les deux jours qui suivent le premier

Hôtel Meguro Gajoen, le Jeudi 2 Janvier 2025

Les années qui passent peuvent parfois donner le vertige. Je savais que nous n’avions pas visité la partie ancienne de l’hôtel Meguro Gajoen (目黒雅叙園) depuis très longtemps, mais une vérification sur les anciens billets de Made in Tokyo me confirme que notre première et dernière visite des lieux s’est passé il y a tout juste vingt ans. Nous avions reçu il y a quelques semaines trois billets par une amie et avons donc profité de la journée très calme du 2 Janvier pour y retourner cette année. Cette partie ancienne de l’hôtel a été établie en 1931 par Rikizo Hosokawa (細川力蔵). Avant cela, Hosokawa opérait un restaurant traditionnel japonais ryōtei (料亭) nommé Shibaura Gajoen (芝浦雅叙園) dans le quartier des divertissements de Shibaura, mais décida de le déplacer à Shimomeguro, l’emplacement actuel de Meguro Gajoen, après avoir acheté une ancienne maison et ses dépendances d’un domaine datant de l’ère Meiji, propriété de l’homme d’affaire Shoichi Iwanaga (岩永 省一). La structure en bois de Meguro Gajoen a été construite par le maître charpentier Kyugorō Sakai (酒井久五郎), qui a également construit l’ancien Kyodo Kaikan en 1936, que j’avais visité en Août 2022. Une partie de l’ancien hôtel a été malheureusement détruite depuis longtemps et le jardin n’a plus la splendeur d’autrefois, mais la partie restante organisée le long d’un escalier de 100 marches en bois de zelkova appelé Hyakudan Kaidan (百段階段) vaut clairement la visite. L’hôtel est placé sur une longue pente et l’escalier remonte en direction de la gare de Meguro. On peut visiter plusieurs salles de banquets richement décorées, installées le long de cet escalier qui ne se compose en fait que de 99 marches (la visite nous en explique la raison supposée).

Le romancier Osamu Dazai (太宰治) y trouva inspiration pour son roman Kajitsu (佳日) publié en 1944, car un de ses amis s’y était marié l’année précédente et il avait pris grande part aux préparatifs. En lisant la fiche Wikipedia du romancier, je suis tout de suite intrigué par un nom et une photographie d’époque de Tomie Yamazaki (山崎富栄), esthéticienne et veuve d’un mari mort à la guerre dix jours après leur mariage. C’est certainement dû à son prénom, mais je trouve dans cette photographie une beauté qui me rappelle celle de Tomie (富江) du manga de Junji Ito (伊藤潤二). Tomie Yamazaki était la dernière compagne d’Osamu Dazai. Il a quitté femme et enfants pour emménager avec elle. Ils mourront tragiquement tous les deux le 13 juin 1948, noyés dans l’aqueduc de Tamagawa alors que la rivière était en crue. Osamu Dazai a fait de nombreuses tentatives de suicides, et c’est la raison officielle de leur mort, mais une rumeur persistante affirme que c’est Tomie qui a tué Osamu Dazai et a ensuite jeté son corps dans le canal avant de se donner la mort. Lire cette histoire me fait très fortement penser que Junji Ito a dû s’inspirer de Tomie Yamazaki pour écrire son histoire de Tomie. Il n’y a rien qui le confirme mais je vois que d’autres ont également pensé à la même chose que moi. Dans un court message sur X Twitter, je lis par exemple le commentaire d’une personne se demandant s’il n’y aurait pas un lien dans le nom de Tomie Kawakami (川上富江) du manga de Junji Ito, avec le fait que Tomie Yamazaki se soit noyé dans le canal Tamagawa (avec une même référence à la rivière). Dans le premier épisode du manga Tomie, il faut également noté que le petit ami de Tomie s’appelle Yamazaki. Tout ceci est tellement troublant que j’aimerais y trouver une confirmation. Sur les sept salles de banquets de l’ancien Meguro Gajoen, quatre ont été désignées comme bien culturel matériel par le Gouvernement Métropolitain de Tokyo. On dit que ces salles ont servi de modèle pour les scènes de bains publics dans le film d’animation Le Voyage de Chihiro (千と千尋の神隠し) d’Hayao Miyazaki. Il faudrait que je revois le film pour confirmer cela car ça ne m’a pas sauté aux yeux lors de notre visite. La partie récente de l’hôtel construite en 1991 est assez impressionnante par sa démesure typique de la bulle économique. L’intérieur m’a rappelé la richesse intérieure qu’on avait pu voir dans l’hôtel Kawakyu à Wakayama.

