citrus + sakura

La maison Sakura que je montrais dans un billet précédent me rappelle aux cerisiers en fleurs que je n’ai pas beaucoup photographié cette année. Nous nous sommes contentés d’aller les voir confinés dans la voiture, ou à pieds près de chez nous. Les quelques photographies ci-dessus datant du mois de mars doivent être à peu près les seuls que j’ai pris. Nous avions remarqué l’année dernière que la rue Kamurozaka était presque complètement ombragée par des cerisiers. Cela formait un tunnel vert très agréable à parcourir et on s’était dit qu’on reviendrait au moment des cerisiers en fleurs. Nous n’avons malheureusement pas parcouru la rue Kamurozaka à pieds comme prévu, mais en voiture, doucement pour profiter de l’ambiance. Au milieu du tunnel de cerisiers, on s’est tout de même arrêter quelques instants au bord de la route comme d’autres personnes pour admirer le paysage.

Citrus du groupe rock new yorkais, à tendance shoegaze, Asobi Seksu est un de ces albums que je ne connaissais jusqu’à présent que par petits morceaux. Et encore une fois, c’était une erreur de ma part d’attendre si longtemps (l’album est sorti en 2006) tant cet album est excellent. Les deux morceaux que je connais depuis longtemps, à savoir le troisième New Years et le quatrième Thursday, sont les meilleurs morceaux de l’album mais tous les autres restent très bons. Je réécoute en fait très souvent Thursday. Je pense que ça doit être le chef d’oeuvre du groupe, que ça soit pour l’introduction fait de sons lointains, le ton de voix changeant de Yuki Chikudate sous la réverbération, l’interlude de guitare au milieu, le final à deux voix avec James Hanna et l’intensité générale qui se dégage du morceau du début à la fin. Yuki Chikudate est originaire d’Okinawa mais elle a émigré avec ses parents en Californie lorsqu’elle était enfant pour ensuite partir vivre à New York. Elle alterne les paroles en japonais et en anglais en fonction des morceaux, mais maintient une même ambiance générale même si la langue varie. J’aime beaucoup les variations de tonalités qu’elle emploie dans un même morceau entre des voix plus basses et d’autres aiguës qui me me feraient penser à un chant d’oiseau (avec un peu d’imagination). Sur un morceau comme Strings, elle monte tellement dans les tons qu’on a l’impression qu’elle se noie elle-même dans sa propre voix. J’aime beaucoup ce sentiment d’être dépassé par sa propre création. Certains morceaux comme Pink Cloud Tracing Paper, seul morceau interprété par James Hanna, me rappelle beaucoup Sonic Youth pour ses saillies de guitares. Je pense qu’il y aurait pu y avoir plus d’équilibre entre les morceaux interprétés par Hanna et Chikudate, un peu comme Kevin Shields et Bilinda Butcher sur les albums de My Bloody Valentine. D’autres morceaux comme Red Sea finissent par se noyer dans des mers de bruits sans concessions. Il y a aussi des moments plus pop et d’une manière générale la voix de Chikudate reste très lumineuse ce qui change un peu des morceaux classiques du shoegaze et qui fait la particularité stylistique de Asobu Seksu. En vérifiant rapidement, cet album se trouve bien dans la liste de Pitchfork des 50 meilleurs albums de shoegaze de tous les temps. À la 37ème place, je l’aurais mis plus haut dans le classement, enfin si les classements ou les notes qu’on donne à un album veulent dire quelque chose. Tous les avis musicaux restent tellement subjectifs que je me demande même si c’est utile ou nécessaire que j’écrive à ce sujet sur ce blog, à part pour la satisfaction personnelle d’avoir fait dégager par écrit l’émotion qui s’en dégageait, pour une relecture ultérieure. Ceci étant dit, ça reste également une satisfaction personnelle quand j’ai pu faire découvrir une nouvelle musique à quelqu’un.

