触れたら残像がオーヴァーロード

Je marche dans les rues de Meguro avec un regard un peu différent de l’habitude. Ce n’est pas la première fois que je passe aux endroits que je montre sur ces photographies et je n’aurais certainement pas eu envie de prendre ces mêmes photographies un autre jour. Je pense que mon sens de la perception des choses change en fonction de la musique que j’écoute. La prise de photo n’est pas toujours spontanée, c’est à dire qu’il m’arrive souvent de dépasser le sujet de ma photographie de quelques pas avant de me rendre compte que j’aurais voulu le prendre en photo. Ce que j’ai vu doit me rester en tête comme une image rémanente. Cette image peut disparaître rapidement de mon esprit lorsqu’elle se mélange avec le bruit urbain que j’ai devant moi alors que je continue à marcher, ou elle peut me convaincre de m’arrêter et faire demi-tour. Ce laps de temps qui me fait faire demi-tour est bien mystérieux. La décision de revenir sur mes pas est peut-être conditionné par la musique dans les écouteurs, qui doit certainement donner à ce moment une importance inconsciente que je continue à ressentir sans la comprendre en revoyant ces photographies sur mon ordinateur. Après avoir fait demi-tour, il me faut parfois attendre quelques dizaines de secondes qu’il n’y ait personne à proximité dans la rue avant de prendre ma photo. Dans la tête des passants qui peuvent me voir prendre la photo, il y a des sujets qui ne suscitent à priori pas de réaction car les prendre en photo doit être relativement commun, lorsque par exemple, ce sujet a une particularité qui est évidente et difficilement contestable. Mais les sujets des photographies que je prends ci-dessus ont des qualités visuelles plutôt discutables ou plutôt difficilement décelables à priori. Il arrive parfois qu’un passant regarde d’un air interrogatif dans la direction de ce que je prends en photo. La personne doit se demander ce qui peut bien m’intéresser dans cette vue quelconque. Au mieux, elle pourrait remettre en question son appréciation des lieux quotidiens de l’existence, ceux qu’on a tellement vu qu’ils sont présents d’une manière rémanente dans notre esprit mais qui sont également tellement communs qu’on a dû mal à s’en souvenir. J’ai parfois envie de garder un souvenir de ces lieux communs qui ne m’ont interpellé que pendant un dixième de seconde.

Les musiques qui suivent ne sont pas celles que j’écoutais dans les rues de Meguro au moment de prendre les photographies ci-dessus. Je voulais plutôt mentionner ici d’autres groupes ou artistes que j’écoute régulièrement depuis plus ou moins longtemps. On sait déjà que le groupe d’idoles alternatives BiSH de l’agence Wack va terminer sa carrière musicale en tant que groupe à la fin de cette année. J’étais beaucoup moins attentif aux nouveaux morceaux de BiSH ces derniers mois car je trouvais que les compositions musicales et vocales se répétaient beaucoup, comme si les compositeurs étaient arrivés au bout de leurs inspirations. Ce dernier morceau intitulé Sayonara Saraba (サヨナラサラバ) sorti le 31 Août nous fait penser d’après son titre qu’il s’agit des adieux définitifs du groupe. Et j’en viens à penser que c’est bien dommage dès la première écoute du morceau. Sayonara Saraba a la particularité d’être composé et écrit par Taka de ONE OK ROCK et par Kenta du groupe Wanima. Un documentaire nous montre d’ailleurs quelques scènes de l’enregistrement du morceau. Je connais bien sûr ces deux groupes, mais sans avoir vraiment écouté leurs musiques respectives. Je suis en fait agréablement surpris par les idées très précises de Taka quant à la direction du morceau, tout cela dans une ambiance des plus détendues. C’est une bonne idée d’avoir fait intervenir des compositeurs extérieurs surtout quand ils ont l’air d’apprécier le groupe. L’ambiance du morceau est très rock sans avoir l’agressivité un peu excessive de certains morceaux de BiSH. Il y a en fait une certaine consistance dans l’ensemble des voix des six membres du groupe. AiNA sort toujours du lot vocalement mais même Ling Ling a une voix tout à fait acceptable sur ce morceau. Je regrette juste un peu qu’Ayuni ne pousse pas un tout petit peu plus dans les aiguës. Le morceau est extrêmement accrocheur et la vidéo, très agressive dans les mouvements, est très belle notamment pour ses chorégraphies. Tout ceci me fait regretter l’arrêt prochain de BiSH. On continuera bien à écouter AiNA en solo et Ayuni sur PEDRO, mais je me demande bien ce que vont faire les quatre autres. Il y avait quand même une grande cohésion, ou plutôt une complémentarité, dans les différences vocales des membres du groupe.

