chasing the plankton car

L’événement dont je parlais dans mon précédent billet et auquel je voulais assister est le passage de la voiture Plankton de Millenium Parade à certains endroits de Tokyo. Rappelons que Millenium Parade est le projet parallèle à King Gnu de Daiki Tsuneta (常田大希). Ce groupe à la structure évolutive n’a sorti qu’un seul album éponyme en Février 2021, à l’ambiance d’ailleurs remarquable, et deux singles à succès, U avec Kaho Nakamura (中村佳穂) pour la bande originale du film d’animation Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫) et plus récemment le single W●RK avec Sheena Ringo. A l’occasion de leur nouveau single intitulé Goldenweek qui sort le 10 Mai 2024, Millenium Parade avait prévu de faire circuler leur voiture taggé appelé Plankton dans différents lieux de Tokyo, les Samedi 4 Mai et Dimanche 5 Mai 2024. Cette voiture Plankton est d’abord apparue en version digitale dans la vidéo du morceau du même titre de l’album Millenium Parade, et a été ensuite réellement construite et montrée lors de l’exposition GNU-MILLEPARK dirigée par Perimetron au Ginza Sony Park du 21 Octobre 2020 au 31 Mars 2021. Je n’avais à l’époque vu que l’extérieur et une petite partie intérieure de l’exposition, et j’en parlais dans un billet. Plankton est devenue un des symboles de Millenium Parade et fait en quelques sortes figure de messagère avant la sortie de nouvelles musiques.

Le passage de Plankton dans les rues de Tokyo n’était annoncé que peu de temps avant sur les réseaux sociaux et j’avais donc lu que la voiture était passée le Samedi à Shibuya Dogenzaka à 11:30, puis à Nishi-Shinjuku, Higashi-Ikebukuro, Sotokanda, Asakusa Kaminarimon, Roppongi pour retourner finalement à Dogenzaka à 18h. Les quelques images que l’on pouvait voir montraient la voiture rouge tractée par une dépanneuse devant une foule qui était venu exprès pour voir son passage. La voiture s’arrêtait apparemment à certains endroits pour une distribution d’autocollants par des personnes masquées. Cette parade était tellement intrigante que j’ai eu envie de la voir le jour suivant, le Dimanche donc. Le programme donné sur Twitter indiquait un départ à 11:00 à Sotokanda, mais il a changé en cours de route pour un démarrage à Nishi-Shinjuku. La voiture devait passer le Dimanche par un nombre plus important de lieux mais s’est en fait limitée à Nishi-Shinjuku à 12:00 et Shibuya Maruyamachō à 14:00. Je pense que les lieux de rencontre ont été limités le deuxième jour en raison du succès du premier jour. La foule engendrée dans les rues et dans des espaces qui ne sont pas forcément conçus pour accueillir autant de personnes a certainement posé problème aux autorités. Daiki Tsuneta n’imaginait peut-être pas que le succès de King Gnu (rappelons qu’ils remplissent des dômes) déteindrait autant sur son projet parallèle, d’autant plus qu’il n’était à priori pas présent dans la voiture de Millenium Parade. J’apprends vers 10h30 du matin que Plankton ne passera pas à Sotokanda vers où je me dirige. Il me faut maintenant prendre le train pour rejoindre Nishi-Shinjuku avant midi. La ligne de train Chuo relie heureusement de manière directe la station proche d’Ochanomizu à celle de Shinjuku. J’y arrive vers 11:30 sans aucune indication de l’endroit où va passer Plankton. J’imagine que des espaces vastes sont nécessaires et j’essaie de les trouver devant la grande mairie de Tokyo dans le centre de Nishi-Shinjuku ou dans les grandes avenues près du parc Chuo. Mais je n’y trouve aucun regroupement de personnes. L’heure approche et Twitter m’indique qu’un regroupement s’est finalement formé devant le croisement du Department Store Lumine 1 près de la sortie Sud de la gare de Shinjuku. Après quelques minutes, sous une chaleur pesante pour la saison, je me rends compte en effet qu’un grand nombre de fans s’y sont regroupés au bord des rambardes de sécurité le long de l’avenue. Tout le monde semble attendre que la voiture passe sans savoir où regarder. Je me place à un endroit stratégique près du passage piéton. Les rangées de personnes grossissent progressivement plus on approche de midi. Et la voiture rouge tractée finit par montrer le bout de son nez soulevé en l’air. Elle prend son temps au croisement, roule doucement, passe devant les fans photographiant à tout-va mais ne s’arrête pas. Elle parade devant la sortie Sud de la station en amenant avec elle une partie de la foule, dont je fais partie, qui croyait qu’elle allait s’arrêter un peu plus loin pour distribuer les fameux autocollants du groupe. Elle disparaît ensuite sous une confusion certaine. On s’est tous fait berner. La voiture ne s’est pas arrêté. Les plus futés ont déjà compris qu’elle allait faire un tour de la station et revenir. Les gens se sont placés en rangés, de manière très organisée pour attendre le nouveau passage de la parade. Je comprends que l’attente va être pénible et je ne suis pas prêt à attendre sous cette chaleur pour un malheureux autocollant. Ce qui m’intéresse le plus dans cet événement en mode guérilla est la manière dont la foule réagit.

