この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ

Le collectif de mangaka CLAMP (クランプ) évoque pour moi mes années d’adolescence en France pendant lesquelles je lisais régulièrement les mangas sortis à l’époque en traduction française aux éditions Tonkam, entre autres. Je n’ai pas tous les volumes, mais je me souviens très bien avoir été impressionné par les premiers mangas de CLAMP distribués en France, à savoir RG Veda et Tokyo Babylon. En plus des mangas, je m’étais également procuré des superbes art books de ces deux séries, qui comptent parmi les quelques petits trésors que je possède. Il y a celui intitulé Hiten Muma (非天夢魔) sorti en Juin 1991 lié à la série d’heroic fantasy RG Veda et Tokyo Babylon Photographs sorti en Avril 1996 lié comme son nom l’indique à la série Tokyo Babylon.

CLAMP est un collectif féminin se composant de quatre mangaka, à savoir Nanase Ōkawa (大川七瀬), scénariste et représentante du groupe, Mokona Apapa (あぱぱもこな), dessinatrice principale sur la plupart des séries, Tsubaki Nekoi (猫井椿), autre dessinatrice du groupe et Satsuki Igarashi (いがらし寒月), en charge des trames et du design des livres reliés. Les illustrations de Mokona sont absolument fascinantes, dans leurs détails et la délicate beauté des silhouettes fines et élancées des protagonistes qu’ils soient masculins ou féminins. Il faut rappeler que les mangas de CLAMP, comme RG Veda ou Tokyo Babylon, sont des shōjo manga, c’est à dire des mangas pour les filles, ce qui se remarque notamment dans l’aspect androgyne des personnages masculins. Cette distinction de genre n’a de toute façon que peu d’importance pour moi, tant que la qualité est au rendez-vous. Je n’ai pas vraiment suivi ensuite les nouvelles productions de CLAMP mais les séries que je connais m’ont laissé un souvenir indélébile. L’annonce d’une grande exposition de CLAMP au National Art Center Tokyo (NACT) m’a tout de suite donné envie de replonger de l’ambiance si distinctive de CLAMP. L’exposition a lieu du Samedi 3 Juillet jusqu’au Lundi 23 Septembre 2024, et l’envie irrésistible m’a pris d’essayer d’y aller dès le premier jour. Je me doutais bien qu’il y aurait foule le premier Samedi. J’y suis quand même allé mais un peu tard, vers 15h, et les places pour la journée étaient bien entendu déjà toutes vendues. J’ai donc fait un premier déplacement pour rien et comme pour me punir de ce manque de préparation évident, un très fort orage inattendu m’attendait sur le chemin du retour.

Je n’ai pas résisté à l’envie d’y retourner le lendemain en arrivant une dizaine de minutes avant l’heure d’ouverture à 10h. Je n’ai rencontré aucun problème pour acheter un billet, mais la longue file d’attente zigzaguant à l’intérieur du grand espace ouvert du hall du musée était particulièrement impressionnante. Il aura fallu environ une heure et demi d’attente avant de pouvoir pénétrer dans les salles de l’exposition. Cette attente me laisse assez de temps pour écrire le texte d’un billet de blog sur mon iPhone et observer la foule qui comprend à priori beaucoup d’Otaku qui doivent connaître par cœur les œuvres de CLAMP. Les tenues vestimentaires réfléchies de certaines et certains me laissent penser cela, mais les plus hardcores des Otaku sont peut-être tout simplement des gens comme moi. Les entrées dans les salles d’exposition étaient bien entendu régulées. C’est un mal pour un bien car on ne se marchait pas sur les pieds, bien qu’il y avait quand même un peu trop de monde pour apprécier de manière optimale les œuvres graphiques de CLAMP. L’exposition était très étendue, composée de plusieurs grandes salles déclinant cinq thèmes principaux reprenant les lettres du nom du collectif, à savoir « C » pour COLOR, « L » pour LOVE, « A » pour ADVENTURE, « M » pour MAGIC et finalement »P » pour PHRASE. La première section était ma préférée car elle couvrait RG VEDA et Tokyo Babylon, entre autres, avec des séries d’illustrations en couleur que je connaissais déjà pour la plupart, pour les avoir admiré de très nombreuses fois dans mes deux art books de CLAMP. Revoir ces illustrations en grand format permet d’apprécier tout la finesse du trait et le génie graphique de Mokona Apapa. Je les ai admiré avec une émotion certaine. On ne peut pas prendre de photos dans la section couleur de l’exposition qui se limite en fait à cette première salle. Les autres salles couvrent les nombreuses autres séries du collectif, dont certaines m’étaient complètement inconnues.

