敷石に立つ僕と太陽の光の間には何もない

Ces photographies sont prises pour la plupart dans le grand sanctuaire Meiji Jingū et datent des premières semaines du mois de Janvier. Le goshuin du sanctuaire vient s’ajouter à la collection et je vais déjà bientôt terminer mon deuxième carnet. Je scannerais certainement mes deux carnets une fois le deuxième terminé. Une fois toutes les pages remplies, cela donne un bel objet avec des signatures de sanctuaires et temples parfois éloignés, à Nagano ou à Yamagata par exemple. Il faudrait presque l’avoir tout le temps avec soi, ce que je ne fais malheureusement pas assez souvent. Les dragons, signes de cette nouvelle année, étaient de sortie à Meiji Jingū, dont certains sculptés dans la glace pour une exposition en plein air dans la grande allée menant au centre du sanctuaire.

De Sakanaction (サカナクション), je connais déjà un certain nombre de morceaux piochés sur différents albums mais je n’avais jusqu’à maintenant jamais écouté un album en entier. Les hasards des découvertes dans les magasins Disk Union m’amènent cette fois-ci vers l’album Night Fishing. Il s’agit du deuxième album du groupe sorti le 23 Janvier 2008. Je suis d’abord assez surpris de l’approche à la fois électronique et indie rock de l’album. Pour l’électronique, la trame du quatrième morceau Ame ha Kimagure (雨は気まぐれ) me plait beaucoup, surtout dans la manière par laquelle elle vient s’accorder avec le morceau suivant purement instrumental électronique Malaysia 32 (マレーシア32). On ne devinerait à priori pas sans le savoir qu’il s’agit d’un morceau de Sakanaction. Dans les morceaux plus indie rock, la mélancolie du morceau Uneri (うねり) me parle beaucoup. On n’est parfois pas très loin de morceaux que pourrait composer et chanter Quruli, dix années auparavant. Des morceaux comme Sample (サンプル) et surtout Night Fishing is Good (ナイトフィッシングイズグッド) sont beaucoup plus fidèles aux compositions que je connaissais du groupe. Le troisième morceau Night Fishing is Good est même d’ailleurs l’archétype de la musique future du groupe, du moins ce que j’en connais. La composition polymorphe du morceau est vraiment brillante. L’intervention inattendue des chœurs à la mode Queen peuvent surprendre le néophyte mais ce n’était pas vraiment mon cas, connaissant déjà un morceau comme Bach no Senritsu wo Yoru ni Kiita Sei Desu (『バッハの旋律を夜に聴いたせいです。』) sur l’album Documentaly, dont la composition m’avait par contre surpris et intrigué à la première écoute, il y a plusieurs années de cela. Le dernier morceau Amsfish (アムスフィッシ) compte également parmi les très beaux morceaux de cet album, notamment pour sa charge émotive croissante. Je trouve que certains morceaux arrivent mieux que d’autres à s’associer dans la mémoire à des lieux parcourus. Je me souviens très bien avoir écouté pour la première fois ce morceau en parcourant de nouveau le grand parc central de Nishi-Shinjuku. Je me pose même la question si certaines musiques ont des forces d’évocation spatiales plus prononcées que d’autres. En fait, il ne s’agit pas vraiment du seul album de Sakanaction que j’ai écouté en entier, car il y a également celui intitulé 834.194 sorti en 2019. Je l’écoute souvent dans la voiture avec le compte Spotify du fiston, mais je ne l’ai pas encore acheté. J’en reparlerais certainement un peu plus tard.