Plankton passe une nouvelle fois devant la foule mais ne s’arrête toujours pas. Je décide donc de changer de point de vue en me plaçant sur la passerelle piétonne reliant le Department Store NeWoman à Lumine 1. Un petit groupe de personnes a eu la même idée que moi, mais il y a beaucoup moins de monde qu’au niveau de la rue. Je me dis que c’est quand même fou qu’autant de personnes se réunissent pour le passage d’une voiture déglinguée et quelques autocollants certes collectors. Ce point de vue me permet en tout cas de saisir en vue plongeante le troisième passage de Plankton, mais elle ne s’arrête toujours pas. Une dame d’un certain âge voyant cette foule de loin depuis la passerelle interroge ma voisine sur ce qui se passe. Elle essaie tant bien que mal de lui expliquer mais on la sent un peu embêtée. C’est un groupe Johnny’s qui va passer demande la dame? Pas tout à fait. Je n’atteindrais finalement pas le quatrième passage, car j’ai fait le plein de photographies et le temps vient à me manquer.

Un peu plus tard dans la journée, Zoa qui rentre à la maison me montre des photos qu’il a pris de Plankton dans le centre de Shibuya. Il y était avec des copains car l’un d’entre eux est fan de King Gnu et voulait absolument voir passer la voiture. A nous deux, on a assez bien couvert l’événement sans pourtant en avoir parler avant. Je savais que Zoa était à Shibuya avec ses copains ce dimanche après-midi et j’ai même hésité à l’appeler pour lui demander de prendre des photos. La télépathie a en fait fonctionné. C’est en tout cas une coïncidence amusante.

Daiki Tsuneta montre au compte-goutte des photos et vidéos de la journée de Samedi et de Dimanche sur son compte Instagram. La foule devant la porte Kaminarimon à Asakusa semble très importante pour le premier jour. Les photographies prises à Dogenzaka donnent l’impression d’une marée humaine. On dirait que Millenium Parade a bien réussi son coup de théâtre. Dommage que je n’ai pu attraper un petit autocollant comme souvenir mais il me reste des photographies. Et des interrogations sur mon propre niveau d’otakuisme. Le single dont cet événement de rue faisait la promotion sort finalement quelques jours plus tard, le 10 Mai 2024. Ce nouveau single intitulé Goldenweek est bon mais le teasing avait forcément poussé mes attentes au plus haut point. Le morceau chanté entièrement en anglais n’est clairement pas aussi percutant que W●RK, mais j’apprécie beaucoup son ambiance progressive. Il est à vrai dire assez actuel, proche de la pop internationale et perd un peu de l’originalité particulière et chaotique du premier album. Le morceau n’en reste pas moins très bien construit et accrocheur, même si je le trouve un peu trop calibré pour l’international.