Temple Ikegami Honmonji, le 3 Vendredi janvier 2025.

Pendant les deuxième et troisième journées de la nouvelle année, nous regardons attentivement, comme tous les ans, la course aller-retour Hakone Ekiden (箱根駅伝). Nous allons même supporter les coureurs près de la gare de Shinagawa lors de la deuxième journée lorsqu’ils reviennent vers Tokyo. La fin de journée nous amène ensuite tranquillement vers Ikegami dans l’arrondissement d’Ota. Nous passons un peu avant 17h au grand temple Ikegami Honmonji (池上本門寺), éclairé par les dernière lumières du jour. Ces quelques journées du début d’année se déroulent lentement mais passent en fait plus vite qu’on le pense.

parmi les lanternes du festival Oeshiki

Je voulais assister au grand festival automnal Oeshiki (お会式) du grand temple bouddhiste d’Ikegami Honmonji (池上本門寺) depuis plusieurs années et j’y suis finalement allé le Samedi 12 Octobre 2024. Il s’était arrêté pendant les quelques années de la pandémie et tombait un soir de semaine l’année dernière. Tous les ans, du 11 au 13 Octobre, le festival Oeshiki, prenant ses origines pendant la période d’Edo, commémore l’anniversaire de la mort du moine bouddhiste Nichiren (日蓮) qui vécut de 1222 à 1282, à l’époque de Kamakura. Il est le fondateur de la deuxième branche la plus importante du bouddhisme au Japon avec environ 10 millions de pratiquants, derrière le bouddhisme Jōdokyō (浄土教) et devant le bouddhisme Shingon, Zen puis Tendai. On dit que Nichiren mourut à l’âge de 61 ans à Ikegami, alors qu’il était tombé malade et avait entamé un long voyage de sa résidence sur le Mont Minobu dans la préfecture de Yamanashi, jusqu’aux sources chaudes de la région d’Hitachi, dans la préfecture d’Ibaraki, qu’il n’atteindra finalement pas. Le festival Oeshiki dans l’enceinte du temple Ikegami Honmonji dans l’arrondissement d’Ōta est la plus grande cérémonie commémorative pour Nichiren, et elle attire une foule très importante, environ 300,000 personnes dit-on. La cérémonie ne se déroule pas entièrement dans l’enceinte car le grand défilé de lanternes démarre de la gare d’Ikegami jusqu’au hall principal du temple, sur une longueur d’environ 2 kilomètres. Ce grand défilé, nommé Mandō 万灯(pour 10,000 lanternes), a lieu le soir du 12 Octobre de 18h à 23h. Il s’agit du moment le plus important du festival. On dit qu’environ 3000 personnes portent ces lanternes et les accompagnent en dansant, chantant et en jouant de diverses percussions.

Des estampes ukiyo-e représentant la cérémonie Oeshiki à Ikegami Honmonji. Celle de gauche provient de la série des Trente-six festivals d’Edo, peints par Utagawa Toyokuni (歌川豊国) et Utagawa Hiroshige (歌川広重), 1864