Sur la liste shoegaze de Pitchfork, on trouve bien entendu en tête la ‘sainte trinité’ que sont Loveless (1991) de My Bloody Valentine, Souvlaki (1993) de Slowdive et Nowhere (1990) de Ride. C’est d’ailleurs après avoir écouté Souvlaki et la compilation Catch the Breeze de Slowdive que j’ai eu envie de reprendre ma série Du songe à la lumière sur l’histoire de Kei en écrivant un cinquième épisode. Le poignant morceau Dagger en particulier qui conclut Souvlaki m’a fait ouvrir mon petit carnet noir pour commencer à écrire. « I thought I heard you whisper, it happens all the time ». Je n’avais pas écrit sur l’histoire de Kei depuis presque six mois. L’inspiration et l’envie me viennent en général subitement et je ne me force pas à écrire cette histoire de manière régulière ou quand les conditions ne se présentent pas. Un peu comme pour le dessin, c’est un exercise sans prétention mais qui me fait beaucoup de bien quand je parviens à m’y mettre. Parfois je me dis que j’aimerais écrire ce blog entièrement comme une fiction.

swirl in the white evening sun

Je ne m’étais pas promené dans le quartier de Meguro depuis quelques temps et l’occasion s’est présentée un samedi dans la soirée. Les journées se faisant plus longues, j’ai le temps d’aller prendre des photographies dans les rues de Meguro avant que le soleil ne se couche. Il faut que je marche dans un quartier que je n’ai pas encore exploré. Je me dirige vers la rue Komazawa que je connais très bien en voiture, mais pas à pieds. Je marche presque trois heures, ce qui fera un total de plus de 17,000 pas dans la journée. D’une manière générale, j’essaie de marcher plus de 10,000 pas par jour.

Comme toujours dans les quartiers résidentiels de Tokyo, il n’y presque personne dans les rues. Ce quasi-vide des rues me donne toujours une impression étrange vu la densité des habitations dans ces zones résidentielles, même lorsque l’on s’éloigne des stations de trains. Il faisait un peu plus de 30 degrés ce soir là et on transpirait facilement dès qu’on marchait quelques mètres seulement. On se croirait déjà en plein été, mais la météo est extrêmement changeante, et la saison des pluies va commencer très bientôt. Je passe volontairement cette série de photographies en noir et blanc pour tenter d’absorber la chaleur des rues, et parce que le noir et blanc va si bien aux fleurs ajisai qui apparaissent un peu partout dans Tokyo, et notamment sur cette rue Komazawa.

Image extraite de la video du morceau Pristine de Snail Mail. A voir également, une autre vidéo intitulée Heat Wave sur le même album Lush.

La musique de l’album Lush de Snail Mail que j’écoute en marchant me rend mélancolique. Je pense que comme beaucoup je la découvre à travers l’excellente revue critique que lui accorde Pitchfork. Snail Mail est le nom du groupe de Lindsey Jordan. Elle a seulement 18 ans. Cet album sorti il y a quelques jours est vraiment superbe, émotionnellement très fort. On ne se lasse pas d’écouter les dix morceaux de rock indé du disque, qui ne sont pas spécialement rénovateurs du genre, mais le renouvellent avec une grande fraîcheur qui fait beaucoup de bien à écouter encore et encore. En fait, la musique de Snail Mail n’est pas très éloignée du rock indépendant qui se pratiquait au début des années 1990, ce qui donne à cet album un côté un peu familier, et nostalgique pour moi. La série en noir et blanc de rues vides m’est en quelque sorte inspirée de cette musique. Comme vous l’aurez certainement remarqué, je fais beaucoup de rapprochement entre photographie et musique ces derniers temps, car la musique alternative qu’elle soit rock ou électronique a toujours été un des moteurs de mon inspiration.

un appel de la marche et des roches d’Islande

Une activité régulière de mes week-ends, surtout le samedi en fin d’après-midi, est de marcher pendant une ou deux heures dans les quartiers de Tokyo, pendant que Zoa suit son activité éducative du week-end. Je marche souvent dans le quartier de Meguro, comme je le mentionnais dans quelques billets précédents, et cet appel de la marche est irrésistible, toujours avec l’appareil photo à la main. L’inspiration n’est malheureusement pas toujours au rendez-vous et les photographies sont d’autant plus difficiles que la nuit tombe beaucoup plus tôt alors que l’été se termine. Ma marche, ce samedi m’amène vers des zones de barres d’immeubles blancs quelconques que je ne prendrais pas en photo et que je traverse en général au pas de course pour rejoindre des rues plus riches en détails et à l’architecture plus diverse.


Le numéro 73 du magazine +81 intitulé « Music Créatives Issue » nous présente le travail de plusieurs artistes d’arts graphiques au service d’une ou de plusieurs oeuvres musicales, notamment celles de quelques artistes que j’apprécie comme Radiohead, Sigur Rós ou encore Björk. J’avais un peu oublié la musique de Björk, alors que je la suivais avec beaucoup d’attention il y a plusieurs années aux débuts de sa carrière solo, de l’album Debut jusqu’à Homogenic. J’avais un peu décroché à partir de Vespertine, mais j’ai toujours eu une grande admiration pour l’originalité de cette artiste à la recherche de nouvelles musiques inexplorées ou de nouvelles associations de musiques.

