anglais le refrain me rappelle vaguement un morceau de Red Hot Chili Pepper mais je n’arriverais pas à vraiment dire lequel. Le compte Twitter de Skaai m’indique également une collaboration avec le rappeur coréen nommé 27RING (이칠링) sur un morceau énorme intitulé Brainwashing (세뇌) Ultra Remix tiré de son album 27LIT. Le morceau est énorme car il fait plus de 8 minutes et fait collaborer pas moins de 12 rappeurs prenant la parole les uns à la suite des autres sur une trame commune dense et anxiogène. Je ne connais pas tous ces noms (TAK, Moosoo, DON FVBIO, Ted Park, maddoaeji, Boi B, DAMINI, New Champ, Lee Hyun Jun, Skaai, Asol) qui semblent principalement coréens à part Skaai (qui est en fait moitié coréen, parlant la langue). La puissance de l’ensemble et son agressivité conservant un bon contrôle des phrasés parfois ultra-rapides, m’impressionnent vraiment. Chaque intervention des rappeurs invités est entrecoupée d’exclamations proche du cri de 27RING scandant en coréen dans le texte « Mon cerveau a subi un lavage de cerveau » (세뇌 당했지 나의 뇌). La vidéo très graphique est viscérale et correspond bien à l’ambiance du morceau. Il faut d’ailleurs l’écouter fort dans les écouteurs en regardant la vidéo pour bien s’immerger. Je me sens parfois reconnaissant, envers je ne sais qui ou quoi, de tomber sur ce genre de morceaux qui réveillent mon émerveillement musical.

Je reviens ensuite vers des terrains rock plus connus en écoutant le nouveau single du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé More than Words. J’aime la voix de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) qui a un petit quelque chose de particulier et que je trouve très mature sur ce morceau. Dès les premières notes, le son des guitares est très présent, rempli de réverbération, et le rythme de la batterie est extrêmement soutenu. Je suis toujours surpris par la qualité du son qu’il et elles arrivent à sortir à trois. Le son des guitares est ici très spacieux. Ce single est utilisé comme thème de fin de l’anime à succès Jujutsu Kaisen (呪術廻戦), du mangaka Gege Akutami (芥見下々), pour une série intitulée Shibuya Jihen (渋谷事変), à ne pas confondre avec Tokyo Jihen (東京事変). Le thème d’ouverture de ce même anime est un morceau de King Gnu intitulé Specialz (スペシャルズ) qu’il me faudra écouter un peu plus (en tout cas la vidéo est impressionnante). En ce moment, j’écoute aussi deux EPs de Hitsuji Bungaku, à savoir Kirameki (きらめき) sorti en 2019 et Zawameki (ざわめき) sorti en 2020. Je ne connaissais en fait pas ces EPs en entier. En les écoutant, je me prépare en quelque sorte pour le concert à Tokyo Haneda le mois prochain, en Octobre 2023. J’ai très hâte d’aller les voir en live. Je sais déjà que ça rendra bien, pour les avoir vu et entendu en streaming lors de leur passage au festival Fuji Rock, il y a quelques années.

