Je commence là une série de photographies sur nos courtes vacances de printemps à la toute fin du mois de Mars et au début du mois d’Avril. Elles sont courtes car elles n’ont duré que trois jours et deux nuits. Notre objectif premier était d’aller à Matsumoto (松本) pour aller visiter le château, mais nous avons ensuite continué un peu plus loin dans la préfecture de Nagano jusqu’au grand temple Zenkō-ji (善光寺) que je voulais voir depuis très longtemps. J’avais déjà visité le château de Matsumoto il y a 22 ans lors d’une de mes premières années à Tokyo. Il faudrait que je retrouve les photos que j’avais pris à cette époque, en Février 2000 si ma mémoire est bonne. Je montrais déjà quelques photos sur mon site web Okaeri qui existait avant Made in Tokyo. Le château, on pourrait s’en douter, n’a pas beaucoup changé mais mes souvenirs ne sont de toute façon qu’assez peu précis. Il nous a fallu environ trois heures en voiture sur l’autoroute Chuo (l’autoroute que je connais le mieux), sans aucun embouteillage. L’autoroute passe à l’Ouest du lac Suwa (諏訪湖), sur les hauteurs et on peut de ce fait le voir de loin. Je cherche à ce moment là du regard le sanctuaire du film d’animation Kimi no Na Ha (君の名は。), mais je ne le trouve pas. Existe t’il vraiment? En fait, non, le sanctuaire Miyamizu de la famille de Mitsuha dans le film d’animation a été inspiré en partie par le sanctuaire Hie se trouvant à Takayama. Le château de Matsumoto est tellement superbe que je le prends en photo sous tous les angles. Il s’agit d’un château historique dont les origines remontent à l’année 1504. Les tours principales ont été construites plus tard dans les années 1593-1594. On le surnomme “le corbeau” pour sa couleur noire. Mais avant de visiter l’intérieur du château, nous allons faire un tour en ville pour aller déjeuner. Au passage, je remarque un très beau bâtiment de béton conçu par Kiyoshi Sei Takeyama (竹山聖) du groupe Amorphe. Cet immeuble aux formes déstructurées s’appelle Third Millennium Gate et a été construit en 2001. Au même croisement, nous sommes surpris de voir une installation artistique très colorée montrant une grenouille batailleuse. Elle provient de l’école des Beaux Arts de Tokyo et était exhibée pendant une des fêtes de l’école appelées Geisai (芸祭). Nous y sommes allés de nombreuses fois car c’était l’école de Mari et j’ai un très vague souvenir de cette grenouille là. Notre promenade dans les rues de Matsumoto est bien agréable, et je vais la continuer avec d’autres photos dans le prochain épisode.
Étiquette : Kiyoshi-Sei Takeyama
une série comme les autres (1)
Cette série démarre sur Killer Street puis gagne Kabukichō pour revenir en début de soirée à Sendagaya devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium conçu par Fumihiko Maki. Dans ce gymnase, avait lieu ce soir là, la représentation finale du médaillé olympique Kōhei Uchimura. Il se retire à l’age de 33 ans avec 7 médailles dont 3 d’or et 4 d’argent. Les trois colonnes de béton de la première photographie sont celles du bâtiment brutaliste TERRAZZA conçu par Kiyoshi Sei Takeyama de l’atelier d’architecture Amorphe. Sur la quatrième photographie, on peut voir la gigantesque tour de 225m appelée Tokyu Kabukichō Tower, en cours de construction à l’emplacement de l’ancien Tokyu Milano Theater près de la gare Seibu-Shinjuku. On ne s’en rend pas vraiment compte sur cette vue en contre-plongée mais elle est très haute par rapport aux autres immeubles alentours. Cette tour changera certainement un peu plus l’image du quartier et notamment de la place juste devant qui n’est pas toujours bien fréquentée. Elle ouvrira ses portes au printemps, très bientôt donc. Le site est toujours entouré d’une palissade temporaire blanche imprimée par endroits de photographies de Daido Moriyama. Je pense que toutes ces photos ont été prises la même journée, il y a quelques semaines au mois de Mars. J’essaie d’écrire des billets plus courts en ce moment car une certaine lassitude me gagne ces derniers temps. Je ne sais pas encore si c’est provisoire ou plus profond. Je ne me lasse par contre pas de prendre des photos.
De haut en bas: Images extraites des vidéos YouTube des morceaux I RAVE U de HIYADAM et Queendom de Awich.