On reste toujours chez Wack avec un nouveau morceau du groupe Empire. Enfin, le groupe a officiellement changé de nom pour devenir ExWHYZ. Ce changement de nom est assez mystérieux car la formation ne change pas du tout. Je préférais le nom précédent mais musicalement, ce nouveau morceau intitulé Wanna Dance est vraiment très bon. Shinichi Osawa, dont je parlais avant pour quelques morceaux sous son projet MONDO GROSSO, compose les musiques, fait les arrangements et écrit en partie les paroles avec le groupe. Je ne connais pas encore très bien la discographie de Shinichi Osawa mais je me doutais très fortement de la qualité du morceau, aux ambiances électroniques des années 90 (peut-être), rien qu’en apprenant qu’il l’avait composé. Mayu a la plus belle voix et c’est elle qui chante sur la plus grande partie des couplets, tandis que le refrain est chanté en groupe. Les musiques ne sont pas aussi sophistiquées que ce qu’on peut connaître sur MONDO GROSSO, mais l’écoute du morceau est très satisfaisante.

Et puisqu’on parle de MONDO GROSSO, Shinichi Osawa vient de sortir il y a quelques jours la vidéo du morceau Crypt de son dernier album chanté par Porin du groupe Awesome City Club. Ce n’est pas elle que l’on voit dans la vidéo au volant d’un taxi car il s’agit de l’actrice Rinko Kikuchi. Après Hikari Mitsushima, j’ai l’impression que Shinichi Osawa aime bien faire danser les actrices. On ne va pas s’en plaindre non plus. Le morceau est vraiment excellent et se révèle un peu plus après plusieurs écoutes. Je trouve que la manière de chanter de Porin sur ce morceau est plus intéressante que sur les morceaux d’Awesome City Club que je connais (enfin je n’en connais pas beaucoup, ceci étant dit). J’ai encore cette idée de sophistication sonore qui me vient en tête en écoutant ce morceau, mais sans être forcément cérébrale. On se laisse facilement entraîner par ces sons et on y retourne très volontiers.

oublier les cerisiers (1)

Le titre de cette série consacrée aux cerisiers en fleurs vient signifier que la période du hanami semble déjà bien lointaine. Je les aurais presqu’oublié si je n’avais pas pris autant de photos qu’il faut bien que je montre maintenant sur ce blog. Comme pratiquement tous les ans, je ne peux pas m’empêcher de marcher le long de la rivière Meguro, malgré la foule qui semble de plus en plus importante d’années en années. Il me semble même qu’il y avait beaucoup plus de monde que l’année dernière en direction de Meguro où la rivière se fait plus large. Les trois dernières photographies sont prises près de la gare de Naka Meguro où la foule se fait plus dense. On oublierait presque qu’il y a des cerisiers a regarder.

à la recherche d’un reflet du ciel

Les trois premières photographies sont prises dans un quartier près de la station de Akabane dans l’arrondissement de Itabashi, tandis que les deux suivantes sont prises à Meguro. Les barres d’appartements Danchi (団地) sont nombreuses dans ce quartier de Itabashi tandis qu’on trouve plutôt une accumulation de petites maisons individuelles à Meguro. Certains, comme le photographe Cody Ellingham, trouvent une grande inspiration dans ces complexes uniformes Danchi mais aux formes parfois particulières. Je préfère personnellement les maisons individuelles, surtout celles qui sont cachées et qu’on n’aperçoit pas complètement de loin. J’aime scruter du regard une nouvelle rue et y découvrir au loin des formes inhabituelles qui m’interpellent. On se sent attirer vers elles, même si elles peuvent être parfois trompeuses. Une arête de béton au découpage particulier vue de loin ne donne pas une garantie que le bâtiment dans sa totalité sera intéressant ou novateur. Il faut s’approcher plus près et observer.

Après la maison à Meguro sur laquelle se reflète un ciel nuageux, on passe avec la photographie de feuille morte sur une série prise à Shibuya. Les septième et huitième photographies montrent le parc surélevé de Miyashita qui longe les lignes de trains entrant et sortant de la gare de Shibuya. Pendant l’état d’urgence pendant l’été, j’étais venu une ou deux fois marcher le soir dans ce parc et j’avais été surpris de voir la foule qui s’y trouvait comme si une partie de la jeunesse de Shibuya se retrouvait ici le soir, faute de pouvoir aller ailleurs. On pouvait voir cette jeunesse regroupée par petits groupes de deux à quatre personnes assis sur les bancs qui n’étaient étonnamment pas condamnés ou sur une partie de la pelouse. Tout le monde portait des masques dans une ambiance calme et disciplinée. En pleine journée par contre, il n’y avait presque personne assis sur les bancs du parc. Comme sur l’ancienne version du parc, il y a une zone réservée aux skateurs. Avec les récentes performances des skateurs et skateuses japonais aux Jeux Olympiques de Tokyo, j’imagine que cet endroit va être de plus en plus prisé. Et sur les deux dernières photos, des affiches, celle d’un nouvel album de Keisuke Kuwata et celle d’une publicité avec Kiko Mizuhara en tenue de science fiction. Shibuya 別世界.

