海のように暖かくて寒い

Après avoir participé à une opération groupée de nettoyage des plages de la baie de Tokyo à Odaiba, je me décide à rentrer à pieds en traversant une nouvelle fois le Rainbow Bridge. Je garde un bon souvenir de ma première traversée par la voie Sud côté Océan Pacifique. Je me décide cette fois-ci pour la voie Nord donnant une vue sur l’intérieur de la baie et sur les tours de Tokyo au loin. Le ciel était plus couvert et l’air plus humide que la dernière fois mais les conditions restaient suffisamment agréables pour marcher pendant longtemps. J’aime cette perspective d’avoir à marcher longtemps et le sentiment d’isolation temporaire que provoque la longue traversée du pont, comme si on entrait dans un espace parallèle coupé du monde pendant plusieurs dizaines de minutes. Il y a peu de personnes qui traversent le pont à pieds et j’espère que ce billet ne va pas lancer une nouvelle mode. J’en doute fortement, ceci étant dit. Il est certain que ce pont me fascine, pour ces formes courbes, pour ces voies piétonnes qui se détachent des voies routières lorsqu’on approche d’Odaiba, pour la superposition des routes, autoroute et voie de train de la ligne Yurikamome. Les voies piétonnes ne longent malheureusement pas la grande boucle routière, impressionnante lorsqu’on y circule en voiture. J’appréciais particulièrement la parcourir à moto il y a plus de 15 ans et je faisais parfois même volontairement le déplacement.

En traversant le pont, j’ai également eu le plaisir d’apercevoir le bateau Hotaruna, dessiné par Leiji Matsumoto. Avec Himiko, Hotaruna est un des deux bateaux de la flotte reliant Asakusa à Odaiba sur la rivière Sumida. La sixième photographie montre la tour Yokoso Rainbow Tower à la forme triangulaire très particulière et même emblématique. Comme je le mentionnais sur mon compte Instagram, j’ai toujours interprété le nom du building Yokoso, qui veut dire bienvenue, comme un message d’accueil dans le centre de Tokyo. Lorsque je suis arrivé pour la première à Tokyo en 1999 depuis l’aéroport de Narita, qui était le seul desservant les vols internationaux à l’époque, ce building a été le premier souvenir architectural remarquable que j’ai eu. JapanPropertyCentral m’indique que Yokoso est en fait une contraction de Yokohama Soko, mais j’aime à penser que l’utilisation de Yokoso est volontaire vu l’emplacement du building à l’entrée du centre de Tokyo. Une contraction en Yokosoko m’aurait paru plus naturelle en japonais. Comme le fait également remarquer WakameTamago, on peut remarquer une certaine influence de la bulle économique dans ce building. Bien qu’il a été construit en 1995, après l’éclatement de la bulle, on ressent tout de même une certaine extravagance dans cette forme triangulaire très inhabituelle ne prenant pas en compte les considérations actuelles d’optimisation de l’espace utilisable. En ce sens, on y ressent des restes de la bulle.

Depuis quelques semaines, je reprends plaisir à marcher à l’extérieur sans porter de masque bien que la plupart des gens continuent à le porter malgré les messages d’assouplissement donnés par le gouvernement. Je le remets bien sûr à l’intérieur et lorsque la foule se fait plus dense près des stations. Un des grands plaisirs de pouvoi enlever le masque à l’extérieur est de retrouver les odeurs de la rue, celles de l’encens lorsqu’on approche des temples, celles des arbres et des plantes bordant certaines rues, celles des parfums lorsqu’on croise en un coup de vent d’autres passants, celles du bain chaud lorsqu’on passe le soir devant certaines maisons ayant laissées une fenêtre entrouverte, celles de la cigarette d’un passant qu’on renifle en passant comme si on fumait soi-même, celle du charbon de bois chauffé dans un barbecue coréen. Pendant presque deux ans, on s’était privé d’un de nos sens.

Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) a souvent des idées originales à proposer à son groupe Tricot. La dernière idée en date était de diffuser une émission en direct sur YouTube pendant 24h non-stop. L’émission s’est déroulée du samedi 28 Mai à partir de 21h jusqu’au lendemain dimanche 29 Mai même heure. Je n’ai bien sûr pas pu tout regarder, mais j’ai quand même passé quelques heures en tout à regarder le groupe jouer des morceaux demandées par l’assistance, en provenance du monde entier si on en croit les commentaires. Il y avait également des invités comme Kentarō Nakao (中尾 憲太郎), bassiste du groupe Number Girl et producteur. Ikkyu l’avait en fait déjà invité dans l’émission Wow Music sur J-Wave qu’elle animait temporairement. Pendant cette interview, j’apprends notamment que Montifour Kida (キダ モティフォ) appréciait Sheena Ringo à ses débuts et le fait que Sheena était fan de Number Girl (elle allait les voir en concert à Fukuoka) a amené Montifour à également s’intéresser au groupe. Pendant l’émission YouTube, les spectateurs pouvaient faire des dons en utilisant la fonctionnalité Super Chat (スパチャ) de YouTube pour que leurs messages soient lus en direct pendant l’émission. Les dons s’additionnant, un nouveau morceau était interprété à chaque fois que les sommes accumulées dépassaient 30,000 Yens. A 300,000 Yens au compteur, le groupe devait créer en direct un nouveau morceau. Ce montant a été atteint dans le journée de dimanche et le groupe s’est donc mis au travail pendant environ deux heures pour créer un nouveau morceau qui apparaîtra certainement en bonus sur un futur single ou EP. Une des surprises de l’émission était de voir soudainement arriver une personne en costume de l’agence HoriPro venant proposer un contrat à Tricot. Avex diffuse les albums de Tricot depuis le quatrième album Makkuro (真っ黒), mais il s’avère que le groupe n’avait pas d’agent jusqu’à maintenant. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un canular mais c’était vraiment un agent de HoriPro venant proposer en direct au groupe un contrat de 100 millions de Yens. HoriPro est surtout connu pour être une agence pour talents, acteurs et actrices mais moins pour des groupes de rock. J’espère que cette décision ne va pas influencer la direction artistique du groupe, mais si cela peut donner un peu plus de présence télévisée, ça serait une très bonne chose. La présence d’Ikkyu dans le super-groupe Genie High du producteur renommé Anon Kawatani a certainement été déclencheur de cette décision. J’imagine que cette décision avait déjà été prise avant l’émission et que le groupe a mis en scène la surprise de la visite de l’agent de HoriPro. Ils savent en tout cas très bien jouer la comédie. Avec une vingtaine de morceaux joués pendant l’émission YouTube et ce genre de coup de théâtre, je ne me suis pas ennuyé. Les quelques captures d’écran ci-dessus ont été prises pendant l’émission qui n’est malheureusement pas visible en différé.

obscure, la force est noire …

… noir comme le château où flotte l’étendard, notre drapeau. Ce building couvert de plaques de métal noir à Jinbōchō (神田神保町) me fascine tout comme le building Yasuyo Building de Nobumichi Akashi à Shinjuku. Il s’agit du Jimbocho Theater conçu par Nikken Sekkei, utilisé comme salle de spectacle Manzai par l’agence de comédiens Yoshimoto Kogyo. On y trouve également une école de comédie aux derniers étages et une salle de cinéma au sous-sol opérée par la maison d’édition Shogakukan. J’ai toujours trouvé étrange d’avoir choisi un design aussi agressif pour une agence de comédie. J’aurais pu comprendre si l’humour qu’on y pratiquait était incisif, mais ce n’est pas vraiment le cas de Yoshimoto, à ma connaissance. Le building n’a pas changé depuis la première fois que je l’ai vu en 2007, mais je m’attendais à voir certaines plaques noires repeintes en orange éclatant. Je suis en fait revenu voir Jimbocho Theater pour voir ce mélange de couleurs mais la couleur orange avait déjà disparu. Peut-être que cette touche de couleur était une tentative d’adoucir l’aspect visuellement inhospitalier du lieu. Ce building fait vraiment figure d’anomalie dans le quartier des librairies plutôt composé de vieux immeubles. Il ressemble à un objet spatial non-identifié qui aurait soudainement atterri dans le quartier. On me souffle même sur Instagram qu’il ressemble au casque de Dark Vador, mais qui clignerait de l’oeil comme pour nous signifier qu’il a bien conscience de ne pas être à sa place ici mais prend un malin plaisir à être disruptif. Le quartier de Jinbōchō était autrefois le domaine du samouraï Nagaharu Jinbō, le design de ce building est peut-être inspiré par les formes d’un casque de samouraï, en version modernisée. Ces formes aiguës défensives me font en tout cas penser à un château noir, une version moderne de ceux de la période guerrière de Sengoku. Juste à côté du Jimbocho Theater, je ne manque pas d’aller faire un petit tour dans la librairie spécialisée en architecture Nanyodo. Une grande quantité de livres y est condensée sur deux étages. Quelques ouvrages me font bien envie mais on n’a plus beaucoup de place à la maison pour de nouveaux livres. Notre petite bibliothèque, un meuble au style chinois acheté dans une brocante il y a très longtemps, est plein à craquer et j’ai peur qu’il s’affaisse un jour où l’autre sous le poids des livres. Le dernier gros bouquin que j’ai acheté est le recueil de photographies de Mika Ninagawa et il se trouve toujours en apparence sur la table basse du salon. J’ai une attirance pour les gros livres, comme ceux du making of des trois premiers Star Wars posés en apparence dans un coin du salon, mais c’est maintenant devenu difficile d’en ajouter un discrètement sans attirer l’attention.