gentle monster & artificial vampire

Les deux premières photographies de ce billet sont prises dans le parc central de Nishi-Shinjuku. Les plus attentifs auront remarqué que j’ai déjà pris et montré exactement la même photographie de la ligne de ciel de Nishi-Shinjuku depuis le parc. J’aime m’asseoir à cet endroit du parc sur un des longs bancs de bois posés sur le béton formant des escaliers. C’était un Samedi juste avant le marathon de Tokyo du Dimanche et des préparatifs étaient déjà en cours. Je le mentionnais déjà dans un billet précédent mais je me suis assis à cet endroit pendant environ une heure pour écouter pour la première fois en entier l’album 0 d’Ichiko Aoba. Un pigeon m’a accompagné pendant toute la durée de l’écoute en me regardant par moment l’air de rien. Il était intéressé par le scone anglais que je grignotais en buvant tranquillement mon café trop chaud. Comme on dit en japonais, j’ai une langue de chat (猫舌) et je préfère attendre un peu avant de boire chaud.

La troisième photographie est une affiche publicitaire pour une marque de lunettes design appelée Gentle Monster. Je prends cette photo car ce nom étrange associé à l’actrice Nana Komatsu (小松菜奈) m’intrigue beaucoup. J’ai également eu envie de prendre cette photographie car je voulais mentionner ici le film The Last 10 years (余命10年) du réalisateur Michihito Fujii (藤井道人) dans lequel Nana Komatsu est l’actrice principale. Elle joue le rôle d’une jeune fille de 20 ans, Matsuri Takabayashi, atteinte d’une maladie incurable ne lui laissant que dix années à vivre. Le film est basé sur une histoire vraie. Matsuri accepte son sort non sans difficultés et essaie volontairement de ne pas trop s’accrocher aux personnes qui l’entourent, sauf bien sûr à sa famille dont elle est proche. Sa grande sœur est jouée par la toujours merveilleuse Haru Kuroki (黒木華). Mais la rencontre de Kazuto Manabe, joué par Kentaro Sakaguchi (坂口健太郎), lors d’une réunion d’anciens élèves vient perturber sa vie. Kazuto a des tendances suicidaires et Matsuri, qui va pourtant bientôt mourir, jouera un rôle important pour lui redonner le goût à la vie. Il s’agit d’une histoire d’amour, en grande partie platonique, mais elle m’a beaucoup touché. Je suis sensible à ce genre d’histoire quand elles sont magnifiquement jouées comme c’est le cas ici, avec beaucoup de retenue et de nuances. Il y a bien quelques effets de scénario nous poussant à avoir les larmes aux yeux, mais je ne refuse pas à être entraîné malgré moi par un film vers ce genre de terrains sensibles.

J’aime bien de temps en temps jeter une oreille à la musique de Cö Shu Nie car j’y découvre régulièrement des petites merveilles. Cette fois-ci, cette petite merveille est un nouveau morceau sorti le 13 Mars 2024 intitulé Artificial Vampire. Dès la première écoute, j’ai été attiré par une petite phrase interrogative des paroles nous demandant à répétions « Gokigen ikaga? Chōshi ha dou? » (ご機嫌いかが?調子はどう?) qui est deux façons de demander comment quelqu’un va. Le rythme assez ludique par lequel Miku Nakamura (中村未来) prononce ces paroles me plait tout de suite beaucoup, et la composition musicale aux apparences faussement simples se révèle en fait subtilement variante toute en restant naturellement fluide. Cö Shu Nie nous habitue à une construction atypique de ces morceaux qui se ressent moins directement sur Artificial Vampire, mais n’en reste pas moins présente. Le morceau Burn The Fire est en comparaison beaucoup plus déconstruit et pour l’occasion beaucoup plus agressif dans son approche rock. Ce single est sorti il y a quelques mois, en Novembre 2023. La vidéo est assez étrange avec ses faux masques à oxygène et ses drôles de créatures drapées. Le groupe est enfermé dans des sous-sols sombres mais l’ambiance n’est pourtant pas anxiogène car le son rock qu’il dégage et la voix affirmée de Miku l’emportent sur tout ce qui les entourent. Comme pour Artificial Vampire, la vidéo de Burn The Fire a été réalisée par Kaz Skellington, qui est un rapper et vidéographe basé à Tokyo. Dans les paroles du single Artificial Vampire, Miku nous chante que même si elle nous mord, on ne s’en rendra pas compte (噛みついても気づかないものね), ce que j’imagine être une disposition tout à fait idéale pour un vampire. Ceci me donne une bonne transition avec l’art graphique qui suit.