Parler dans les commentaires d’un billet récent des livres d’illustrations d’Hisashi Eguchi (江口寿史), en particulier de celui intitulé RECORD: 1992-2020, m’a rappelé que je n’avais pas encore parlé ici de l’album de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) qui utilise justement cette même illustration de Hisashi Higuchi comme couverture d’album. Le livre d’illustrations RECORD, comme son nom l’indique, regroupe les illustrations utilisées pour les couvertures d’albums de différents artistes et celle de l’album de Ging Nang Boyz est une des plus emblématiques. L’album s’intitule Kimi to Boku no Daisanji Sekai Taisenteki Renai Kakumei (君と僕の第三次世界大戦的恋愛革命) qu’on pourrait traduire par Toi et moi et la révolution amoureuse de la Troisième Guerre mondiale. Ce titre à rallonge traduit à mon avis assez bien la démesure rock de cet album. Tout comme l’excellent album Nee Minna Daisuki Dayo (ねえみんな大好きだよ) dont j’ai déjà parlé précédemment, cet album commence par des premiers morceaux de punk rock bruyant et immature. On y trouve une énergie adolescente débordante sonnant comme du live et une urgence de tous les moments. Les quatre premiers morceaux sont particulièrement bordéliques. On se demande un peu où on va au début mais le deuxième morceau SKOOL KILL me séduit rapidement, et cette approche sonore et vocale sans compromis me plait déjà beaucoup. Il ne faut pas en abuser bien sûr, mais ce type de sons fait beaucoup de bien de temps en temps. Le leader du groupe, Kazunobu Mineta (峯田和伸), est le principal chanteur sur tous les morceaux mais il se fait souvent accompagner par les autres membres du groupe dans les chœurs qui crient plus qu’ils ne chantent. Cela donne parfois un son assez sauvage qui n’a pas grand chose à voir avec l’apparente sérénité de l’illustration de la couverture. Enfin si, les morceaux de Ging Nang Boyz transcrivent une certaine immaturité masculine de la jeunesse (le seishun qui est un thème central) qui vient contraster avec une figure féminine idyllique. Les premiers morceaux sont vraiment axés punk rock et la suite de l’album se tourne progressivement vers une approche plus pop-rock mais avec toujours une énergie débordante et des guitares agressives très présentes. Dans l’ensemble, l’album est quand même beaucoup plus punk que Nee Minna Daisuki Dayo. Il y a tout de même quelques morceaux apaisés comme le dixième morceau Hyōryū kyōshitsu (漂流教室). Je suis particulièrement satisfait de retrouver un duo avec YUKI sur le huitième morceau Kakenukete Seishun (駆け抜けて性春). Sur l’album Nee Minna Daisuki Dayo, ils chantaient ensemble sur Koi ha Eien (恋は永遠). Cet album n’est très certainement pas pour toutes les oreilles, mais est pour sûr emblématique dans le genre. L’album se termine par un morceau intitulé Tokyo (東京) qui je pourrais rajouter dans la playlist de morceaux exclusivement intitulés Tokyo que J’avais commencé il y a quelques temps. Les artistes provenant des provinces (Mineta vient de Yamagata) écrivent souvent des morceaux prenant la capitale pour titre et sujet. Le style musical de Ging Nang Boyz est extrêmement différent de celui de l’album ci-dessus de Sakanaction, mais j’aime tout de même faire ce genre de grand écart. D’une certaine manière, ces deux groupes composent et écrivent leur musique distinctive sans compromis, et c’est ce qui me plait tout particulièrement.

そちは危ない、立ち入り禁止

Les photographies de ce billet datent pour sûr du 10 Janvier car on y voit des jeunes filles porter un kimono à manches longues qu’on appelle furisode (振袖) pour le Seijin Shiki (成人式), la cérémonie du passage à la majorité à 20 ans au Japon. Ma destination ce jour là était le sanctuaire Meiji Jingu pour aller y chercher un goshuin qui viendrait compléter mon carnet. Il me restait une seule page vide et l’idée de le terminer avec le sceau de Meiji Jingu me convenait plutôt bien. J’hésite un peu à scanner mon carnet maintenant terminé, car c’est une tâche qui me prendrait beaucoup de temps et je ne suis pas certain que ça intéresserait beaucoup de visiteurs. Une fois terminé, le carnet de goshuin est un bel objet que j’aime feuilleter de temps en temps. Je l’ai posé en apparence sur une petite étagère juste au dessus de l’ordinateur familial. Tous les dieux shintoïstes et bouddhistes me tomberont d’un coup sur la tête si un tremblement de terre survenait soudainement pendant que je travaille le développement numérique de mes photographies. Pour me rendre au sanctuaire de Meiji Jingu, je remonte à pieds la rue Kōen Dōri (公園通り) qui me fait passer devant la salle de spectacle Shibuya Public Hall (渋谷公会堂). Tokyo Jihen s’y était produit en 2005 pour la tournée Dynamite Out. Le bâtiment a été renommé en C.C. Lemon Hall en 2006 puis fermé pour reconstruction en 2015. Depuis sa reconstruction en 2019, cette salle s’appelle maintenant LINE Shibuya Cube et devait être utilisée ce jour là pour la cérémonie Seijin Shiki des résidents de Shibuya, car nombreux étaient les garçons et filles de 20 ans en kimono à attendre leur tour devant la salle. Après avoir traversé la très large allée piétonne longeant les studios de la NHK et volontairement marché au plus près du gymnase olympique de Kenzo Tange, j’arrive finalement au sanctuaire de Meiji Jingu accolé au parc de Yoyogi. Nous sommes au dixième jour de l’année mais il y a toujours foule dans le sanctuaire. Je n’ose pas imaginer la foule qu’il doit y avoir ici les trois premiers jours de l’année. Nous ne nous sommes jamais aventurés à Meiji Jingu pendant cette période là. En sortant du sanctuaire, j’aperçois une troupe d’hommes et de femmes en tenue traditionnelle, marchant au pas avec un long arc à la main. Je ne suis pas le seul à les prendre en photo. Je ne sais pas de quelle cérémonie il s’agissait exactement mais elle ne semblait pas visible au public, car le groupe disparu rapidement dans une allée privée s’enfonçant dans la forêt. Les première et dernière photographies sont prises dans un tout autre lieu: en remontant le cimetière d’Aoyama pour l’une et en apercevant le grillage blanc d’un bâtiment commercial de Kazuyo Sejima à Aoyama, pour l’autre.

