take the fender to the red car and hit the road to nowhereland

Le coupé rouge que je pense être une Nissan Skyline est garé au bout de la rue, dans son alignement de sorte qu’on l’aperçoit depuis la sortie de la gare. On m’avait dit d’amener la Fender jusqu’à cette voiture rouge que je ne pouvais pas manquer. Je pense que c’est la première fois que je vois cette voiture à cet endroit là. Je connais assez bien le quartier et je l’aurais déjà remarqué. La rue étroite qui pointe vers elle nous laisse le temps de l’approcher. La clef est dans ma poche et la guitare Fender Stratocaster Vintera bleue turquoise dans sa housse noire sur mon dos. Il n’y a personne autour de la voiture, seulement quelques passants qui ne détournent pas le regard, perdus dans leurs pensées. Le modèle doit dater des années 70 mais elle est très bien entretenue. La couleur rouge est tellement vive que la peinture ne doit pas être d’origine. Elle a certainement être repeinte. L’intérieur de cuir noir que j’aperçois à travers la portière avant est également impeccable. J’enfonce sans plus attendre la clef marquée d’un ’R’ rouge dans la serrure de la portière et celle-ci s’ouvre immédiatement sans résistance. Je place d’abord la housse de guitare sur les places arrières plutôt étroites, puis m’assois derrière le volant. Il est plus petit qu’à ma première impression et l’assise est basse. Le siège avant est moins ferme que je ne l’imaginais pour un coupé. Le cuir est abîmé par l’usure à différents endroits. Devant le pommeau de vitesse, un lecteur de cassettes est enclenché. Il n’en sort cependant aucun son. La boîte de la cassette est posée en vrac sur le siège passager avec d’autres papiers, des morceaux de partitions brouillonnées et des feuilles de textes incomplets et raturés à plusieurs endroits. Sur cette boîte de cassette, la photographie d’un visage de femme en faïence en grande partie cassé et fissuré m’interpelle. A l’arrière, Il n’y a rien à part la Fender que je viens de déposer. J’ai envie de la sortir de sa housse pour la laisser respirer et prendre part entière de l’habitacle de la Skyline. Il est 14h30. Il fait une vingtaine de degrés dehors et le soleil est seulement gêné par quelques nuages. Je fais deux ou trois tours de manivelle pour ouvrir la vitre et laisser un fin courant d’air entrer à l’intérieur. Le réservoir est plein. Le moteur est plus bruyant que je l’imaginais ce qui me pousse à augmenter de deux crans le son du lecteur de cassettes laissant s’échapper les premières notes de guitares. Je m’engage sur la rue principale puis sur la grande avenue qui me fait monter sur l’autoroute après une petite dizaine de minutes. La puissance de la machine rend la conduite aisée. L’autoroute est quasiment déserte ce qui m’étonne d’abord beaucoup. L’autoroute est à moi, le temps est à moi, direction le Nord. Le rock alternatif qui se diffuse dans l’habitacle m’est inconnu mais m’attire beaucoup. Il m’accompagnera pendant quelques temps dans la solitude de l’habitacle. L’air est clair et la lumière hivernale forte. La sortie de chaque tunnel éblouit au point où on a l’impression de perdre tout contact avec le réel pendant quelques secondes, le temps que notre œil et nos sens se réhabituent à la lumière solaire qui nous frappe. Ces quelques secondes d’évanouissement sensoriel donnent à l’atmosphère vaporeuse de la musique que j’écoute une présence toute particulière. Il me semble même que les accords de guitare que j’écoute proviennent de la Stratocaster posée sur les sièges arrières. Les sons circulent dans l’habitacle et se mélangent dans une harmonie qui est difficile à décrire. J’aimerais que l’éblouissement à la fin des tunnels soit plus long et intense. À l’entrée du 19ème tunnel de l’autoroute, le déclic sec du lecteur de cassette sonne la fin du onzième et dernier morceau de l’album. J’étais tellement envoûté par les sons de guitares que je n’avais pas remarqué la trame musicale qui évoluait derrière et qui prend maintenant de l’importance. Cette trame lente, répétitive et floue me saisit tout d’un coup par son omniprésence et accapare toute mon attention. Les nappes instrumentales qui la composent sont pleines de mystères, communiquant des images d’un monde cosmique qui nous enveloppe mais dont on a du mal à en saisir la substance. On se croirait dans un rêve éveillé. La consistance des choses me paraît moins certaine alors que l’éblouissement de la fin du 19ème tunnel accentue cette perte sensorielle. Il n’y a plus de boîte de cassette de femme au visage de faïence cassée sur le siège passager, la guitare Fender à l’arrière s’est évaporée. Les contours de l’habitacle du coupé rouge se confondent maintenant avec les traînées de lumière au fur et à mesure qu’on approche de la sortie du tunnel. Le crescendo de la trame instrumentale sourde et le flux de lumière émettent désormais une puissance supérieure à mes capacités sensorielles. Je ne me sens plus en mesure d’atteindre mon but. Mais quel était il? Je viens peut-être de l’atteindre en cet instant.