L’art graphique de Takato Yamamoto (山本タカト) est tout à fait fascinant. J’avais déjà mentionné brièvement dans un billet précédent la découverte de cet artiste illustrateur et j’avais ensuite rapidement commandé son livre d’illustrations intitulé Japonesthéthique, aux Editions Treville, qui est une sorte de rétrospective de son œuvre. Les illustrations y sont magnifiques, souvent tintées d’une pointe d’épouvante. Elles n’en restent pas moins delicates et sensibles. Les personnages sont souvent androgynes et ont le regard distant, difficile à saisir, car ils sont déjà d’un autre monde. On leur devine à la fois une grande sensibilité et une force incontrôlable. On y trouve beaucoup de vampires, de présences fantomatique sorties de légendes et croyances ancestrales, de crânes squelettiques qui ne semblent pourtant pas être effrayants pour les figures humaines qu’ils côtoient. Le style graphique de Takato Yamamoto combine des éléments japonais d’ukyo-e, avec du symbolisme gothique et des influences de l’art européen, en particulier du mouvement Esthétisme européen du 19ème siècle. Son style combinant tous ces éléments prend le nom d’Esthétisme Heisei (Heisei Aestheticism), pour indiquer un mélange d’influence européenne avec une version moderne de l’art traditionnel japonais. Il y a quelque de tout à fait remarquable dans cette approche graphique, une finesse exquise qui nous attire vers ces images alors qu’on ne voudrait pas les voir. Le 23 Février 2024, je suis allé voir la petite exposition intitulée Dreaming Skull de Takato Yamamoto qui se déroulait dans la galerie d’art Span Art à Kyobashi. Cette exposition démarrait ce jour là et s’est terminée le 10 Mars 2024. On pouvait y voir quelques unes de ses œuvres et un coin de la galerie vendait des livres d’illustrations et des cartes postales. Je n’ai pu m’empêcher d’acheter un autre livre, celui intitulé Coffin of a Chimera (キマイラの柩), dans une nouvelle édition à la couverture noire, signée par l’artiste. Le style de cet ouvrage est dans le même esprit tout à fait unique de Japonesthétique, sauf que je le trouve plus viscéral. Les chimères du titre ont des visages humains qui se mélangent à des ossatures distordues. On nous laisse voir les entrailles des chimères, ce qui pourrait nous repousser le regard, mais l’approche esthétisante de Takato Yamamoto rend ses monstres aux formes indéfinies tout à fait séduisantes. L’art de Takato Yamamoto repose sur un équilibre subtil entre beauté esthétique et représentation effrayante qui peut parfois paraître repoussante. Cette dualité est tout à fait fascinante et donne envie d’explorer un peu plus ce monde emprunt de romantisme gothique. Lors de la petite exposition à Kyobashi, je n’étais d’ailleurs pas vraiment surpris d’y voir parmi les visiteurs une proportion féminine importante.

Pour continuer ce billet sur une atmosphère gothique, écoutons maintenant le morceau SACRIFICE d’Atsushi Sakurai (櫻井敦司). Sakurai était le chanteur et parolier du groupe Buck-Tick jusqu’à son dernier souffle le 19 Octobre 2023. Ce titre est extrait de son unique album solo Ai no Wakusei (愛の惑星) sorti en 2004, mais je ne le découvre que maintenant car il n’a été publié sur YouTube avec sa vidéo que récemment, en Décembre 2023, deux mois après sa mort soudaine d’une hémorragie cérébrale. Je n’ai pas encore terminé d’écouter la discographie entière de Buck-Tick mais j’y reviens régulièrement quand l’envie me prend. Ce morceau n’est pas fondamentalement différent de ceux de Buck-Tick car la voix de Sakurai est tellement remarquable qu’on a beaucoup de mal à la dissocier du groupe. Il n’empêche que ce morceau est très bon et aurait très bien pu figurer comme single sur un album de Buck-Tick. Il s’agit en tout cas d’une belle découverte inattendue. L’émission musicale du Dimanche soir KanJam a diffusé il y a plusieurs semaines un épisode consacré exclusivement à Buck-Tick mais les membres restants n’étaient sans grande surprise pas présents. Il en ressortait que le groupe, à travers la voix du guitariste et compositeur Hisashi Imai (今井 寿), n’a pas l’intention d’arrêter ses activités. C’est pour moi une surprise car j’ai un peu de mal à imaginer le groupe sans la figure charismatique d’Atsushi Sakurai. Et pour faire le lien avec le thème qui sert de fils rouge à ce billet, je n’aurais pas beaucoup de difficulté à imaginer Atsushi Sakurai en vampire car il avait la noirceur profonde qui convient à ce genre de personnage.

