des cerisiers mais également autres choses (3)

En passant vers l’entrée de l’Hôtel Meguro Gajoen également agrémenté de quelques cerisiers en fleurs, je remonte un peu plus vers l’église catholique de Meguro, qui était également un des objectifs de cette marche florale. Je voulais y passer pour adresser une dernière prière à un proche récemment disparu et pour lequel nous passerons une grande partie du week-end pour une sépulture bouddhiste. L’église St. Anselm Catholic Meguro Church (聖アンセルモ カトリック目黒教会) est un chef d’oeuvre de l’architecte Antonin Raymond. Elle a été construite en 1956. L’extérieur semble cependant avoir été rénové. La beauté se trouve à l’intérieur mais on ne peut malheureusement pas y prendre de photos. Je me pose sur un des bancs à l’intérieur pendant une vingtaine de minutes pour observer et apprécier autour de moi cette beauté brutaliste. Les longues lames de béton latérales laissent passer la lumière en quantité suffisante. Les imposantes poutres de béton sont impressionnantes. Mon attention se dirige ensuite vers l’autel au design minimaliste et symbolique mais recouvert en partie par une étrange surface courbe dorée jaillissant du sol. On peut voir quelques photographies de l’intérieur sur internet.

des cerisiers mais également autres choses (2)

Je ne vais volontairement pas du côté de Naka-Meguro près de la gare car la foule y est toujours immense et les branches de cerisiers ont été en partie coupées, ce qui amenuise l’effet de tunnel de fleurs au dessus de la rivière, étroite à cet endroit là. Je préfère marcher en direction de la gare de Meguro, avec en point de mire le grand Hôtel Meguro Gajoen. La foule y est de taille raisonnable et on ne se marche pas sur les pieds. J’ai eu le sentiment en voyant les cerisiers qu’ils n’étaient pas encore à leur pic de floraison, du moins les fleurs ne me semblaient pas aussi volumineuses qu’à l’habitude. Sur la rivière, un groupe de kayak navigue en prenant son temps. Je les envie un peu.

des cerisiers mais également autres choses (1)

De retour d’une petite semaine à Hong Kong, je pensais que les fleurs de cerisiers ne m’auraient pas attendus, mais elles n’étaient pas encore complètement tombées. De Hong Kong, je n’ai même pas eu le temps et l’occasion de prendre des photos de la ville. Je n’y étais pas pour du tourisme et je n’avais de tout façon pas amené mon appareil photo reflex. Le Samedi au lendemain de mon retour, je me précipite presque vers la rivière de Meguro pour voir à quel point en est la floraison. En chemin et en faisant des détours, je découvre d’autres cerisiers sur la rue Meiji et près de la gare de Meguro, mais je vois également autres chose. Voici donc une petite série de quatre épisodes qui se passera presque de commentaires, mais je ne peux que difficilement m’empêcher d’en écrire.

once again now where do I start

Ces photographies datent déjà de plus d’un mois et les cerisiers en fleurs semblent déjà bien loin. Je n’avais pas l’intention d’aller observer les sakura à Naka-Meguro imaginant la foule qu’on pourrait y trouver. Le hasard des chemins qui mènent tous à Rome me font tout de même passer après un détour par les bords de la rivière Meguro, pour constater que le pic de floraison est bien passé. Il n’y a par conséquent qu’assez peu de monde aux alentours de la station de Naka-Meguro. Je constate également avec un certain effrois qu’une bonne partie des branches des cerisiers qui recouvraient la rivière à cet endroit là ont été coupées. La raison de cette action drastique et malheureuse m’est inconnue. Je ne suis pas sûr que la foule ait pour autant été dissuadée de venir ici. Depuis l’implantation du grand Starbucks Reserve Roastery, et les visites de quelques chanteurs étrangers, les bords de la rivière au niveau de Naka-Meguro est devenu un lieu à la mode. Je continue en tout cas ma marche en direction de Meguro pour essayer de saisir ce qui reste des fleurs de cerisiers, mais l’effet d’admiration est déjà bien passé.