Revoir le look 80s très coloré de Tokyo Babylon m’a rappelé l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 2 (東京バビロンサウンドトラック2) sorti en 1994 que j’avais acheté quelques années après, dans un petit magasin de jeux vidéo de Nantes qui vendait des jeux en import japonais et qui avait étendu son offre aux manga et autres produits dérivés. J’avais acheté ce CD sans connaître les artistes qui y chantaient et j’avais été plutôt déstabilisé car mon champ musical à l’époque se limitait aux rock alternatif américain et au naissant Trip-Hop anglais. Il m’a fallu beaucoup de temps pour apprécier cet album, même si quelques morceaux se sont tout de suite imposés pour moi comme des classiques dont j’ai déjà plusieurs fois parlé sur ce blog: MOON de REBECCA, Blue Desert de Zelda et Solid Gold de Masahiro Takashima (髙嶋政宏). On y trouve des morceaux de groupes ou d’artistes très connus au Japon, que je connaissais pas à cette époque comme Chara et The Boom, mais je me souviens avoir eu beaucoup de mal à les apprécier. Cet album que j’ai dû écouter en 1996, au moment de la sortie du manga Tokyo Babylon chez Tonkam en France, m’a pourtant beaucoup marqué, très certainement car c’était en fait ma première découverte de la musique pop japonaise. Je réécoute cet album régulièrement avec le souvenir de cette époque là en tête. Après l’exposition, j’ai eu envie de me plonger dans le premier épisode de la bande originale de cette série, à savoir l’album Tokyo Babylon Image Soundtrack 1 (東京バビロンサウンドトラック1) sorti en 1992. Comme sur le deuxième épisode, le son est très marqué par la fin des années 80. On y retrouve REBECCA, Chara et un certain nombre de morceaux de groupes qui me sont absolument inconnus mélangeant musique électronique techno et rap (Subsonic Factor, More Deep). L’instrumentalisation est forcément assez datée (genre KLF sur le morceau 2 B in Love de Subsonic Factor), mais très imaginative et écouter cet album m’enthousiasme complètement. Ryuichi Sakamoto y apporte également un court morceau instrumental très atmosphérique au piano. Il y a quelques morceaux qui me plaisent énormément comme Sayonara, So Long de D-Project Nobody (Nobody beats me in the Night Club) de More Deep et Visions of Boys de Hideaki Matsuoka (松岡 英明) qui signera également plusieurs morceaux sur l’album Soundtrack 2. Je suis de toute façon dans une petite période estivale tournée vers les années 80, car je réécoute aussi beaucoup en ce moment Rhythm Nation 1814 de Janet Jackson.

