Hiroshi Senju Museum Karuizawa

Il me restait des photographies de Karuizawa datant d’il y a plusieurs mois déjà, que je n’avais pas encore montré sur ce blog, celle du musée Hiroshi Senju. L’exposition permanente d’œuvres de cet artiste spécialisé dans les cascades aux couleurs bleutées ne nous intéressait pas spécialement car toutes ses peintures se ressemblent assez et on en a déjà vu certaines de ses œuvres dans des lieux publics comme à l’aéroport de Haneda. Je voulais surtout voir le musée en lui-même, tout en courbes, conçu par Ryue Nishizawa. Il est entouré de plantes et une allée nous permet de facilement faire le tour pour apprécier les parois de verre arrondies. Des rideaux empêchent bien sûr de voir l’intérieur du musée et donc les œuvres. La porte d’entrée du musée est opaque et nous fait tout de suite découvrir la quasi-totalité de l’immense espace intérieur lorsqu’elle s’ouvre. Une petite pancarte bien en évidence nous indique tout de suite qu’il est interdit de prendre des photos à l’intérieur. Un petit garde rondouillard nous regarde de suite dès que la porte s’ouvre comme pour me signifier que mon appareil photo en bandoulière ne me serra d’aucune utilité en ce lieu. Pendant ce bref instant, j’ouvre grand les yeux pour admirer l’intérieur tout en réfléchissant à l’intérêt de visiter une exposition qui ne nous intéresse que moyennement dans un musée où on n’a pas le droit de prendre des photos. La porte automatique se referme avant la fin de ma réflexion et il ne me reste de ces lieux que ma mémoire photographique, et les photos de l’intérieur que j’ai déjà pu voir dans des magazines d’architecture (comme celles ci-dessous empruntées au site arch2o). On passera notre tour cette fois-ci.

A l’entrée du parking du musée, se trouve un autre bâtiment, de petite taille, ressemblant à un avion de chasse militaire furtif. Pour être précis, il me rappelle fortement le Lockheed Martin F-117 Nighthawk qu’on apercevait parfois dans des films/séries d’action américains ou des jeux vidéos dans les années 90. Je pensais que l’ensemble du musée était dessiné par Ryue Nishizawa, donc les formes de ce petit bâtiment annexe, qui sert de café, m’a d’abord beaucoup étonné, car il est très éloigné de l’épure que l’on trouve chez Nishizawa. Ce café furtif construit de formes géométriques est en fait la création de l’Atelier Yasui Hideo et date de 2011. Le contraste qu’apporte ces formes aiguës et sombres par rapport à la blancheur et l’arrondi des formes du musée est en fait bien vu. Faire un bâtiment en contraste, plutôt que dans le style de, était certainement la meilleure manière d’exister à côté de la beauté intrinsèque de ce que conçoit Ryue Nishizawa.

Stone church par Kendrick Bangs Kellogg

Notre très court séjour à Karuizawa dans la préfecture de Nagano date d’il y a plusieurs mois et il me reste encore un certain nombre de photographies à montrer ici, notamment d’architecture. Nous y étions allés sans but précis à part celui de changer d’air, donc j’ai proposé mes destinations. Nous sommes ici devant l’église appelée Stone Church, conçue en 1988 par l’architecte américain Kendrick Bangs Kellogg. Le nom complet de cette église est Uchimura Kanzō Memorial Stone Church et elle se trouve dans une zone boisée à proximité d’un centre hôtelier en dehors du centre de Karuizawa. Uchimura Kanzō était un écrivain et évangéliste chrétien fondateur du mouvement Mukyōkai qui veut dire “sans églises”. Les adeptes de ce mouvement sans clergé se rencontraient par petits groupes indépendants une fois par semaine pour lire et étudier la bible, plutôt que de se réunir dans un lieu formel comme une église. Cela n’a pas empêché les adeptes de Mukyōkai de construire cette église de pierre, même si elle n’a pas grand chose de conventionnel. Il s’agit d’une architecture organique qui se mélange avec l’environnement naturel qui l’entoure. A première vue, on pourrait penser qu’il s’agit d’une petite colline de pierre dans une forêt. On y accède par une route de pierre légèrement incurvée qui démarre depuis le parking du centre hôtelier et vient s’intégrer dans la bâtiment de l’église. Lors de notre visite, on ne pouvait malheureusement pas rentrer dans l’édifice par la porte principale se trouvant dans la continuation de ce chemin de pierre, car on y préparait un mariage. Il s’agit d’ailleurs actuellement de l’utilisation principale de cette église. Stone Church se compose de fondations en pierres de la région supportant une série d’arcs de béton obliques orientés d’Est en Ouest. La forme des arcs varie en taille et en inclinaison pour former le dôme principale de la chapelle où se déroulent les cérémonies. Entre chaque arc, des ouvertures couvertes de verre laissent passer la lumière naturelle à l’intérieur de l’édifice. La variation de l’inclinaison des arcs assurent une lumière continue tout au long de la journée. On pouvait entrer quelques instants à l’intérieur de l’église, en passant par la porte arrière, juste avant que la prochaine cérémonie de mariage ne démarre. Il y a d’abord un petit musée retraçant l’histoire de Uchimura Kanzō, mais on avance très vite vers le petit escalier montant jusqu’à la chapelle. L’intérieur se compose de pierre et de bois. La végétation gagne les murs de pierre de manière maîtrisée et un petit canal d’eau coule à l’intérieur. Il n’y a pas de croix visible. On se croirait ici dans un univers fantastique qui me fait penser au Seigneur des Anneaux. La vaste ouverture derrière l’autel apporte beaucoup de lumière ce qui fait que l’intérieur est beaucoup plus lumineux que je ne l’imaginais. On peut s’asseoir quelques instants sur les bancs conçus spécifiquement pour cette chapelle de pierre. Tous les meubles, portes et décorations semblent avoir été créé spécialement pour ce lieu. Cette église est très particulière, en connection directe avec la terre et la nature. Elle me fait penser à un animal se camouflant en imitant les couleurs et les formes des lieux qui l’entourent. On a le sentiment d’entrer dans un lieu caché et c’est presque dommage qu’elle soit désormais régulièrement utilisée pour des mariages.