Je mentionnais récemment que Sheena Ringo allait sortir un nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし), également intitulé toogood dans son titre en anglais. Il est désormais disponible. Le morceau est assez dépouillé musicalement, se basant principalement sur un piano sur lequel vient se poser la voix de Sheena Ringo. Musicalement, c’est un très joli morceau plutôt académique mais très agréable à l’écoute. Je ne le trouve par contre pas transcendant ou particulièrement engageant. Il n’a pas la carrure d’un single et je le verrais plus comme un morceau concluant un EP.
Dans un style certes complètement différent et même à l’opposé, je suis beaucoup plus intéressé par le nouvel EP de DAOKO intitulé Mad EP, car elle se réinvente musicalement grâce à l’intervention de Yohji Igarashi à la production. Igarashi pousse DAOKO vers des sons de dance floor qui lui vont très bien. Sa manière de chanter proche du hip-hop ne diffère pas vraiment de ce qu’on connaît de DAOKO sur certains de ses morceaux précédemment, mais sa voix est plus franche et présente, certainement pour ne pas se laisser dévorer par les sons électroniques qui l’accompagnent. Les quatre morceaux du EP sont tous très accrocheurs et sont dans un esprit musical similaire. J’ai une préférence pour le troisième morceau intitulé escape, car il est un peu plus agressif que les autres, et pour le premier morceau MAD également single du EP. Musicalement, ça peut être parfois assez attendu mais je trouve que l’association avec la voix de DAOKO fonctionne très bien.
Le journaliste musical Patrick Saint-Michel évoque cet EP de DAOKO sur sa newsletter. Il mentionne un autre morceau également produit par Yohji Igarashi pour l’artiste hip-hop HIYADAM, car on y trouve des points similaires dans le mélange du hip-hop et des sons électroniques. Ce morceau que j’écoute en boucle s’intitule I RAVE U. Je ne connaissais pas ce rappeur appelé HIYADAM, et c’est une belle découverte qui me pousse une nouvelle fois à écouter du hip-hop japonais. Je découvre ensuite d’autres morceaux de HIYADAM, toujours produits par Yohji Igarashi comme Honey. HIYADAM y est accompagné par Yo-Sea qui a une voix très accrocheuse. Je découvre ensuite Yabba dabba doo! interprété cette fois-ci avec le duo Yurufuwa Gang (ゆるふわギャング). Les lecteurs de ce blog se rappelleront peut-être de Yurufuwa Gang, duo composé de NENE et Ryugo Ishida, car j’en ai déjà parlé lorsque j’évoquais le EP solo de NENE et l’album de Kid Fresino sur lequel ils intervenaient. Leurs voix sont très puissantes et typées. Je continue ensuite sur ma lancée en écoutant le morceau One Way de Ryohu avec YONCE, le chanteur de Suchmos. YONCE a vraiment une belle voix qui contraste bien avec les mots rappés de Ryohu, que je découvre. Le dernier morceau de cette petite série musicale hip-hop est un choc. Je connais assez mal la rappeuse Awich, à part pour des collaborations comme celle avec Kirinji ou avec NENE sur son EP. Je découvre le premier morceau intitulé Queendom de son nouvel album du même nom sorti en Mars, et quelle puissance vocale et quelle force d’évocation! Ce morceau nous parle d’une partie de sa vie lorsqu’elle quitte la ville de Naha à Okinawa d’où elle est originaire pour la ville d’Atlanta. Elle se marie avec un mauvais garçon qui fait de la prison et se fait assassiner. Écouter ce morceau la première fois m’a fait un choc qui m’a donné les larmes aux yeux.
Rurikōin Byakurengedō par Kiyoshi-Sei Takeyama
Un des objectifs de mon passage récent dans le quartier de Nishi-Shinjuku était d’abord de passer une nouvelle fois devant le hall bouddhiste futuriste près de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Il s’agit du Rurikōin Byakurengendō (新宿瑠璃光院白蓮華堂) conçu en 2014 par Kiyoshi-Sei Takeyama (Amorphe). Ce building de couleur blanche craie est un hall bouddhiste comprenant un cimetière intérieur où sont déposées les cendres des défunts et où ont lieu des cérémonies. Il s’agit d’un établissement de la branche bouddhiste Jōdō Shinshū. Le temple Komyoji (光明寺) se trouvant à Kyoto est le temple principal gérant le Rurikōin Byakurengendō. Sa forme très particulière évoque une fleur de lotus blanc sur le point d’éclore. Une autre particularité est la présence aléatoire d’ouverture sur les façades courbes laissant traverser la lumière à certains endroits. Le bâtiment de béton blanc mélange une image de délicatesse et de solidité. La structure anti-sismique assure qu’il peut résister à un tremblement de terre important d’une intensité sismique de 7 ou plus, et que la durée de vie du bâtiment est estimée à plus de 300 ans. C’est ce qu’indique du moins le site web du temple, mais on peut bien comprendre que pour un cimetière, la longévité est un point primordial.