La foule était en effet dense et il fallait souvent marcher lentement et être patient, mais ce genre de foule n’est pas vraiment inattendu. Je marche depuis la station d’Ikegami un peu après 18h en suivant plusieurs groupes portant des lanternes. Je prends de nombreuses photographies mais assez peu sont réussies. Comme souvent dans ce genre de festival ou de matsuri, la ferveur est impressionnante, mais elle n’est pas tant religieuse qu’elle transmet l’enthousiasme d’être ensemble pour partager un événement important de la vie des quartiers tout autour du temple Honmonji. Je n’en suis pas certain, mais je pense que chacune des lanternes proviennent des quartiers aux alentours du temple, mais peut-être viennent elles d’autres temples au Japon. On a cru entendre qu’une des lanternes provenait par exemple du temple Ryūkō-ji (龍口寺) près de Fujisawa, que nous connaissons assez bien. La musique faite de chants et de percussions est répétitive et s’imprègne petit à petit dans notre cerveau au point de provoquer un certain manque lorsqu’elle s’arrête pendant quelques minutes. Les lanternes ont des formes très particulières composées d’une sorte de pagode à cinq étages coiffée de tiges portant des grosses fleurs de cerisiers. Les lanternes sont parfois portées comme des mikoshi ou posées sur des petits chariots à deux roues. Le cortège se compose principalement d’adultes mais les enfants sont également nombreux. Ce genre de festival se pratique dès le plus jeune âge et je peux tout à fait comprendre que ceux et celles qui l’ont pratiqué étant petits continuent ensuite étant adultes. Une des particularités de ce festival est cette sorte de bâton portant un symbole et des lanières que le porteur ou la porteuse vient faire tournoyer avec beaucoup de dextérité. Les mouvements semblent bien étudiés. Ils sont parfois brusques et inattendus, avec par moments beaucoup d’ampleur. Il ne me semble pas avoir déjà vu ce type de bâtons et ces lanternes dans d’autres festivités au Japon. Oeshiki n’est pourtant pas unique au temple Ikegami Honmonji. Après une petite heure de marche, on arrive finalement au pied du grand escalier de pierre montant vers le hall principal du temple. Les participants du défilé doivent maintenant monter leur lanterne, ce qui n’est pas une mince affaire. La procession entre ensuite dans l’enceinte du temple et finira sa course par une prière dans le grand hall. Le grand escalier est en sens unique et on ne peut pas revenir sur ses pas. Pas facile de retrouver son chemin parmi la foule et les innombrables stands vendant toutes sortes de choses à manger. Je connais heureusement assez bien les lieux car j’ai parcouru le large domaine du temple de nombreuses fois. On peut certainement redescendre par le cimetière en passant devant la grande pagode rouge. Je ne suis pas le seul à prendre cette route. On n’est pas tout à fait perdu car le bruit des chants se fait entendre dans la nuit.

the whole is greater than the sum of its parts

Je fais le tour des photographies datant d’il y a un ou deux mois que je n’ai pas encore montrées sur ce blog et je tombe sur les trois premières prises dans le quartier d’Ikegami dans l’arrondissement d’Ōta. J’aime beaucoup ce quartier autour de l’immense temple Ikegami Honmonji (池上本門寺) posé sur une colline boisée et entouré en grande partie par des cimetières. Comme j’aime bien me le rappeler, les japonais naissent shintoïstes et meurent bouddhistes. Au pied de cette colline, on trouve une longue série de temples bordant une rue étroite. Celui de la deuxième photographie, par exemple, se nomme Kakugen-in (池上覚源院). Il s’agit d’un temple du courant Nichiren, tout comme Ikegami Honmonji, fondé en 1393 puis déplacé à son emplacement actuel en 1690 après plusieurs incendies. Un peu plus loin, on entre à l’intérieur d’un complexe lié au temple Daibō Hongyōji (池上大坊本行寺). J’aime beaucoup la pagode avec son toit angulaire inhabituel, situé à côté de la tombe du réalisateur de films Kenji Mizoguchi (溝口健二). Ça m’avait amusé quand le compte Instagram spécialisé en architecture de l’Autrichien Ken Ulrich, que je suis depuis longtemps sur Instagram sans l’avoir rencontré, montrait une photo de cette pagode sans aucunes indications de lieu. Je l’avais tout de suite reconnu et mentionné en commentaire à sa grande surprise. J’avais également reconnu une autre maison aux airs quelconques mais couvertes de verdure qu’il montrait sur un autre de ses comptes Instagram. Plus récemment, il montrait une autre maison étrange que j’avais également pris en photo il y a trois ans près du parc Inokashira. Je me suis retenu à lui laisser un commentaire indiquant je reconnaissais également cette maison, car j’ai eu peur de passer pour un maniaque de l’architecture qui reconnaît tous les endroits à chaque fois. Mais en écrivant ce texte maintenant, je me suis finalement convaincu à commenter sur sa photo. Je n’oublie pas la première photographie du billet. Je me suis demandé en prenant la photo si les gentils minions étaient seulement concentrés près de la fenêtre de ce petit immeuble d’appartements. Réflexion faite, je pense plutôt que l’appartement lui-même est rempli à raz-bord de minions, auquel cas il faudra éviter d’ouvrir la porte ou les fenêtres. Le spectacle imaginaire d’une effusion de minions m’a fait sourire quelques instants.