Une discussion sur le hip-hop japonais dans les commentaires du rapport de concert Option C d’AAAMYYY, qui avait invité plusieurs rappeurs, m’a rappelé quelques unes de mes lacunes dans le domaine. Autant j’avais écouté DJ Krush à l’époque de la sortie de certains de ses albums ou compilations comme Zen ou Code 4109, autant je suis passé involontairement à côté de la musique de Nujabes. J’avais en fait en tête d’écouter Nujabes depuis de nombreuses années, mais l’occasion ne se présente vraiment que maintenant suite à cette discussion dans les commentaires. Le DJ et producteur de Hip-hop et Trip hop Jun Seba (瀬葉淳), aka Nujabes, est originaire des quartiers Nord de Tokyo. Il est mort soudainement d’un accident de voiture sur l’autoroute intra-muros Shuto de Tokyo en Février 2010 à l’âge de 36 ans. Il n’a laissé derrière lui que trois albums dont un posthume et plusieurs compilations. Je commence par son deuxième album Modal Soul sorti en 2005, qui est le plus réputé. La beauté des mélodies et la maîtrise du flot rappé m’attirent, mais c’est surtout le quatrième morceau Luv(sic) Part 3, avec une partie rap assurée par Shing02, qui accapare soudainement toute mon attention. La mélancolie qui se dégage de ce morceau est fabuleuse et me donne des frissons à chaque écoute successive. Je décide en cours de route d’arrêter l’écoute de Modal Soul pour me diriger vers la compilation Luv(sic) Hexalogy qui est une collaboration de Nujabes avec Shing02, de son vrai nom Shingo Annen (安念真吾). Cet album de jazz hip-hop a été finalisé en 2015 en intégrant certains morceaux terminés avant la mort de Jun Seba, les parties 1, 2 et 3 du morceau Luv(sic) et d’autres complétés et finalisés par Shing02 de manière posthume. La composition musicale des parties 4 et 5 était en fait déjà terminée avant sa mort et la superbe boucle de la partie 6 nommée Grande Finale a été retrouvée dans les archives de son iPhone. La page Wikipedia de la compilation donne beaucoup de détails sur la composition progressive de l’album. Savoir que le compositeur a disparu en plein milieu de la conception de cet album ajoute forcément beaucoup à la mélancolie ressentie lorsqu’on l’écoute maintenant. La compilation comprend en tout 13 morceaux avec d’autres versions des six morceaux originaux et un final intitulé Perfect circle. Aucuns des morceaux ne se ressemblent, bien que le beat de base soit similaire, car les mélodies ont à chaque fois des ambiances très différentes. Sur les morceaux que j’ai pu écouter pour l’instant, Nujabes a une approche assez clairement occidentale, l’utilisation de l’anglais expliquant en partie cela, et n’a à priori assez peu d’éléments spécifiques japonais. Les trois premiers morceaux sont pour moi des monuments et ont cette capacité à nous émouvoir à chaque écoute. Étant resté bloqué sur Luv(sic) Hexalogy, je n’ai pas encore écouté Modal Soul en entier, ni son premier album Metaphorical Music sorti en 2003, mais j’hésite à continuer maintenant comme s’il fallait laisser Luv(sic) infuser. Je me demande souvent pourquoi il y a tant de bonnes musiques à écouter, récentes ou plus anciennes. Je n’ai pas le sentiment d’avoir aimé tant de choses différentes il y a 15 ou 20 ans, du moins en musiques japonaises. J’ai parfois la hantise d’arriver au bout de ce que je peux aimer, mais des nouvelles portes s’ouvrent toujours les unes après les autres et celles-ci sont parfois très bien cachées derrière mes propres préconceptions et à prioris. Il suffit parfois qu’on nous communique un mot de passe pour pouvoir les ouvrir. Tout ceci pour dire que j’aime particulièrement quand on me suggère dans l’oreille des conseils musicaux (comme quand on me donne des pistes sur certaines architectures tokyoïtes).

longing for a happy day

Le Gotanda JP Building a ouvert ses portes le 26 Avril 2024. Nous sommes très souvent passés devant en voiture et ces immenses piliers obliques m’ont beaucoup intrigué. Il ne nous a pas fallu très longtemps pour venir voir de près à quoi ressemble ce bâtiment. On y trouve entre autres un food hall avec plusieurs restaurants dans lequel nous avons déjeuné (dans l’un d’entre eux) et un hôtel nommé OMO5 de la chaîne Hoshino Resorts qui a ouvert ses portes le 11 Avril 2024. L’hôtel occupe les étages hauts du building et la réception se trouve au quatorzième étage. Depuis cette réception, on peut accéder à un café très lumineux et à un jardin extérieur comprenant un bassin et des petits îlots de verdure artificielle sur lesquels on peut s’asseoir. L’endroit est très agréable lorsqu’il fait beau comme cette journée là. Le Gotanda JP Building se trouve à proximité de la rivière Meguro, qui est aménagée pour faciliter la marche piétonne. Je connaissais déjà assez bien les rives allant de Naka-Meguro jusqu’à Meguro, mais beaucoup moins cette zone entre Gotanda et Ozaki.