(裏1)

Les hasards ont fait que j’ai pris cette photographie du visage inquiétant de Richard D. James sur deux de ses albums de la deuxième partie des années 1990 peu de temps avant l’annonce de la réédition de l’album Selected Ambient Works, Vol. 2 de Aphex Twin. Cet album déjà énorme car durant 2h32m ressort en version augmentée. Je ne suis pas sûr de m’y replonger, mais je découvre en tout cas le nouveau single intitulé #19 sorti dans la foulée. Il ne s’agit en fait pas tout à fait d’un nouveau morceau car il était apparemment déjà présent sur la version vinyle du dit album. Il y avait bien déjà un morceau #19 sur Selected Ambient Works, Vol. 2 mais cette autre version est complètement différente. Soit Aphex Twin brouille volontairement les pistes, soit c’est moi qui me mélange les pinceaux. Le ’nouveau’ #19 se compose d’une longue plage de 10 minutes, répétitive et mouvante jusqu’à réussir à nous hypnotiser si on veut bien lâcher prise. Les nappes électroniques lentes sont floues, sombres mais teintées par moments de halos lumineux. J’ai toujours pensé que la musique d’Aphex Twin, qu’elle soit ambient comme ici ou plus expérimentale, était conditionnée par les expressions de son visage sur les albums… I care because you do (1995) et Richard D. James (1997) mentionnés un peu plus haut. On ne sait jamais vraiment si on a affaire à un génie créatif ou à un artiste qui se moque un peu de nous. La vérité se trouve peut-être un peu entre les deux, mais j’y pense particulièrement en écoutant ce morceau #19. Écrire cela ne m’empêche pas de l’écouter à répétition car cette ambiance m’inspire.

(裏2)

Je ne suis pas sûr que le modèle Stratocaster Vintera II en version bleue turquoise était vendu au magasin Fender Flagship Tokyo d’Harajuku, mais j’ai regardé avec une grande attention la variété de modèles présentés, notamment la série Stratocaster. Je n’étais jusqu’à maintenant jamais entré à l’intérieur, même si ça me démangeait depuis longtemps. Je pense que j’avais un peu peur qu’on arrive trop facilement à me convaincre de ré-acheter une guitare. Le design intérieur a été conçu par Klein Dytham Architecture. Tout y est très clair et spacieux, assez loin du bazar visuel des magasins d’instruments de musique d’Ochanomizu. Le magasin couvre plusieurs étages et l’escalier vaut à lui seul le détour car ses murs sont couverts de photographies de musiciens japonais ou étrangers portant bien sûr une ou plusieurs guitares de la marque. Je reconnais quelques têtes comme celles du groupe Number Girl avec Shutoku Mukai (向井秀徳), Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) et Kentarō Nakao (中尾憲太郎). Je n’y ai par contre pas trouvé Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ), Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ), a子 ou Chiaki Satō (佐藤千亜妃) malgré les très belles séries de photographies prises pour la marque par Hirohisa Nakano (中野敬久). Le dernier étage du magasin ressemble à un musée exposant une longue série de guitares vintage avec le nom du musicien ou de la musicienne à qui la guitare appartenait. On croit deviner à cet étage un petit salon donnant sur une grande baie vitrée, mais l’accès est fermé au public. J’imagine que des interviews doivent se dérouler à cet endroit.

(裏3)

Après avoir maintes fois écouter le single Angel, dont j’avais parlé dans un billet précédent, je reviens vers le rock du goupe irlandais NewDad en écoutant l’album Madra dans sa totalité. L’album de 11 morceaux est excellent de bout en bout, et c’est un vrai bonheur de l’écouter dans son intégralité. Il ne s’agit que de leur premier album mais on sent déjà une grande maturité. De nombreuses émotions nous traversent en écoutant cet album, à l’image de la mystérieuse photographie de couverture montrant un visage de femme en faïence en grande partie cassé et fissuré. L’album possède une certaine immédiateté car on se laisse très facilement accrocher par les mélodies de guitare et les refrains chantés par Julie Dawson, mais la beauté mélancolique et vaporeuse de l’ensemble se révèle un peu plus après chaque écoutes. Cette musique rock alternative m’a inspiré en partie le texte du début de ce billet.