Je reviens ensuite vers le petit temple Saihōji (西方寺) que l’on trouve à Kōhoku (港北) dans la banlieue de Yokohama, celui où poussait un gigantesque arbre à mimosa. L’entrée principale du temple se compose d’une petite allée piétonne bordée d’un côté par des cerisiers. Nous sommes ce jour là bien avant le pic de floraison du début du mois d’Avril. L’ambiance de fin de journée et la tranquillité des lieux donnent l’impression, en regardant ces photographies maintenant, d’un petit monde à part. Le calme ambiant me donne l’impression que le temps s’est soudainement arrêté ici, dès qu’on a franchi la grande porte du temple. Nous ne sommes pas restés assez longtemps pour constater une courbure de la ligne de temps, mais je suis persuadé que si je m’étais assis sur le petit banc placé devant la grande porte, à regarder longuement les courbures de la toiture de chaume, le temps se serait ralenti mécaniquement. L’ennui est la seule manière de faire ralentir le temps qui passe. Je ne m’ennuie malheureusement jamais, car j’ai toujours des choses à faire ou à découvrir et le temps passe donc beaucoup trop vite pour moi. Je souhaiterais parfois que le temps s’arrête complètement pendant une journée entière pour me laisser assez de temps pour écrire, dessiner ou reprendre mes petits morceaux électroniques.

Côté musique, je reviens avec un grand plaisir vers la pop électronique hyper dynamique de KAF (花譜) avec un nouveau single intitulé Gestalt (ゲシュタルト) tiré du EP de trois titres GSA, pour Gestalt Swimmer From Apocalypse, sorti le 22 Mai 2024. Ce dynamisme est à chaque fois contagieux, car la voix de KAF arrive toujours à nous interpeller. En écoutant ce morceau, et en me rappelant que KAF avait chanté le générique de fin de la nouvelle série animée Ramu, je me dis que KAF pourrait très bien être le pendant artistique de Ramu, tant on reconnaît cette même tension électrique qui joue au chaud et au froid entre ‘kawaiisme’ et agressivité exacerbée. Ce survoltage vocal et musical est cependant tout à fait contrôlé car le chant de KAF défile au millimètre accompagné d’une composition musicale électro particulièrement aiguisée et efficace.

j’apprends tokyo (jour après jour)

Je pense avoir déjà montré ici ces tuyaux d’aération en méandres sur la deuxième photographie, comme je pense avoir déjà pris une photographie similaire à la quatrième, attendant qu’un passant marche derrière la sculpture noire de Kan Yasuda (安田侃) à Tokyo Mid-Town. Je n’avais par contre jamais assisté à un festival du Setsubun dans un temple. Nous célébrons bien sûr Setsubun tous les ans à la maison en prenant un malin plaisir à lancer des haricots secs (mame) un peu partout à l’intérieur et à l’extérieur de l’appartement pour repousser les démons et inviter la chance à rester. Mon fils étant maintenant un peu trop grand, je ne porte bien sûr plus le masque de démon rouge, qui m’allait pourtant si bien. Je suis par contre toujours de corvée de ramassage des mame après la fin des hostilités. Certains haricots roulent et viennent se cacher dans les recoins de l’appartement. On ne les retrouve parfois que plusieurs mois plus tard. Comme Setsubun tombait cette année un Samedi, je me suis décidé, certes un peu tard, à aller voir les festivités qui se déroulaient au grand temple Ikegami Honmonji (池上本門寺). Le problème est que le site web du temple ne donnait pas l’heure exacte du début des festivités, et je suis malheureusement arrivé juste quand elles se terminaient. Dans ce genre d’évènements, des personnalités du monde du sport ou des médias sont parfois invitées pour lancer des sachets de ces fameux haricots vers la foule venue en nombre. Des installations étaient même mises en place devant le temple. Mais à mon arrivée vers 15h après environ 45 mins de train et de marche, la foule commençait déjà à partir et j’ai bien manqué l’événement. Ce n’était pas le premier acte manqué ces derniers jours. Je retiendrais la leçon pour l’année prochaine. Ça ne m’a pourtant pas empêché de faire un tour du temple et de son grand cimetière vallonné. Je remarque qu’une nouvelle tour est en construction et semble même être bientôt terminée.

