雲より高いぞ富士山

Hirano, Kōtō-ku, le 4 Janvier 2025.

J’ai aperçu cette superbe Mercedes Benz noire et le personnage fait main inspiré par Jibanyan (ジバニャン) de la série de jeux vidéos 3DS Yōkai Watch (妖怪ウォッチ) dans une petite rue perpendiculaire au Museum of Contemporary Art Tokyo où j’avais vu l’exposition dédiée à Ryuichi Sakamoto. Le petit monstre rouge Jibanyan m’a rappelé une époque qui me parait maintenant très lointaine où le fiston lorsqu’il était petit collectionnait les nombreuses médailles de la série. Certaines étaient parfois assez rares et trouvables qu’à certains endroits. Il les a toujours, conservées dans un gros classeur. Je pense que de nombreux parents de ma génération ont ce souvenir de la collecte des médailles Yōkai Watch. On pouvait les insérer dans une sorte de terminal à tête de chat pour écouter la voix du petit monstre Yōkai que la médaille montrait. Mon préféré était un monstre chat ressemblant à Dracula appelé Gabunyan (ガブニャンハ).

Sanctuaire Araya Yama, Fujiyoshida, le 5 Janvier 2025.

Le sanctuaire Araya Yama (新屋山神社) est un des power spots autour du Mont Fuji que nous aimons rechercher et découvrir. Le sanctuaire est assez petit mais il y avait beaucoup de visiteurs en ce tout début d’année. Il se situe à proximité du grand sanctuaire Kitaguchi Hongu Fuji Sengen Jinja (北口本宮冨士浅間神社) que nous avions visité l’année dernière. Notre prochaine étape était la petite station routière du village de Narusawa (鳴沢村), qui se trouve au pied du Mont Fuji et à proximité de la grande forêt d’Aokigahara (青木ヶ原樹海). Il restait un peu de neige autour de la station routière mais on dit que le Mont Fuji est assez peu enneigé cette année. En cette belle journée au ciel dégagé, on pouvait apprécier le Mont Fuji dans toute sa splendeur, ce qui n’est pas toujours le cas, car il joue parfois à cache-cache avec les nuages. Depuis la station routière de Naruzawa, la vue n’est par contre pas idéale car le Mont Fuji se trouve derrière les grands filets d’un terrain de foot.

Vues sur le Mont Fuji depuis Narusawa et le lac Kawaguchiko, le 5 Janvier 2025.

Nous revenons ensuite vers le lac Kawaguchi (河口湖) qui reste un des meilleurs endroits pour apprécier la montagne sacrée sous son meilleur angle. Cela fait quelques années que nous avons pris l’habitude d’aller voir le Mont Fuji dans les premiers jours de la nouvelle année. Les photographies que j’en avais fait l’année dernière étaient à mon avis les plus réussies, d’autant plus que j’avais pu les placer dans un billet que je retiens encore maintenant. Parmi les presque 2500 billets qui composent Made in Tokyo, certains ont une valeur particulière. Il faudrait peut-être que je trouve un moyen de les annoter différemment.