J’avais pourtant pioché dans quelques albums plus récents de sa discographie comme Medúlla, mais cela faisait longtemps que je n’avais pas écouté un nouvel album de Björk. En ce qui concerne Björk, cet article du magazine +81 est centré sur l’art graphique de l’album Vulnicura, dernier album sorti de l’artiste avant le prochain intitulé Utopia qui sortira en novembre de cette année.

L’article nous parle aussi des vidéos réalisées par Andrew Thomas Huang et Warren du Preez & Nick Thornton Jones accompagnant l’album. Ecouter et voir quelques morceaux sur youtube comme le mystérieux et assez inquiétant Notget ou le panoramique Stonemilker sur les roches d’Islande me replonge dans l’ambiance musicale de Björk et me donne envie de partir à l’écoute de cet album Vulnicura sorti en 2015. L’album est très beau et ne dépareille pas vraiment de l’univers si unique de Björk. Il y a beaucoup d’incursions électroniques, que l’on doit je pense à Arca, mélangées aux sonorités plus symphoniques. L’album dans son ensemble est riche en émotions et sombre, prenant pour thème la rupture avec son compagnon, l’artiste Matthew Barney. Ceci étant dit, je n’ai pas le souvenir d’un album particulièrement joyeux de Björk, mais peut être le prochain.

tout au long de la rivière Meguro

Marcher tout au long de la rivière Meguro est agréable si ce n’est l’odeur. Je ne vais donc pas la suivre en long mais plutôt traverser ses ponts tout en avançant dans les rues parallèles. Mon but est de rejoindre à pieds l’immeuble de Meguro Gajoen. Avec son format biseauté, sa dynamique élancée et sa piste d’atterrissage d’hélicoptères sur le toit, la tour Arco accolée à Meguro Gajoen se fait remarquer dans le quartier. Il s’agit d’une tour de bureaux. L’entrée de l’hôtel est également à ce niveau mais l’hôtel en lui-même se trouve derrière la tour Arco et son annexe, une tour similaire plus petite. Les parois dorées autour des fenêtres des chambres laissent deviner la grande richesse de l’intérieur. L’ensemble fut construit à la fin de la bulle économique et on reconnaît un certain excès, comme ça peut être également le cas pour l’hôtel Westin de Yebisu Garden Place dans un autre style. Visiter cet hôtel vaut le détour, ainsi que le bâtiment historique juste à côté, datant de 1928. En recherchant quelques images de l’hôtel Gajoen, je découvre un excellent blog Old Tokyo en anglais montrant des anciennes cartes postales du Japon, et montrant notamment les jardins et des vues de l’intérieur de l’hôtel historique à l’époque. C’est superbe, je vais très certainement parcourir ce blog et ses anciennes cartes postales un peu plus. Nous avons déjà visité l’intérieur de Gajoen il y a de cela quelques années et j’y suis retourné plus récemment, mais cette fois-ci, je me contente d’observer la tour Arco et les façades de l’hôtel depuis l’extérieur de l’autre côté de la rivière Meguro.

Pas très loin de l’hôtel et toujours le long de la rivière Meguro, je retrouve le terrain d’entraînement de golf, entouré d’un filet vert. La particularité de ce terrain est qu’il est placé au dessus d’un parking pour taxis. Si on regarde bien, dessous le filet, des rangées de taxis rouge-orange sont habilement stationnés. Dans un souci d’utilisation optimal de l’espace disponible, le terrain de golf et le parking pour taxi sont combinés l’un au dessus de l’autre. Les lecteurs fidèles de Made in Tokyo reconnaitront peut être cet endroit, car j’en ai déjà parlé il y a quelques années (il y a 10 ans pour être précis). Ce Golf Taxi Building est un des nombreux lieux atypiques présentés dans le petit livre jaune Made in Tokyo メイドイントーキョー de l’Atelier Bow Wow. A noter pour la petite histoire que le titre Made in Tokyo de ce blog ne provient pas de ce petit livre jaune d’architecture de l’Atelier Bow Wow, mais m’est venu à l’esprit après avoir vu le film de Fruit Chan intitulé Made in Hong Kong. Il faudrait d’ailleurs que je retrouve le DVD, quelque part dans mes étagères de films. ça remonte à une époque où le cinéma de Hong Kong m’attirait et me passionnait, notamment les films de Wong Kar-Wai comme Chungking Express et Fallen Angels.