Dès le Vendredi précédent, la météo avait annoncé de la neige pour ce lundi après-midi. Je n’y croyais d’abord pas beaucoup mais elle est finalement tombée sans pourtant bloquer tous les transports, comme c’était le cas il y a plusieurs années. J’aurais voulu terminer tôt pour profiter un peu de la neige, mais cette journée s’est déroulée comme toutes les autres et je suis rentrer tard. Les photographies sont prises donc le soir vers 21h dans les quartiers autour de la rue Kotto à Minami Aoyama. L’arbre enneigé qui ressemble à un bonsaï sur la deuxième photo est placé devant l’élégant bâtiment IDÉAL TOKYO conçu par Hiroshi Nakamura & NAP (中村拓志 &NAP建築設計事務所). Je continue avec l’architecture enneigée sur la troisième photo montrant un petit bâtiment de béton dessiné par Tadao Ando (安藤忠雄). Une bonne partie de cette neige a malheureusement disparu dans le courant de la journée suivante. Comme tout le monde je pense, j’ai toujours un sentiment partagé en voyant la neige tombée, entre une certaine forme de joie liée à des souvenirs d’enfance et une certaine appréhension en pensant aux éventuels problèmes de transport que cette neige va générer. Le premier sentiment l’emporte toujours. Je ne suis pas le seul à avoir un regard émerveillé et à prendre quelques photos au passage. Il faut bien sûr marcher doucement pour éviter de glisser et se retrouver à terre. L’album Sonatine de D.A.N. que j’évoquais dans mon billet précédent m’accompagne dans les rues enneigées, mais j’aurais également pu réécouter le très bel album Illuminate de Smany (えすめにー). Elle le conseille d’ailleurs elle-même sur Twitter lors de certains jours de pluie, ou de neige cette fois-ci (私のアルバムも雪に合うよ) et ça m’amuse toujours.

La guitariste et chanteuse Minori Nagashima (長嶋水徳), dont j’ai déjà parlé une ou deux fois sur ce blog, commente assez régulièrement sur son compte Instagram ou Twitter à propos d’Haru Nemuri (春ねむり). Je pensais qu’elle commentait car elle appréciait tout simplement sa musique, mais je me suis rendu compte que ça allait plus loin qu’une simple appréciation car Minori Nagashima joue en fait de la guitare électrique dans le groupe rock d’Haru Nemuri, du moins sur son dernier EP INSAINT sorti en Septembre 2023. On la voit en effet jouer de la guitare sur le très intéressant documentaire qu’Haru Nemuri consacre à cet EP, Recording Documentary – INSAINT. J’avais écouté sans trop de conviction cet EP au moment de sa sortie, sans vraiment y accrocher. Autant son premier album Haru to Shura (春と修羅) et ses mini-albums précédents Sayonara, Youthphobia (さよなら、ユースフォビア) et Atom Heart Mother (アトム・ハート・マザー), sans oublier le EP Kick in the World, avaient été pour moi des révélations, autant j’avais eu un avis mitigé sur la direction moins rock qu’elle prit ensuite avec le EP Lovetheism et surtout l’album Shunka Ryougen (春火燎原). Un morceau comme le single Fanfarre sur Lovetheism était particulièrement intéressant, mais j’avais trouvé les morceaux suivants de sa discographie beaucoup moins aboutis musicalement. INSAINT revient au contraire sur un terrain rock qui me plait beaucoup plus, en particulier le morceau Sanctuary wo Tobidashite (サンクチュアリを飛び出して) qui me rappelle les meilleurs moments de sa discographie. Je pense que j’aime ce morceau en particulier car elle ne force pas exagérément le trait. Le problème que j’ai avec Haru Nemuri est qu’elle est devenue une professionnelle de l’indignation sur les réseaux sociaux, et qu’elle le traduit dans sa musique d’une manière parfois exagérée. Le deuxième morceau I refuse (わたしは拒絶する) est par exemple musicalement intéressant et son approche vocale est puissante, mais je ne comprends pas le besoin de crier d’une voix sortie du death metal. Le morceau suivant Seizon wa teikō (生存は抵抗) a une approche similaire et sa voix rauque est difficile à entendre, ce qui est d’autant plus dommage que le contraste avec les chœurs est pourtant bien vu. Les paroles du premier morceau Destruction Sisters (ディストラクション・シスターズ) se veulent volontairement fortes et choquantes, mais je trouve qu’elle force le trait jusqu’à une certaine forme d’excès qui me dérange à l’écoute. J’en ai pourtant pas fini avec ce mini-album EP car j’y trouve tout de même des moments de brillance.