Shinichi Osawa (大沢伸一) de MONDO GROSSO produit le nouveau morceau d’Hikari Mitsushima (満島ひかり) intitulé Shadow Dance. C’est à ma connaissance la troisième collaboration entre les deux artistes. Ce morceau est très beau. L’élégance naturelle d’Hikari Mitsushima déteint forcément sur ce morceau, qui est très délicat, notamment dans ses moments parlés. Ce morceau fait apparemment référence au court métrage publicitaire Kaguya by Gucci, réalisé par Makoto Nagahisa dans lequel Hikari Mitsushima jouait déjà. Pour les plus attentifs, j’en ai déjà parlé plusieurs fois. La qualité de la production musicale de MONDO GROSSO n’est plus à démontrer et je suis toujours très satisfait qu’il travaille avec des artistes que j’aime, comme Daoko, Sheena Ringo, AiNA entre autres. J’aimerais d’ailleurs beaucoup que Sheena Ringo écrive un morceau pour Hikari Mitsushima. Il y a déjà des liens entre les deux. J’ignore par contre complètement le morceau que Sheena Ringo a écrit et composé récemment pour Sexy Zone. Faisons comme si il n’avait jamais existé car il n’est de toute façon pas brillant. Je suis également assez déçu par le nouveau single d’Utada Hikaru (宇多田ヒカル) intitulé Gold (~また逢う日まで~). Le morceau est loin d’être mauvais mais il n’a absolument rien d’original, par rapport à ses morceaux précédents. Je l’ai bien écouté plusieurs fois, mais j’ai beaucoup de mal à m’en souvenir. Elle aurait besoin d’un nouveau souffle et je ne doute pas qu’elle le trouvera, comme ça avait été le cas pour l’album Fantôme. Cet album ne semble d’ailleurs pas être le préféré des amateurs d’Utada Hikaru. C’est pourtant pour moi un des plus intéressants et celui qui m’a fait revenir vers sa musique. Et pour revenir à MONDO GROSSO, quelle plaisir de voir une collaboration avec KAF (花譜) dont je parle aussi assez souvent sur ces pages. Le morceau qui vient juste de sortir s’intitule My Voice (わたしの声). Il mélange habilement des sons classiques de piano et de cordes avec un rythme électronique particulièrement intéressant et la voix immédiatement reconnaissable de la chanteuse virtuelle KAF (qui est une vraie personne représentée par son avatar). Comme je le disais un peu plus haut, les choix artistiques de Shinichi Osawa m’épatent vraiment car ils sont quasiment en adéquation avec les artistes que j’apprécie.

Je ne vous obligerais pas à me suivre sur le dernier morceau sélectionné sur cette petite playlist de fin d’été, car la voix d’Ayuni D n’est pas la plus évidente à apprécier. Mais le nouveau morceau Tondeyuke (飛んでゆけ) de son groupe PEDRO qu’elle forme avec Hisako Tabuchi est vraiment enthousiasmant. En fait, j’aime beaucoup l’ambiance bucolique de la vidéo accompagnant le morceau, et le sentiment de nonchalance estivale qui l’accompagne. La manière de chanter d’Ayuni sur ce morceau, en chuchotant presque la fin de chaque phrase, me plait aussi beaucoup. Et il y a un petit passage de guitare vers la fin du morceau où les sons que dégage Hisako me rappellent Sonic Youth. Ce single et la musique de PEDRO ont apparemment un certain succès. J’étais plutôt surpris d’entendre que Tondeyuke était placé à la 54ème place du classement hebdomadaire Tokio Hot 100 de la radio J-Wave, que j’écoute très régulièrement le dimanche après-midi (de 13h à 17h) lorsque nous sommes en voiture. Après la dissolution de BISH, ça fait plaisir de voir chacune des anciennes membres trouver une nouvelle voix. C’est aussi le cas de CENTCHiHiRO CHiTTiii qui s’est lancé dans une carrière solo sous le diminutif de CENT. Son nouveau single Kesshin (決心) est un rock plutôt classique et j’étais assez surpris de voir que la musique a été composée par Kazunobu Mineta (峯田和伸) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ).

AiNA The End a une carrière musicale pour l’instant très dense et on pourra la voir bientôt au cinéma sur le nouveau film du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二), Kyrie no Uta (キリエのうた). J’ai très récemment trouvé au Disk Union de Shimokitazawa le CD de la bande originale du film All About Lily Chou Chou (リリイ・シュシュのすべて) sorti en 2001, du même Shunji Iwai. J’avais déjà parlé sur ce blog de la musique du film chantée par Salyu. Le premier morceau intitulé Arabesque (アラベスク), qui accompagne les premières images du film dans les herbes hautes près d’Ashikaga (足利駅) dans la préfecture de Tochigi, est tellement sublime que je le compte volontiers dans la liste des morceaux que je préfère. La force d’évocation émotionnelle de cette musique et de la voix extrêmement sensible de Salyu me donnent à chaque fois des frissons. C’est proche du divin, sans trop exagérer. J’ai du coup revu le film qui m’avait beaucoup marqué la première fois que je l’avais vu. Je suis très curieux des films de Shunji Iwai mais ils ne sont pas disponibles sur Netflix ou Amazon Prime. J’ai quand même vu récemment le film Last Letter (ラストレター) sorti en 2020 basé sur un roman qu’il à écrit lui-même. Beaucoup d’actrices et d’acteurs reconnus jouent dans ce film, comme Takako Matsu, Suzu Hirose, Nana Mori et Masaharu Fukuyama entre autres. La surprise était de voir le réalisateur Hideaki Anno (de Neon Genesis Evangelion) joué un second rôle, celui du mari du personnage joué par Takako Matsu. Que ça soit sur des films ou des drama télévisés, je croise souvent la route de Takako Matsu (松たか子) en ce moment. La dernière fois était sur le drama Quartet (カルテット), dans lequel jouait également Hikari Mitsushima. Tout finit par se reboucler dans mes billets.