Pour revenir à l’exposition de CLAMP au NACT, j’y découvre en images de nombreuses séries que je ne connaissais pas. Je n’ai jamais lu X mais ce manga fait partie des séries les plus emblématiques du collectif. Je découvre une série intitulée xxxHOLIC (ホリック), publiée au Japon au début des années 2000, qui m’intéresse tout de suite beaucoup visuellement. Ce manga suit le lycéen Kimihiro Watanuki (四月一日君尋) qui a l’étrange capacité de voir les esprits, qu’il semble attiré mais qui le harcèlent et dont il voudrait se débarrasser. L’histoire démarre alors qu’il est attiré dans l’étrange boutique de la sorcière Yūko Ichihara (壱原侑子), qui serait en mesure de le libérer de cet encombrant don. Elle est en mesure d’exaucer les vœux des gens qui viennent dans sa boutique mais à un prix proportionnel à ce qui est demandé. En échange de cette libération des esprits, Watanuki sera amené à aider la mystérieuse sorcière en travaillant dans sa boutique avec ses deux oisives assistantes Maru et Moro (マルダシ & モロダシ). On imagine les nombreuses histoires de chasse aux esprits qui découlent de cette nouvelle collaboration entre Watanuki (qui peut se transcrire en 1er Avril en kanji) et la sorcière Yūko. Le xxx du titre xxxHOLIC fait en fait référence aux nombreux mots en « holic » (alcoholic, workaholic…) faisant référence aux maux de ce monde, et des clients qui viennent cette boutique. L’exposition montre de très nombreuses planches de travail du manga en noir et blanc, et le style très travaillé et mystérieux du personnage de Yūko Ichihara, notamment sa chevelure, me plait tout de suite beaucoup. Cette série assez occulte évoque beaucoup les notions de destin, que rien n’est coïncidence et que tout est en fait inévitable. Cette notion d’inévitable « Hitsuzen » (必然) revient souvent dans l’histoire. Ce sujet de coïncidence et de conditionnement est un sujet qui m’intéresse beaucoup depuis longtemps et dont on parlait justement (coïncidence?) récemment dans les commentaires de mon billet sur le concert de DAOKO au sujet de sa robe dans l’émission télévisée With Music avec Sheena Ringo.

En faisant une recherche sur CLAMP sur Netflix après être revenu de l’exposition, je découvre qu’un film a en fait été réalisé sur l’univers de xxxHOLIC par la la réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川実花), dont j’ai parlé plusieurs fois ici, notamment pour son film Sakuran dont les musiques sont composées par Sheena Ringo. J’aime beaucoup cette artiste, photographe et réalisatrice, mais il faut croire que je suis loin de connaître toute sa filmographie qui n’est pourtant pas très étendue. Le film xxxHOLIC sorti en 2022 est en fait le plus récent de ses six réalisations, en comptant la série FOLLOWERS (フォロワーズ) avec Miki Nakatani (中谷美紀) et Elaiza Ikeda (池田エライザ), dont je parlais justement il y a peu. Mika Ninagawa adapte ses conceptions florales aux couleurs saturées à l’univers de xxxHOLIC et c’est visuellement superbe. Le film démarre au début du manga avec la première rencontre de Watanuki avec Yūko Ichihara puis retrace quelques histoires d’exorcisme d’esprits magnifiquement représentés par des vagues mouvantes et enveloppantes appelées Ayakashi (アヤカシ), ressemblant à des pluies noires s’inscrivant sur les visages comme des kanji ou des essaims d’abeilles noires tournoyant autour des personnes. Kō Shibasaki (柴咲コウ) joue le rôle de Yūko Ichihara, ce qui lui va vraiment très bien dans les robes superbes proches des kimonos des Oiran de Sakuran. Elle est accompagnée par l’acteur Ryūnosuke Kamiki (神木隆之介) qui joue le rôle de Kimihiro Watanuki. Riho Yoshioka (吉岡里帆) joue tout en démesure le rôle de l’être maléfique Jōrogumo assistée dans ses méfaits par le charismatique Akagumo interprété par Hayato Isomura (磯村勇斗). Parmi les autres acteurs, on trouve l’amour secret de Watanuki, Himawari Kunogi, interprétée par l’actrice et modèle Tina Tamashiro (玉城ティナ), que je connaissais pour son interprétation au chant sur le morceau Radio de Towa Tei avec Yukihiro Takahashi (高橋幸宏). Hokuto Matsumura (松村北斗) du groupe SixTones joue Shizuka Dōmeki, qui est également camarade de classe de Watanuki et vit dans un temple. Alors qu’une grande partie de l’histoire semble se passer à Tokyo, notamment à Shibuya, le temple de Shizuka Dōmeki utilise le nom et les lieux de Ryūkōji (龍口寺) près d’Enoshima. J’étais assez surpris de voir ce lieu filmé dans xxxHOLIC car il s’agit d’un temple qu’on a souvent visité et que j’ai pris plusieurs fois en photo. L’autre grande surprise du film est de voir DAOKO y jouer. Elle interprète l’assistante Maru de la sorcière Yūko Ichihara, avec l’actrice et modèle Serena Motola (モトーラ世理奈) qui joue Moro. On la voit sur la photo ci-dessus à droite avec des longs cheveux de couleur bleu clair en tresse à pompon. Elle joue un rôle secondaire mais est tout de même très présente dans le film. Là encore, s’agit il d’une coïncidence ou d’un conditionnement, mais je suis en tout cas bluffé de retrouver, de manière tout à fait imprévue dans un film, DAOKO dont je parle régulièrement ces derniers temps. Cela me semble faire écho au thème principal du manga et film sur l’inévitabilité des choses. Il n’y a pas de coïncidences dans ce monde, seulement des inévitabilités (この世に偶然なんてない、あるのは必然だけ), comme l’annonce Yūko Ichihara. Ce qui est également intéressant est qu’un esprit en forme de papillon noir relie plusieurs scènes du film. Le papillon noir est également le symbole utilisé par DAOKO pour son agence Tefu Tefu (てふてふ). Les musiques du film sont remarquables, et ce dès les premières scènes du film. Elles accompagnent très bien la beauté esthétique à la fois sombre et colorée du film. En regardant le film sur Netflix, j’ai tout d’un coup eu le pressentiment que ces musiques étaient composées par Keiichirō Shibuya (渋谷慶一郎). Cette intuition qui m’est venu tout d’un coup est particulièrement étrange car je ne connais pas sa musique, bien que son nom m’est familier depuis longtemps pour l’avoir vu évoqué sur mon fil Twitter ou ailleurs sur Internet. Après vérification, Keiichirō Shibuya a bien composé les musiques de xxxHOLIC, ce qui m’a bluffé une deuxième fois. Quelle sorte de conditionnement m’a amené à penser que Keiichirō Shibuya était le compositeur des musiques de ce film?