Je regarde en ce moment le drama The Hot Spot (ホットスポット), diffusé le dimanche soir sur Nippon TV, qui prend pour scène une petite ville de la préfecture de Yamanashi proche du fameux Mont Fuji. Il s’agit du nouveau drama écrit par Bakarhythm (バカリズム), de son vrai nom Masuno Hidetomo. J’avais tellement aimé le drama Brush Up Life (ブラッシュアップライフ) avec Sakura Ando, que je voulais absolument voir cette nouvelle série dont il est également le scénariste. Kiyomi Endo, interprétée par Mikako Ichikawa (市川実日子), y est une mère célibataire travaillant dans un petit hôtel rétro tout près du Mont Fuji. Elle fait la rencontre d’un alien qui a une apparence humaine et certains pouvoirs extraordinaires. Il se nomme Kosuke Takahashi et est interprété par Akihiro Kakuta (角田晃広). On peut imaginer qu’un être aussi extraordinaire puisse faire de nombreuses choses pour le bien de l’humanité, mais il se contente tout simplement d’aider de manière tout à fait discrète Kiyomi Endo et ses deux amies, dans des situations parfois loufoques. Il s’agit bien sûr d’une comédie qui a tout ce qu’il faut d’humour décalé comme sait si bien l’imaginer Bakarhythm. Comme sur Brush Up Life, les dialogues sont particulièrement savoureux et l’histoire se construit sur pas grand chose mais arrive à nous tenir en haleine. Le Mont Fuji qu’on aperçoit souvent est presqu’un personnage du drama, et on entend même dans le troisième épisode un morceau électronique très étonnant à son honneur. Ce morceau tout simplement intitulé Fujisan (富士山) est du groupe Denki Groove (電気グルーヴ) sur leur album Vitamin de 1993. Le rythme particulièrement effréné du morceau est vraiment étonnant et m’a même fait acheter le morceau sur iTunes, même s’il est complètement loufoque. Denki Groove est le groupe electro-techno fondé en 1989 par Takkyu Ishino (石野卓球) et Pierre Taki (ピエール瀧), apparemment toujours actif. Le groupe est tout autant reconnu sur la scène J-Pop electro que le sont ses deux fondateurs mais je n’avais réussi à entrer dans leur univers jusqu’à maintenant. Il faut dire que cette musique est très vraiment particulière.

De haut en bas: extrait de la vidéo du single Twilight (朝が近い夜) d’a子 et du single no aid(ea) de Samayuzame.

Musicalement, je découvre en ce moment beaucoup d’excellents nouveaux morceaux que j’ajoute petit à petit dans ma playlist de début d’année. Celle-ci contient déjà la série de morceaux et EPs dont j’ai déjà parlé dans les précédents billets écrits cette année. J’y inclus bien sûr le nouveau single d’a子 intitulé Twilight (朝が近い夜) sorti le 15 Janvier 2025. Je suis à chaque fois épaté par la capacité d’a子 à créer des morceaux pop-rock immédiatement accrocheurs. On y retrouve toujours la même constante stylistique assez caractéristique de ses compositions, mais je trouve ce morceau particulièrement fluide. Je le placerais bien parmi ses meilleurs car l’orientation pop est très claire et assumée. On l’a voit même presque danser dans la vidéo, ce que je note comme un point de démarquage par rapport à son approche indé des débuts. Je n’avais pas écouté de nouveaux morceaux de Samayuzame depuis un petit moment, et je me rattrape avec son dernier single intitulé no aid(ea) sorti le 8 Janvier 2025. Mana Hiraki (平木希奈) réalise la vidéo du morceau et c’est ce qui me fait revenir vers la musique de Samayuzame. Ce n’est pas la première fois que cette photographe et réalisatrice m’amène à découvrir ou redécouvrir des artistes. La musique de Samayuzame est très sophistiquée. La composition est dense et complexe, ce qui rend son univers tout à fait particulier et unique, avec toujours ce petit quelque chose de l’onirisme proche du cauchemar. On ne peut être qu’impressionné par la volatilité de son chant, qui pourrait presqu’être un sujet d’étude à lui tout seul, sachant que Samayuzame fait absolument tout dans sa musique et maîtrise donc complètement son univers. Rachel de Chelmico et Shin Sakiura avaient l’air tout à fait impressionnés lorsqu’ils ont présenté ce morceau de Samayuzame dans un épisode récent de leur émission Music Bloom sur la radio J-Wave. J’écoute cette émission assez régulièrement en retransmission sur Radiko depuis le début d’année, car la bonne humeur qui s’en dégage est vraiment agréable. Elle passe en direct toutes les semaines, le Vendredi dans la nuit de 22:00 à 22:30.