Je ne pensais pas revenir aussi vite vers un autre morceau du groupe Haze dont je parlais récemment. J’écoute maintenant celui intitulé Shushutaito (シュシュタイト) qui est tout de suite très accrocheur. En fait, j’aime beaucoup la voix de Katy qui n’est pas totalement fluide, mais qui ne donne pas pourtant le sentiment de se forcer. Sa manière d’appuyer sur les mots du refrain vers le fin du morceau les font sonner comme des coups de poing (sans pourtant avoir besoin de crier). Il y a comme sur le morceau NOISE une certaine qualité brute très riche en guitare avec tout de même une approche restant assez pop et immédiate. Le morceau est extrêmement efficace, ce qui m’a étonné car j’étais assez loin de m’en douter. Je ne connaissais pas le terme utilisé pour le titre Shushutaito, qui signifierait être coincé dans de vieilles habitudes et traditions, d’être inflexible, ce qui est traduit dans les paroles du morceau. Il me reste maintenant à partir à la découverte d’autres morceaux du groupe.

Il y a quelques semaines, j’ai été particulièrement surpris d’entendre le single racy de a子 jouer en fond sonore dans un supermarché de Nishi-Tokyo, ce qui m’a amené à penser qu’elle a passé une nouvelle étape vers une reconnaissance populaire. Ou alors est ce cette chaîne de supermarché, dont j’ai oublié malheureusement le nom, qui est particulièrement pointue dans sa sélection musicale. Dans tous les cas, a子 continue son parcours musical en sortant très régulièrement de nouveaux singles toujours aussi enthousiasmants. Ce nouveau morceau intitulé Planet (惑星) n’est peut-être pas aussi immédiat que racy, mais n’en est pas moins bon. Elle a clairement développé un style, une identité musicale qui lui est propre, grâce notamment à sa voix légèrement voilée et à l’approche musicale que je qualifierais d’indie-pop-rock. La vidéo réalisée par Shun Takeda accompagnant ce morceau est également très belle, notamment ces images d’une éclosion cybernétique très étrange. Shun Takeda avait déjà réalisé la vidéo du morceau trank de a子.

Voir NOW danser d’une manière très cool et naturelle sur un extrait d’Unknown Sense, le dernier single du groupe ExWHYZ m’a rappelé vers la musique de ce groupe petite sœur de feu-BiSH. L’électronique farouche composée par Josef Melin et Cecilia Kallin n’est certes pas le style que j’affectionne le plus, mais le morceau n’en reste pas moins terriblement efficace. ExWHYZ continue à faire appel à des musiciens et producteurs extérieurs pour composer les nouveaux morceaux du groupe. Shinichi Osawa reprend du service en composant et produisant l’excellent single Our Song, qui rentre assez facilement dans la liste des meilleurs titres du groupe. Ces deux morceaux seront présents sur le futur nouvel album du groupe intitulé Dress to Kill qui sortira le 20 Mars 2024. En attendant, j’écoute quelques autres morceaux que j’avais manqué, notamment 6WHYZ sorti sur le EP HOW HIGH?, où chacune des six membres du groupe propose son petit passage hip-hop. L’ensemble est particulièrement réussi et je pense que les arrangements musicaux et la production par Miru Shinoda et Kento Yamada (yahyel) contribue à la fluidité impeccable du morceau. Je n’avais pas écouté en entier le premier album du groupe (le premier après la première période sous le nom EMPiRE), mais j’y reviens également en constatant que certains morceaux, notamment les deux premiers, xYZ et D.Y.D (pour Dance Your Dance, qui est le motto de l’album), ont été composés par Miru Shinoda. J’avais vu ce musicien pendant quelques minutes au Department Store PARCO lorsque j’avais été voir AAAMYYY. Ils jouaient tous les deux devant les platines en alternance et j’avais été particulièrement impressionné par le son aux allures expérimentales que produisait Miru Shinoda. C’est également le cas sur le morceau D.Y.D, en particulier le passage final faisant sonner les sons electro comme une pale d’avion en décélération incontrôlée. L’agence Wack de Junnosuke Watanabe (渡辺淳之介) est particulièrement brillante pour mettre en œuvre ce genre de collaboration, et ça fait plaisir de voir ExWHYZ en tirer pleinement partie.

