between the skies

Le ciel nuageux prend parfois le dessus sur le paysage urbain. Sur cette série photographique, je mélange volontairement ces nuages avec les fils électriques qui tanguent au dessus des petites rues. Il serait bien dommage que ces fils électriques disparaissent complètement du paysage, car ils font part intégrante de l’environment urbain. Au milieu de ces câbles qui font des noeuds, une petite maison aux lignes obliques conçue par l’Atelier Tekuto. J’adore cette maison de béton et ses grandes baies vitrées qui reflètent le ciel se trouvant autour sur les autres photographies. Cette position centrale entre les ciels est volontaire, comme s’il s’agissait d’un centre ouvrant une porte sur un autre monde intérieur. Ces lignes électriques me rappellent aussi l’association que j’en avais fait avec des kanji il y à longtemps. Les traits des kanji se mélangeaient avec les fils électriques et semblaient flotter dans les airs.

Les ciels nuageux des photographies ci-dessus me rappellent celui, certes plus cosmique, de la couverture du dernier album de Minakekke intitulé Memorabilia. Le titre de cet album reprend celui du huitième morceau déjà sorti en single et dont j’avais déjà parlé. Ce single était déjà très bon, mais pas aussi sublime que l’album dans son intégralité et en particulier les cinq premiers morceaux. Minakekke fait évoluer légèrement son style depuis le EP Oblivion mais ses envolées de voix maintiennent un esprit similaire empreint de mélancolie. Je réécoute d’ailleurs cet EP Oblivion en écrivant ces lignes, ce qui me fait dire que Minakekke est vraiment une artiste malheureusement trop méconnue. Comme le morceau Luminous sur le EP Oblivion, le morceau Butterfly sur Memorabilia nous fait tout de suite rentrer dans cet album aux atmosphères sombres. On ressent son chant comme une complainte, mais sans résignation tant elle mène ses morceaux sans temps morts. On ressent une passion qui transparait dans sa voix jusqu’à la faire trembler par moment (sur un morceau comme Bones). L’émotion qui s’en dégage est pour sûr très forte. Musicalement, c’est aussi très dense, avec des ambiances parfois proches du gothique de The Cure. Et je me mets maintenant à réécouter le chef d’oeuvre qu’est Disintegration.

un palmier au dessus des immeubles

Ici, Azabu Jūban. C’est le seul nom de lieu à Tokyo que je prononce exprès à la française pour énerver tout le monde à la maison. Je ne suis pas le seul à prononcer ce nom de lieu de cette manière, volontairement ou pas, mais je ne sais pas d’où vient cette image française, que je vois plutôt, en général, associée aux quartiers d’Ichigaya et Kagurazaka, où se trouve l’Institut Français (et anciennement le Lycée Français). C’est peut-être dû à la relative proximité de l’Ambassade de France. Au croisement Ichinohashi, un nouvel immeuble a fait son apparition depuis déjà plusieurs mois. Les plaquettes recouvrant la façade nous font tout de suite penser à Kengo Kuma, et il s’agit bien entendu de Kengo Kuma. J’aime beaucoup son architecture (et je vais encore en parler bientôt) mais je commence à me dire qu’il vient standardiser l’image de Tokyo vu la quantité de bâtiments qu’il conçoit. Je suis loin de critiquer car nombre de ses créations architecturales sont tout à fait originales. Le pilier, au milieu du grand croisement à quelques mètres de là, m’attire à chaque fois. Son aspect massif et son emplacement m’impressionnent toujours au point où j’ai à chaque fois envie de le prendre en photo, quitte à ennuyer les visiteurs. La troisième photographie montre l’étrange temple bouddhiste Reiyūkai Shakaden aux formes noires futuristes. Le sanctuaire Nishikubo Hachiman Jinja (西久保八幡神社) situé sur une petite colline juste à côté a été complètement refait. Il faut dire que le quartier limitrophe d’Azabudai est en plein redéveloppement par Mori Building. Un immense espace derrière Reiyūkai a été complètement rasé et de nouvelles tours ont fait leur apparition. Mori fait malheureusement beaucoup en terme de standardisation urbaine. Le petit moment de poésie sur ce billet intervient sur la quatrième photographie, en la présence d’un petit palmier posé tout en haut d’un immeuble. Il semble appeler l’été de ses voeux. Il faut lever les yeux vers le ciel pour le voir. Apprécier l’architecture oblige à regarder vers le ciel. Je continue encore un peu ma marche en direction de la Tour de Tokyo que je montrais précédemment.