Après quelques recherches sur YouTube, je me rends compte que Keiichirō Shibuya a composé la musique du très beau film publicitaire Kaguya pour Gucci (avec Hikari Mitsushima, Aoi Yamada et Eita Nagayama) que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur Made in Tokyo. Je découvre aussi sur son canal YouTube, un très beau concert expérimental intitulé Music of the Beginning joué à l’intérieur de la fabuleuse architecture ouverte du KAIT Plaza conçu par Junya Ishigami dans l’enceinte de l’université Kanagawa Institute of Technology. J’avais visité le KAIT Plaza en Décembre 2022, et cette architecture singulière compte parmi celles qui m’ont laissé une grande impression. Cet espace a déjà été utilisé par d’autres artistes dont BiSH et Hikari Mitsushima & Daichi Miura (満島ひかり & 三浦大知). Je ne suis donc pas surpris de le voir utilisé par Keiichiro Shibuya, sauf qu’ici l’association entre cet espace expérimental et la musique imaginée par Keiichirō Shibuya est remarquable. Ce concert a été enregistré le 26 Décembre 2021 et était apparemment limité à un public très restreint éparpillé sur la place couverte du KAIT. Il se compose de 8 morceaux dont certains sont des reprises et d’autres des compositions originales de Keiichirō Shibuya. Il y joue du piano et est accompagné par la chanteuse soprano Ayako Tanaka (田中彩子), basée à Vienne, et l’artiste du son Evala. Evala conçoit les nappes électroniques enveloppant la voix très puissante, et sublime il faut bien le dire, d’Ayako Tanaka et les mélodies parfois déstructurées de Shibuya. Evala sample en fait en temps réel la voix d’Ayako Tanaka et réintrodis ce sample dans le morceau en cours d’interprétation. Cet effet d’écho est assez saisissant. Parmi les reprises, le concert démarre par Overgrown de James Blake dont j’avais découvert l’album à la même période que ce concert, en Décembre 2021, à travers une recommandation que je mentionnais dans un billet. Le morceau original de James Blake est en fait tellement changé par la voix d’opéra d’Ayako Tanaka et par les manipulations sonores de Keiichirō Shibuya et d’Evala, qu’il est difficilement reconnaissable. Dans la setlist, on trouve également le morceau Chasing Pavements d’Adele présent sur son album 19 que l’on a beaucoup écouté en voiture il y a plus de 15 ans. Certaines compostions comme The Secret Police (tiré de l’opéra Le Grand Macabre) du compositeur autrichien György Ligeti sont beaucoup plus obscures et difficiles d’accès, d’autres plus évidentes comme le Clair de lune de Claude Debussy concluant le set. L’ensemble est très beau et le voir en vidéo apporte beaucoup à l’atmosphère particulière qui s’en dégage. Les tenues aux apparence futuristes d’Ayako Tanaka et des musiciens s’ajoutant au froid hivernal apparent des lieux et cette couleur bleutée contribuent à cette ambiance conceptuellement magnifique.