De passage à Jinbōchō, je visite à chaque fois la librairie Komiyama Tokyo, qui vend des livres d’occasion mais ressemble également beaucoup à une galerie d’art avec quelques artistes montrant leurs œuvres un peu partout dans la librairie. J’aime surtout la désorganisation générale du magasin, qui donne l’impression qu’on pourra y trouver des trésors cachés. Les trésors peuvent être parfois très onéreux. Les quatre étages de la librairie sont spécialisés en photographies artistiques, parfois à tendance érotique, mais aussi en illustrations d’artistes japonais actuels comme cette illustration d’Akiakane (秋赤音) que je montre ci-dessus. Les affiches vintage de Star Wars côtoient celles de Tadanori Yokoo ou de la marque de street wear Supreme. J’aurais bien acheté celle avec Kate Moss, mais ça aurait difficilement passé à la maison. Et puis, l’affiche était de toute façon hors de prix. Je comprends un peu mieux pourquoi elles sont vite subtilisées quand elles sont affichées dans les rues de Tokyo. J’avais vu celle de Kate Moss près d’Harajuku il y a tout juste dix ans. On y trouvait également en vente l’affiche Supreme avec Neil Young. Mais de Suprême, je préfère NTM dont je réécoute soudainement l’album Paris sous les bombes (de graffitis, précisons bien). Je ne l’avais pas réécouté depuis plus de 25 ans, et j’avais un peu oublié la violence de certaines paroles. Mais quelle puissance verbale quand même. Dans la librairie Komiyama Tokyo, je suis surpris de voir des illustrations de COOKIE (くっきー!). Je le connaissais comme comédien de l’absurde (chez Yoshimoto Kogyo, d’ailleurs), et en musicien dans le groupe Genie High avec Enon Kawatani et Ikkyu Nakajima (entre autres), mais pas comme artiste graphique. Je ne suis pas sûr qu’il excelle dans tous ces domaines, mais tout n’est pas si facile. Tout ne tient qu’à un fil.

stairs and mesh buildings

L’objectif de mon passage à Ikebukuro était de voir l’hotel Siro conçu par Mount Fuji Architects Studio. Je l’ai déjà montré il y a quelques semaines sur mon compte Instagram et ça doit être la photo la plus aimée jusqu’à maintenant (on reste ceci étant dit dans des proportions tout à fait modestes). La particularité de cet étroit building tout en longueur encastré dans le centre d’Ikebukuro est bien entendu ses escaliers extérieurs prenant différentes formes. L’effet visuel est assez étonnant. Il s’agit d’un petit hôtel avec des intérieurs au design sobre et épuré, qui viennent contraster avec le fouillis visuel du quartier. Je ne viens pas assez souvent à Ikebukuro mais je me rattrape ces derniers temps, depuis que j’ai visité plusieurs fois le quartier limitrophe de Zoshigaya. Je me décide ensuite à marcher depuis Ikebukuro jusqu’au centre de Shinjuku en suivant l’avenue Meiji, mais je bifurque rapidement car je me laisse souvent distraire en route par d’autres rues. Au Sud de la gare, on peut difficilement manquer le building DaiyaGate Ikebukuro (ダイヤゲート池袋) couvert d’un réseau de barres métalliques obliques. Les énormes piliers de béton le soutenant sont également obliques. Il est posé sur une immense plateforme ouverte surplombant une partie du quartier. Une place que l’on peut traverser se forme sous le building. Depuis cette plateforme, on doit pouvoir apercevoir l’ancienne école Jiyū Gakuen, conçue en 1954 par Frank Lloyd Wright, qui se trouve également dans ce quartier, mais je ne l’avais pas encore réalisé au moment de ma visite. Un peu plus loin dans l’arrondissement de Toshima, on remarque aussi forcément l’élégant découpage des vitrages d’un immeuble au béton superbe. Il s’agit d’un bâtiment conçu par Tadao Ando. En parcourant les rues jusqu’à Shinjuku en ce tout début de printemps, je suis absorbé par la mélancolie de Morita Dōji 「春は幻」.