街の空虚も愛せない

Je découvre par hasard un nouvel immeuble de l’architecte japonais Von Jour Caux alors que je marchais de Zoshigaya (雑司ヶ谷) jusqu’à la station d’Ikebukuro (池袋). Ce building appelé Le bois Hiraki Minamiikebukuro Building est en fait situé près de la station. On reconnaît tout de suite et de loin le style Von Jour Caux, proche de l’architecture d’Antoni Gaudi. Je l’avais de toute façon déjà vu de nombreuses fois sur internet. Sa construction en 1979 est antérieure à son bâtiment le plus connu, Rythms of Vision, Waseda El Dorado que j’ai déjà montré plusieurs fois sur les pages de Made in Tokyo. J’aurais dû essayer de voir l’intérieur qui est encore plus mystérieux que l’extérieur. Il y a quelques autres bâtiments de Von Jour Caux à Tokyo qu’il faudrait que j’explore un jour ou l’autre. En passant à Zoshigaya, je suis retourné au temple Kishimojindō (鬼子母神堂) pour récupérer cette fois-ci le sceau goshuin que je n’avais pas collecté la première fois. J’en profite pour refaire un petit tour parmi les Torii rouges où on été tournées certaines scènes de Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王).

La musique rock à l’esprit indé d’Hitsuji Bungaku (羊文学) est toujours un bonheur, ici avec un nouveau single intitulé FOOL sorti le 25 Avril 2023. Le style musical est dans la lignée de ce qu’on connaît déjà du groupe et l’accroche est immédiate. La formule rock dans lequel s’inscrit la musique du groupe fonctionne vraiment très bien. J’aimerais vraiment les voir en concert un jour, mais le groupe est en fait maintenant assez populaire. Il est donc plus difficile d’acheter des billets et j’avais manqué mon coup lors de leur dernière tournée. Je parle également régulièrement de la compositrice et interprète Samayuzame qui vient de sortir un nouveau morceau intitulé City of Romantica. Il s’agit en fait d’une reprise retravaillée d’un de ses morceaux plus anciens. L’ambiance électronique y est comme toujours très fouillée, délicate et apaisante. La photographie qui sert de couverture au single a été prise par Mana Hiraki (平木希奈) dont je parle souvent en ce moment. a子 vient également de sortir un excellent nouveau single intitulé All to Myself (あたしの全部を愛せない) le 20 Juin 2023. Elle fait pour moi un sans faute depuis le début de sa carrière. Elle a trouvé une voie très intéressante entre le côté indé (sa voix et sa manière de chanter y contribuent) et le côté pop qu’elle a développé au fur et à mesure des morceaux. Dès la première phrase des paroles (あたしの空虚も愛せない), j’aime beaucoup la vidéo où on la voit jouer avec son groupe, les cheveux plus rouges que jamais et le visage taché de château Margaux. J’ai hâte d’aller la voir la semaine prochaine, si tout va bien, à Shibuya. J’imagine que le groupe de la vidéo sera le même en concert. Je reconnais certaines têtes comme le guitariste à la coupe rasta Masumi Saito et le bassiste à la coupe punk Gaku Usui. Le nouveau groupe de DAOKO appelé QUBIT (キュービット) sort son premier morceau intitulé G.A.D. en ce même jour du 20 Juin 2023. J’avais déjà un peu parlé de QUBIT en indiquant que DAOKO était accompagnée de Seiichi Nagai (永井聖一) à la guitare, Makoto Suzuki (鈴木正人) à la basse, Shōhei Amimori (網守将平) aux claviers et Kazuya Ōi (大井一彌) à la batterie. Je me demandais vraiment vers quel style allait tendre la musique du groupe sachant que le guitariste Seiichi Nagai officie également au sein du groupe Sōtaisei Riron (相対性理論) d’Etsuko Yakushimaru. Le style est en fait assez proche de la musique de Daoko. Ce premier single était pour moi un peu déroutant à la première écoute dans sa première partie mais m’a complètement convaincu dans sa deuxième partie. Le phrasé hip hop accentué de DAOKO est toujours excellent car sa voix change sans cesse de tonalité. Au final, le morceau est très original et changeant, et ne semble pas vouloir plonger dans le mainstream que DAOKO connaissait pourtant bien à une certaine période de sa carrière. Tout ceci me plaît vraiment beaucoup.