L’exposition de CLAMP me fait dériver vers de multiples choses. Elle se conclut sur une boutique dans laquelle il est seulement autorisé de rester 30 minutes. On y vend beaucoup de choses très certainement à la fois inutiles et indispensables. Je choisis trois cartes postales des univers qui m’ont le plus marqué. De gauche à droite, RG Veda, Tokyo Babylon et xxxHOLIC. Je trouve le graphisme influencé par l’art déco sur l’illustration de xxxHOLIC particulièrement réussi. Les deux illustrations de RG Veda et Tokyo Babylon me sont déjà connus car elles sont toutes les deux présentes dans les deux art books que je montre ci-dessus. Je me procure également un classeur de taille A4 reprenant le graphisme du flyer de l’exposition. Ce genre de classeur plastifié me permet de conserver les flyers de chacune des expositions que je vais voir, et ce depuis 2003. J’en suis maintenant au troisième classeur et il m’arrive parfois de garder des flyers de quelques expositions que j’ai malheureusement manqué. Le flyer aux illustrations débordant de l’alphabet du nom du collectif CLAMP a été conçu spécialement pour cette exposition. Je le trouve très réussi car il montre toute la richesse de l’univers de CLAMP, qu’il me faudra moi-même découvrir un peu plus.

un Fuji rouge au bord de la rivière

Ce billet avec cette sélection de photos est le dernier que j’avais gardé dans mes brouillons depuis plus d’un mois. J’ai pris beaucoup de photos ces deux derniers week-ends mais elles sont encore précieusement conservées sur la carte mémoire de l’appareil photo sans les avoir transférées vers l’ordinateur. J’en oublierais presque ce que j’ai pris et les endroits où je suis allé. Comme sur une pellicule de film argentique, on oublie ce qu’on a pris en photo lorsqu’on la fait développer des mois après, et la surprise est d’autant plus grande. Ceci me rappelle que j’ai justement une pellicule en cours depuis de nombreux mois, peut-être même plus d’un an, et je n’ai strictement aucun souvenir de son contenu. Une idée aurait été de prendre toutes ces photos et ne les développer au fur et à mesure que 20 ans après. L’impact visuel que l’on doit éprouver en découvrant ses propres photographies 20 ans après les avoir prises doit être surprenant, si on compare à l’impact de voir une photographie d’un lieu qu’on vient juste de traverser la journée même. Faire reposer des photographies dans un billet en brouillon pendant plus d’un mois a l’intérêt de se laisser le temps nécessaire pour se questionner sur la qualité des photos que l’on veut montrer. Je l’ai déjà mentionné auparavant mais l’interêt que je peux trouver dans certaines photos que je montre n’est certainement considéré que par moi-même, et tant mieux si d’autres y trouvent également un intérêt ou, au mieux, une certaine poésie.