Les hasards des liens internet me font découvrir le blog de Stéphane du Mesnildot, écrivain et journaliste (entre autres) couvrant, depuis 7 ans sur son blog intitulé Jours étranges à Tokyo, le cinéma japonais principalement et la musique japonaise entre autres sujets. Son blog est toujours très actif et extrêmement bien documenté. Je pressens donc que je vais venir le consulter régulièrement pour y trouver un peu d’inspiration. C’est en quelque sorte rassurant de voir des blogs encore actifs car on les voit plutôt disparaître petit à petit ou bloqués sur un dernier billet datant d’il y a deux ou trois ans. Une fois qu’on a fait naître un blog, on ne devrait pas le laisser mourir. Parmi les billets de Jours étranges à Tokyo, je découvre celui sur la mystérieuse chanteuse Morita Dōji (森田童子), que l’on voit toujours le visage à moitié caché derrière une longue chevelure bouclée et des lunettes noires. Ce billet me pousse à écouter l’album A boy (ボーイ) composé de neuf morceaux à la mélancolie saisissante et à la beauté romantique sombre, parfois interrompue par la pluie. Cet album est régulièrement cité dans les listes très subjectives évoquant le meilleur de la musique japonaise, et j’avais déjà tenté d’entrer dans cet univers musical il y a quelques années. Mais ce n’était pas, à cette époque là, le bon moment. La voix fragile, presque nue, de Morita Dōji m’apporte maintenant un certain apaisement après des semaines difficiles. On peut écouter cet album sur YouTube mais on le trouve également sur iTunes (du moins le japonais). J’aimerais trouver cet album en CD mais, datant de 1977, je pense qu’il ne doit exister qu’en vinyl et je l’imagine bien introuvable. Le site web de Disk Union le liste en fait quand même bien en CD mais il n’y a aucun exemplaire en vente.

one peak

Un nouveau bâtiment pointant vers le ciel comme un pic est en cours de construction devant l’Université Kokugakuin. L’espace tout près du sanctuaire Hikawa, où se trouve ce nouveau bâtiment, s’était transformé en parking pendant plusieurs années. Avant le parking, se trouvait ici l’ancien bâtiment d’une école spécialisée. Le bâtiment actuellement en construction semble être rattaché à l’Université Kokugakuin qui couvre déjà une grande partie des terrains alentours. Le style contraste avec les bâtiments principaux de l’Université composée d’énormes structures brutes et lisses de béton. Malgré cela, il s’agit de la même société d’architecture Nikken Sekkei en responsabilité du développement de cette nouvelle dépendance. Le toit a une courbe vraiment élégante et délicate avec ces fines couches de bois. Cette toiture et les vitrages sont posés sur une coque de béton brut. J’adore ce contraste des matériaux, surtout que l’intérieur très ouvert maintient cette impression de légèreté de cet ensemble posé sur une base solide.

Pour changer, je continue ma marche en photographies à Ebisu et à Daikanyama. La couverture géographique de mes photographies est assez limitée en ce moment, j’en suis bien conscient mais rappelons tout de même qu’il ne s’agit pas ici d’un blog touristique, mais d’un blog de vie quotidienne ou plutôt de vie hebdomadaire car les photographies sont en général prises seulement pendant les deux jours du week-end. J’avance quand même au delà de Daikanyama en direction de Naka Meguro, en longeant la nouvelle école de musique dont la cour extérieure est parsemée d’arbres encore recouverts d’étranges emballages noirs. Ma marche m’amènera vers le Starbucks dessiné par Kengo Kuma, dont je parlais dans le billet précédent.