Outre les albums de Tricot que je découvre petit à petit et qui m’accompagnent quasiment tous les jours depuis plusieurs semaines, j’alterne avec d’autres musiques qui ont attiré mon attention ces derniers temps. Ce sont souvent des artistes que je suis depuis plus ou moins longtemps et qui sortent de nouveaux morceaux. Ce n’est pas systématique mais j’aime en général beaucoup les nouvelles compositions de Vaundy, ici avec son nouveau morceau Koikaze ni Nosete (恋風邪にのせて) sorti le 7 Mars 2022. Il s’agit du morceau thème d’une émission de télé-réalité sur Abema TV intitulée Kare to ōkami-chan ni ha Damasarenai (彼とオオカミちゃんには騙されない). A vrai dire peu importe. Je pense que Vaundy a un véritable don pour la composition musicale car ses morceaux sont presque immédiatement accrocheurs tout en maintenant cette accroche après de multiples écoutes. Je ne suis en général pas attiré par la pop pure, mais la musique de Vaundy m’attire pratiquement à chaque fois. Sa voix joue pour beaucoup, car on y ressent une passion certaine. Après le très bon morceau intitulé Walpurgis qu’il a écrit pour Aimer, je me dis qu’il devrait par exemple aussi composer pour Milet. Elle a une voix très puissante et particulière mais je n’ai pour l’instant pas entendu de morceau intéressant.

Après avoir écouté quelques morceaux de son nouvel album, je continue maintenant en piochant des morceaux de l’album précédent de Mondo Grosso, aka Shinichi Osawa (大沢伸一), celui intitulé Reborn Again and Always Starting New (何度でも新しく生まれる). Je connais déjà le superbe morceau Labyrinth (ラビリンス) avec Hikari Mitsushima (満島ひかり) au chant, et je découvre maintenant Wakusei Tantra (惑星タントラ) avec Asuka Saito (齋藤飛鳥) de Nogizaka46. Asuka Saito chantait déjà sur le morceau d’inspiration shoegazing STRANGER, sur le dernier album de Mondo Grosso. Sur ce morceau Wakusei Tantra (ou Planet Tantra), elle a une manière similaire de chanter, plutôt neutre et sans fioritures. Cette manière de chanter dans un flot continu est vraiment intéressante. La musique de Shinichi Osawa est très délicate et accompagne bien cette voix, la contrebalance même. Asuka Saito devrait s’échapper de Nogizaka46 pour venir chanter dans ce genre de projets. Tout comme pour Hikari Mitsushima, Shinichi Osawa semble être fidèle aux chanteuses qu’il fait intervenir sur ces albums, donc on peut présager d’autres morceaux à l’avenir. Il faut que je tente maintenant d’écouter un peu plus ces deux albums de Mondo Grosso.

On change encore complètement de style avec Minakekke. Depuis son EP Oblivion de 2019, j’avais un peu perdu de vue ses compositions, mais elle n’a pas sorti de nouvel EP ou album depuis celui de 2019. Son nouveau morceau Memorabilia, sorti le 15 Mars 2022, ne dépareille pas vraiment du style du EP Oblivion. La voix de Minakekke est chargée d’émotion, presque tremblotante, et il en ressort quelque chose de très beau. Alors que le début du morceau est plutôt minimaliste avec une guitare acoustique et un son unique de percussion, mettant l’accent sur le chant de Minakekke, l’accompagnement musical s’étoffe petit à petit. La deuxième partie de Memorabilia fait intervenir le bruit assourdissant des guitares de style shoegazing, sans pour autant altérer sa voix. Je me demande si ce n’est qu’au Japon que l’influence shoegazing est encore si présente. Je ne vais pas me plaindre car j’adore ces sonorités bruitistes.

