d’une architecture de verre

Quelque part à Sendagaya, je tombe par hasard sur un élégant bloc de verre que je ne connaissais pas. J’adore ce genre de découvertes architecturales inattendues. C’est de toute façon le but de chacune de mes marches en ville. Je ne connais pas l’architecte malgré quelques recherches sur internet et je n’ai jamais aperçu ce bâtiment dans les magazines d’architecture que je feuillette régulièrement quoiqu’un peu moins ces derniers temps. Comme souvent sur les structures de verre telles que celle-ci, tous les rideaux sont fermés pour se protéger de la vue depuis l’extérieur. On ne parvient pas à deviner la structure intérieure qui porte les étages. On ne voit aucun mur porteur ou piliers. En fait, derrière les grandes surfaces vitrées, une répétition de formes métalliques blanches en losange m’intrigue beaucoup. S’agit-il là de la seule structure périphérique portant les étages? Je ne pourrais pas répondre à cette question pour l’instant, car tourner autour de cet élégant bâtiment à l’apparence légère, posé sur un solide bloc de béton, ne me donnera pas plus d’indices. Toujours est-il que les reflections de la lumière matinale sur ces baies vitrées sont splendides. Tous les bâtiments autour se reflètent sur les vitres de telle manière que cette maison de verre semble disparaître, comme si elle s’effaçait dans un monde parallèle. Juste après le bouquet de fleurs jaunes sauvages, la dernière photographie du billet montre le temple bouddhiste Basoin situé à Minami Aoyama. On reconnaît sur certaines des surfaces du temple les plaquettes de bois distinctives du style de Kengo Kuma. Le temple se trouve à quelques pas seulement de la grande avenue Aoyama près de la station Gaienmae, mais il est caché dans une petite rue courbe derrière les buildings qui jouent en quelque sorte le rôle de barrière protectrice. L’entrée du temple placée sous une parois oblique est elle-même cachée derrière une rangée de bambous.

Images extraites des vidéos sur YouTube des morceaux Mio et Red par Spangle Call Lilli Line (SCLL) sur leur album de 2019 intitulé Dreams Never Ends.

Dans les listes musicales de fin d’année dernière, je parcours attentivement celle du blog Make Believe Melodies, consacré aux musiques indépendantes japonaises, plutôt à tendance électronique et pop. Comme beaucoup de blogs ces derniers temps, les nouveaux billets se font malheureusement de plus en plus rare, ce qui est bien dommage car j’y ai découvert un certain nombre de musiques intéressantes dans le passé. L’auteur du blog, Patrick Saint-Michel, également journaliste couvrant la culture pop pour le journal Japan Times, continue heureusement à écrire sur le site web Otaquest, bien que le focus soit un peu plus mainstream (j’imagine bien que les objectifs d’audience sont plus fort sur un site majeur comme Otaquest que sur un blog personnel). Dans sa liste extensive des 50 meilleurs albums de l’année 2019, je découvre en 41ème position un groupe rock indé post-rock que je ne connaissais pas, Spangle Call Lilli Line (abréviation en SCLL), bien qu’ils soient actifs depuis plus de vingt ans et qu’ils aient sorti plus de dix albums. Leur onzième album s’intitule Dreams Never Ends et est sorti il y a tout juste un an. En fait, j’écoute deux morceaux en particulier, le premier intitulé Red et le neuvième intitulé Mio. La voix downtempo de Kana Otsubo est un des atouts indéniables de ces morceaux mais j’aime aussi beaucoup les motifs répétitifs de guitares qui viennent rythmer le morceau Mio. Il y a sur ce morceau des détails qui m’attirent comme des paroles répétées en chuchotant, presqu’inaudibles, et des petites touches de clavier bien vues. Le morceau Red est plus classique dans le style des morceaux à guitares à tendance mélancolique, mais ces guitares, celles de Ken Fujieda et Kiyoaki Sasahara sont très belles et légères. Un autre point qui me fait toujours revenir vers ces deux morceaux est l’accroche des refrains. Il ne me reste qu’à découvrir progressivement le reste de la discographie du groupe en espérant y découvrir des petites pépites comme ces deux morceaux là. Mais, il faut aussi que je continue à explorer la liste de Make Believe Melodies et ça peut prendre un peu de temps vu la longueur. Je me rends compte aussi que ces derniers mois, je suis plus attaché à découvrir la musique par morceaux plutôt que par albums entiers. Je ressens actuellement le besoin de découvrir de nouvelles choses, quitte à approfondir un peu plus tard ce que j’ai découvert.