suivre les signes de la rue

Made in Tokyo a tout juste 19 ans. A l’état civil, sa naissance est enregistrée le 22 Mai 2003. Si on regarde la page des archives du blog, on voit que des billets sont publiés dès Mars 1999, mais il s’agit des entrées du journal de bord de ce site web alors qu’il ne s’appelait pas encore Made in Tokyo, mais Okaeri. J’avais longtemps hésité avant d’intégrer dans Made in Tokyo ces anciens messages de Mars 1999 jusqu’à Mai 2003, car je pensais qu’ils viendraient brouiller l’historique du blog. Mais comme ils étaient tous datés, j’ai trouvé une certaine logique à faire coïncider ces anciens messages avec les dates réelles auxquelles je les avais écrit. J’ai aussi tendance à utiliser ce blog comme une aide mémoire, ce qui me permet ainsi de revenir jusqu’à mes premières années à Tokyo. Ces premières années sont bien sûr loin d’être complètes car il me reste quelques pages à intégrer. Je me suis souvent demandé si j’aurais le courage de continuer aussi longtemps. Je me posais la question sur le premier billet de Made in Tokyo si j’allais trouver des choses intéressantes à dire et si j’allais trouver le temps de publier régulièrement des nouveaux billets. Force est de constater que j’ai dû trouver des choses intéressantes à raconter pour continuer jusqu’à maintenant à suivre sans discontinuer les signes que me font la rue.

Depuis que j’utilise mon objectif fixe 40mm sur mon Canon 50D, je me concentre sur les affiches (notamment celles des abribus), sur les illustrations et les stickers de toutes sortes ornant les murs. Le traitement de l’image est volontairement un peu différent des photographies que je prends avec mon grand-angle. Le contraste y est légèrement plus accentué, assez pour que ces photographies m’apparaissent comme différentes, mais certainement pas assez pour qu’on le remarque franchement. Nous sommes ici et là dans différents quartiers de Shibuya à la périphérie du centre, devant les grandes barres d’immeubles d’habitation en phase de déconstruction au delà d’Ikejiri, derrière la tour Hikarie, dans la zone des Love Hotels à Maruyamachō ou dans les quartiers autour du grand stade olympique à Sendagaya. J’aime beaucoup prendre en photo ce brouhaha visuel mélangeant couleurs et noir et blanc et tous ces signes que me font la rue.

La première photo est extraite de la présentation en directe sur YouTube du nouvel album our hope de Hitsuji Bungaku par les trois membres du groupe, de gauche à droite: le très chevelu Hiroa Fukuda (フクダヒロア) à la batterie et aux chœurs, Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) au chant et à la guitare et Yurika Kasai (河西ゆりか) à la basse et aux chœurs. Cette vidéo n’a pas été conservée dans les archives de YouTube, il n’y a donc pas de lien disponible. La deuxième photo est extraite de la session The First Take du morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ). Les deux dernières photos sont extraite de la vidéo du morceau OOPARTS présent sur l’album our hope.