Le dernier morceau part encore dans une direction complètement différente. Il s’agit de Sakura Burst du groupe Cö Shu Nie. Ce groupe, son nom du moins, m’intrigue depuis longtemps mais je n’avais jamais vraiment essayé d’écouter attentivement leur musique. Il se trouve que la chanteuse de Cö Shu Nie, Miku Nakamura (中村未来), est une amie de longue date d’Ikkyu Nakajima et cette dernière l’avait invité sur l’émission de J-Wave Wow Music pour justement présenter ce nouveau single Sakura Burst. Il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour aller écouter ce morceau attentivement et l’apprécier. Sakura Burst est le thème final d’un anime télévisé intitulé Code Geass: Lelouch of the Rebellion (コードギアス 反逆のルルーシュ) dont je n’ai jamais entendu parlé. A vrai dire peu importe (2). Le style est upbeat, contrastant complètement avec le morceau que j’évoquais juste avant. Musicalement, c’est très fouillé, voire symphonique, et la voix de Miku Nakamura va chercher très haut dans les aigus. Je trouve que ce morceau correspond bien à l’archétype des morceaux utilisés pour des films d’animation, mais celui-ci me plaît beaucoup.

C’est assez inattendu de voir Sheena Ringo sortir un nouveau morceau en solo, et j’espère que ça n’annonce pas une nouvelle pause de Tokyo Jihen. Après le dernier single Futsū ha (ふつうとは) de Tokyo Jihen, il s’agit encore d’un thème musical pour une émission de la NHK adressée au jeune public. Le nouveau morceau intitulé Ito wo Kashi (いとをかし) sera le thème final de l’anime Ojarumaru (おじゃる丸) sur NHK E Tele (Eテレ). Ce thème sera diffusé à partir du 4 Avril donc j’imagine que le morceau entier sera disponible à ce moment là. Cet anime existe depuis très longtemps, apparemment depuis 1998 ce qui correspond au début de la carrière de Sheena Ringo. La photo promotionnelle ci-dessus semble avoir été prise en même temps que celle accompagnant le single précédent de Tokyo Jihen qui est également la photographie de nouvelle année du groupe. Je ne sais pas trop à quoi on peut s’attendre pour ce dernier morceau, mais j’ai un peu peur qu’il soit trop consensuel. Le fait que ça soit le thème final plutôt que le thème d’ouverture permettra peut-être un peu plus de liberté, mais j’avoue avoir assez peu d’attente.