Je connais le groupe tricot depuis quelques temps mais je n’avais pas jusqu’à maintenant poussé la curiosité jusqu’à écouter un album en entier. J’avais certes tenté de rentrer dans leur univers musical, plutôt à base de math rock, en écoutant quelques morceaux par-ci par-là sans pourtant aller plus en avant. Je ne sais plus exactement les raisons pour lesquelles je n’avais pas approfondi mon écoute mais ça ne devait pas correspondre à la phase musicale dans laquelle je me trouvais à ce moment-là. Ou peut-être pensais-je qu’un groupe s’appelant tricot et utilisant des titres de morceaux comme « Potage » ne pouvait pas jouer un rock qui m’intéresserait. Mais mon avis a pourtant complètement changé depuis la discussion entretenue avec Nicolas dans les commentaires d’un ancien billet intitulé ネタバレしてる人生. On parle d’abord du groupe Genie High mené par le producteur (et guitariste) Enon Kawatani dans lequel chante la guitariste et interprète de tricot, Ikkyu Nakajima. Cette discussion à propos de Genie High me rappelle un morceau que le groupe a interprété avec AiNA The End, Fubenna Kawaige (不便な可愛げ). J’étais également passé à côté de ce morceau à sa sortie en Novembre 2019, ce que je regrette maintenant vu le nombre de fois où j’ai pu l’écouter ces dernières semaines, depuis cette discussion dans les commentaires. Comme quoi, j’ai parfois des idées préconçues sur certaines formations musicales alors qu’elles mériteraient quand même que je m’y attarde. Le morceau Fubenna Kawaige fonctionne extrêmement bien car les voix de AiNA et de Ikkyu sont complémentaires. Il y a une grande fluidité dans les échanges vocaux qui fait grand plaisir à écouter. Le morceau est excellent et musicalement, c’est impeccable même si ce sont deux comédiens qui jouent de la batterie et de la basse. Je pense que mon à priori était dû à la présence de ces comédiens dans ce super-groupe de Kawatani que j’avais initialement eu du mal à prendre au sérieux. Le deuxième album de tricot intitulé A N D m’est ensuite conseillé, pour la simple raison que H Zett M y joue du piano sur deux morceaux. Il ne m’en fallait pas plus pour y jeter une oreille et réaliser que j’étais passé à côté de quelque chose en ne m’étant pas penché sur la musique de tricot un peu plus tôt. Mieux vaut tard que jamais! J’adore tout simplement ce que j’étends sur ce septième morceau Pain (ぱいーん): le rythme frénétique, les coupures inattendues et le piano aux accords compliqués de H Zett M s’accordant excellemment avec les guitares de tricot prenant le relai. En écoutant le piano de H Zett M se mélanger aux guitares et ne pas perdre le dessus, je repense à ses prestations lors des concerts de Tokyo Jihen, Dynamite Out, et de Sheena Ringo, Electric Mole (Sugoroku Xstasy). En fait, je ne soupçonnais pas que la musique de tricot était aussi puissante et prenante. Ikkyu pousse très souvent sa voix et les guitares sont rapides et imprévisibles (ça doit être le côté math rock). Il y a même un côté sauvage et instinctif dans la manière dont Ikkyu chante. Les douze morceaux de l’album A N D défilent à toute vitesse sans qu’on décroche une seconde. Le rythme est soutenu sans vrais moments de répit, mais mélangent le chaud et le froid en alternant des voix plus éthérées avec des chœurs et des montées en puissance soudaines des voix. Des morceaux comme le troisième Hashire (走れ) ou le sixième Kieru (消える) en sont de bons exemples, et sont tout simplement excellents. Comme sur Hashire (走れ), il y a une sorte d’urgence et de danger imminent dans beaucoup de morceaux. « C’est dangereux par là, défense d’entrer » (そちは危ない、立ち入り禁止) comme le chante Ikkyu sur ce morceau. Et les guitares et batterie accompagnent et transcendent cette frénésie sonore qui nous envahit. On ne s’ennuie pas parce que même s’il y a une grande continuité de style dans l’ensemble de l’album résolument de style rock alternatif, on y trouve quand même des moments particuliers comme le neuvième morceau intitulé Niwa (庭) où Ikkyu chante de manière très rapide à la limite du rap. Il y a une sorte de folie contagieuse dans ce morceau là. Il y a des moments un peu plus pop comme le morceau Kōbe Number (神戸ナンバー), qui est également un point remarquable de l’album, notamment quand les trois filles du groupe chantent ensemble le titre du morceau en chœurs (神戸ナンバー、思い出すわー). Mais, j’aime beaucoup de toute façon les morceaux avec des noms de plaques d’immatriculation (笑), que ça soit Hashire wa Number (走れゎナンバー) de Sheena Ringo ou Shinagawa Number (品川ナンバー) du groupe Sōtaisei Riron (相対性理論) d’Etsuko Yakushimaru.