Mean Machine est ce qu’on appelle un super-groupe créé en 1998 par les chanteuses Chara et YUKI, la musicienne et DJ Mayumi Chiwaki, la saxophoniste tenor Yukarie Tsukagoshi du big-band The Thrill (ザ・スリル) et l’actrice Ayumi Ito (伊藤歩). Le groupe n’a sorti qu’un seul album intitulé Cream en Novembre 2001 que je découvre en ce moment après avoir acheté le CD à un particulier sur Mercari. J’avais pris connaissance du nom Mean Machine alors que j’écoutais intensément, il y a plusieurs mois de cela, les albums du groupe Judy and Mary dans lequel YUKI chantait jusqu’à sa dissolution en Mars 2001. Un passage récent d’Ayumi Ito dans l’émission de variété talk-show Girl’s Barking Night (上田と女が吠える夜) de l’animateur Shinya Ueda (上田晋也) m’a indirectement rappelé l’existence du groupe Mean Machine. Dans l’émission, Ayumi Ito évoque brièvement la difficulté de son rôle dans le film All about Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて) de Shunji Iwai (岩井俊二) alors qu’elle était très jeune. Elle interprétait la collégienne Yōko Kuno (久野陽子), brillante pianiste interprétant notamment le morceau Arabesque de Debussy, dont Yūichi Hasumi (蓮見雄) est secrètement amoureux et qui subira les pires immondices. L’émission m’a fait revenir sur la page Wikipedia d’Ayumi Ito qui m’a rappelé qu’elle chantait dans Mean Machine. J’imagine qu’elle connaît la chanteuse Chara depuis son rôle dans un autre film de Shunji Iwai, Swallowtail Butterfly (スワロウテイル) sorti en 1996. En apprenant tous ces liens se tissant entre des artistes et des films que j’apprécie, je n’ai pu m’empêcher d’acheter l’album qui se trouve être une excellente surprise. C’est d’ailleurs vraiment dommage que le groupe n’ait sorti qu’un seul album. Les carrières solo de chacune des membres ont apparemment créé quelques difficultés pour assurer la continuité des activités de Mean Machine. Un point intéressant de ce groupe de filles est qu’elles ont chacune délibérément choisi des instruments auxquels elles n’étaient pas familières. Chara et YUKI se sont mises à la batterie, tandis que Mayumi Chiwaki assure le jeu de guitare, Yukarie Tsukagoshi la basse et Ayumi Ito le chant. Malgré cela, la qualité des morceaux, très axés rock, est étonnamment très bonne et le jeu très maîtrisé. Ayumi Ito n’est en fait pas la seule à chanter, car tout le monde intervient dans les chœurs et ce mélange des voix, parfois parlées ou criées, rend les morceaux particulièrement savoureux. Il faut dire que Chara et YUKI ont des personnalités des plus marquées, et c’est un régal de les écouter ensemble sur cet album. Le premier single du groupe, Suha (スーハー), qui est également le premier morceau de l’album Cream, donne une bonne idée de l’ambiance générale et de l’énergie rock de Mean Machine, mais la version du morceau disponible sur YouTube n’est malheureusement pas de très bonne qualité. On ne trouve sur YouTube que certains morceaux de l’album comme les excellents Love Mission « M », Lucky Star (ラッキー⭐️スター) et Paper Moon (ペーパームーン). On a le sentiment qu’elles se sont fait plaisir et se sont amusées sur cet album, et ça se ressent à l’écoute sur les différents morceaux. Il y a cette approche du chant à plusieurs voix qui a un côté ludique tout en restant cool et sérieux. Le morceau Love Mission « M » en est un excellent exemple. En même temps, les morceaux ne lésinent pas sur la puissance des guitares et des percussions, car, il faut le rappeler, elles sont deux à la batterie. L’album comporte 14 titres pour 53 minutes, sans réelle faiblesse, ce qui me fait d’autant plus regretter que Mean Machine n’ait sorti qu’un seul album.