新宿から中目黒へ

Les photographies de ce billet mélangent Shinjuku et Naka Meguro. On reconnaît Shinjuku sur les trois premières photographies. Sur la première photo, j’aime prendre la sortie Sud de la gare de Shinjuku pour l’affiche publicitaire géante du Department Store Lumine et ses messages parfois mystérieux. Cette fois-ci, on y voit la jeune actrice de 19 ans originaire de Fukuoka, Hinako Kikuchi, accompagnée du message: « 泣いたのは、わたし。泣き止んだのも、わたし。 » qui veut dire « C’est moi qui ai pleuré. C’est moi qui ai arrêté de pleurer ». Je ne connais pas la raison exacte de l’utilisation de ces phrases dans ce message publicitaire mais le caractère émotionnel me rappelle le mot Emoi (エモい) beaucoup utilisé par la jeunesse japonaise ces derniers temps. En fait, cette photographie et la vidéo qui l’accompagne entendent représenter la force de vaincre ses propres faiblesses et ses peurs à travers des gestes simples de la vie quotidienne, comme par exemple manger des ramens. Autrement dit, l’image est d’encourager à prendre conscience de sa propre personnalité à travers des choses simples, sans exagération. Il s’agit apparemment du message publicitaire de Lumine à travers cette campagne Hiver 2021. La photographie suivante est prise devant le magasin d’électronique Yodobashi Camera au niveau de la sortie Est de la station de Shinjuku. Les panneaux lumineux d’une autre époque sont populaires auprès des photographes sur Instagram qui répètent d’ailleurs à peu près tous la même photo, surtout après la pluie quand les lumières des panneaux lumineux se reflètent dans les flaques d’eau. Il y a un autre spot connu des photographes sur Instagram pas très loin, une entrée de métro qu’il faut prendre de nuit pour que les lumières se détachent bien du reste. je suis passé volontairement devant cette devanture du Yodobashi Camera car j’avais oublié à quoi elle ressemblait et je me suis demandé si les photos que j’avais vu sur Instagram n’exagéraient pas un peu l’aspect dramatique du lieu. En y regardant de plus près, c’est vrai que cette devanture est très photogénique. Sur la troisième photographie du billet, je reviens encore une fois volontairement vers l’Oeil de Shinjuku (新宿の目) de Yoshiko Miyashita. Je ne suis pas sûr d’être passé le voir depuis son apparition dans la vidéo de Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚 – Gate of Living) de Sheena Ringo. Dans la vidéo, cet oeil agissait comme une sorte de passage emprunté par le personnage ailé de Sheena Ringo. Enfin, c’est l’impression qu’on pouvait avoir avec une bonne dose d’imagination. Il y a en tout cas un caractère très énigmatique à cet art de rue et on lui imaginerait facilement des vertus magiques. Les quatre photographies suivent sont prises depuis la station de Naka-Meguro en remontant la pente en direction de Kami-Meguro. Des petites choses attirent parfois mon regard comme cette multitude de petites figurines de Peko chan accrochées derrière la vitre d’une maison, mais je recherche toujours l’architecture. Celle en béton brut aux ouvertures de tailles aléatoires sur la dernière photographie m’attire beaucoup, notamment dans la manière où la plante grimpante parvient à y trouver matière pour y vivre. L’association entre le béton brut et la nature envahissante prend parfois des airs poétiques.

Je pense que je vais bientôt supprimer, ou du moins enlever de mes liens, la page Tumblr Daydream Number 5 que j’avais créé avec des liens vers des vidéos YouTube, tout simplement parce que je ne l’ai pas mis à jour depuis très longtemps. Je préfère maintenant créer une playlist publique directement sur YouTube avec une sélection de morceaux que j’aime. Cette playlist YouTube sobrement intitulée pour l’instant « made in tokyo playlist » est loin d’être exhaustive. Elle comprend quelques morceaux que j’aime beaucoup de divers artistes ou groupes. J’essaie de ne pas mettre trop de morceaux du même groupe ou artiste et j’essaie également dans la mesure du possible de ne mettre que des vidéos provenant de comptes officiels. Il doit également y avoir une vidéo plutôt qu’une image fixe accompagnant la musique. Parmi la soixantaine de morceaux de cette playlist, il y en a trois dont je n’ai pas encore parlé ici. Il y a un nouveau morceau de Vaundy intitulé Naki Jizō (泣き地蔵) à l’approche très pop-rock qui ressemblerait presque à du [Alexandros] à un moment particulier. Le morceau est court mais très dense et accrocheur. Je parle régulièrement de Vaundy ici car il me redonne envie d’écouter de la pop. L’image ci-dessus est tirée de la vidéo. J’écoute également le très beau morceau de Kiki Vivi Lily intitulé New Day. Je l’ai découvert à la radio dans l’émission du dimanche après-midi de J-Wave en conduisant. La partition musicale est très belle, très accentuée en basse. C’est un morceau qui pousse à la tranquillité ce qui m’avait bien convenu lorsque je l’ai entendu pour la première fois ce dimanche là. Cette émission de radio me faisait également découvrir un morceau plus rock aux allures indé de Kūhaku Gokko (空白ごっこ) intitulé Playbutton. Les guitares du début et la voix de la chanteuse me rappellent tout de suite le style mélancolique de Kinoko Teikoku (きのこ帝国) à leurs débuts. Le morceau n’est pas aussi puissant émotionnellement que ce que peut jouer Kinoko Teikoku, mais il est tout de même très beau. Dans ma playlist YouTube, je mets d’ailleurs volontiers le morceau Umi to Hanataba (海と花束) de Kinoko Teikoku qui est vraiment très beau. Construire cette playlist me rappelle vers certains EPs ou albums que j’avais évoqué sur ce blog il y à longtemps mais que je n’avais pas écouté depuis de nombreux mois ou années: c’est le cas du sublime morceau Luminous de MINAKEKKE ou le morceau que je préfère de Seiko Ōmori, Tokyo Black Hole. Je me remets d’ailleurs à beaucoup écouter cet album Tokyo Black Hole de Seiko Ōmori (大森靖子) lors de mes promenades urbaines. Je suis surpris moi-même d’avoir envie de réécouter encore et encore cet album mais je le redécouvre maintenant. Le morceau Tokyo Black Hole m’avait d’ailleurs inspirer le titre d’un billet récent Tokiga Kita Ima (時が来た今).