雪が甘いように感じる

Les paysages de Karuizawa dans la préfecture de Nagano me paraissent déjà bien lointain alors que ces photographies ne datent que de quelques mois. Le fait d’être désormais presqu’en permanence à la maison depuis plus de trois semaines distord le temps. Chaque journée passe très vite mais toutes les journées se ressemblent et on a de ce fait l’impression qu’il s’agit d’une journée unique qui s’étire à l’infini, le week-end ne jouant plus vraiment le rôle de coupure dans la semaine. Regarder maintenant ces photographies des cascades de Shiraito (白糸の滝) a la vertu d’apaiser l’esprit. Cette cascade est particulière car elle jaillit de la pierre sur une longueur de 70 mètres pour une assez faible hauteur de 3 mètres. L’eau ne provient pas d’une rivière en amont mais de réservoirs d’eau souterrains. Mais ce paysage calme et reposant cache les violences naturelles qui frappent régulièrement le pays. L’arbre arraché de la deuxième photographie doit être tombé suite à une tempête, certainement suite à un des puissants typhons de l’année dernière.

On trouve également une certaine violence dans le morceau que j’écoute en ce moment, Lapin Kulta par le groupe japonais post-punk 𝔐𝔰.𝔐𝔞𝔠𝔥𝔦𝔫𝔢. Je prends un malin plaisir à faire contraster la violence sonore du morceau avec le calme souverain régnant sur les photographies de ce billet. On peut être tout d’abord surpris par les sonorités stridentes qui démarrent le morceau et qui l’accompagneront tout du long en s’apaisant un peu en court de route. Le contraste avec la voix basse et monocorde de SAI, l’interprète vocale du trio féminin, fonctionne très bien. Du groupe, je connaissais déjà le EP intitulé S.L.D.R sorti en Février 2018, que je trouvais imparfait, ayant un peu de mal avec la sirène incessante du dernier morceau de ce premier EP intitulé 3.11, en référence, j’imagine, à la date du tremblement de terre de Tohoku. Ce nouveau morceau Lapin Kulta garde le même style post-punk que j’aime énormément. Il vient juste de sortir, le 22 Avril 2020, et fera certainement partie du deuxième EP du groupe Nordlig Ängel. Le groupe aime beaucoup utiliser les termes nordiques. Le lapin du titre du morceau n’est pas une référence à l’animal inoffensif de nos prairies ni le chat sympathique ressemblant à un fennec de la photographie de couverture montrée ci-dessus. Il s’agit en fait d’une marque de bière finlandaise. Le titre de ce billet 雪が甘いように感じる est emprunté aux paroles du morceau faisant référence à la douceur de la neige, celle que l’on a pu voir parsemée à Karuizawa. A la fin du morceau, les paroles viennent interroger l’auditeur d’une manière étrange et amusante en demandant si on a déjà écouté leur deuxième EP, ce qui n’est pas possible car il n’est pas encore disponible à la vente (peut être pouvait t’on l’acheter lors de concerts). Mais j’écouterais très certainement ce nouvel EP quand il sortira.