Côté musique, j’écoute beaucoup en ce moment le dernier album du groupe rock Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé our hope. Il s’agit de leur troisième album. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de la musique rock indé de ce groupe, mais c’est la première que j’écoute un de leurs albums en entier. En fait, je l’aime tellement que j’ai eu envie d’aller les voir en concert sur une de leurs deux dates de Tokyo (à Odaiba DiverCity, tout près du grand Gundam). Je m’étais même préparé pour essayer de réserver une place dès l’ouverture du guichet sur le site web de Pia, un samedi à 10h du matin. Mais entre le site qui ne répond pas et les demandes qui semblaient être nombreuses, je n’ai pas réussi à acheter un billet malgré de nombreux essais successifs. Tous les billets ont été réservés en moins de 30 minutes (le guichet était fermé un peu avant 10h30). Je ne me doutais pas que Hitsuji Bungaku était aussi populaire, mais j’ai bien l’impression que le groupe a gagné une certaine notoriété car ils vont passer le lundi 23 Mai dans l’émission musicale télévisée CDTV Live Live (CountDown TV ライブライブ), au côté de groupes comme King Gnu. J’ai toujours pensé qu’il était compliqué d’acheter des places de concert au Japon pour un groupe connu lorsqu’on ne fait pas partie du fan club (c’est la raison pour laquelle je suis membre de Ringohan bien que comme par hasard, il n’y ait toujours pas de concerts annoncés). La relative facilité avec laquelle j’avais pu obtenir une place pour le concert de Tricot m’avait pourtant donné un peu d’optimisme. Tout ça me rappelle un peu la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment eu en tête d’aller voir des concerts ces dernières années. Mais la crise sanitaire m’a aussi fait prendre conscience d’un manque que je n’avais pourtant pas jusqu’à maintenant. Pour revenir à ce nouvel album de Hitsuji Bungaku, je trouve tous les morceaux très bons avec quelques pépites comme par exemple OOPARTS ou Hikaru Toki (光る時). D’autres morceaux comme Kudaranai (くだらない) se révèlent vraiment après plusieurs écoutes. Mais dans l’ensemble, les morceaux de l’album nous accrochent dès la première écoute et ne nous lâchent pas de sitôt. A vrai dire, c’est difficile à expliquer mais je ressens un respect certain pour la compositrice et chanteuse du groupe, Moeka Shiotsuka, car elle n’est pas démonstrative en interview mais montre beaucoup de passion et de conviction dans son chant lors des morceaux et concerts que j’ai pu voir sur internet. Je me souviens en particulier de leur prestation lors du festival Fuji Rock et plus récemment pour le morceau Aimai de iiyo (あいまいでいいよ) sur la chaîne YouTube The First Take. J’avais déjà parlé de ce morceau dans un précédent billet mais il n’est pas présent sur ce nouvel album, mais sur le précédent Powers. Le rock japonais est très loin d’être mort et est même très présent sur la scène musicale japonaise, par rapport aux scènes internationales. Ce n’est pas pour me déplaire bien entendu, même s’il ne s’agit pas du seul style qui m’intéresse.

色々ウォーク❶❶

Nos soirées dans la semaine et journées du week-end sont rythmées par les Jeux Paralympiques. Ils ne sont pratiquement diffusés que sur la NHK. Heureusement qu’il y a deux chaînes sur la NHK et les chaînes BS et BS4K qui sont agréablement laissées en libre accès. J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi les autres chaînes japonaises ne diffusent aucunes épreuves. Comme je le mentionnais auparavant, nous regardons un peu de tous les sports, mais en particulier le wheelchair rugby et le wheelchair basketball, que nous suivons avec beaucoup de passion. L’équipe japonaise est impressionnante de persévérance et s’achemine désormais vers la finale, ce qui est entièrement mérité vu le jeu d’équipe qu’ils nous montrent et l’aisance avec laquelle ils se déplacent sur le terrain. C’est du patinage artistique avec un ballon en mains. L’équipe est désormais assurée d’avoir une médaille mais on ne sait pas encore laquelle. Voir toutes ces épreuves des Jeux Para, les joies intenses que se manifestent lors des réussites ou les déceptions malgré les efforts, me donnent souvent les larmes aux yeux.