J’oubliais presque de mentionner que tricot (トリコ, Toriko prononcé en japonais) est composé de trois filles à l’époque de ce deuxième album sorti en 2015: Ikkyu Nakajima (Ikumi Nakajima en réalité) au chant et à la guitare, Motifour Kida (Motoko Kida) à la guitare et Hiromi Hirohiro (Hiromi Sagane) à la basse, sachant que tout le monde chante au moins dans les chœurs. Le groupe est originaire de Kyoto et ça s’entend clairement en interview car Ikkyu a bien l’accent du Kansai (enfin, je ne suis pas spécialiste ceci étant dit). Le batteur ayant quitté le groupe avant ce deuxième album, A N D fait donc intervenir des batteurs invités pour les sessions d’enregistrement. Un batteur officiel, Yusuke Yoshida, rejoindra ensuite le groupe à partir de 2017. En écoutant le premier morceau de l’album, Noradrenaline, je me suis tout de suite dit que les premières percussions de batterie sonnaient un peu comme le début de Tadashii Machi (正しい街) de Sheena Ringo. Comme je savais, avant cette première écoute, que les batteurs étaient différents en fonction des morceaux de l’album, j’ai d’abord pensé que Noriyasu « Kasuke » Kawamura (batteur régulier des sessions d’enregistrement et de certains concerts de Sheena Ringo) était aux commandes. En vérifiant sur Wikipedia, la surprise m’emporte en apprenant qu’il s’agit en fait de Toshiki Hata à la batterie sur ce morceau. Comme quoi, même s’il n’y a pas de véritable ressemblance ou inspiration directe visible entre la musique de Sheena Ringo ou Tokyo Jihen et celle de tricot, il y a au moins des liens intéressants en la présence de H Zett M et Toshiki Hata. Mais ce n’est pas tout car Ikkyu dit elle-même apprécier Sheena Ringo. Depuis l’écoute de A N D, je me suis mis en tête d’acheter tous les albums et d’écouter des interviews pour comprendre un peu plus l’esprit du groupe et son inspiration. Je n’ai pour l’instant que les deux albums THE (premier album de 2013) et A N D (deuxième album de 2015) ainsi que le EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙) sorti en 2012, tous achetés en même temps et pour un très bon prix au Disk Union de Shimokitazawa. J’ai eu un peu de mal à trouver A N D, car je suis d’abord allé sans succès aux Disk Union de Shinjuku et de Shibuya, pour finalement le trouver à Shimokitazawa. Acheter ces albums m’a fait beaucoup marcher, mais je retrouve le plaisir presque obsessionnel d’aller fouiller les disquaires pour trouver les CDs qui me manquent (comme je le faisais pour Sheena Ringo et Tokyo Jihen).