Près de la gare, ma marche m’amène à traverser le parc de Ebisu. Il y a quelques jeux pour enfants dont une fusée colorée. On peut monter jusqu’en haut par une petite échelle à l’intérieur et redescendre sur le toboggan faisant le tour de la fusée. Je me souviens y être monté avec Zoa quand il était petit. Nous venions souvent dans ce parc. Il a un peu rétréci et changé, mais cette fusée d’acier reste toujours à sa place. Elle a été repeinte cependant. C’est le symbole du parc. Voir des petits en âge de la maternelle dans ce parc, me rappelle les cris d’enfants que l’on a pu entendre ce mardi après midi vers 16h. J’avais pris une journée de congé ce jour là car nous avions une réunion entre parents, professeur et élève, comme tous les trois mois. J’essaie au maximum d’assister à ces réunions de suivi. Devant chez nous, un immeuble assez vaste a été détruit assez récemment et la zone est en travaux. Comme sur toutes les zones de travaux en ville, il y a un indicateur de bruit en décibels pour confirmer que la pollution sonore due aux travaux n’est pas trop importante. Mari m’avait dit qu’elle entendait régulièrement des enfants crier dans la rue en fin de journée avant 17h. Les cris ne duraient pas très longtemps et étaient mélangés avec des rires, donc pas de quoi s’inquiéter. Ces cris n’étaient pas continuels et provenaient de plusieurs enfants. On a finalement compris la raison de ces cris de tous les jours. Quelques enfants, en sortant de l’école du quartier s’arrêtent systématiquement devant l’indicateur de décibels de la zone de travaux et crient à en perdre la voix. Ils semblent s’être donné pour défit de faire augmenter le chiffre du nombre de décibels indiqué sur le détecteur. Ils prennent la relève dans leurs cris, ils tentent tour à tour plusieurs tonalités, s’y mettent a plusieurs en même temps. Des techniques variées sont utilisées pour tenter d’influer sur ce chiffre magique. S’ils y arrivent, ils pourront certainement aller crier sur tous les toits qu’ils ont pu laisser leur marque pendant quelques petites secondes au moins dans ce monde d’adultes.

Après l’écoute de l’album Tailtale Signs de Sobs, me revient en tête le nom d’un groupe de rock indépendant originaire de Busan en Corée du Sud, sur le même label Damnably que le groupe de rock japonais féminin Otoboke Beaver. Il s’agit du groupe Say Sue Me avec l’album Where we were together. J’avais en tête depuis quelques temps d’écouter cet album sur Bandcamp, mais le bon moment ne s’était pas présenté jusqu’à maintenant. Il faut parfois attendre le bon moment pour apprécier un album. Say Sue Me joue du rock indé aux guitares mélodiques malgré quelques moments plus abrasifs sur certains morceaux. Les morceaux de l’album sont chantés principalement en anglais avec deux morceaux en coréen. Ils véhiculent une certaine nostalgie, comme le suggère notamment le morceau Old Town qui accroche aux oreilles immédiatement. Le morceau nous parle du temps qui passe faisant disparaître petit à petit les amis de leur ville natale, alors que la chanteuse du groupe Sumi Choi est elle contrainte, pour on sait quelle raison, de rester vivre dans cet endroit. La pochette de l’album montrant en photographie filtrée des vielles barres d’immeubles et un parc d’attraction déserté renforcent bien cet effet nostalgique de l’ensemble. On me renseignant un peu sur le groupe, je comprends que le titre de l’album fait allusion à l’accident ayant soudainement frappé le batteur du groupe, tombé dans le coma suite à une chute accidentelle. L’ambiance de certains morceaux de l’album est empreinte de cette tristesse avec des morceaux au rythme plutôt lent, tandis que la deuxième partie de l’album prend des accents plus rapides et rock. Le morceau B lover me fait penser au rock indépendant des années 90, aux Breeders notamment dans certaines intonations de voix. Je ne sais pas si c’est volontaire. Le disque ne révolutionne certes pas le genre mais fonctionne excellemment bien, et accroche de plus en plus après plusieurs écoutes. En écoutant cet album, celui de Sobs, et plusieurs albums de rock japonais aux inspirations shoegazing ces derniers mois, je me dis que le rock indé n’est pas encore convalescent malgré ce que l’on peut lire parfois. Et l’excellent dernier morceau de l’album Come to the End ne contredira pas cela.