un rond olympique rouge

Les drapeaux japonais sont de sortie pendant les tous premiers jours de l’année, comme pendant tout jour férié d’ailleurs. On les vois alignés dans les grandes rues et avenues comme celle de Omotesando ci-dessus. En voyant cet alignement, je pense tout de suite à la photographie prise par Masataka Nakano à Ginza pendant cette même période après le premier de l’An. Je ne suis pas sorti pour les drapeaux, mais pour voir l’état d’avancement de la construction du nouveau stade olympique conçu par Kengo Kuma, bien qu’on ne puisse pas encore l’approcher de près car il est toujours entouré de barrières blanches. Nous avons réussi à acheter des places dans le stade pour les épreuves olympiques d’athlétisme. Il y avait une loterie pour l’achat des places pour toutes les compétitions et nous avons eu la chance d’avoir été sélectionné pour un de nos choix, surtout dans ce stade. Les compétitions que l’on verra seront le soir au début du mois d’août. J’ai un peu peur que la chaleur et la foule nous étouffent, malgré les systèmes d’aération du stade. Autour du stade, je ne suis pas le seul à prendre des photos. Il y une foule éparse près du nouveau petit musée olympique et autour du stade. Tous essaient tant bien que mal de le prendre en photo par dessus les barrières. Je tente la même chose en prenant plusieurs photographies à l’aveugle en étirant les bras.

Au tout début du mois, j’ai eu la surprise de voir arriver dans notre boîte aux lettres, une enveloppe blanche frappée du logo rouge de forme ronde de Tokyo Jihen. Il y a un petit morceau de tissu couleur indigo à l’intérieur et un message de bonne année. Le message annonce d’ailleurs la réformation de Tokyo Jihen et me rappelle leur tournée 2020 東京事変 Live Tour 2O2O 『ニュースフラッシュ』 pour 13 dates dans plusieurs villes (Tokyo, Osaka, Sendai, Sapporo, Fukuoka, Nagoya et retour à Tokyo). Il y a deux semaines, je tente ma chance pour acheter des places de concert pour les dates à Tokyo. Là encore, il s’agit d’une loterie donc je ne sais pas encore si je pourrais assister au dit concert. En fait, je me suis inscrit au fan club de Sheena Ringo l’année dernière dans le but de pouvoir acheter des places. On verra début février si la chance me sourit cette fois-ci.

texte 一七〇一

Marcher dans le quartier d’Aoyama ressemble parfois à une ronde de vérification que rien n’a changé dans ces rues à l’écart des grandes avenues. Je vérifie que les 40 lames d’acier du Metroça d’Atsushi Kitagawara sont toujours bien en place. Je vais ensuite vérifier que la maison Wood / Berg conçue par Kengo Kuma avec ces lamelles de bois et ces grandes pièces de verre teinté se trouve toujours au même détour de rue. Je ne sais jamais où placer ces bâtiments sur une carte, mais quand je marche dans le quartier, ma mémoire des lieux me guide de bâtiment en bâtiment, sans m’y perdre. J’aimerais tant me perdre dans ces rues et retrouver le goût de l’inconnu, mais j’ai désormais traversé ces rues beaucoup trop souvent. Mais je scrute tout de même les destructions et les terrains vagues, comme une opportunité d’y voir une possible architecture remarquable dans le futur. Je reviens également pour la lumière, pour voir de quelle manière ces bâtiments réfléchissent cette lumière.

Quand Sheena Ringo 椎名林檎 est accompagnée par Utada Hikaru 宇多田ヒカル sur un nouveau morceau, je me précipite pour l’écouter. Ce nouveau morceau, sorti il y a peu, est en fait la troisième collaboration entre les deux artistes. On se souvient de Nijikan dake no Vacances (二時間だけのバカンス, des vacances de deux heures seulement) sorti en 2016 sur l’album Fantôme de Utada Hikaru. C’est d’ailleurs par ce morceau que je me suis mis à réécouter attentivement la musique de ces deux artistes après une longue pause de plusieurs années. Le premier duo de Sheena Ringo et Utada Hikaru était une reprise des Carpenters intitulée I won’t last a day without you sur l’album de reprise en deux volumes Utaite Myōri sorti en 2002. En fait, je ne me souviens que très peu de cette reprise car je n’avais pas beaucoup aimé cet album à l’époque à part deux morceaux que j’écoutais beaucoup: Haiiro no Hitomi (灰色の瞳) et surtout Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ), que je chantais d’ailleurs parfois tant bien que mal au karaoke (dont une fois avec Tae Kimura). En comparaison, il m’est arrivé plus souvent de ’massacrer’ Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) au karaoke, mais sur le moment on ne s’en rend pas forcément compte. Ce nouveau morceau, troisième duo, est intitulé Roman to Soroban (浪漫と算盤), mais possède également un autre titre en anglais The Sun & moon, comme souvent sur les albums de Sheena Ringo et on finit par s’y perdre. Ce duo est un des deux morceaux inédits sur le best of Newton no Ringo (ニュートンの林檎 ou Apple of Universal Gravity) qui sortira prochainement. L’autre morceau inédit appelé Kouzen no Himitsu (公然の秘密 ou Open Secret) est plus classique et moins intéressant que celui en duo avec Utada Hikaru. Le morceau est sous-titré « LDN version » car il est accompagné de l’orchestre philharmonique de Londres et a été enregistré dans les studios d’Abbey Road. Ce morceau, très orchestral donc, n’est pas révolutionnaire mais on apprécie retrouver ces deux voix ensemble. Le duo fonctionne très bien, mais je garde une petite préférence pour le morceau de 2016, Nijikan dake no Vacances.