J’avais déjà montré ce bâtiment dans un billet d’Avril 2018, mais je voulais y revenir pour essayer de mieux le saisir en photo. Le problème est que l’allée pavée qui le dessert est plutôt étroite et on n’a pas beaucoup de recul pour pouvoir le saisir dans sa totalité d’une manière correcte. Ce grand hall futuriste est vraiment encastré dans le milieu urbain et, en y repensant maintenant, les ouvertures des façades ressemblent à des meurtrières de forteresse, comme s’il fallait absolument protéger les cendres des défunts d’un environnement extérieur hostile. C’est la remarque que Wakametamago m’avait fait sur la photo que je montrais sur mon compte Instagram qui m’a donné cette image.
永遠コンティヌウム
L’automne est une des meilleures saisons pour marcher en ville à Tokyo, quand les typhons se mettent en pause temporaire et que la pluie retient ses gouttes le temps du week-end. Nous avons eu beaucoup de week-ends pluvieux ces dernières semaines, donc une journée froide mais ensoleillée devient une opportunité immanquable de marcher à l’extérieur. Je suis malheureusement un peu à court d’idée d’endroits où aller marcher et je me retrouve donc encore une fois à parcourir les rues d’Aoyama jusqu’à Shibuya. En fait, j’avais initialement l’intention de marcher jusqu’à Shinjuku mais le temps me manquant, je m’arrête au niveau de Killer street pour aller revoir d’un peu plus près l’immeuble de béton TERRAZZA de l’architecte Kiyoshi Sei Takeyama (Amorphe). Je suis toujours impressionné par la puissance du béton dans la petite cour intérieure avec murs à l’oblique. J’essaie ensuite de me perdre dans les rues à l’arrière du building, mais je finis toujours par retrouver mon chemin dans Jingumae. Il y a beaucoup d’architecture intéressante dans ces rues. J’ai déjà pris ces endroits en photo plusieurs fois et je me retiens donc pour cette série. Je passe quand même revoir Small House de Kazuyo Sejima, car je veux vérifier si l’arrière de la maison est toujours visible. Jusqu’à maintenant, on pouvait emprunter un petit chemin de terre près d’un sanctuaire donnant accès à un terrain vague depuis lequel on pouvait voir l’arrière de Small House et donc apprécier sa forme asymétrique. Un petit immeuble a malheureusement été construit sur le terrain vague et le chemin de terre transformé en petite allée couverte de pavés. La dernière fois que j’ai pris l’arrière de cette maison en photo était en Août 2018. Cette vue n’est désormais plus possible. En revenant vers l’avenue Aoyama, je passe brièvement devant le grand temple Baisouin dessiné par Kengo Kuma, dont l’allée bordée de bambous est très agréable au regard. Les bureaux de l’architecte se trouvent d’ailleurs dans ce quartier, dans la rue parallèle à l’allée de bambous du temple. Je finis ensuite par regagner le centre névralgique de Shibuya devant le Department Store PARCO. La foule est de retour, comme à la normale, sauf qu’il n’y a pas de touristes. Mon regard se noie dans les mouvements de la foule, mais des petits détails accrochent parfois mon attention, comme ce petit smiley jaune à la fois agressif et sympathique.
Je ressors de mon tiroir le DVD du documentaire et live Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) de Sheena Ringo, sorti le 7 Décembre 2000 en même temps qu’un autre live Gekokujō Ecstasy. J’avais acheté ces deux DVDs en même temps à leurs sorties simultanées. Chronologiquement parlant, les scènes de concert filmées dans Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon se déroulent en Juin et Juillet 2000, environ deux à trois mois après celles de Gekokujō Ecstasy. La principale différence est que Gekokujō Ecstasy était un concert de Sheena Ringo, tandis que le concert intitulé Gokiritsu Japon (Standup Japon) est celui d’un groupe inconnu appelé Hatsuiku Status (Growth Status), qui ne met pas en avant la présence de Sheena Ringo. Ce groupe a en fait été créé spécialement pour composer des nouveaux morceaux qui seront ensuite interprétés en concert lors de quatre dates à Fukuoka, Hiroshima, Kobe et Shinjuku. A cette époque, Sheena Ringo est déjà très connue car ses deux premiers albums Muzai Moratorium et Shōso Strip sont déjà sorti, mais elle ne révèle apparemment pas sa présence dans ce groupe Hatsuiku Status lors des premiers concerts. J’imagine que le secret a du être gardé pour la première date à Fukuoka, mais que le mot a dû se donner peu après.
