J’ai recherché ce bâtiment futuriste appelé White Base pendant de nombreuses années et j’en parlais déjà dans un billet de Juillet 2007 où j’énumérais les quelques bâtiments à l’architecture remarquable que j’aimerais voir un jour en vrai plutôt qu’en photo sur un magazine. Après plus de dix ans, je finis par le trouver à Kodaira, dans la banlieue Ouest de Tokyo. Je l’ai tellement recherché virtuellement sur Google Maps et Street View que je connais désormais par cœur le quartier où elle se trouve, avant même d’y être allé physiquement. Je profite de ma petite semaine de congé pour m’y rendre et voir cet objet architectural si particulier de mes propres yeux. White Base se trouve dans une rue commerçante assez étroite d’un autre temps et contraste complètement avec le reste des maisons basses et les quelques résidences d’appartements aux alentours. Il est assez difficile d’imaginer qu’un tel bâtiment puisse se trouver à cet endroit. Ma crainte lorsque j’approche ce type d’architecture maintes fois vue dans les magazines est qu’elle ait mal vieillie et donc perdue de son panache. Pour ce qui est de White Base, le bâtiment est assez bien conservé bien qu’il date de 2006, à part des traces d’écoulements d’eau à plusieurs endroits de la façade supérieure.
L’architecte de White Base est Akira Yoneda (Architecton) accompagné par l’ingénieur en structure Masahiro Ikeda. Ce duo a également conçu la petite maison Delta (∆) se trouvant à Meguro. Masahiro Ikeda est également à l’origine de la structure du petit bâtiment blanc ressemblant à un grain de riz, Natural Ellipse par l’architecte Masaki Endoh. Ce sont à chaque fois des projets futuristes et, dans le cas de White Base, dépassant même les limites du possible. Il s’agit ici à la fois du studio de travail et de la résidence d’un Mangaka, créateur d’une série à succès (que je ne connais pas). Il a travaillé en étroite collaboration avec l’architecte pour parvenir à cette œuvre architecturale singulière. Ce qui surprend immédiatement sur White Base est bien entendu le dernier étage cantilevé. J’avais déjà vu des volumes en porte-à-faux, comme sur le petit building Undercover Lab de Klein Dytham, mais dans le cas ici, on se demande vraiment comment cet étage peut bien tenir en place dans les airs. Le volume cantilevé composé d’une structure d’acier prend une forme de L dont une partie est télescopée, courbée d’un angle de 20 degrés pour venir chercher la lumière au dessus des habitations alentours. Cette structure et son revêtement se composent de panneaux d’acier corten recouvert d’une résine fluorocarbonnée qui me font penser à un objet spatial. La chambre principale est située à ce niveau là, au dernier étage dans le coin de la forme en L, et donne sur la partie en tube oblique et ouverte formant une terrasse. Cet étage est dédié aux chambres et possède peu d’ouvertures sur l’extérieur à part quelques zones couvertes d’un treillis blanc. L’étage au dessous est une partie ouverte sur l’extérieur. Un escalier enfermé dans des vitrages transparents permet de faire le lien entre le dernier étage placé dans les airs et l’étage en dessous correspondant au deuxième étage japonais utilisé comme espace de séjour pour la famille du Mangaka. Pour compliquer un peu plus la configuration, ce deuxième étage en forme de S à l’intérieur n’est pas aligné avec l’étage supérieur en porte-à-faux et n’est pas non plus aligné avec les contours du terrain. Le rez-de-chaussée, juste en dessous, contient principalement le parking intérieur dont on peut voir le portail donnant sur la rue. Ce parking peut contenir 7 voitures et quelques photos aperçues sur le web me laisse penser qu’il contient une Delorean. Le studio de travail du Mangaka et de son équipe se trouve aux étages inférieurs, dans une base faite d’un bloc de béton renforcé, creusé sur la quasi-totalité du terrain, ouvert d’un côté pour laisser passer la lumière à travers une grande baie vitrée de deux étages de hauteur. Une mezzanine surplombe cette zone de travail haute de plafond. Après le design sur papier, il aura fallu plus de trois ans et des complications dans la conception du dernier étage, pour mener à bien ce projet qui se conclura en Août 2006.
White Base est bordé par un parking ressemblant à un terrain vague. J’imagine qu’une construction verra le jour dans quelques temps. En attendant, cette vue dégagée depuis ce parking permet d’apprécier une bonne partie du building. Il reste cependant difficile à comprendre depuis l’extérieur tant l’agencement des espaces intérieurs est atypique. Le numéro 64 du magazine Japan Architect consacré à une rétrospective architecturale de l’année 2006 montrent quelques photos de l’intérieur et des plans des étages, qui je montre ici pour faciliter la compréhension de cette structure complexe (à noter, le cinquième étage sur le plan correspond au dernier étage en porte-à-faux). White Base apparaissait également en couverture du numéro 246 de Shinkenchiku et dans le numéro 7 du magazine MARK d’Avril et Mai 2007 consacré entre autres à la présentation de 5 maisons japonaises. White Base faisait également la couverture du magazine MARK, mais dans une version stylisée. Ce numéro présentait également la maison blanche Sky Trace de Kiyoshi Sei Takeyama (Amorphe) dont je parlais récemment, mais aussi un autre petit chef-d’œuvre architectural, Reflection of Mineral par Yasuhiro Yamashita (Atelier Tekuto). L’article du magazine MARK montre des photographies différentes de celles de Japan Architect, et donne des détails intéressants sur la conception du building, basé sur les idées de design assez précises et agressives du Mangaka. Son nom était d’ailleurs précisé dans le magazine, ce qui m’a un peu étonné. Ceci étant dit, en plus d’être une maison sur les étages du haut, White Base est également pour une grande partie l’espace professionnel de ce Mangaka. Je ne mentionne pas l’adresse de White Base, comme il est d’habitude pour ce genre de maisons. C’est un peu triste à dire mais j’ai l’impression d’avoir conclu un cycle dans mes découvertes architecturales après avoir vu ce building. Il me reste pourtant beaucoup d’autres architectures à découvrir dans Tokyo et à approfondir.