Il y avait initialement quelques photographies supplémentaires sur ce billet, mais j’en ai retiré plusieurs pour ne conserver que celles ci-dessus prises principalement le long de la rivière Meguro, mais également à Udagawachō à Shibuya. La première photographie est prise près de la grande jonction Ikejiri-Ōhashi. On aperçoit les portions d’autoroutes en hauteur juste avant leur plongée dans l’énorme jonction. Ces portions d’autoroutes se superposant passent au dessus de la grande route 246 qui elle-même traverse la rivière Meguro. Cette accumulation de voies superposées rend cet endroit visuellement intéressant, mais j’aime en fait surtout l’insecte vert dessiné sous le pont au niveau de la rivière. On le devine à peine, car il n’est pas immédiatement visible depuis la rue. A quelques mètres de cet insecte, deux engins mécaniques sont installés dans la rivière. J’imagine qu’ils sont utilisés pour nettoyer la rivière, mais on peut se demander comment ils ont été déplacés à cet endroit là. On ne le voit pas sur la photographie, mais deux grues sont disposées juste à côté. Un peu plus loin, plus près de Naka Meguro, je retrouve la mosaïque du Mont Fuji rouge de Invader s’inspirant directement du Gaifū kaisei (凱風快晴) de Katsushika Hokusai. La dernière photographie nous fait revenir à Shibuya dans le quartier de Udagawachō. Quand je passe dans ce quartier, je jette systématiquement un œil au magasin de disques Manhattan Records, car un des murs du building est toujours décoré d’un graph élaboré, et celui-ci change régulièrement. Il y a trois ans, on pouvait y voir un avion de chasse à tête de requin. Cette fois-ci, il s’agit d’un grapheur venant lui-même dessiner sur ce mur.

Dans le billet précédent, je mentionnais le livre de photographies éponyme de Mika Ninagawa sorti en Octobre 2010. Au moment de l’écriture de ce billet, j’avais recherché si ce livre était disponible sur Mercari et avait trouvé une version à un très bon prix. Je l’ai reçu le lendemain. La rapidité de réception dépend de celle de l’envoyeur mais on atteint dans ce cas là une rapidité digne d’Amazon. J’avais même reçu le photobook avant d’avoir fini l’écriture de mon billet. Ce livre est un sacré pavé de 352 pages, avec en préface une interview de Mika Ninagawa avec Daido Moriyama. Ce livre n’était en fait pas publié au Japon et il est en anglais, mais je l’avais quand même vu en librairie comme je le mentionnais dans mon billet précédent. Il s’agit en quelque sorte d’une rétrospective du travail photographique de Ninagawa, mélangeant photographies de fleurs et portraits de personnalités, comme Chiaki Kuriyama ou Anna Tsuchiya (qui jouait le rôle principal dans Sakuran, le premier film de la photographe), entre beaucoup d’autres. L’impression papier met bien en valeur les couleurs extra vives des photographies de Mika Ninagawa. Parmi les personnalités photographiées, je mentionnais dans le billet précédent une photo de Sheena Ringo (椎名林檎), que je montre ci-dessus. Elle est accompagnée sur cette photo par les acteurs Shun Oguri (小栗旬), Lily Franky (リリーフランキー) et Kenichi Matsuyama (松山ケンイチ). Cette photo est tirée d’une série montrée dans le livre magazine (mook) sorti en Novembre 2006, Kaze to Rock to United Arrows (風とロックとユナイテッドアローズ). Il s’agissait apparemment d’une collaboration avec la marque de vêtements United Arrows. Je n’avais pas acheté de livres de photographies depuis longtemps et ça m’ouvre l’esprit de le voir posé sur la petite table du salon et de le feuilleter progressivement tous les soirs.