Hatsuiku Status est loin d’être le seul groupe rock créé par Sheena Ringo. On connait bien sûr Tokyo Jihen, mais elle a aussi l’habitude de créer et de donner des noms particuliers aux formations créées pour chaque album (ou partie d’albums), pour les concerts et parfois pour les enregistrements de certains morceaux. Par exemple, le groupe Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) s’est formé pour les concerts des tournées Zazen Ecstasy et Gekokujō Ecstasy de l’année 2000, le groupe Tensai Präparat (天才プレパラート) jouait l’année précédente sur la tournée Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Sur l’album Muzai Moratorium, il y avait même trois groupes listés, à savoir Zetsurin Hectopascal (絶倫ヘクトパスカル), Zekkyō Solfeggio (絶叫ソルフェージュ) et Momoiro Spanner (桃色スパナ). Les orchestres avec Neko Saito prennent aussi des noms particuliers comme Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) sur le concert Baishō Ecstasy. Pour revenir aux noms de groupes, il s’avère qu’ils suivent tous la même construction dans leurs noms, à savoir deux Kanji et un mot en katakana. Les noms des formations orchestrales ont une autre convention de noms utilisant seulement des katakana. Arrêtons nous là sur les noms de groupes, car il doit y en avoir plus d’une trentaine. Et on pourra aussi noter que certains noms d’albums et de morceaux suivent également cette même composition kanji & katakana (丸の内サディスティック, 無罪モラトリアム, 三文ゴシップ…). Il s’agit là encore d’un exemple d’une des spécialités de Sheena Ringo de jouer avec la composition et les associations de mots, et je m’amuse à faire de même avec le titre de ce billet.
Hatsuiku Status a également la particularité d’avoir trois bassistes: Sheena Ringo, Yasunobu Torii et Junko Murata. Cette dernière faisait partie de Hachiōji Gulliver (八王子ガリバー), groupe des débuts de Sheena Ringo à Fukuoka. En parlant des débuts, le premier groupe de lycée de Sheena Ringo s’appelait Marvelous Marble (マーベラス・マーブル) et faisait des reprises. On peut d’ailleurs voir sa première apparition au chant à la télévision dans une émission intitulée Teens’ Music Festival en 1995. Elle avait 16 ans et est à peine reconnaissable. Sur Hatsuiku Status, on trouve également Yuka Yoshimura à la batterie et Hisako Tabuchi du groupe Number Girl à la guitare électrique. Il faut noté que Number Girl est également originaire de Fukuoka, qu’ils ont déjà sorti à cette époque quelques albums comme School Girl Distortional Addict et que Sheena allait à leurs concerts. Hisako Tabuchi est en quelque sorte senpai de Sheena Ringo et elle est de trois ans son aînée, mais on ne ressent pas du tout ce genre de rapport de force dans le documentaire du DVD. Le groupe est principalement féminin, ce qui n’est pas le cas sur les groupes qui vont suivre. En fait, je m’étais toujours demandé pourquoi Sheena Ringo avait soudainement ressenti le besoin de créer un groupe avec Tokyo Jihen en 2004, mais je me rends compte que ce besoin existe depuis ses débuts et qu’elle n’a jamais vraiment été soliste car chaque formation l’accompagnant a un nom et donc une identité. Il y a quelque chose d’intéressant à creuser là, car, vu la singularité des morceaux de sa discographie, on imagine plutôt Sheena Ringo comme étant solitaire dans l’exercice d’écriture des morceaux, qui n’accepterait pas les compromis que le travail en groupe demande. Malgré cela, depuis Tokyo Jihen à partir de la deuxième formation, on sait que sous son impulsion le travail d’écriture est beaucoup plus distribué entre les membres du groupe, surtout à partir du EP Color bars.