Ma curiosité me pousse à écouter des interviews d’Ikkyu Nakajima. L’excellente surprise qui m’attend est une interview d’Ikkyu par AiNA The End, suite à leur morceau en commun pour Genie High que je mentionnais ci-dessus. L’émission s’appelle Wow Music et passe sur la radio J-Wave, mais est également retransmise en vidéo sur YouTube et c’est là que je la regarde. Cette émission est très intéressante car l’hôte faisant les interviews est à chaque fois une personnalité du monde musical et décide des invités qu’il ou elle interviewera pendant l’émission. L’hôte change apparemment tous les mois. On se souvient que pour la même émission, Seiji Kameda avait invité et interviewé Sheena Ringo. Cette fois-ci, il s’agit donc de AiNA avec Ikkyu. Dès le début de l’émission, AiNA nous fait part qu’elle est fan de tricot et de Nakajima en particulier. Après avoir évoqué des anecdotes sur leur morceau commun Fubenna Kawaige (on apprend que les deux ne se sont rencontrées pour la première fois que pendant le tournage de la vidéo), Ikkyu nous fait part de ses débuts en répondant aux questions relativement standards de l’émission (le format est plus ou moins défini). On apprend la signification de son surnom Ikkyu. Elle s’appelle en fait Ikumi mais à l’école primaire à cette époque, c’était la monde de remplacer les hiragana par les chiffres équivalents. Son prénom « I-ku-mi » devient donc « 1-9-3 », ce qui se prononce donc Ikkyu-san. Ce surnom est resté jusqu’à maintenant. On sait qu’elle a fait du judo étant jeune (je le mentionne car je le ressens dans le son du groupe) et a réellement commencé la musique au club de musique (軽音楽部) de son lycée. Elle voulait être chanteuse dès son plus jeune âge mais a réellement commencé à chanter dans les groupes qui se sont formés dans ce club de musique. Elle nous dit qu’elle voulait chanter du Sheena Ringo à cette époque, mais les autres membres du club de musique ne l’ont pas laissé faire parce qu’elle ne chantait pas assez bien (ce qu’on aurait bien du mal à croire maintenant). A la place, elle s’est plutôt retrouvée à chanter des reprises de Mettalica, ce qui fait bien rire AiNA et Ikkyu pendant l’interview. Le groupe tricot s’est formé à cette période là car Motifour Kida jouait de la guitare dans le même club de musique et Hiromi Hirohiro jouait de la basse dans un club d’une autre école. Ikkyu a appris la guitare un peu plus tard grâce à son grand frère qui en avait une à la maison. Une des questions typiques des interviews de cette émission est de demander au musicien/ne invité quel morceau a été le plus marquant. Ikkyu cite le morceau 17 de Sheena Ringo comme morceau marquant, à l’époque où elle était lycéenne. Ce morceau est en anglais, langue qu’elle ne comprenait pas, mais les paroles lui ont paru très adulte. Ce morceau est en b-side de Tsumi to Batsu (罪と罰) sorti en 2000. Ça me plaît forcément de voir des liens se dresser entre des artistes que j’aime et ça me motive d’autant plus à explorer la musique de tricot. Cet interview est très intéressante car on comprend que Ikkyu est plutôt une personne instinctive et spontanée, et n’aime, par exemple, pas répéter à outrance les morceaux avant un live. Elle nous explique pendant l’interview que trop répéter ou se préparer la pousse à réfléchir plus que nécessaire aux paroles qu’elle doit chanter et elle finit dans ces cas là par paniquer et se mélanger les pinceaux (oublier des morceaux de paroles ou se tromper de mots). Je trouve qu’on entend bien ce côté instinctif dans les morceaux de A N D, et sur ce point là, Ikkyu Nakajima me paraît être très différente de Sheena Ringo.