soleil couchant sur les pruniers

En suite au billet précédent, je continue à marcher jusqu’au jardin de pruniers appelé Ikegami Baien (池上梅園), placé au pied de la colline portant le grand temple Ikegami Honmonji. Il ferme normalement ses portes aux alentours de 16h30 et j’y suis donc arrivé trop tard. Alors que je vois quelques personnes y entrer, le gardien me confirme que le parc reste exceptionnellement ouvert car on va y allumer les éclairages. J’imagine que ces éclairages du soir sont seulement activés au moment de la floraison des pruniers qui vient de démarrer. Ce n’est pas encore la pleine floraison mais elle semble proche. Je suis déjà passé devant ce parc mais c’est la première fois que j’y entre. Il est très bien entretenu et aménagé. Les pruniers sont plantés au flanc de la colline et un escalier de bois permet de les admirer depuis les hauteurs du parc. Je décide de m’installer pendant quelques minutes sur cette partie haute du jardin en attendant que les lumières s’allument. Le fait d’être contraint à attendre me donne l’occasion d’expérimenter des prises photographiques qui mettraient en valeur ces pruniers. Je me décide à les saisir en contre-jour comme sur la quatrième photographie. J’ai pris beaucoup de photos dans cette configuration en modifiant les angles et les cadrages mais je ne conserve finalement que cette photographie. J’ai toujours pensé qu’il était difficile de bien mettre en valeur la végétation en photographie, notamment et surtout les arbres à fleurs comme les cerisiers. Depuis les hauteurs de la colline, on peut observer les mouvements de la ville, au delà de la tranquillité du parc. Enfin, la ville semble aussi être tranquille en cette fin de journée de week-end. Le rythme est lent à part les trains qui viennent et repartent sur une voie surélevée longeant la longue route nationale numéro 1. Les enfants qui jouaient près d’un des nombreux temples du quartier sont rentrés. Quelques vélos électriques avec fauteuil pour enfant a l’arrière s’activent dans les petites rues, certainement pour rentrer à la maison au plus tôt. J’ai encore un peu de temps pour prendre mon temps, et je m’attarde volontairement pour explorer l’intérieur des cours de certains temples comme celui des deux dernières photographies. Je me dis que je devrais la prochaine fois faire le tour complet de la colline portant le temple Ikegami Honmonji. Je n’en connais qu’une seule partie, celle la plus proche de la gare où je me trouvais aujourd’hui.