Et au final, je vous laisse deviner qui est le gentle monster du titre de ce billet. Je pense personnellement au pigeon de la deuxième photo pour la pression psychologique qu’il a exercé sur moi pour que je lui cède quelques miettes de ma pâtisserie anglaise.

透明な街は影

Je reviens décidément très souvent dans le parc central de Nishi-Shinjuku, comme si le film Kyrie no Uta (キリエのうた) me poussait à y revenir sans cesse. En fait, Mari a régulièrement des choses à faire dans ce quartier et je profite d’une heure ou deux à attendre pour parcourir Nishi-Shinjuku ou m’assoir plusieurs dizaines de minutes sur un des bancs du parc. J’y passe cette fois-ci une bonne heure. Ce seront peut-être les seules photographies de feuilles rouges et jaunes d’automne que je montrerais cette année. Dans ce parc, ce sont les feuilles aux couleurs jaunes très vives des arbres gingko qui sont particulièrement remarquables. La lumière forte du soleil d’hiver, qui traverse les immeubles comme s’ils étaient transparents, laisse des empreintes qui sont également remarquable, mais ces ombres accentuées au sol ne détournent pas mon regard des couleurs automnales exagérément vives. Nous allons ensuite faire un petit tour dans les trois tours du Park Hyatt toujours à Nishi-Shinjuku. Dans le grand hall, un ensemble symphonique s’entraine pour un concert qui aura lieu un peu plus tard dans la soirée. On peut profiter de quelques morceaux tout en marchant dans le hall et en s’arrêtant quelques instants autour de l’espace délimité où sont placées les places assises.