J’ai déjà parlé de la musique d’Utena Kobayashi, notamment de son dernier album 6 roads que j’avais beaucoup aimé. J’écoute plus récemment trois EPs sortis à la suite à la fin de l’année 2020: Fenghuang, Darkest Era et Pylon. Chaque EP est composé de trois morceaux et je les écoute dans l’ordre de leur sortie. On se laisse envouter par la beauté délicate de cette musique (la harpe sur The Garden of Harps sur le deuxième EP), dans l’ensemble plus apaisée que sur l’album 6 roads, mais pas moins mystérieuse et mystique. Je ne sais pas exactement dans quelle langue Utena chante les différents morceaux sur ces trois EPs, mais je pense qu’il y a des mélanges. J’écoute ces trois EPs comme un album et ils tournent souvent sur ma playlist en ce moment. Les deux derniers morceaux du troisième EP, Pylon et Rose sont en quelque sorte la culmination de cette oeuvre. On est comme forcer à rester concentrer sur ce qu’on écoute. La musique d’Utena Kobayashi tend vers une forme de méditation que j’ai bien du mal à expliciter clairement.

harmony through incoherence

Revenons une fois de plus, si vous le voulez bien, sur les cerisiers bordant la rivière de Meguro. Ceux qui en ont déjà marre de voir des cerisiers en fleurs devront prendre leur mal en patience car il me reste encore quelques séries de photographies à montrer. Mais si peu, car la période de floraison a été une des plus courtes que j’ai pu voir à Tokyo. Il y a de nombreux endroits que nous aurions voulu voir cette année, faute d’y avoir été l’année dernière, mais le temps nous a manqué. Sur les bords de la rivière de Meguro, j’aime beaucoup la manière par laquelle la continuité des cerisiers vient apporter une unité d’ensemble à la désorganisation intrinsèque du paysage urbain tokyoïte. On peut se poser par exemple la question de la présence d’un bâtiment en forme de château médiéval au milieu d’autres buildings plus classiques. Les cerisiers qui forment sa base éphémère viennent en quelque sorte relier ce bâtiment atypique avec le reste des immeubles posés le long de la rivière. Ce n’est pas le seul immeuble en forme de château kitsch à Tokyo. A mes débuts à Tokyo, j’habitais à proximité d’une autre forteresse similaire à Akasaka. Ces faux châteaux datent tous les deux de 1973 et sont des hôtels à l’heure. Le compte Instagram de JapanPropertyCentral nous donne un petit historique en photo de ces deux hôtels: le Meguro Emperor et le Chantilly Akasaka. On aperçoit le Meguro Emperor sur les deuxième, quatrième et sixième photographies de ce billet. Sur la première photographie, la tour d’appartements Nakameguro Atlas Tower, située à proximité de la station, se démarque franchement avec ses 45 étages. Sur la même photo, on aperçoit également les filets verts d’un centre d’entrainement au golf. Il a la particularité d’être situé au dessus d’un parking pour taxi, dans une utilisation optimale de l’espace disponible. J’en avais déjà parlé dans un billet précédent car il est référencé dans le petit livre jaune Made in Tokyo de Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima. Sur la deuxième photographie, le Meguro Emperor fait pratiquement face à un autre hôtel, beaucoup plus prestigieux, le Meguro Gajoen. L’intérieur de l’hôtel mélangeant les styles et l’hotel historique juste à côté valent vraiment le détour.