les sakura du lac Kawaguchi

Il me reste quelques cerisiers en fleurs dans mon sac alors je l’ouvre doucement pour les montrer dans un dernier billet consacré au sakura. On peut dire qu’on en a bien profité cette année. Alors que le pic de floraison se terminait déjà à Tokyo, il était encore à son maximum dans la préfecture de Yamanashi où se trouve le Mont Fuji et le lac Kawaguchi (河口湖) que nous avons déjà été voir au tout début de cette année. Nous retournons au même endroit au bord du lac, au Fuji Oishi Hana Terrace (富士大石ハナテラス) d’où est prise la première photographie du billet. Il y a plus de touristes qu’au tout début de l’année mais ça reste tout à fait acceptable. Les informations japonaises parlent assez souvent de sur-tourisme en ce moment, mais ça ne me dérange pas trop car ce tourisme est souvent concentré dans des lieux particuliers. Une bonne partie du Nord des rives du lac de Kawaguchi est bordé de cerisiers qu’on essaie de conjuguer avec le Mont Fuji à l’arrière. J’ai bien entendu pris des dizaines de photos qu’il a été ensuite difficile de trier. Le retour a été beaucoup moins serein avec embouteillages conséquents sur l’autoroute Chuo qui nous a obligé à sortir et à emprunter des petites routes de montagne. C’était finalement une très bonne idée et j’ai beaucoup apprécié les routes en zigzag alors qu’il ne faisait pas encore nuit. Il nous a fallu environ 4h pour rentrer, soit plus du double du temps qu’on avait mis à l’aller.

J’écoute en ce moment le neuvième single de la compositrice, interprète et guitariste, basée à Shizuoka, Minori Nagashima (長嶋水徳) dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog pour quelques uns de ses singles et pour sa participation en temps que guitariste au dernier EP d’Haru Nemuri. Son nouveau single intitulé SALINGER est en fait accompagné de deux autres morceaux LOUDNESS.DON’T.IMAGINATION (ラウドネス・ドント・イマジネーション) et SOLAR CALENDAR (太陽暦). J’aime beaucoup l’ambiance rock brut du single et des deux autres morceaux. Minori Nagashima est une excellente guitariste qui maîtrise bien son jeu tout en laissant les aspérités apparentes faisant sonner ce EP comme du live underground. On ressent une grande passion dans son chant, laissant échapper toute son agressivité. Le solo de guitare sur SOLAR CALENDAR est excellent, très puissant avec une liberté qui nous laisse penser qu’il va partir en vrille mais qui est tout à fait maîtrisé. Ces trois morceaux écoutés comme un tout sont comme une petite pilule compacte de rock alternatif sans concessions.

vues du Mont Fuji depuis Kawaguchiko

Outre notre bref passage à Enoshima juste avant la nouvelle année, nous ne sommes pas beaucoup sortis de Tokyo pendant les courtes vacances de fin d’année. Nous avions quand même dans l’idée d’aller voir le Mont Fuji enneigé. On peut le voir depuis Tokyo, mais il est quand même beaucoup plus grandiose près des lacs, notamment celui de Kawaguchi. J’avais vu sur Instragram un point de vue intéressant sur le Mont Fuji à travers un petit Torii rouge de sanctuaire. Une petite recherche m’indique qu’il s’agit du sanctuaire de Kawaguchi Asama. Ça sera donc notre première destination. Le trajet aller sur l’autoroute Chuo se passe sans encombres et nous prendra un peu plus d’une heure et demi. Le sanctuaire de Kawaguchi Asama est relativement petit mais ancien. Il y a environ 1,300 sanctuaires appelés Asama ou Sengen dédiés au Kami des volcans, et principalement autour du Mont Fuji. Le principal sanctuaire est le Fujisan Hongū Sengen Taisha que l’on trouve de l’autre côté du Mont Fuji, dans la ville de Fujinomiya dans la préfecture de Shizuoka. Nous l’avions visité en Avril 2019 et j’en avais parlé dans un billet. Ces sanctuaires Asama ou Sengen sont placés autour du volcan pour essayer de calmer sa colère et ainsi éviter de nouvelles éruptions. Le principe fonctionne relativement bien car le Mont Fuji n’est pas entré en éruption depuis plus de 300 ans. La dernière éruption, nommée éruption de Hōei, date du 16 Décembre 1707. On avait eu quelques craintes à la fin de l’année 2020 car le volcan était étonnamment assez peu couvert de neige lors qu’on l’avait vu depuis le Mont Takao, ce qui pouvait suggérer un réchauffement. Il n’en est rien cette année car le blanc domine sur une bonne partie du Mont Fuji.