cold wind blowing

Les images de Nishi Shinjuku que je vois dans la vidéo du morceau Golden Blue de MINAKEKKE me rappelle qu’il faut que je retourne dans ce quartier presque vide le week-end pour aller prendre quelques uns de ses immeubles emblématiques en photographies. Ces photographies datent du week-end dernier juste après le typhon numéro 19. Les vents du typhon ont nettoyé le ciel de tous ses nuages, ne laissant derrière eux que les tours inébranlables. Mon parcours passe bien sûr devant les formes rondes de Mode Gakuen Cocoon Tower par Tange Associates (fondé par Kenzo Tange) puis ensuite vers les pentes douces de l’immeuble Sompo Japan par l’architecte Yoshikazu Uchida. Je continue ensuite ma route vers la mairie de Tokyo mais je n’en montrerais pas de photos cette fois-ci. En fait, plus que des photographies, ce sont des images modifiées que je montre ici, des espaces urbains effacés par les lumières de néons du centre de Shinjuku. La musique que j’écoute ces derniers jours me fait revenir vers ces compositions d’images. Quand je pense à Nishi Shinjuku, il me revient d’abord en tête une photographie des tours la nuit, que j’avais pris en avril 2006. J’aime l’ambiance bleutée de cette photographie et sa composition. Je la garde en tête comme une référence. Nishi Shinjuku me rappelle aussi l’histoire de Kei que j’avais commencé à écrire en trois épisodes mais que j’ai un peu de mal à continuer à écrire. J’attends le moment propice et l’inspiration pour reprendre le crayon (pour ce texte en particulier, j’écris d’abord sur mon carnet et retranscris ensuite sur le blog).