encadrements de ciel

Nous ne passons que très rapidement à Yurakucho et Ginza quelques jours avant Noël, mais je prends quand même le temps de prendre quelques photographies en passant dans les rues parmi la foule. La difficulté est de ne pas perdre Mari de vue lorsque je m’arrête quelques dizaines de secondes pour prendre une photographie, sans gêner les gens qui marchent derrière moi. Parfois il faut regarder le ciel pour trouver de nouvelles idées photos comme sur les deux photographies qui bordent ce billet aux Department Stores Hankyu et Lumine de Yurakucho. J’aime beaucoup ces passerelles en hauteur reliant deux buildings, qui contribuent à la complexité de l’urbanisme tokyoïte. Cela donne une idée de ville à plusieurs niveaux, comme on peut en voir dans certaines œuvres graphiques ou cinématographiques d’anticipation. Sur l’avant dernière photographie, je montre encore le building Ginza Place par Klein Dytham Architecture, car sa couleur blanche et son design le détachent franchement du reste du décor de Ginza et rend donc cet immeuble très photogénique. Je suis aussi toujours tenté de photographier le building de verre Tokyu Plaza, bien que nous n’y sommes jamais entrés. Au même croisement, la disparition du vieil immeuble Sony laisse maintenant une vue entière sur l’immeuble de la Maison Hermès par Renzo Piano, qui reste une des architectures iconiques du quartier.

Je ne sais pas si les visiteurs les plus assidus de Made in Tokyo ont remarqué, mais j’ai modifié la résolution de certaines photographies montrées sur les billets de ces dernières semaines. En fait, depuis que j’ai migré mon iMac sous le dernier macOS Catalina, les applications anciennes en 32bits ne fonctionnent plus. Le Photoshop que j’utilisais jusqu’à maintenant était une vieille version 32bits démodée mais qui répondait suffisamment à mes besoins. Elle ne fonctionne donc plus sur le nouvel OS. J’hésite encore à passer sur la dernière version de Photoshop car je n’aime pas trop le modèle de suscription Creative Cloud qui oblige à payer tous les mois (ou ans) sans quoi on ne peut plus utiliser l’application. Ce type de suscription contient toujours des fonctions qui ne me sont pas nécessaires comme un espace disque sur le cloud Adobe. Je l’ai tout de même essayé pendant les quelques semaines d’essai, mais je me suis aussi souvenu que j’avais acheté il y a plusieurs années une application similaire s’appelant Pixelmator, qui fonctionne en fait très bien et ressemble assez à Photoshop. J’utilise maintenant principalement cette dernière application. Il y avait quand même un souci qui me chagrinait depuis cette transition et qui me faisait même un peu hésiter à montrer de nouvelles photographies sur le web. Les photographies que je montrais en version web 72dpi et format de 1000px de largeur paraissaient légèrement floues et manquaient en définition et netteté. J’applique cette configuration en dpi et en pixels depuis de nombreuses années, mais je ne ressentais ce problème de résolution que depuis mon passage vers le macOS Catalina et ce nouveau software d’édition photographique. En fait, en ouvrant une même photographie de 1000px sur Pixelmator (même chose sur la dernière version de Photoshop) et sur le navigateur web Safari, j’ai vite constaté que la photographie apparaissait deux fois plus petite sur l’application photographique par rapport à la version web. La version web semblait donc être une version agrandie, zoomée en quelques sortes, d’où une perte certaine en netteté. J’ai d’abord pensé que les paramètres de compression n’étaient pas corrects quand je sauvegardais les photographies au format JPEG, mais quelques recherches internet m’ont fait comprendre que les nouvelles applications d’édition photographique fonctionnaient en haute définition pour s’adapter aux écrans Retina, ce qui n’était pas le cas de mon vieux Photoshop qui était conçu en basse résolution. Il reste d’ailleurs une option pour faire tourner les applications récentes en basse résolution mais ça serait dommage de revenir en arrière. Pour palier à ce problème, je sauvegarde désormais les photographies JPEG en 2000px de large (le double d’avant) mais les affichent ensuite qu’en 1000px de large sur mes pages web (pas de changement). Bien que les photographies soient un peu plus grosses en taille kb, la différence de définition est très notable, je trouve. Sans trop exagérer, je me sens revivre depuis cette découverte.

J’ai encore quelques billets à publier avant la fin de l’année, mais en attendant, je souhaite à tous les visiteurs de joyeuses fêtes.