Sur ce projet Hatsuiku Status qui ne durera que le temps des quatre concerts que je mentionnais ci-dessus, les morceaux sont en très grande partie écrits par Sheena Ringo, en suivant vaguement le thème de la croissance (comme l’indique le nom du groupe). Le DVD commence par une partie documentaire qui nous montre les répétitions et l’exercice collectif de création musicale. En fait le deuxième morceau de la playlist Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠) est le seul morceau dont les paroles sont écrites par la totalité du groupe et on voit quelques scènes montrant le processus de création. Les paroles sont d’ailleurs assez hétéroclites, citant des mots et bouts de phrases sans liens apparents les uns avec les autres. On peut entendre par moment des noms de personnes, comme ‘Mukai kun’ en référence à Shutoku Mukai de Number Girl, ou ‘Furuya kun’ en référence à Kenji Furuya qui est le chanteur de Dragon Ash. Le nom du 15ème président sud coréen, en fonction à l’époque du concert, est également cité mais on ne l’entend pas sur la vidéo car son nom est couvert d’un deep sonore. Les paroles de ce morceau n’étant que composés de mots divers et variés, je n’y perçois pas de messages particuliers. Ce documentaire peut paraitre anecdotique mais je trouve très intéressant d’observer les relations de Sheena avec le groupe, notamment avec Hisako Tabuchi. Ce DVD doit d’ailleurs être le seul à montrer ce type de documentaire et il est donc assez unique. Les répétions mélangent moments de sérieux et moments d’amusement, avec notamment quelques passages dans un espace de pause qui doit être celui du Shinjuku Liquid Room (qui s’est déplacé à Ebisu en 2004). J’aime beaucoup les moments où Sheena et Hisako sont habillées de la même chemise à carreaux rouges, quand les membres du groupe tentent les unes après les autres de faire les yeux blancs (comme dans la vidéo de Yattsuke Shigoto) tout en mangeant des choux à la crème, ou quand Sheena raconte une histoire sur la perte d’un pendentif en forme de coeur qui l’amène à imiter une scène de comédie musicale.
Vers la fin du documentaire, on voit le groupe préparer la playlist du concert et celui-ci commence peut de temps après dans la salle du Liquid Room de Shinjuku. La captation vidéo est volontairement assez peu modifiée pour donner une impression d’immersion dans la réalité du concert (c’est apparemment l’effet voulu). Le set de la tournée Gokiritsu Japon se compose de 11 morceaux originaux, mais seulement 9 sont montrées en vidéo sur le DVD. Deux morceaux au milieu ont été enlevés, à savoir le cinquième intitulé Fukurande kichatta (膨らんできちゃった) et le sixième intitulé Hai Hai (はいはい), ce qui est extrêmement bizarre. On retrouve cependant ces deux morceaux sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) sorti quelques mois avant le DVD en Septembre 2000. Peut être que l’inclusion dans le EP Zecchōshū justifie la non inclusion dans le DVD, mais c’est tout de même étrange d’avoir coupé le concert au milieu. Ceci étant dit, on ne s’en rend pas compte. Ce qui est un peu dommage, c’est que le morceau Fukurande kichatta est le plus emblématique et marquant du set, et on l’entend d’ailleurs en extrait au début du DVD. Le EP contient par contre un autre morceau du set, le 11 morceau (ou neuvième sur le DVD) intitulé Kōgōsei (光合成). Le septième morceau du DVD, Konya Dō (今夜だふ), est lui inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄). Le reste des sept morceaux n’est disponible sur aucune autre compilation live à ma connaissance. Même si le son enregistré est assez brut, j’aurais quand même aimé les avoir en piste audio. Il ne s’agit pas non plus des meilleurs morceaux de Sheena Ringo, du niveau de ceux des deux premiers albums, mais ils sont tout de même très bons. Les morceaux ressemblent plutôt à des b-sides qu’on trouverait sur une compilation comme Watashi to Hōden, mais personnellement j’ai toujours eu une attirance pour les b-sides qui explorent parfois de nouveaux territoires sans concessions. En regardant cette vidéo, on a l’impression de regarder un concert de rock indépendant, ce qui me rappelle avec un peu de nostalgie les fois où nous étions allés voir des concerts rock de jeunes groupes inconnus au Loft de Shinjuku ou au 100000V de Koenji. Ça devait être à peu près à cette époque d’ailleurs. Les morceaux de Gokiritsu Japon sont parfois chantés à plusieurs voix, avec Hisako Tabuchi en accompagnement. Le cinquième morceau du DVD, Haenuki (生え抜き), est celui que je trouve le plus proche au niveau de sa voix des morceaux solo des deux premiers albums. Le concert est en lui-même assez court et la totalité du DVD ne fait que 70 minutes. Le tout se termine par des images supplémentaires après le générique de fin où les membres du groupe discutent des morceaux. L’autre morceau manquant du DVD, Hai Hai, est d’ailleurs joué pendant le générique de fin. Ce DVD a quelque chose d’unique pour sa valeur documentaire, et l’énergie live brute qui s’en dégage est palpable par le rendu de la captation vidéo.