Le premier album New Long Leg du groupe londonien Dry Cleaning signé sur 4AD est une superbe découverte. J’ai entendu le morceau Strong feelings pour la première fois à la radio, sur J-Wave ou InterFm et j’ai tout de suite été attiré par cette musique rock qui m’a un peu rappelé Sonic Youth, notamment les morceaux chantés par Kim Gordon. Une des particularités de Dry Cleaning est que la chanteuse Florence Shaw ne chante pas mais parle. Elle parle d’un ton British détaché de choses diverses parfois humoristiques, parfois ancrées dans le quotidien, parfois incohérentes car sorties de leur contexte, parfois assez sarcastiques. Ces paroles sont en général synchronisées avec la musique mais elle s’autorise parfois des écarts comme par exemple sur le premier morceau Scratchcard Lanyard. Les morceaux sont extrêmement intéressants musicalement, avec des airs assez sombres mais accrocheurs, et écouter ces morceaux en lisant les paroles est, je dirais, extrêmement satisfaisant. C’est même souvent un régal, notamment lorsque les paroles sont interrogatives, par exemple: “Would you choose a dentist with a messy back garden like that?” sur le sixième morceau New Long Leg, ou quand les paroles ressemblent à des choses vécues, par exemple “Never talk about your ex, never, never, never, never, never slag them off because then they know, then they know” sur le quatième morceau Leafy. Je disais que le son des guitares me rappelle un peu Sonic Youth. La voix de Florence Shaw ne ressemble pas à celle de Kim Gordon, mais on sent une influence. Je me demande d’ailleurs si le nom du groupe Dry Cleaning ne serait pas inspiré du nom de l’album Washing Machine de Sonic Youth (un même concept proche du quotidien). Le morceau titre de cet album, chanté et parlé par Kim Gordon, est d’ailleurs un de mes préférés de l’album. Tous les morceaux de New Long Leg sont excellents, sans qu’il y en ait vraiment un qui se détache car ils suivent tous le même concept, sauf peut être le dernier morceau plus expérimental. Un morceau comme Her Hippo, au milieu de l’album, est quand même un marqueur qui nous convainc définitivement de la beauté rock de cet album. Difficile de trouver d’autres superlatifs donc je vais m’arrêter là. Je suis moins assidûment les avis de Pitchfork ces derniers mois (ou années) mais ils sont également emballés par l’album. On peut également y trouver une interview du groupe pour comprendre un peu mieux leur origine.

DOUBLEBLIND par OCTOBER

La meilleure chose qui puisse arriver lors d’une promenade au hasard des rues de Tokyo est de trouver soudainement une maison individuelle qu’on a déjà vu dans des magazines ou livres d’architecture. C’est encore mieux quand elles ont un aspect brutaliste en béton et des formes inhabituelles. En marchant dans le quartier de Meguro, dans des rues que je ne connaissais pas en direction approximative de Sangenjaya, j’aperçois soudainement, dans une petite rue perpendiculaire, une avancée de béton tout à fait particulière. On pouvait deviner tout de suite que cette maison était atypique. Il suffisait de s’en approcher pour constater ses drôles de formes à l’oblique et ses vitrages quasi-opaques colorés de vert. Je reconnais rapidement Doubleblind, une maison individuelle en béton renforcé dessiné par les architectes Tomomasa Ueda et Yoko Nakagawa de l’atelier October. Doubleblind faisait partie de la longue liste des maisons que je recherchais et je suis donc très content de la découvrir de cette manière tout à fait par hasard. October est un nom étrange pour un atelier d’architectes. Il s’agit d’après leur site web du mois de naissance de Tomomasa Ueda et d’une référence à un magazine culturel américain qu’il apprécie.

Par rapport aux photos que j’avais vu dans des magazines ou sur internet, la surface du béton de Doubleblind a subi les intempéries et mériterait un bon nettoyage. Sa construction s’est achevée en 2005 et les impuretés du béton doivent être le résultat de 15 années de vie sur les terres relativement humides de Tokyo. Entre la saison des pluies, la lourdeur humide de l’été et les typhons en automne, on peut comprendre que les surfaces soient mises à dure épreuve. Comme souvent à Tokyo, les maisons sont construites sur des espaces réduits et le challenge de l’architecte est à chaque fois d’optimiser l’espace habitable. Le site ici fait 60m2 et a une forme triangulaire donnant sur deux rues parallèles. Les régulations du site permettent un ratio habitable de 80%. La maison de trois étages sans sous-sol fait un total de presque 118m2. Les quelques photos ci-dessus provenant du site web des architectes, donne une bonne idée de l’espace intérieur, très spacieux avec une grande pièce centrale et relativement lumineux grâce à la grande baie vitrée au deuxième étage. On est portant situé dans une rue étroite assez typique des quartiers résidentiels de la métropole. Le design intérieur est particulièrement futuriste est les angles aigus qui le composent suivent l’esprit visuel de l’extérieur. Des architectes d’October, je connaissais déjà la maison individuelle EdgeYard aperçue plusieurs fois dans un recoin de Shibuya-Ku. J’aimerais découvrir Subdivision qui se trouve quelque part à Machida mais je n’ai pour l’instant aucune indication sur sa localisation précise.