En comparaison, le premier album du groupe THE est moins percutant que A N D, plus « apaisé » que A N D mais n’en reste pas moins excellent. L’album THE est souvent cité comme étant l’album préféré des fans, ce que je peux très bien comprendre, et ce dès le premier morceau POOL accompagné de son introduction pool side. En y retrouve toute la technicité math rock du groupe et une manière particulièrement intéressante de chanter d’Ikkyu. Je dirais que l’approche sur THE est plus classique dans le style rock alternatif. Je suis très bon public pour ce genre de sons, car c’est clairement ma zone de comfort stylistiquement parlant, ayant été baigné dans le rock alternatif américain pendant une bonne partie de mon adolescence. Je dis ci-dessus que l’album est plus apaisé que A N D, mais il ne faut pas croire non plus qu’il s’agit d’une ballade de santé, car les guitares sont toujours très présentes. L’énergie déborde de l’album morceau après morceau. Un morceau comme le cinquième art sick me rappelle un peu les compositions de SPOOL, peut-être en raison de la mélancolie qui le traverse et la manière de chanter d’Ikkyu qui me rappelle par moments celle d’Ayumi Kobayashi sur les morceaux de SPOOL. Ce morceau me donne des frissons à chaque écoute quand la voix décolle. Le septième morceau Ochansensūsu (おちゃんせんすぅす) doit être le plus connu de l’album. C’est également celui qui a la construction la plus particulière et originale, et peut-être bien le meilleur morceau de l’album (quoique mon appréciation doit changer à chaque écoute). Je trouve que ce morceau représente bien une certaine liberté qu’on retrouve dans l’ensemble des compositions du groupe. Ikkyu disait également dans une interview qu’elle et le groupe savaient très bien dans quelle style musical elles voulaient évoluer, mais étaient également désireuses d’expérimenter de nouvelles choses. L’album THE fait 48 minutes, exactement comme A N D, et on ne s’ennuie pas une seconde. Pendant mes marches urbaines du week-end, j’écoute à la suite de THE, le EP Children and the Cosmos (小学生と宇宙) sorti juste avant en 2012. Le style est relativement similaire à celui de THE. Son écoute me fait penser qu’il ne faudra pas que je passe à côté des nombreux EPs du groupe, car on peut aussi y découvrir des pépites comme Yumemi-gachina shōjo, maiagaru, sora he (夢見がちな少女、舞い上がる、空へ). Ikkyu y parle rapidement d’une manière rappée et à la limite de l’émotion (ça me rappelle un peu ce que Haru Nemuri fera plus tard sur Haru to Shura). En écoutant ce type de compositions, je me dis qu’il faut absolument que j’écoute toute la discographie du groupe car même les EPs sont excellents. En écoutant cette musique, j’ai même l’impression de retrouver mon enthousiasme musical d’adolescent.

Cette découverte du monde musical rock de tricot ne me fait pas oublier que Tokyo Jihen a récemment sorti un nouveau morceau (le 4 Février 2022) intitulé Futsū toha (ふつうとは) destiné à l’émission de la NHK Minna no Uta (NHKみんなのうた). Il est composé par Ichiyō Izawa et chanté à deux voix par Sheena et Watchi (le surnom d’Izawa), ce qui est très inhabituel. J’avoue avoir été surpris par la voix d’Izawa, pratiquement parlé et assez grave au chant. Ce morceau prend son temps à se faire apprécier, et se révèle un peu plus à chaque écoute une fois passée cette surprise d’entendre chanter Izawa. Le refrain revient cependant vers des terrains plus classiques pour Sheena. Ce morceau est loin d’être le meilleur du groupe et je l’aurais plutôt vu en b-side d’un single. Je dirais qu’il est agréable sans être transcendant. Mais après les guitares intenses de tricot, une petite pause avec ce morceau est bienvenue. La sortie de ce morceau m’a rappelé qu’il fallait que je prenne en photo ma discographie personnelle de Sheena Ringo et Tokyo Jihen. Il me manque bien quelques CDs (des compilations ou des Box) mais j’ai presque tout en CD/DVD/Blu-ray. Je possède certains CDs et DVDs depuis plus de vingt ans mais j’ai acheté de nombreux autres ces dix dernières années avec une concentration ces trois dernières années. J’ai beaucoup aimé fouiller les Disk Union et autres disquaires de Tokyo pour trouver les disques qui me manquaient. Il y avait à chaque fois une excitation certaine quand je trouvais un disque que je n’avais pas à un bon prix. Je pense notamment au concert Spa & Treatment de Tokyo Jihen trouvé au Disk Union de Shinjuku. Je ne suis pas vraiment satisfait des photos que j’ai pris ci-dessus à l’iPhone, car je me suis rendu compte après-coup que j’ai laissé l’album Kyōiku de Tokyo Jihen posé sur Electric Mole. Je ne montre pas les objets que j’ai reçu du fan club Ringohan ni les quelques livres ou magazines que je possède, car je ne cherche pas particulièrement à faire la collection de ces objets dérivés. Je n’irais pas non plus vers les vinyles, car on n’a pas de platine à la maison, bien que ça me tente à chaque fois que je passe au Tower Records. L’important pour moi est d’avoir tous les morceaux sortis, peu importe le support physique. Tout ces CDs prennent bien sûr beaucoup de place. Certains ont une collection impressionnante et le montre sur Twitter. Je ferais peut-être de même sur Twitter ou Instagram mais il faudrait que je m’applique un peu plus dans l’organisation de mes photos, en mettant par exemple les disques en ordre chronologique.