On dit que le sanctuaire Kawaguchi Asama a été érigé après l’éruption du Mont Fuji de 864. L’allée qui nous amène au sanctuaire, après avoir traversé un grand torii de 18 mètres de haut, est bordée de sept immenses cèdres appelés « Shichi-hon sugi » datant de plus de 1,200 ans. Ils sont impressionnants et considérés comme des monuments naturels de la préfecture de Yamanashi. Depuis l’enceinte principale du sanctuaire, une petite route sinueuse de montagne donne accès après trente minutes de marche à Tenku-no Torii. A cet endroit, un Torii rouge est idéalement placé sur un petit plateau donnant une vue directe sur le Mont Fuji et sur le lac Kawaguchi. Le Torii est récent car mis en place en 2019 et fait partie entière du sanctuaire. L’espace autour est en cours d’aménagement car on voit des marquages au sol faits de plaquettes de bois. On y fait pousser des cerisiers qui rendront certainement cette vue encore plus symbolique dans une dizaine d’années. Comme je le mentionnais au début, nous sommes venus ici car j’avais vu une photo de l’endroit sur Instagram. La photo montrait une personne débout devant le Torii regardant le Mont Fuji. On avait l’impression qu’elle était seule au monde devant cette montagne majestueuse dans un endroit qui serait gardé secret ou seulement connu des locaux. En arrivant à Tenku-no Torii après la marche de trente minutes, on se rend compte que la réalité est bien différente. L’accès au Torii est marqué par un petit chemin de graviers et il y a une file d’attente de plusieurs dizaines de personnes avant de pouvoir accéder au Torii pour prendre les photos que je montre ci-dessus. L’effet Instagram doit jouer sur la popularité de l’endroit, et ça me rappelle que les photographies donnent souvent une vision déformée de la réalité, ou du moins une impression idéalisée omettant même inconsciemment une partie importante de la réalité. On hésite à attendre pour prendre une photo, mais on est monté jusque là et ça serait dommage de faire demi-tour maintenant. Il faudra donc attendre environ 45 minutes, mais l’attente n’est pas désagréable quand on a le Mont Fuji devant soi, surtout quand il a la bonne idée de se découvrir au fur et à mesure qu’on approche du Torii. L’accès au Torii est gratuit mais il y a fort à parier qu’il devienne payant ou plus policé à mesure que la popularité de l’endroit grandit quand les cerisiers auront bien poussé.

Comme il nous restait un peu de temps avant de reprendre la route pour Tokyo et avant que le soleil ne se couche, nous en profitons pour aller voir un autre sanctuaire assez proche, le Arakura Fuji Sengen Jinja. L’endroit est très connu pour la vue que l’on peut prendre d’une pagode appelée Chureito accompagnée du Mont Fuji en arrière-plan. Il faut monter un long escalier de pierre de 398 marches, mais on nous indique dès le début que la fameuse photo de la pagode et du Mont Fuji n’est pas possible en ce moment car le promontoire à l’arrière de la pagode est en cours de rénovation. C’est dommage mais la vue sur le Mont Fuji au dessus de la ville est tout de même impressionnante et vaut tout de même le détour. Il y avait peu de visiteurs à notre passage, ce qui devait être très différent avant la crise sanitaire, vue la taille du parking en bas du sanctuaire. On se sent serein après avoir vu l’omniprésent Mont Fuji pendant toute une journée. Cette sérénité nous sera nécessaire pour le retour sur l’autoroute et ses deux heures d’embouteillage. Il nous a fallu trois heures et demi pour rentrer, mais ce long retour ne m’a pourtant pas été désagréable, contrairement à l’habitude. J’ai peut-être maintenant intégré l’attente comme un paramètre inévitable de tout déplacement hors de Tokyo, ou peut-être était ce parce qu’on m’avait « autorisé » à passer le best album de Tokyo Jihen sur la route du retour. Je me rends compte que son écoute est bien meilleure dans la voiture qu’aux écouteurs.