avant le mankai des cerisiers

Je passe assez souvent par Naka Meguro 中目黒 ces derniers temps, depuis Daikanyama, en empruntant une route en courbes jusqu’à la rivière Meguro. Cette route en courbes et en pente démarre entre les deux bâtiments en béton Annex A et B de Hillside Terrace par l’architecte japonais Fumihiko Maki 槇文彦. J’aime les prendre en photographie et je pense les avoir montrées plusieurs fois dans des billets précédents. En descendant donc cette route abrupte en courbes, on arrive assez vite sur la rivière Meguro. Les photographies de ce billet sont prises à la fin mars et les cerisiers commençaient tout juste leur floraison. Les préparations sont pourtant déjà terminées le long de la rivière Meguro. On peut voir accrochées les lampes sponsorisées d’une couleur rose d’assez mauvais goût. Les passants s’arrêtent au niveau des ponts pour prendre en photo les branches qui surplombent la rivière. Il faudra attendre encore quelques jours pour le mankai, la pleine floraison, pour que le tunnel de sakura se forme clairement au dessus de la rivière. Au fur et à mesure des années, cet endroit est devenu de plus en plus populaire pour le hanami et il faut s’armer de patience pour faire un tour complet des lieux.

Suivons maintenant une autre rivière, celle de Shibuya. La photo ci-dessus nous montre cette petite rivière au niveau de Azabu-Jūban 麻布十番. En fait, je n’avais pas réalisé que la rivière Shibuya qui passe près de la station de Shibuya, longe la rue Meiji en passant près de la station de Ebisu, continuait son chemin en passant par Azabu-Jūban. Elle fait un virage à 90 degrés au niveau de la station de Azabu-Jūban, pour ensuite filer tout droit vers la baie de Tokyo. C’est une des nombreuses rivières « maltraitées » à Tokyo. Elle souffre de bétonnage excessif au niveau de Shibuya, tout le long de la rue Meiji, et se voit ensuite recouverte à moitié ou complètement par l’autoroute intérieure à partir de Tengenjibashi. Ces autoroutes intérieures à Tokyo datent des Jeux Olympiques de 1964. Il fallait à l’époque créer rapidement des grands axes routiers et les espaces vides au dessus des rivières et canaux ont été réquisitionnés.

Au niveau de Akabanebashi, le long de cette rivière, un nouvel immeuble aux formes futuristes est en phase de finalisation. C’est un immeuble de bureaux du promoteur Sumitomo Fudōsan appelé Azabu Jūban Project et conçu par Nikken Sekkei 日建設計. La construction du bâtiment semble en fait assez classique mais chaque étage se voit doté de plaques en angles aigus venant pointés dans plusieurs directions, et donnant cette impression futuriste. L’immeuble est massif avec plus de 4000m² pour chacun des dix étages le composant. Même avec mon objectif grand angle, il est difficile à prendre en photo dans son intégralité.

Les quelques photographies ci-dessus sont prises au coeur de Shibuya, près d’un poste de police de proximité kōban 交番 aux formes, là encore, futuristes. Ce poste de police de Udagawa-cho a été conçu par l’architecte Edward Suzuki, et pourrait nous faire penser à une tête d’animal, peut être à une chouette qui observent les rues mouvementées de Shibuya. Une autre photographie est prise à l’entrée de la petite rue piétonne en pente Spain-zaka スペイン坂 qui monte jusqu’au cinéma Rise. Rien de très nouveau sur ces photographies à part l’envie de reprendre des lieux connus et maintes fois photographiés avec mon nouvel objectif 17-40.

Les deux dernières photographies prennent pour décor le parc de Inokashira à Kichijoji. Ici aussi, les cerisiers commençaient doucement à fleurir en ce week-end de fin mars. Nous allons tous les ans voir les sakura au parc Inokashira, et la foule est toujours très présente. C’est une population jeune qui se réunit sur des bâches bleues au dessous des cerisiers en fleurs. Les visages sont rougis par l’alcool et personne ne semble porter attention aux fleurs au dessus des têtes. Dans ce parc, plus que les fleurs, j’aime les formes biscornues des branchages qui se dévoilent en hiver. Dans un coin du parc, un jeune homme nous montrait une chouette. Elle était étonnamment docile et on pouvait la caresser doucement. Elle n’avait pas peur de la foule des curieux qui venait la voir et tendait les mains craintivement pour l’approcher. La chouette observe ce qui se passe tranquillement sans broncher, mais il faut faire attention, les chouettes ne sont pas ce qu’elles semblent être.