Pour référence ultérieure, la liste des morceaux du concert Gokiritsu Japon sont notés ci-dessous (seulement les morceaux présents sur le DVD):
1. Hatsuga (発芽)
2. Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠)
3. Gaichū Kujo (害虫駆除)
4. Takai Takai (たかいたかい)
5. Haenuki (生え抜き)
6. Sakasetemite (咲かせてみて)
7. Konya Dō (今夜だふ) est inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄)
8. Mebana yue Obana (雌花 故 雄花)
9. Kōgōsei (光合成) est inclus sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) et sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電)
Sky Trace par Kiyoshi Sei Takeyama
Je passe parfois des heures sur internet à rechercher, à l’aide de Google Maps, où se trouve une maison individuelle vue dans un magazine d’architecture, et mes efforts ne sont pas récompensés la plupart du temps. Il y a parfois des maisons qui se laissent découvrir d’elle-même au hasard d’une promenade urbaine. La maison blanche difforme Sky Trace de Kiyoshi Sei Takeyama (Amorphe) fait partie de cette deuxième catégorie et je la découvre dans un quartier résidentiel labyrinthique de Kugahara. Lorsque je l’aperçois au détour d’une rue, je pense d’abord qu’il s’agit d’une maison en cours de construction. Cette impression doit venir du fait qu’une des ouvertures principales à l’étage n’est pas fermée par un vitrage et que la peinture blanche couvrant tous les murs s’arrêtent à la surface extérieure. L’épaisseur du mur et l’intérieur de la maison sont volontairement laissés en béton brut. Je reconnais ces formes simples et brutes, mais l’architecte ne me revient pas en tête au moment de cette découverte. De retour à la maison, en fouillant dans mes vieux magazines d’architecture, je la retrouve dans un numéro du magazine bimensuel néerlandais MARK. Le numéro 7 des mois d’Avril et Mai 2007 montrait une petite série intitulée Five Japanese House et Sky Trace était la quatrième maison présentée. Les formes asymétriques de ce bâtiment ne sont pas arbitraires malgré la première impression que l’on peut avoir, mais résultent d’une maximisation du volume habitable dans les limites des régulations liées aux constructions résidentielles. Le plan oblique de la façade principale avance sur la rue pour gagner en espace, mais en contrepartie les étages sont percés par un patio, afin de contenir la surface habitable dans les proportions autorisées, par rapport à la taille (restreinte) du site. Le patio que l’on aperçoit sur la première photographie ci-dessus apporte une source de lumière pour l’intérieur. On n’aperçoit par contre pas la terrasse aux murets irréguliers sur le toit. Cette couleur blanche immaculée, bien conservée d’ailleurs pour un bâtiment construit en 2006, est un clin d’oeil aux volumes blancs purs de l’architecture moderniste, sauf qu’ici, sur Sky Trace, la couleur s’arrête aux surfaces extérieures et les volumes sont asymétriques. Cette maison essaie donc plutôt de casser des codes préétablis. Il se dégage de cette maison à la fois un aspect brut comme un modèle inachevé et une élégance certaine dans l’asymétrie comme une pièce rocheuse ressemblant à un diamant.
Les trois photographies ci-dessus de Sky Trace, extraites du site de Amorphe, montrent la terrasse sur le toit et le patio traversant le bâtiment. L’ouverture sur la troisième photographie donne sur la rue depuis laquelle j’ai pris les trois photographies du billet.
Du même architecte Kiyoshi Sei Takeyama et du groupe Amorphe, je connaissais déjà deux autres bâtiments absolument remarquables que j’ai déjà montré sur Made in Tokyo, à savoir le temple futuriste en forme de tulipe (ou de lotus) Shinjuku Rurikoin Byakurengedo 新宿瑠璃光院白蓮華堂 (2014) et la brutalité du massif TERRAZZA (1991) sur la pente descendante de Killer Street. L’architecture d’Amorphe nous invite à l’imagination et j’aime beaucoup cela.