Le prochain single de Sheena Ringo (椎名林檎) sera le thème d’ouverture de l’anime Jigokuraku (地獄楽) et sera une collaboration avec le groupe Millenium Parade de Daiki Tsuneta (常田大幹). On pourra écouter ce nouveau morceau à partir du 1er Avril 2023 à 23h sur TV Tokyo (テレビ東京). Son titre est W●RK (ワーク) avec des paroles écrites par Daiki Tsuneta et Sheena Ringo. La composition musicale est quant à elle de Daiki Tsuneta. Le premier court extrait que l’on peut écouter sur YouTube est vraiment très prometteur. On reconnaît assez bien l’atmosphère musicale dense que Daiki Tsuneta nous a déjà fait écouter sur son premier et unique album de Millenium Parade sorti en 2021. Après le morceau très posé toogood (いとをかし), ça fait plaisir de retrouver cette voix là de Sheena Ringo, plus aggressive et jouant sur les distorsions. Je suis en fait loin d’être surpris de voir se réaliser cette collaboration car j’y avais pensé depuis plusieurs années et l’avais même mentionné dans l’enquête du fan club Ringohan. Dans les enquêtes Ringohan de 2020 et 2021, à la question de savoir qui on voudrait voir collaborer avec Sheena Ringo, j’avais en effet mentionné Daiki Tsuneta. L’album de Millenium Parade prenait également un thème, celui de la parade des monstres des nuits d’été appelé Hyakkiyakō (百鬼夜行), que l’on trouvait également chez Sheena Ringo lors de sa tournée de 2015. Daiki Tsuneta avait également été invité à l’émission spéciale KanJam (関ジャム) dédiée à Tokyo Jihen les 13 et 20 Juin 2021. Sheena Ringo y mentionnait d’ailleurs être allée voir Daiki Tsuneta en concert alors que son groupe ne s’appelait pas encore King Gnu mais Srv.Vinci (avant 2017). Tous ses points de rapprochement font qu’une collaboration paraissait évidente, pour notre plus grand plaisir.

Et pendant ce temps là, Sheena Ringo a commencé sa tournée nationale intitulée Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), qu’on pourrait traduire par « Sheena Ringo et l’impermanence de toutes choses ». La première date était le Vendredi 24 Février dans la ville de Kawaguchi à Saitama. On peut voir des playlists de 28 morceaux circuler sur Twitter mais je ne suis pas certain qu’elles soient toutes correctes. Je me demande si elle va interpréter des morceaux dans leurs versions remixées. J’y vois en tout cas des morceaux clés de sa carrière comme Jinsei ha Yume darake (人生は夢だらけ), des morceaux de Tokyo Jihen comme Ryokushu (緑酒) ou Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩), des morceaux plus récents comme Seishin no Tsuzuki (青春の続き – le suite) écrit pour Takahata Mitsuki (高畑充希) ou toogood (いとをかし). Mais, il semble également y avoir des morceaux inédits ou des reprises que je ne connais pas, notamment deux morceaux de Megumi Hayashibara (林原めぐみ) qu’elle avait dû créer. Il semble y avoir suffisamment d’inattendu pour nous surprendre et c’est de très bonne augure. La configuration est relativement limitée car il ne s’agit pas d’une tournée de la série Expo. On retrouve des habitués de ses tournées comme Yukio Nagoshi (名越由貴夫) à la guitare électrique et Keisuke Torigoe (鳥越啓介) à la basse. Masaki Hayashi (林正樹) aux claviers a déjà participé à la tournée Tōtaikai (党大会) en 2013 qui se déroulait uniquement à l’Orchard Hall du Bunkamura à Shibuya. Yoshiaki Sato (佐藤芳明) à l’accordéon a quant à lui déjà participé à la tournée Ringo Expo’14. C’est par contre, à ma connaissance, la première fois que Sheena Ringo fait appel à Shun Ishiwaka (石若駿) aux percussions. Il s’agit d’un musicien jazz qui était en fait le premier batteur de King Gnu, avant l’actuel batteur Yū Seki. Il faisait partie du groupe alors que celui-ci s’appelait encore Srv.Vinci. Shun Ishiwaka est aussi le batteur de Millenium Parade, et sa présence sur cette tournée prend tout de suite beaucoup de sens quand on pense à la collaboration récente, que je mentionnais ci-dessus, de Millenium Parade avec Sheena Ringo. Je me demande vraiment quelle sera l’ambiance et la direction stylistique de cette tournée car l’utilisation de la salle Orchard Hall de Bunkamura et la présence de musiciens jazz comme Ishiwaka et Hayashi, laissent penser que cette orientation jazz sera privilégiée. Mais le guitariste aux sons puissants, Yukio Nagoshi, est également de la partie et la tournée passera par le Tokyo International Forum pour les deux dernières dates, ce qui me fait plutôt penser à une ambiance plus rock. Il y aura certainement un mélange des genres, mais tout ceci me parait très intriguant, d’autant plus que rien ne filtre des premières représentations. En cette fin de semaine, elle joue dans sa ville, à Fukuoka, et je suis de plus en plus impatient de la voir au mois de Mai à Tokyo. J’aurais très certainement l’occasion d’en reparler (en longueur).