Shonan T-site

Le Shonan T-SITE (T pour TSUTAYA) est situé à Tsujido, dans la petite ville au bord de mer de Fujisawa. Il a été conçu par les mêmes architectes que le fameux T-SITE de Daikanyama, Klein Dytham Architecture. Les deux sites, composés tous les deux de plusieurs bâtiments entrecoupés de passages extérieurs, se ressemblent beaucoup dans leurs formes de couleur blanche et par l’agencement intérieur mélangeant une librairie, un Starbucks et plusieurs restaurants et services. Par rapport à la version du TSUTAYA de Daikanyama, celui de Shonan ressemble à un labyrinthe à l’intérieur. Les cafés et restaurants sont parfois placés entre les rangées de livres. Les murs blancs ornés de feuilles Momiji en surimpression donnent un joli effet, certes moins complexe et intéressant que les formes de T composant une grille sur le T-SITE de Daikanyama. Le T-SITE de Shonan est situé juste à côté d’une vaste zone résidentielle récente où toutes les maisons se ressemblent.


Ça doit faire depuis au moins un an que j’écris d’abord mes billets sur l’application Notes de l’iPad, de l’iPhone ou du iMac. Comme le contenu des notes sont toutes synchronisées entre les différents appareils, je commence très souvent un nouveau billet sur le petit écran de l’iPhone pour continuer ensuite sur l’iPad ou parfois (comme maintenant) sur l’iMac. Une fois le texte écrit entièrement sur l’application Notes, je le copie vers le billet WordPress contenant les photographies que je veux publier. Dans mon processus de création de nouveaux billets, les photographies sont d’abord choisis et classées dans des billets WordPress avec un titre provisoire ou définitif (suivant l’inspiration), avant l’écriture du texte. Dès que je développe des photographies numériquement ou que je construis des nouvelles compositions graphiques, j’ai une idée assez précise de la manière dont je vais les regrouper dans un billet ou dans une série de billets parfois. Ce travail de regroupements de photographies et d’agencement est une de mes grandes satisfactions dans tout le travail que je fais sur ce blog, avec l’écriture. Une fois les images mises en place dans les billets (il m’arrive parfois d’avoir 5 ou 6 billets préparés en brouillon dans WordPress), il me reste à écrire le texte. J’écris la plupart des textes dans le métro le soir sur le chemin du retour vers la maison. C’est un moment où je n’ai guère autre chose à faire et bizarrement, c’est à ce moment que l’inspiration me vient le plus facilement. Je me tiens debout devant une des portes automatiques du métro qui ne s’ouvre pas pendant le trajet, et je me laisse absorber par l’écriture avec en général de la musique dans les écouteurs. Il me faut en général plusieurs trajets du soir pour écrire un billet en entier. Je le finalise ensuite sur l’iPad à la maison le soir en général entre 11h et minuit, copie le tout dans WordPress. Le titrage du billet change souvent à ce moment là quand un mot du texte que j’ai écrit m’inspire en particulier.

J’écris ces quelques lignes détaillant mon processus de création, suite à la lecture du billet de mahl. Je sens comme le besoin de documenter ici ma manière de procéder pour m’en souvenir (et pour le relire dans 150 ans). Tous ces billets sont une partie de mémoire. Il m’est quelque fois venu à l’idée de tout effacer, car toutes ces écritures ont un poids même en numérique. Mais j’aime relire des billets passés de temps en temps, en partie pour le contenu mais surtout pour revoir la façon que j’avais d’écrire vis à vis des photographies que je montrais (les deux sont forcément inter-dépendants). Le danger est de passer son temps à se relire, car ce blog reste le meilleur livre que j’ai jamais lu.

how to repeat Tokyo endlessly (β)

Constatons ensuite à Ginza les changements urbains qui sont intervenus depuis notre dernier passage. La première photographie de ce billet nous montre le Ginza Place par Klein Dytham Architecture, terminé en septembre 2016 et placé au croisement où se trouvent Wako et Mitsukoshi. Je l’avais déjà photographié il y a quelques semaines sans réaliser qu’il avait été conçu par Klein Dythan. On reconnaît un style similaire à l’ensemble blanc du Tsutaya de Daikanyama. Un peu plus loin dans la même rue de Ginza et sur plusieurs photographies suivantes, on ne peut pas manquer le nouveau et gigantesque Department Store Ginza Six, peut être un des plus luxueux du Japon. On en a beaucoup (trop) parlé à la télévision d’ici au moment de son ouverture. Dans un des espaces internes, des citrouilles à poix rouges de Kusama Yayoi sont accrochées au plafond. On peut monter sur la terrasse du toit pour une vue sur Ginza entre les immeubles et les lumières urbaines.