Avec tous ces cerisiers en fleurs qui ont accaparé toute mon attention pour un certain nombre de mes précédents billets, j’allais presque oublier que nous avons également fait quelques semaines auparavant une visite de la vallée de Yōrō (養老渓谷) à Ōtaki (大多喜町) dans la préfecture de Chiba. Cette vallée se trouve quelque part perdue au centre de la péninsule de Bōsō (房総半島). On y trouve de nombreuses cascades dont celle d’Awamata (粟又の滝) qui est la plus réputée des lieux et qui était un des objectifs de notre visite. Cette cascade d’une hauteur et largeur d’environ 30m pour une longueur de 100m se trouve sur le cours principal de la rivière Yōrō (養老川), qui forme la vallée du même nom. On peut descendre au pied de la cascade donnant sur un petit bassin, puis ensuite grimper le long de la rivière pour la remonter. Le découpage des roches est remarquable à cet endroit. On serait tenté de se lancer depuis le haut de la cascade pour glisser comme sur un toboggan jusqu’en bas dans le bassin. Malgré l’angle de pente relativement faible de la cascade, le courant a l’air tout de même très fort et je me ravise donc très rapidement de cette idée saugrenue.
La deuxième étape de notre visite de la vallée de Yōrō est très particulière car il s’agit d’un double tunnel tout à fait étonnant. Le tunnel Mukaiyama a d’abord été creusé dans les années 1940, puis un deuxième tunnel plus récent nommé Kyōei a ensuite été creusé en dessous dans les années 1970. On aperçoit la sortie de l’ancien tunnel Mukaiyama au dessus du nouveau tunnel Kyōei, ce qui donne cette impression unique en son genre de double tunnel. On ne peut bien sûr plus accéder à l’ancien tunnel mais on peut par contre traverser le tunnel récent qui s’ouvre ensuite sur un pont du même nom, le pont Kyōei (共栄橋). Juste avant se pont, on trouve un hôtel nommé Kawanoya (川の家) perché en hauteur par rapport à la rivière Yōrō. Il semble être en service. On peut légitimement se poser la question car ce lieu qui n’est pourtant pas très reculé, est tout de même assez éloigné des circuits touristiques classiques. Nombreux sont les commerces qui ont dû connaître leurs heures de gloire il y plusieurs dizaines d’années, et qui sont désormais fermés et laissés à l’abandon. C’est malheureusement une des facettes du Japon des campagnes. En traversant le pont Kyōei, on aurait voulu longer un peu la rivière Yōrō car les rives sont très boisées. Le chemin est malheureusement fermé. On se dit qu’on peut quand même marcher quelques mètres pour voir jusqu’où on peut aller. Des branchages coupent parfois le chemin, certainement suite à une tempête récente, mais rien ne nous empêche vraiment d’avancer. Des blocs de ciment nous permettent ensuite de traverser la rivière. En remontant ensuite le talus, nous nous trouvons en face d’une très belle vue d’un croisement de rivières. Il aurait vraiment été dommage de ne pas voir ce paysage que je montre sur la septième photographie du billet. Je lirais ensuite que cet endroit s’appelle Kōbundō-ato (弘文洞跡). Il s’agit en fait de vestiges d’un ancien tunnel qui a été construit au début de la période Meiji pour détourner la rivière Yuki, un affluent de la rivière Yōrō. Ce tunnel a été construit comme un court-circuit dans un des coudes de la rivière, dans le but de développer des terres arables. Le 24 mai 1979 au petit matin, la partie supérieure du tunnel s’est soudainement effondrée, ce qui a créé le paysage actuel que nous avons devant les yeux. Cette découverte hasardeuse était bienvenue. Il est ensuite difficile de continuer notre chemin et nous décidons finalement de faire demi-tour. Le nom particulier de cet endroit appelé Kōbundō-ato vient du fait que ce tunnel a été creusé entre deux sanctuaires qui sont tous les deux liés à l’empereur Kobun.
Nous avions récupéré une carte de la vallée dans le centre d’information au centre de la vallée. La carte nous indique un autre lieu que j’étais très curieux de voir, la cascade de Nōmizo (濃溝の滝) et la grotte de Kameiwa (亀岩の洞窟). La carte n’étant bizarrement pas à l’échelle, on nous laisse croire qu’il faut seulement cinq minutes en voiture pour s’y rendre, mais il nous a fallu plus d’une demi-heure. Cette cascade se trouve dans le parc naturel de Shimizu à Kimitsu. Cet endroit que je montre sur l’avant-dernière photographie est devenu soudainement célèbre en raison de l’influence de quelques Instagrammeurs ayant pris cet endroit en photographie au bon moment sous la lumière du matin. La folie Instagram qui s’est apparemment déclenchée à cet endroit depuis 2015 est visiblement un peu tombé car on n’y trouvait heureusement pas une foule de photographes. Cet endroit n’est en fait pas complètement naturel car il s’agit également d’un tunnel creusé dans les années 1960 pour détourner une rivière faisant des lacets afin d’irriguer des rizières. L’endroit n’en demeure pas moins magnifique et a un petit côté magique que certains rapprochent du monde de Ghibli. Beaucoup de lieux peuvent nous ramener vers cet univers là qu’on souhaite inconsciemment toucher du doigt. Si on regarde bien la photographie de la grotte et de la cascade, on aperçoit dans le fond derrière les branches une oreille de Totoro. Il nous observait pendant tout ce temps à peine caché derrière les branchages, mais nous ne l’avons pas remarqué.