a day with s (1)

Quand on reçoit un visiteur de France, en l’occurence mon cousin Samy, c’est à chaque fois l’occasion de faire une journée marathon dans Tokyo, pour essayer de voir le maximum de choses tout en discutant non-stop. La petite différence par rapport à l’habitude est que mon cousin avait déjà passé quelques jours à Tokyo (et quelques mois à Kyoto) auparavant, donc il a fallu orienter les visites de cette journée de samedi vers les lieux qu’il n’avait pas encore visité, tout en improvisant en cours de route. C’est également l’occasion pour moi de revoir les classiques, car pour quelqu’un qui vient à Tokyo pour la première fois, il faut d’abord voir les classiques. Mais, c’est même souvent l’occasion d’aller à des endroits que je ne connaissais que par réputation. En tout cas, il nous faut à chaque fois beaucoup marcher dans les rues de Tokyo, environ 20kms cette fois-ci. Notre journée de visite ressemblait donc à un demi-marathon dans Tokyo. Et par dessus tout, je me réjouissais à l’idée de marcher toute la journée avec mon cousin que je ne vois pas très souvent, car l’effort de la marche permet en quelque sorte de libérer la parole. Tout cela en prenant des photos bien sûr.

Nous nous sommes convenus de nous rejoindre à la gare de Shibuya devant Hachiko. Mari me dit que c’est un peu ringard de se donner rendez-vous à Hachiko, ce que je conçois bien. Mais cela faisait très longtemps que je n’avais pas donné rendez-vous à quelqu’un à cet endroit et ça m’a rappelé mes vingt ans. Il est 9h du matin et il n’y a pas grand monde dans le centre de Shibuya. On reviendra dans la soirée pour faire l’experience de la traversée du carrefour en pleine affluence. Nous avions de toute façon l’intention d’aller à Meiji Jingu tôt le matin pour éviter la foule des touristes. C’était bien calculé car il n’y avait pas foule à cette heure. Il faut dire également que la météo n’était pas des plus propices à la promenade car il a plu pratiquement toute la journée. C’était heureusement une pluie assez fine pour éviter le parapluie et garder un peu de fraîcheur. Nous passons devant le gymnase olympique de Kenzo Tange qui est actuellement en pleine rénovation avant les Jeux Olympiques de 2020, pour ensuite s’enfoncer dans la forêt qui nous mène vers Meiji Jingu. Les grandes portes torii font toujours leur effet sur le visiteur au fur et à mesure qu’on approche du grand sanctuaire. Nous nous dirigeons ensuite vers la rue Takeshita à Harajuku qui restait assez peu encombré à cette heure. La multitude des boutiques de la rue commençait tout juste à ouvrir, petit à petit. La curiosité nous a poussé à aller boire une de ces boissons taïwanaises au thé et tapioca dont on parle tant ces derniers mois. Je n’avais jamais essayé mais c’était très bon. La clientèle était plutôt féminine et jeune, comme je l’imaginais, mais la curiosité a été plus forte que tous les à priori. Alors que nous marchons dans les rues de Ura-Harajuku pour ensuite rejoindre Cat Street, la pluie devient plus forte et nous nous précipitons vers l’immeuble en colimaçon Omotesando Hills de Tadao Ando. Il a quelques semaines de cela, Mari y avait aperçu par hasard Kylian Mbappé qui était de passage au Japon pour la promotion d’une marque de cosmétique. En ressortant de là, alors que la pluie se fait insistante, l’option visite de musée ou de galerie, à l’intérieur donc, se fait des plus évidentes. Ça tombe bien car le musée Nezu n’est pas très loin d’ici et l’exposition du moment, une introduction aux arts traditionnels avec pour sujet la peinture japonaise, tombait à point pour faire un tour d’horizon de l’art graphique japonais. D’autant plus que je n’étais pas retourné au musée Nezu depuis sa reconstruction complète sous la direction de l’architecte Kengo Kuma. Le bâtiment est superbe, tout autant que le jardin à l’arrière qui ressemble parfois à une jungle tant il est dense. Quelques dépendances, maison de thé et café, ainsi que de nombreuses statues viennent agrémenter les chemins en pente du jardin. Alors que nous sortons dans le jardin sous une pluie fine, une dame d’un certain âge insiste pour qu’on emprunte son parapluie alors qu’elle entre à l’intérieur du musée. Nous refusons gentiment mais l’insistence de la dame me surprend un peu. Nous devons ressembler tous les deux à des pauvres touristes perdus dans un pays mystérieux, sans repères et livrés à nous-mêmes. Mais j’exagère certainement. C’était une aimable intention, mais qui peut prendre parfois des proportions étranges. La matinée se termine déjà et nous marchons ensuite vers Yebisu Garden Place pour le déjeuner. Suite de cette journée au prochain épisode.

