heavenor flowers or both at the same time

J’essaie de rattraper mon retard dans la publication de mes photographies avec celles ci-dessus prises au sanctuaire Kameido Tenjin (亀戸天神社) le 20 Avril 2024. Ce n’est pas la première fois que nous venons dans ce sanctuaire situé dans l’arrondissement de Kōtō (江東区), mais je n’avais bizarrement montré aucune photographie de la première fois où nous y sommes venus. Au mois d’Avril, on a le droit à un beau spectacle car les étangs et canaux placés devant le sanctuaire sont recouverts en grande partie par des grappes de fleurs wisteria (藤). Le sanctuaire et ses alentours sont très agréables malgré la foule pendant toute la période du Fuji Matsuri, le festival des fleurs wisteria. Notre deuxième étape de la journée est de filer jusqu’au très grand parc Toneri dans l’arrondissement d’Adachi, réputé notamment pour ses cerisiers et pour ses fleurs nemophila (ネモフィラ). Les 1000 cerisiers que compte le parc ne sont plus en fleurs, et ce sont les petites fleurs bleues nemophila qui attirent toute l’attention, d’autant plus qu’elles sont éclairées la nuit venue. Là encore, nous n’étions pas les seuls à avoir la même idée de venir les voir le soir.

C’est un plaisir de retrouver le rock alternatif de SPOOL avec un nouveau single intitulé Heavenor, sorti le 12 Juin 2024. SPOOL se composait jusqu’à récemment de quatre membres, mais le batteur Aran Inagaki a quitté le groupe en Mai 2023. Les trois membres restantes Ayumi Kobayashi au chant et à la guitare, Sumika Shoji à la guitare et Minako Abe à la basse composent donc la nouvelle structure du groupe accompagnée par un batteur de soutien. Heavenor est le premier morceau sorti sous cette nouvelle formation et il est excellent. La composition musicale de guitare est relativement simple mais terriblement efficace. Le morceau a une espèce de ’coolitude’ rafraîchissante. Il avance en prenant son temps et sans forcer les choses, comme si le message était de prendre la vie comme elle venait. On retrouve bien sûr cette tendance pop mélancolique transmise par la voix d’Ayumi Kobayashi, qui parvient à chaque fois à nous transporter dans un univers sensible et délicat, mais le refrain chanté en chœur donne une approche optimiste à l’ensemble qui fait énormément plaisir à entendre. J’aime beaucoup l’approche shoegaze de morceaux plus anciens du groupe comme le sublime Be My Valentine, mais la direction plus lumineuse de ce nouveau single me plait aussi beaucoup. Je ‘valide’ donc cette nouvelle direction. A noter que j’utilise cette expression ‘valider’ de manière ironique, car je ne l’aime pas du tout. Elle fait partie de ses expressions ou mots que je lis régulièrement sur les réseaux sociaux et qui m’agacent terriblement. Une autre est l’utilisation erronée de ‘sur’ pour un lieu, comme par exemple, ‘aller sur Tokyo’ plutôt qu’aller à Tokyo. Dans les deux cas, cela donne l’impression d’une autorité qui n’a pas lieu d’être (celle qu’un influenceur essaie de se donner), mais ce n’est très certainement que mon interprétation.

bienvenue sur l’île des rêves

L’île des rêves est la traduction littérale de Yumei no Shima (夢の島), une île artificielle construite sur la baie de Tokyo et située dans l’arrondissement de Kotō. En 1938, il était envisagé d’y construire le nouvel aéroport de Tokyo mais les travaux ont été retardés par la seconde guerre mondiale et les plans tombèrent finalement à l’eau (à priori celle de la baie) car on préféra finalement agrandir l’aéroport d’Haneda. Une plage y est ouverte en 1947 qui donnera ce nom idyllique (mais exagéré) d’île des rêves, mais fermera quelques années plus tard. Les rêves seront donc de courte durée car cette île devint ensuite un dépôt à ordures. On y trouve depuis 1988 un grand parc accessible depuis la station de Shin-Kiba. Je suis venu jusqu’à Shin-Kiba pour voir un autre bâtiment intéressant dont je parlerais certainement un peu plus tard, mais aussi pour voir les dômes du jardin botanique. Ces jardins étaient apparemment fermés ces dernières années en raison de la crise sanitaire, mais ils étaient bien ouvert à mon passage. Je préfère cependant faire le tour des dômes pour admirer leur taille et leurs courbes parfaites. Un grand espace du parc devant les dômes était utilisé l’année dernière pour les compétitions de tir à l’arc des Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Je le montre sur la première photographie du billet. On y trouve également un gymnase, des stades, un port de plaisance, et un musée abritant le bateau Daigo Fukuryū Maru (第五福龍丸) restauré en 1976. Ce bateau était un thonier japonais contaminé par les retombées radioactives d’un essai nucléaire américain à la bombe H dans l’atoll Bikini des îles Marshall le 1er Mars 1954. Cette malheureuse histoire fît scandale à l’époque car le bateau de pêche se trouvait en dehors de la zone interdite et l’équipage fut contaminé par les retombées nucléaires constituées de fines poussières blanchâtres que les pêcheurs appelèrent cendres de mort (死の灰). Daigo Fukuryū Maru se trouve à l’intérieur d’un étrange bâtiment fait de plaques de métal arrondies ressemblant à la coque d’un bateau. La noirceur du bâtiment, qui reflète très certainement la noirceur de l’événement que le musée relate, vient contraster avec l’ambiance bucolique du reste du parc. Peu de personnes s’y promènent en plein été, on peut le comprendre vues les grandes chaleurs. Revenir ensuite vers la station de Shin-kiba m’oblige à passer sous des autoroutes surélevées qui rappelle la densité de l’infrastructure tokyoïte. J’y reviendrais peut-être dans un prochain billet sur cette infrastructure tokyoïte, j’y reviens en fait souvent.