just be where you are

Je documente beaucoup les changements visuels qui s’opèrent en ce moment à Shibuya et ça risque de continuer encore pendant plusieurs mois, le temps que les nouveaux blocs architecturaux se mettent en place. Je me dis que ça sera intéressant de revoir ces endroits en photographie dans une dizaine d’années lorsque ces nouveaux immeubles et le nouvel urbanisme qui l’accompagne seront devenus un paysage commun pour les passants de Shibuya. En pensant au Shibuya d’il y a plus d’une dizaine d’années, je me remémore soudainement les photographies argentiques qu’avait fait le photographe Sebastien Pons entre 2001 et 2005 dans sa série Colors of Tokyo. Je me souviens qu’il me les avait montré lors de son passage à Tokyo. J’avais été grandement impressionné à l’époque par les couleurs saturées qu’il développait, donnant un grand impact aux personnages de rue qu’il prenait sur le vif. J’ai certainement pris l’habitude de pousser un peu la saturation de mes photographies après avoir vu les siennes, mais je suis incapable de prendre des inconnus en photo sur le vif comme il le faisait. Ce style de couleurs très saturées me rappelle le style de la photographe japonaise Mika Ninagawa. Comme je le mentionnais rapidement dans le billet précédent, elle réalise également des films comme Sakuran avec Anna Tsuchiya comme actrice principale en 2006 et Helter Skelter avec Erika Sawajiri en 2012. Je viens d’ailleurs de regarder Helter Skelter sur Netflix. J’ai bien aimé le film qui nous parle de l’aliénation provoquée par la célébrité et le côté ‘prophétie auto réalisatrice’ quand on connaît les soucis judiciaires actuels de Sawajiri est assez perturbant. J’ai également commencé à regarder la série Followers, toujours de Mika Ninagawa sur Netflix, et on nous parle encore du milieu de la mode et de ses règles infernales. Je ne sais pas trop quoi en penser, car la série se laisse regarder mais est extrêmement agaçante à de nombreux égards. La série reste très inoffensive et les acteurs ont une tendance a sur jouer et à se regarder jouer. Il y a tellement d’acteurs et actrices invités faisant des apparitions que ça ressemble à un défilé de mode. L’histoire, dans les quatre premiers épisodes que j’ai vu pour l’instant, reste assez prévisible et la critique en fond des médias sociaux sent le déjà-vu et arrive beaucoup trop tard pour être intéressante ou avant-garde. Le film Helter Skelter montre ce même milieu professionnel de la mode mais était beaucoup plus dérangeant et intéressant. Du coup, Followers ressemble à une version japonaise de Gossip Girl, série qui était certes distrayante dans ses premières saisons, mais on attendrait un peu plus d’originalité de la part de Ninagawa. Mais on se rattrape sur la beauté graphique de Followers qui me fait tout de même continuer, en espérant que l’histoire décolle un peu plus tard dans les épisodes de la série. C’est aussi étonnant de voir KOM_I en actrice, et la bande son est intéressante. On peut y entendre des morceaux de Supercar, Chai et Sheena Ringo (que Mika Ninagawa a d’ailleurs déjà pris en photo). Sur Helter Skelter, j’avais eu la bonne surprise d’entendre le morceau Mushi no Onna de Jun Togawa (morceau qui est très utilisé apparemment car je l’avais déjà entendu dans Forest of Live de Sion Sono).

Je suis un peu aigri en ce moment car j’ai décidé de ne pas aller au concert de Tokyo Jihen ce week-end. Une très grande majorité des événements spéciaux, concerts, écoles, certains espaces culturels comme Bunkamura, les Disneyland et Universal Studio ont décidé de fermer leurs portes sur consigne du gouvernement japonais pour essayer d’endiguer le virus, mais Tokyo Jihen décide malgré cela de maintenir les deux concerts de Tokyo dans le Hall A d’une capacité de 5000 personnes au Tokyo International Forum. Une option de remboursement est proposée, mais j’ai du mal à comprendre la position du groupe de maintenir ces concerts dans la situation actuelle. La logique de symétrie qui pousse Sheena Ringo à vouloir absolument redémarrer le groupe un 29 Février, va un peu trop loin à mon avis. J’aurais grandement préféré que le concert soit repoussé pour pouvoir y assister plus tard.

Pour me réconforter un peu, j’écoute Purity Ring qui est de retour avec un nouveau morceau intitulé Stardew. C’est un vrai bonheur car le morceau est excellent comme les très bons moments des albums précédents, notamment Another Eternity que je me remets à écouter en boucle en ce moment. Le style électronique-pop est toujours prépondérant sur ce nouveau morceau, mais il surpasse en qualité et intérêt tous les morceaux que je connais du groupe.