l7été(8)

Depuis Shinjuku, je passe par Kabukichō au petit matin alors qu’il n’y a presque personne dans les rues à ces heures matinales. Même ceux trop enivrés par la soirée précédente étaient déjà montés dans le premier train du matin. La tour noire Ichiban-Kan par l’architecte Minoru Takeyama se dresse soudainement devant moi à un détour de rue sans que je m’en rende compte. Je ne vois pas celle qui l’accompagne d’habitude, la tour colorée Niban-kan du même architecte. J’ai l’impression qu’elle a été rasée car de nombreux terrains vagues entourent maintenant le quartier. Kabukichō est peut être un plein redéveloppement. Tokyo est de toute façon en éternelle reconstruction. Vous l’aurez peut être remarqué, ce billet fonctionne en symétrie. La tour Ichiban-kan répond à l’immeuble métaboliste New Sky Building de Yōji Watanabe sur la dernière photographie. Je le redécouvre également par hazard, mais cette fois-ci dans son hideuse tenue verte. Quelque drôle d’idée d’avoir recouvert le béton de cette couleur verdâtre. Entre ces deux immeubles, j’insère des stades tout en rondeur, le Tokyo Metropolitan Gymnasium redessiné d’un design futuriste par Fumihiko Maki de 1986 à 1990. Juste à côté, le nouveau grand stade olympique par Kengo Kuma est en bon état d’avancement. Après le projet de Zaha Hadid avorté pour raison de coût, c’est rassurant de voir que cette version plus simple semble en bonne voie pour être prête pour les jeux olympiques de 2020. Au centre de la série, une espèce d’orgue métallique étrange interpelle. Ce sont des tubes attachés à l’arrière du Tokyo Metropolitan Gymnasium, dont j’ignore bien entendu leur fonction mais qui attirent mon regard photographique par leur symétrie parfaite.

Photographies extraites des videos disponibles sur YouTube des morceaux Tonite et Cloud dancer du EP Tonite par ANNA.

On peut dire que je ne chôme pas au niveau des découvertes musicales ces derniers temps. Le week-end dernier, je découvre le EP intitulé Tonite par ANNA sur le label indépendant Big Love Records, sur lequel on trouve également Aya Gloomy dont je parlais il y a quelques temps. ANNA s’appelle en fait Nana Yamato et cet EP sorti le 13 Juillet 2018 est son deuxième. Il s’agit d’un rock indépendant assez minimaliste composé et interprété par elle-seule, à en croire les crédits des vidéos YouTube nous faisant découvrir les 3 morceaux du EP. La voix monocorde de ANNA posé sur un fil de guitare parvient à créer une ambiance sombre et profonde. Les vidéos accompagnant les morceaux sont dans un format VHS plein de dérochages mais représentant une image actuelle de la ville. Cela donne un sentiment de distorsion du temps, tout spécialement intéressant car la chanteuse est jeune mais chante d’une voix très mature, froide et blasée comme si elle en avait déjà trop vu de cette ville. Dans ces vidéos, on la voit marcher vers Shinjuku dans certains endroits que je reconnais, et même jusqu’au stade olympique en construction. Sans le faire exprès, mes photographies de ce billet reprennent certains lieux empruntés par ANNA dans ces vidéos. Le morceau central du EP, Cloud Dancer, est mon préféré, mais avec les deux autres morceaux Tonite et She is the sun, ce EP forment un ensemble qui s’écoute d’une traite comme une petite pépite rock qui ne demande qu’à grandir. Comme d’habitude, on peut se procurer cette musique sur la page Bandcamp de l’artiste.