Pendant ma visite des dômes de Yumei no Shima, j’étais partagé entre écouter le silence quasi religieux du parc vide de monde ou la musique quasi religieuse de Jeff Buckley sur son unique album Grace. J’ai partagé mon temps entre les deux. Je reviens régulièrement sur cet album mais je ne l’avais pas écouté depuis longtemps. À chaque écoute, je me dis que le morceau titre de l’album, Grace, est un des plus beaux morceaux de musique qui existent, mais je m’attarde cette fois-ci sur un autre morceau, tout aussi prenant, le cinquième de l’album intitulé So Real, placé juste avant son Hallelujah. Et à chaque écoute, je me dis qu’il est parti trop tôt: « I’m not afraid to go but it goes so slow » nous dit-il sur le morceau Grace.

Mais la musique que j’écoute en ce moment est très différente car je suis dans une phase electro-pop qui s’accorde bien à la période estivale. Le concert du groupe Zuttomayo, abréviation de Zutto Mayonaka de ii no ni (ずっと真夜中でいいのに。), que j’ai vu en streaming sur YouTube lors de l’édition 2022 du festival Fuji Rock m’avait tellement intéressé que je me suis mis à rechercher dans la discographie du groupe des morceaux qui m’intéressent. J’ai beaucoup apprécié l’univers très particulier du groupe lors de ce concert et j’ai pris par la même occasion un peu plus conscience de la personnalité artistique du groupe. J’avais jusqu’à maintenant l’image d’un groupe ressemblant à Yoasobi mais dans une version plus rapide. Il y a un peu de cela car les deux groupes sont de la mouvance Vocaloid, mais l’énergie intense que peuvent prendre parfois les morceaux de Zuttomayo m’intéresse beaucoup plus que ce que compose Yoasobi. En écoutant par-ci par-là sur YouTube les morceaux de Zuttomayo, tous ne m’intéressent pas, mais je découvre tout de même certains morceaux que j’aime vraiment beaucoup sur les deux albums du groupe. Sur le premier album Hisohiso Banashi (潜潜話) sorti en Octobre 2019, il y a Kansaete Kuyashiiwa (勘冴えて悔しいわ) que j’écoute en fait déjà depuis quelque temps, puis Humanoid (ヒューマノイド) et Byōshin wo kamu (秒針を噛む). La suite extrêmement rapide de sons électroniques sur Humanoid me fait penser au math-rock mais en version electro. Sur le deuxième album Gusare (ぐされ) sorti en Février 2021, j’aime beaucoup Study me (お勉強しといてよ) et MILABO. En les écoutant maintenant, je me rends compte qu’on me les avait déjà recommandé dans les commentaires d’un billet précédent mais je n’avais à cette époque pas complètement accroché. Comme quoi, apprécier certaines musiques dépend beaucoup de la situation psychologique dans laquelle on se trouve. Et j’en conclus par conséquent que mes conseils musicaux continuels sur ce blog ne peuvent que rarement trouver un écho auprès de mon auditoire. C’est la même chose en fait pour moi mais les conseils que je peux lire des autres font parfois mouche. J’y reviendrais très certainement dans un prochain billet. Pour revenir à Zuttomayo, je suis en fait surpris par la qualité musicale de l’ensemble et par la densité instrumentale qu’on y trouve, notamment sur ces deux morceaux du deuxième album. C’est exactement ce que j’avais apprécié dans le concert du Fuji Rock. Il y a également le mélange de fragilité et de force dans la voix d’ACAね (ACA-Ne). Je ressens une passion certaine dans le ton de voix qu’elle emploie régulièrement dans son chant. ACAね écrit les paroles et les musiques de la plupart des morceaux. Comme je le mentionnais, elle me montre pas son visage comme les autres membres du groupe d’ailleurs. Mais il n’est pas très difficile de le découvrir sur internet. Je n’ai pas l’impression qu’elle se protège autant qu’Ado par exemple. Le groupe utilise en fait une identité visuelle changeante faite de personnages animés comme celui ci-dessus tiré de la vidéo du morceau Kansaete Kuyashiiwa (勘冴えて悔しいわ). Un illustrateur et animateur appelé sakiyama dessine cette identité visuelle mais d’autres illustrateurs interviennent également sur d’autres vidéos comme Waboku sur Byōshin wo kamu (秒針を噛む) ou MILABO. Sur le morceau Study me (お勉強しといてよ), l’illustration et l’animation sont assurés par Hanabushi (はなぶし) et Yotsube (ヨツベ). J’ai souvent associé le personnage de cette vidéo aux yeux un peu endormis à l’interprète ACAね, mais elle ne lui ressemble en fait pas trop.