Les quelques photographies ci-dessus sont prises à Roppongi Hills et autour du parc de Yoyogi. Les personnages à tête de fleur entièrement dorés sont bien évidemment signés par Takashi Murakami. J’étais autrefois allergique à l’art enfantin de Takashi Murakami mais j’ai changé d’avis il y a quelques années après avoir vu la grande exposition intitulée The 500 Arhats qu’il nous proposait dans le musée de ce même Roppongi Hills. Cette statue est bien sûr excessive mais elle interpelle par sa taille et par l’apparente richesse du matériau. Ces photographies sont prises un jour de pluie alors que j’allais voir au cinéma le film d’animation de Mamoru Hosoda, Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫) dont je parlais auparavant. Les photographies autour du parc de Yoyogi sont également prises un jour de pluie mais on la distingue à peine sur les photos. Je découvre au hasard des rues les nouvelles toilettes publiques dessinées par Toyo Ito et nommées Three Mushrooms pour la ressemblance avec des champignons poussant aux bords d’une forêt. Elles se trouvent à proximité du sanctuaire Yoyogi Hachiman. Ces toilettes font partie du même projet Tokyo Toilet qui voit des architectes et des artistes concevoir des toilettes publiques à différents endroits de l’arrondissement de Shibuya. La dernière photographie montre une maison individuelle intéressante par l’utilisation de cette couleur orange vive et par la petite ouverture de verre dans un des coins supérieurs lui donnant des airs futuristes. Et on peut apercevoir furtivement le photographe à vélo en reflet sur le miroir devant cette maison. On m’aperçoit en fait à peine sur ce miroir. Je me suis souvent posé la question de me montrer ou pas sur ce blog ou sur l’icône des réseaux sociaux mais j’ai toujours conclu qu’il était préférable de ne pas trop se montrer sur internet.

Avec Spool et Yonige, je suis également avec une attention certaine la musique rock indé de Hitsuji Bungaku (羊文学). Je me suis fait une petite playlist de morceaux de ces trois groupes et je l’écoute souvent. Chacun des trois groupes a ses propres spécificités mais je trouve qu’ils vont assez bien ensemble et représentent bien une ligne musicale rock alliant une certaine mélancolie et une énergie rock qui n’a pas peur de faire intervenir les guitares. C’est ce que j’aime beaucoup sur le morceau Sabaku no Kimi he (砂漠のきみへ) de Hitsuji Bunkaku. Le final laisse place à un solo de guitare au son cristallin montant en puissance jusqu’à la saturation. Ce son là de guitare nous traverse le cerveau jusqu’aux omoplates. La voix de Moeka Shiotsuka (également appelée Heidi) a un petit quelque chose de spécial, un accent peut-être, qui la rend particulièrement intéressante à écouter. Ce morceau est le huitième du deuxième album du trio, intitulé POWERS et sorti en Décembre 2020. Hitsuji Bungaku évolue souvent vers la pop rock, sur des morceaux comme Aimai de ii yo (あいまいでいいよ) qui s’écoule dans une fluidité parfaite. Mais, j’aime aussi les morceaux un peu plus lents et sombres comme le dernier morceau de l’album POWERS, Ghost ou le premier intitulé mother. L’intensité rock y est omniprésente et parfois brute mais adoucie par le chant de Moeka et les chœurs combinés de la bassiste Yurika Kasai et du batteur Fukuda Hiroa. Ce mélange de force émotionnelle et d’intensité sonore me rappelle le groupe Kinoko Teikoku, mené par Chiaki Sato. Les deux groupes sont en fait suivis par le même management. Hitsuji Bungaku a sorti plus récemment un EP intitulé you love sur lequel je n’ai pour l’instant écouté que le premier morceau et single Mayoiga (マヨイガ) utilisé comme thème d’un film d’animation intitulé Misaki no Mayoiga (岬のマヨイガ) réalisé par Shinya Kawatsura à partir d’un roman de Sachiko Kashiwaba. J’avais déjà parlé plusieurs fois de Hitsuji Bungaku dans des billets précédents, et je me rends compte que j’avais déjà évoqué cette ressemblance avec Kinoko Teikoku. J’ai le sentiment que le groupe gagne petit à petit en notoriété car il était sur l’affiche principale du festival Fuji Rock cet été (avec Yonige d’ailleurs). Et à ce propos, Fuji Rock avait également sur son affiche, dans la section Rookie a Go-Go, le jeune groupe Ms.Machine dont j’ai également plusieurs fois parlé ici. Ça fait plaisir de voir des groupes qu’on aime accéder à une certaine reconnaissance.