a day with s (1)

Quand on reçoit un visiteur de France, en l’occurence mon cousin Samy, c’est à chaque fois l’occasion de faire une journée marathon dans Tokyo, pour essayer de voir le maximum de choses tout en discutant non-stop. La petite différence par rapport à l’habitude est que mon cousin avait déjà passé quelques jours à Tokyo (et quelques mois à Kyoto) auparavant, donc il a fallu orienter les visites de cette journée de samedi vers les lieux qu’il n’avait pas encore visité, tout en improvisant en cours de route. C’est également l’occasion pour moi de revoir les classiques, car pour quelqu’un qui vient à Tokyo pour la première fois, il faut d’abord voir les classiques. Mais, c’est même souvent l’occasion d’aller à des endroits que je ne connaissais que par réputation. En tout cas, il nous faut à chaque fois beaucoup marcher dans les rues de Tokyo, environ 20kms cette fois-ci. Notre journée de visite ressemblait donc à un demi-marathon dans Tokyo. Et par dessus tout, je me réjouissais à l’idée de marcher toute la journée avec mon cousin que je ne vois pas très souvent, car l’effort de la marche permet en quelque sorte de libérer la parole. Tout cela en prenant des photos bien sûr.

Nous nous sommes convenus de nous rejoindre à la gare de Shibuya devant Hachiko. Mari me dit que c’est un peu ringard de se donner rendez-vous à Hachiko, ce que je conçois bien. Mais cela faisait très longtemps que je n’avais pas donné rendez-vous à quelqu’un à cet endroit et ça m’a rappelé mes vingt ans. Il est 9h du matin et il n’y a pas grand monde dans le centre de Shibuya. On reviendra dans la soirée pour faire l’experience de la traversée du carrefour en pleine affluence. Nous avions de toute façon l’intention d’aller à Meiji Jingu tôt le matin pour éviter la foule des touristes. C’était bien calculé car il n’y avait pas foule à cette heure. Il faut dire également que la météo n’était pas des plus propices à la promenade car il a plu pratiquement toute la journée. C’était heureusement une pluie assez fine pour éviter le parapluie et garder un peu de fraîcheur. Nous passons devant le gymnase olympique de Kenzo Tange qui est actuellement en pleine rénovation avant les Jeux Olympiques de 2020, pour ensuite s’enfoncer dans la forêt qui nous mène vers Meiji Jingu. Les grandes portes torii font toujours leur effet sur le visiteur au fur et à mesure qu’on approche du grand sanctuaire. Nous nous dirigeons ensuite vers la rue Takeshita à Harajuku qui restait assez peu encombré à cette heure. La multitude des boutiques de la rue commençait tout juste à ouvrir, petit à petit. La curiosité nous a poussé à aller boire une de ces boissons taïwanaises au thé et tapioca dont on parle tant ces derniers mois. Je n’avais jamais essayé mais c’était très bon. La clientèle était plutôt féminine et jeune, comme je l’imaginais, mais la curiosité a été plus forte que tous les à priori. Alors que nous marchons dans les rues de Ura-Harajuku pour ensuite rejoindre Cat Street, la pluie devient plus forte et nous nous précipitons vers l’immeuble en colimaçon Omotesando Hills de Tadao Ando. Il a quelques semaines de cela, Mari y avait aperçu par hasard Kylian Mbappé qui était de passage au Japon pour la promotion d’une marque de cosmétique. En ressortant de là, alors que la pluie se fait insistante, l’option visite de musée ou de galerie, à l’intérieur donc, se fait des plus évidentes. Ça tombe bien car le musée Nezu n’est pas très loin d’ici et l’exposition du moment, une introduction aux arts traditionnels avec pour sujet la peinture japonaise, tombait à point pour faire un tour d’horizon de l’art graphique japonais. D’autant plus que je n’étais pas retourné au musée Nezu depuis sa reconstruction complète sous la direction de l’architecte Kengo Kuma. Le bâtiment est superbe, tout autant que le jardin à l’arrière qui ressemble parfois à une jungle tant il est dense. Quelques dépendances, maison de thé et café, ainsi que de nombreuses statues viennent agrémenter les chemins en pente du jardin. Alors que nous sortons dans le jardin sous une pluie fine, une dame d’un certain âge insiste pour qu’on emprunte son parapluie alors qu’elle entre à l’intérieur du musée. Nous refusons gentiment mais l’insistence de la dame me surprend un peu. Nous devons ressembler tous les deux à des pauvres touristes perdus dans un pays mystérieux, sans repères et livrés à nous-mêmes. Mais j’exagère certainement. C’était une aimable intention, mais qui peut prendre parfois des proportions étranges. La matinée se termine déjà et nous marchons ensuite vers Yebisu Garden Place pour le déjeuner. Suite de cette journée au prochain épisode.