Un grand nombre des titres de mes billets sont extraits de paroles de morceaux dont je parle dans chaque billet, et je trouve qu’ils sont étrangement d’actualité sur les deux derniers billets.

revisiter Doraemon

L’exposition Doraemon Tokyo 2017 se déroulait du 1er Novembre 2017 au 8 Janvier 2018 à la Mori Arts Center Gallery au 52ème étage de la tour de Roppongi Hills. Nous ne voulions pas la manquer car Zoa adore les histoires de ce personnage de chat robot bleu, comme beaucoup d’enfants au Japon. En fait, en grand enfant que je peux être parfois, j’aime aussi beaucoup cette série pour son humour et l’ingéniosité des gadgets que Doraemon sort de sa pochette magique pour venir en aide à l’écolier paresseux Nobita. Je n’ai vu que quelques épisodes de la série télévisée et que 3 ou 4 films animés en DVD, mais on se familiarise et on s’attache très vite aux personnages et à l’ambiance de cette série qui se déroule en banlieue de Tokyo. Il existe un musée permanent sur l’univers de Fujiko Fujio, les créateurs de Doraemon, à Kawasaki. Nous l’avions visité avec passion il y a exactement 4 ans. L’exposition que nous avons vu cette fois-ci à Roppongi Hills était très différente car il ne s’agissait pas de créations originales de Fujiko Fujio, mais de réinterpretations de l’univers de Doraemon et de ses personnages par d’autres artistes, plus ou moins renommés. Beaucoup de ces artistes invités évoquent le fait que Doraemon les a accompagné depuis l’enfance. Je pensais que la plupart des artistes invités re-dessineraient complètement les personnages de Doraemon à leur manière mais ce n’était en fait pas vraiment le cas, à part Yoshitomo NARA 奈良 美智 qui représente Doraemon d’une manière similaire aux portraits de petits personnages à la fois mignons mais à l’air cruel, qui sont sa signature d’artiste. L’artiste Tomoyoshi SAKAMOTO 坂本 友由 s’inspire lui aussi très librement des personnages de Doraemon en montrant une Shizuka à l’âge adulte entourée d’étranges objets de science fiction. On a un peu de mal à reconnaître le lien avec Doraemon, si ce n’est la petite tête bleue du personnage qui apparaît en bas de l’œuvre. Ceci étant dit, l’exécution est vraiment superbe. Takashi MURAKAMI 村上 隆 fait également partie des artistes invités, ce qui n’est pas très étonnant car c’est un des habitués de Roppongi Hills. A l’entrée de l’exposition, il nous montre une gigantesque fresque mélangeant les personnages de Doraemon avec les motifs de fleurs ultra colorées, qui sont là encore la signature de l’artiste. La photographe Mika NINAGAWA 蜷川 実花, quant à elle, nous montrait deux séries de photographies personnifiant Doraemon et le mettant en scène dans une promenade amoureuse. Tomoko KONOIKE 鴻池 朋子 nous montrait également une grande fresque avec tous les personnages de la série mais centrée sur le personnage de Shizuka, entouré d’animaux fantastiques. On pense à la représentation d’un rêve ou d’un cauchemar, mais des animaux fantastiques font souvent irruption dans les grandes aventures de Doraemon au cinéma. C’est intéressant de voir qu’après le personnage de Doraemon, c’est celui de Shizuka qui semble avoir le plus inspiré ces artistes. L’exposition était plus dense que je l’imaginais. On y trouvait diverses installations dans des pièces dédiées de l’exposition. J’étais également agréablement surpris par la qualité de ce qui était présenté. On reconnaît une authentique admiration et reconnaissance pour ce personnage et cet univers, certainement parce qu’il remonte à des souvenirs d’enfance pour certains des artistes ou bien parce qu’il a accompagné les enfants de ces artistes. Ce n’est apparemment pas la première exposition de ce type qui a lieu sur l’univers de Doraemon. Vu la longévité de la série, l’inspiration semble intarissable et c’est tant mieux.