ネズミ・マウス

L’année 2020 sera sous le signe de la souris et on les voit apparaître un peu partout dans les rues de Tokyo, ici à Marunouchi. Le long de la Naka-dori qui devient piétonne le week-end et qui est illuminé le soir pendant les fêtes, on peut voir en ce moment des statues sur le thème du rugby. Elles ont dû être mises en place sur quelques bancs de la rue pendant la coupe du monde de rugby. On peut y voir des symboles culturels japonais comme un ninja ou un lutteur de sumo. Je choisis de prendre en photo le personnage de Chiko Chan que l’on regarde à la télévision en famille tous les samedi matin sur NHK, tout en prenant le petit déjeuner. Sur les murs de l’escalier montant au quai de la ligne Yamanote à la gare de Yurakuchō, je suis surpris de retrouver une illustration de Shohei Ōtomo, montrant un personnage féminin cyborg habillé d’un kimono. Il s’agit d’une illustration publicitaire pour la Sony PlayStation.

La fin de l’année approchant très vite, l’envie me reprend comme tous les ans de faire le point sur la fréquentation du site. Pendant cette année 2019, au moment où j’écris ces lignes, j’ai publié 137 billets, ce qui est un peu plus que l’année dernière avec 126 billets publiés (95 billets pour l’année 2017). Il faut croire que l’inspiration ne tarit pas malgré les années. Je continue à prendre des photographies tous les week-ends sans vraiment me lasser, ce qui nourrit sans cesse mon envie de créer de nouveaux articles pour les montrer. L’envie d’écrire sur les musiques je j’aime est aussi souvent le point de départ des textes. J’essaie en général de trouver un point en commun entre la musique dont je vais parler et les photographies que je vais montrer dans un même billet. C’est la raison pour laquelle je continue à mélanger les deux. Je pense aussi que c’est ce mélange des genres qui maintient une certaine singularité de Made in Tokyo, même si la logique n’est pas évidente au premier coup d’oeil. C’est certainement une raison pour laquelle Made in Tokyo ne trouve pas un large public. Il y a eu 16330 visites sur l’année 2019 (soit environ 45 visites par jour), ce qui est en baisse assez significative par rapport à l’année 2018 avec 19410 visites (53 visites par jour), prenant en compte que l’année 2018 avait connu un rebond par rapport à l’année précédente (17841 visites en 2017). L’augmentation du nombre de billets en 2019, bien qu’elle ne soit volontaire, n’a pas influé sur la fréquentation du site. Par contre, le nombre de commentaires sur les billets est en augmentation constante avec 62 commentaires (excluant les miens) en 2019 contre 55 en 2018 (et 46 en 2017). C’est une note positive sur ces statistiques. Ceci étant dit, je ne me base pas uniquement sur ces statistiques pour continuer ce site, sinon il y a longtemps que j’aurais arrêté. Les réseaux sociaux vont très certainement continuer à grignoter du terrain sur les formats plus classiques du blog comme celui-ci, et je ne m’attends pas à une augmentation du nombre de visiteurs. Je me réconforte toujours en me disant que ça me permet d’être plus personnel dans mes textes, même si je m’impose volontairement beaucoup de limitations. Je cherche aussi volontairement à maintenir une certaine distance avec le brouhaha des réseaux sociaux.

Images extraites des vidéos sur YouTube des morceaux 1999 et Romance ロマンス du groupe Hitsuji Bungaku 羊文学 sortis respectivement en décembre 2018 et en juillet 2019.

Je découvre à la radio le morceau 1999 du groupe Hitsuji Bungaku 羊文学 dont je n’avais jamais entendu parlé jusqu’à maintenant et j’aime beaucoup ce que j’entends pour son ambiance rock indé à tendance shoegaze. En fait, le son de ce morceau me rappelle un peu celui du groupe Kinoko Teikoku きのこ帝国 sur un album comme Eureka. Il y a une certaine nostalgie qui est transmise à travers ce morceau et j’y suis sensible, d’autant plus que cette année 1999 donnant le titre au morceau correspond à mon arrivée à Tokyo. L’autre morceau que j’écoute du groupe s’intitule Romance ロマンス sur le EP Kirameki きらめき sorti en juillet 2019. Ce morceau rock prend des accents plus pop et coloré comme la vidéo. J’aime beaucoup la voix de Moeka Shiotsuka 塩塚モエカ sur ce morceau en particulier, le rendant immédiatement très accrocheur. C’est une excellente découverte musicale en cette fin d’année. J’aurais découvert beaucoup de belles choses musicales cette année encore.