Juste à côté du terrain d’entrainement de golf, mon regard photographique est attiré par une déchetterie de papier, notamment les blocs blancs compressés posés les uns sur les autres avec quelques papiers de couleur qui dépassent par-ci par-là. On dirait une composition volontaire. Je finis cette marche dans Meguro-Ku en m’éloignant de la rivière et en m’enfonçant une nouvelle fois dans les rues résidentielles. C’est encore une fois l’occasion de trouver des compositions urbaines et architecturales intéressantes, et il faut parfois réfléchir et tourner en rond avant de trouver un cadre de photographie satisfaisant. Dans les rues de Tokyo, il faut jouer avec le peu de recul dans les rues étroites. Je ne me lasse pas et je continuerais pendant encore quelques temps à montrer ces découvertes sur Made in Tokyo.

meg again but different place, somewhere close, somewhere we want to get lost

Avant de partir à la recherche de la maison Delta, je marche dans Meguro. Il est tôt le matin, vers 8h. Il y a peu de circulation dans les rues. Au croisement de la rue Meguro et de la rue Yamate, il y a un sanctuaire, celui de Otori 大鳥神社. Je suis passé maintes fois devant ce sanctuaire sans jamais y être entré. Il était recouvert d’un capuchon blanc comme une mariée en kimono. Dans la même rue, le vert criard de l’immeuble Barbizon 43 est très surprenant et se fait remarquer. Cette couleur inhabituelle recouvre toutes les parties en acier du building, notamment un ensemble de câbles qui semblent soutenir l’escalier extérieur de secours. Le design de l’ensemble est intéressant, mais j’ai quand même quelques doutes sur le choix de cette couleur verte pour s’allier au béton.

Je remonte ensuite la grande rue Meguro jusqu’à l’école Tama Daigaku Meguro High School. L’ensemble semble assez quelconque aux premiers abords, à part cette entrée composée de plusieurs piliers supportant des voutes et un bloc arrondie. C’est une association assez étonnante. Juste en face, de l’autre côté de la rue, cette étrange association de styles architecturaux semble également étonner un couple d’extraterrestres ouvrant de grands yeux. Ils sont rigolos tous les deux avec leur costume noir à poix et leur grosse tête ronde.

Je décide ensuite de m’éloigner de la grande artère et de m’engouffrer dans les petites rues résidentielles de Meguro-Ku. Au hasard des rues, je tombe sur une maison individuelle couverte d’une immense baie vitrée. Je connais ce bâtiment pour l’avoir vu dans un magazine d’architecture (Japan Architect certainement) et pour l’avoir pris en photo. Je me souviens qu’un lecteur de Made in Tokyo m’avait indiqué cette maison par email ou dans les commentaires. Ce genre de pistes est le bienvenue. En fait, en réfléchissant bien et en fouillant mes archives, je me remémore que cette maison s’appelle M3/KG par les architectes de Mount Fuji Architects Studio. Je ne suis plus trop sûr de l’avoir déjà pris en photo, c’est peut être la première fois que je passe dans ce quartier. J’ai l’impression que mes souvenirs se mélangent avec les éventuelles promenades virtuelles avec Google Street View que j’ai pu y faire. C’est un sentiment très étrange.

Dans la même rue et à quelques mètres seulement, on trouve deux autres maisons remarquables. Par les mêmes architectes que la maison Delta, Akira Yoneda de Architecton et Masahiro Ikeda, on découvre dans cette rue une maison blanche particulière avec un des murs biseauté de haut en bas. La rue est très étroite et je ne peux la prendre correctement en photographie. On peut entrevoir cependant l’espace biseauté qui permet de libérer un peu de place pour le parking de la voiture bleue. La maison s’appelle HP house. Dans l’autre sens et dans la même rue, un autre bâtiment est étonnant avec son mur noir courbé qui fait penser à une toiture qui rejoindrait le sol. A l’intérieur, il y a une boutique. Je pense que les propriétaires vivent à l’étage.

Pour terminer cette série et promenade matinale à Meguro, un autre étrange objet dans un parc. L’objet ressemble à des altères distordues. A côté, il a plusieurs terrains de tennis où se déroule un cours matinal. Les apprentis joueurs en tenue blanche sont debout en file indienne en attendant la balle jaune. Une envie de tennis me revient.