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Retour aux univers sombres avec une mini série en deux épisodes d’un total de dix photographies toutes empreintes d’une même ambiance d’ombres envahissantes. Sur les deux premières photographies, j’aime définitivement beaucoup les cassures de la nouvelle tour de Kengo Kuma en plein centre de Shibuya, au dessus de la gare. C’est comme si le métal avait plié sous une pression externe, une pression invisible, peut être une pression sonore tellement forte qu’elle en devient inaudible. Je recherche toujours dans les rues des manifestations d’art urbain, des graffitis, des autocollants ou parfois même des dessins sur papier collés sur les murs. Le personnage féminin aux cheveux rouges et au masque et à la robe blanche apparaît à plusieurs endroits du quartier d’Ebisu. Cette version près de la gare de bus de Higashi est par contre la plus sophistiquée.

M83 sort un nouvel album (la musique du film Un couteau dans le cœur) mais je préfère écouter les plus anciens. Parcourir rapidement la critique, assez moyenne d’ailleurs, du dernier album sur Pitchfork me rappelle que Dead Cities, Red Seas & Lost Ghosts avait eu une excellente critique au moment de sa ressortie en 2014. Je me tourne donc plutôt vers cet album initialement sorti en 2003. C’est le deuxième album du duo d’Antibes M83. En fait, je me surprends moi-même de ne l’avoir jamais écouté en entier. Je connais quelques très beaux morceaux comme America ou Run into Flowers, découverts à l’époque où j’écoutais la musique par morceaux plutôt que par album entier. J’aurais dû écouter cet album en entier plus tôt, surtout que j’avais été assez marqué par l’album suivant Before the Dawn Heals Us, sorti deux ans après, en 2005. Before the Dawn Heals Us m’a marqué pour une raison particulière. Je l’ai écouté pour la première fois en mars 2011 après avoir vu le film L’autre Monde de Gilles Marchand seul dans l’appartement. La musique du film utilisait deux morceaux de cet album Farewell / Goodbye et « * ». C’était la période juste après le tremblement de terre du Tohoku à l’apogée des craintes post-explosion nucléaire de Fukushima. Mari et Zoa étaient partis pour quelques semaines à Fukuoka par mesure préventive et j’étais seul dans l’appartement à Tokyo à regarder des films sous une couverture chaude, le soir après les heures de bureau. Écouter Farewell / Goodbye ou « * » me rappelle à chaque fois cette période angoissante.

Sur Dead cities, le premier morceau Birds marqué par une voix robotisée répétitive comme sortie de OK Computer me rappelle par sa mélodie mystérieuse l’univers musical de Board of Canada. Mais, dès le deuxième morceau Unrecorded, on reconnaît tout de suite la pâte de M83. Le morceau part tout de suite sur de l’électronique qui flirte avec le shoegazing. Les textures soniques font monter un sentiment de nostalgie qui pose son empreinte sur tout l’album. Cette musique se rapproche le plus du courant dream pop, style que j’affectionne particulièrement pour sa richesse émotionnelle. Plutôt que d’écrire une critique complète d’un album, je parle beaucoup d’émotions ressentis quand je parle de musique sur ces pages. C’est quand la musique parvient à traverser ses entrailles et en vient à provoquer des frissons, que je me rends compte que c’est une musique d’exception. La deuxième partie du quatrième morceau In Church en est un bon exemple et la continuité avec les cris et paroles effacées du morceau suivant America fonctionnent excellemment bien. Et que dire du morceau qui suit, On a white lake, near a green mountain, à pleurer, littéralement. Ces morceaux ont une ambiance très cinématographique, on comprend que la musique de M83 soit souvent utilisée dans des films. L’avant dernier morceau Gone est également dans cette veine. La tension musicale monte petit à petit jusqu’à un cri sourd final se fondant dans un bruit indescriptible, le genre de cri dont la pression sonore pourrait faire plier le métal d’une tour en construction.