Il y a beaucoup de délicatesse et de subtilité dans la musique de Noah, compositrice et interprète venant d’Hokkaido mais installée à Tokyo depuis trois ans. Elle nous dit que son dernier album intitulé Thirty (c’est l’âge auquel elle a écrit ces morceaux) lui a été inspiré par cette ville de Tokyo, mais je ne peux m’empêcher d’y ressentir des images d’Hokkaido. C’est certainement un peu cliché de le dire, mais cette musique électronique me fait penser à des flacons de neige d’Hokkaido venant se poser doucement et délicatement sur les néons tokyoïtes. Cette idée de contraste me plait assez donc je ne réfute pas cette interprétation. La voix vaporeuse et à peine déchiffrable de Noah ajoute à cette ambiance mystique, comme un nuage de brume. Mais on ressent aussi assez clairement l’ambiance de cette ville, plutôt tard dans la nuit quand la foule a disparu et que les contours de la ville se font plus flous. Les morceaux s’enchaînent naturellement dans une grande unité de style ponctuée par deux morceaux phares, le deuxième intitulé 像自己 (Xiàng zìjǐ) et le cinquième intitulé メルティン・ブルー. Le sixième morceau 愛天使占 plus sombre et à la dynamique plus marquée est également remarquable. Le dernier morceau est une version alternative du deuxième morceau reprenant cette dynamique et je trouve qu’il fonctionne très bien. L’album demande plusieurs écoutes pour rentrer pleinement dans cet univers, mais c’est très agréable d’y faire un tour pour ce perdre dans ces sons.

obscure et lumineux

Les carpes de l’étang du temple de Hase à Kamakura sont comme des points lumineux dans une mer obscure. Plutôt que de les montrer tels qu’ils sont, je préfère accentuer les couleurs car le rouge leur va si bien. Les carpes koi attirent assez naturellement l’oeil du photographe alors j’hésite toujours un peu à répéter des photographies déjà faites. En prenant ces photographies, je me dis que je les utiliserais peut être dans des compositions photographiques comme je l’avais fait l’année dernière avec les méduses survolant Tokyo. Ces méduses dans le ciel étaient nées de l’inspiration musicale de l’album Kyokutou Ian Shouka de Jun Togawa que j’ecoutais à ce moment-là. Les images sombres de carpes lumineuses me sont inspirées par la musique qui va suivre.

Extraits des vidéos sur YouTube des morceaux Luminous et Golden Blue de MINAKEKKE ミーナケッケ sur son EP Oblivion sorti le 25 septembre 2019.

C’est une très très belle découverte, le nouveau EP Oblivion de la compositrice et interprète japonaise MINAKEKKE ミーナケッケ, de son vrai nom Minako Yui, sorti il y a un peu plus d’un semaine. À vrai dire, je suis subjugué par l’ambiance de ce EP de cinq titres, au point de me dire qu’il est beaucoup trop court et qu’on aurait envie d’en écouter beaucoup plus. Je parle beaucoup de tension émotionnelle dans les albums que j’aime, car j’aime quand la musique que l’on écoute laisse un impact. Elle chante comme une complainte, avec par moment des tremblements dans la voix. Mais sa voix semblant nonchalante est très puissante et transperce les guitares mélangées aux sonorités électroniques. Les morceaux sont assez complexes comme le premier, Luminous, où un encart fait de larsens et de sons de guitares qui me rappellent un peu Sonic Youth, vient découper soudainement le morceau. Il y a beaucoup d’inventivités dans les morceaux et Minakekke, comme ce sample de voix découpées et répétitives dès le début de Luminous. Mais, je ressens quelques influences. Le tout début de Acid me fait un peu penser à Stem sur KSK. Il y a quelque chose dans la noirceur lente de l’instrument à corde qui me rappelle l’ambiance de ce morceau de Sheena Ringo. Ensuite, Minakekke part vers d’autres horizons. Il y a une ambiance très cinématographique dans cette musique et c’est d’ailleurs une de ces influences comme elle l’indique dans une interview. Tous les morceaux sont excellents mais Golden Blue est peut être le plus puissant. Bien sûr, il faut se faire à cette voix qui chante avec une certaine latence à la limite du faux ton. Mais, c’est la proximité de cette ligne qui est magnifique. La musique accompagnant ce morceau est très riche ponctuée par une partie de guitare amenant le morceau vers d’autres cimes. L’ensemble des morceaux est assez sombre dans l’ensemble, comme souvent dans la musique que j’écoute vous allez dire, mais les pointes lumineuses sont nombreuses, comme les notes de guitares cristallines de la deuxième partie du dernier morceau Oblivion.