Je n’avais jamais rencontré l’architecture de Sou Fujimoto jusqu’à maintenant, tout simplement parce qu’elle se trouve dans des zones résidentielles de la périphérie proche du centre de Tokyo où je ne vais pas souvent, voire même pas du tout. Bien entendu, les adresses des maisons individuelles restent secrètes, pour protéger la vie privée des propriétaires mais avec un peu de recherche, le passionné d’architecture un peu persévérant finit par découvrir ces petits trésors urbains. Je pars à la recherche de deux maisons conçues par Sou Fujimoto: House NA et House H. Elles ne se situent pas du tout au même endroit. House NA est en fait assez facile à trouver car l’adresse est publiée à plusieurs endroits sur internet, sur des cartes Google Maps. Ce n’est pas le cas de House H, mais le blog Tokyo Files m’avait donné de bonnes pistes de recherche, ce qui m’a permis de la trouver sans trop de difficulté. Il faut dire que j’ai pris une certaine habitude à rechercher l’architecture sur Google Maps, même si c’est malheureusement sans grand succès parfois.
House NA se trouve près de la station de Koenji, au delà de Shinjuku et de Okubo. Je profite de deux heures de temps libre le lundi de la Golden Week pour partir à la recherche de cette maison, et par la même occasion découvrir un peu les rues de Koenji et quelques autres œuvres architecturales vues dans les magazines d’architecture, comme le théâtre Za Koenji de Toyo Ito, mais j’y reviendrais plus tard dans un autre billet. En fait, je connaissais déjà Koenji pour y être allé il y plusieurs années déjà. Il y a certainement plus de dix ans de cela, nous allions voir des concerts rock plutôt underground dans la salle 10000 Volts, désormais disparue. Nous y allions avec Pierre la nuit et mes souvenirs des rues de Koenji ne sont plus très clairs. On devait y aller à moto et je me souviens qu’on traçait notre route à toute allure en pleine nuit lorsque tous les feux de la rue Inokashira s’alignaient au vert. J’exagérais si je disais qu’on se prenait pour Kaneda dans les rues de Neo-Tokyo, mais je me souviens qu’on allait vite. Ma mémoire résiduelle embellit et exagère très certainement les choses, mais c’est ce souvenir qui me reste en tête à cet instant précis.
Koenji se trouve à seulement 6 minutes de la station de Shinjuku sur la ligne JR Chuo. J’avais l’impression que Koenji était plus éloigné de Shinjuku que cela. En descendant de la station, je me dirige rapidement en direction de la maison House NA, non sans une certaine excitation. Dans les petites rues, les bars et restaurants ont tous leurs devantures fermées après une longue soirée de labeur. Nous sommes le matin et les rues sont calmes. J’aperçois au loin un groupe de trois étrangers semblant se diriger dans la direction de House NA. Ils sont peut-être, comme moi, à la recherche de cette maison de Sou Fujimoto. Je savais que cette maison était assez renommée, car affichée régulièrement dans les magazines ou livres d’architecture japonais ou internationaux, mais pas au point de trouver au même moment que moi d’autres découvreurs d’architecture tokyoïte. En fait, le petit groupe passe bien devant la maison, remarque son originalité, mais ne semble pas pour autant venus exprès pour la voir car ils ne s’attardent pas sur les lieux. J’approche ensuite la maison. La plupart des rideaux sont fermés, à part au rez-de-chaussée. La 2CV bleue clair est également là, comme sur les photos des magazines d’architecture que j’ai pu voir dans le passé. Elle ressemble à celle de mon grand-père. Elle est par contre poussiéreuse et je soupçonne qu’elle ne doit pas beaucoup servir. Elle est peut être devenue un objet de décoration.
Lorsque l’on aperçoit House NA, on est tout de suite saisi par la fragilité de la structure ouverte sur la rue. On essaie ensuite de comprendre comment sont organisés les étages, mais ça reste assez compliqué depuis l’extérieur. Elle est composée d’une multitude de demi étages sans murs et reliés par des escaliers de quelques marches. La maison est complètement ouverte et on a un peu de mal à faire la distinction entre l’espace intérieur et extérieur. La maison donne l’impression d’une extrême légèreté et délicatesse, car elle n’est pratiquement composées que de plaques blanches au sol soutenues par de fines tiges blanches d’acier. On se demande comment elle peut soutenir la présence humaine et les meubles. La maison est composée de 21 plaques à des hauteurs différentes, un peu comme des grandes feuilles placées sur un arbre. Elle se veut être un espace collectif et modulable. En ce sens, elle prend l’esprit d’un espace nomade car l’espace peut être utilisé de nombreuses manières différentes selon les envies. Comme pour Moriyama House ou Garden & House de Ryue Nishizawa, je me pose toujours la question de la viabilité de cette ouverture complète sur la rue, surtout qu’il s’agit, comme très souvent dans les zones résidentielles de Tokyo, d’une rue assez étroite avec un vis-à-vis. En ce sens, elle est encore plus radicale que les deux maisons de Nishizawa.
Le site Dezeen montre de nombreuses photographies de l’intérieur et les plans de la maison pour se donner une meilleure idée. De nombreuses photographies sont également visible sur le site du photographe Iwan Baan. Une vidéo par Vincent Hecht nous permet de découvrir l’intérieur. House NA a également été prise en photo par Jérémie Souteyrat sur son livre Tokyo no ie (Tokyo Houses). Tout ça pour dire que House NA est très bien documentée et sous tous les angles. Dans un prochain billet, je partirais à la recherche de House H, une autre maison individuelle particulière de Sou Fujimoto.