J’ai bien sûr acheté le CD du nouvel album de Hitsuji Bungaku (羊文学), 12 hugs (like butterflies), le lendemain de sa sortie. Le Tower Records de Shibuya donnait en cadeau deux cartes postales, une de la photographie de l’album prise par Nico Perez et une autre de l’affiche « No music, No life! » de Tower Records avec les trois membres du groupe. Tower Records devrait réfléchir à proposer à la vente les cartes postales de toutes les affiches qu’ils ont créé jusqu’à maintenant. J’en achèterais pour sûr un certain nombre. Je me contente de les prendre en photo dans le magasin lorsqu’il en ressort quelques unes qui m’intéressent. Cette fois-ci, c’était une affiche signée de Number Girl qui doit dater de 1999, car elle était vraiment abîmée. Le nouvel album d’Hitsuji Bungaku contient 12 titres dont quatre déjà sortis en single à savoir more than words, GO!!, Eien no Blue (永遠のブルー) et FOOL. Ce sont tous d’excellents morceaux mais il faut reconnaître que le groupe a vraiment frappé fort avec le single more than words dont je ne me lasse pas, même après l’avoir écouté plusieurs dizaines de fois. Le dernier single en date, GO!!, a également un succès certain car il était en première position du classement hebdomadaire de la radio J-Wave il y a deux semaines. Je connaissais également deux autres morceaux, Flower et honestly, car le groupe les avait joué en avant première pendant le concert au Zepp Haneda le 3 Octobre 2023. Elles et il avaient joué un autre titre inédit dont le titre n’avait pas été dévoilé pendant le concert. Mes souvenirs sont malheureusement déjà un peu lointains mais je pense qu’il s’agissait du troisième morceau de l’album, Addiction, qui suit directement more than words sur l’album. Pendant le concert, Moeka avait indiqué ressentir une certaine pression pour placer sur l’album un morceau qui serait aussi marquant que more than words. Je pense que c’est réussi car ce morceau Addiction est un des plus réussis de l’album et un de ceux que je préfère. Le riff de guitare est particulièrement marquant, très rock alternatif américain des années 90, et le son est très rugueux et puissant par moment, ce qui contraste superbement avec la voix de Moeka. Je suis toujours impressionné par la présence forte de leur son en ne jouant pourtant qu’à trois. Samedi, nous avons rencontré un couple d’amis Fu. et Na. et leurs enfants que je n’avais pas vu depuis longtemps et la première chose que Fu. me dit est qu’il a vu que j’étais allé voir Hitsuji Bungaku en concert. Lui même écoute le groupe depuis plusieurs années, d’abord attiré par le fait que ce groupe ne joue qu’à trois, ce qui est relativement peu fréquent. Je pense que cet aspect là m’avait également intrigué et attiré en découvrant le groupe, et m’impressionne toujours beaucoup maintenant. Cet ami s’entraine à la guitare avec sa fille de 14 ans, ce qui est assez épatant. En demandant ce que sa fille écoute comme musique, elle mentionne timidement Ling Toshite Sigure (凛として時雨), ce qui est forcément un très bon choix, bien que le math rock ne soit pas des plus évidents pour démarrer. Je n’ai eu qu’à approuver, avec une envie soudaine de réécouter quelques morceaux clés du groupe comme Monster, Telecastic fake show, SOSOS, moment A rhythm, Sadistic Summer, entre autres. Pour revenir à cet excellent nouvel album d’Hitsuji Bungaku, les morceaux à la fin de l’album sont principalement inédits, sauf le morceau FOOL qui conclut brillamment l’album, et sont dans l’ensemble plus apaisés, contrebalançant les moments plus chargés de la première moitié de l’album. Cet album s’inscrit déjà comme une valeur sure dans la discographie du groupe et est même une bonne porte d’entrée vers le groupe.

君が僕の東京になる

Il m’arrive rarement de boire de l’alcool le midi le week-end (et encore moins les jours travaillés) car je ne sais jamais si l’occasion de conduire se présentera dans la journée et la tolérance est à zéro au Japon. Mais l’occasion se présente de temps en temps, comme ici à Kamata près de la station lors d’un festival appelé tout simplement Oishii Michi (おいしい道) avec tables et stands posés sur la rue avec diverses choses à manger et à boire. La météo était idéale pour passer quelques heures assis dehors sans compter les heures en se laissant emporter par une légère ivresse. Du coup, cette légère ivresse me fait voir des choses inattendues comme des camionnettes vendant des nikuman recouverts de filles à la mode manga poussant les esprits faibles à la consommation, ou comme ces étranges personnages colorés se faisant photographier avec une population enjouée. Sont-ils réels ou issus de mon imagination?

Les photographies suivantes sont prises à l’extérieur et intérieur du musée National Art Center Tokyo (NACT) conçu par Kisho Kurokawa et dont la construction a été terminée en Mai 2006. Kisho Kurokawa est mort l’année suivante, en 2007 au mois d’Octobre à l’âge de 73 ans. Je me souviens l’avoir aperçu plusieurs fois marchant lentement et même péniblement dans le couloir du 13ème étage du building Ark Mori à Tameike Sanno, car je travaillais à cette époque au même étage. J’y repense à chaque fois que je viens voir le building du musée NACT. J’étais venu pour voir l’exposition Interface of Being (真空のゆらぎ) de l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣) qui s’y déroule jusqu’au 25 Décembre 2023 et qu’il serait dommage de manquer. Elle m’avait en tout cas beaucoup inspiré dans l’écriture de mon billet sur les fluctuations du vide qui nous entoure. Ce building est pour sûr très inspirant et nous donne plein d’images en tête. Il doit compter dans la liste des architectures les plus remarquables de Tokyo.

La dernière photographie du billet me fait revenir une nouvelle fois dans le parc central de Nishi-Shinjuku où ont été tournées de nombreuses scènes du film Kyrie no Uta (キリエのうた) du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) dont une des scènes finales. Je garde encore maintenant de très bons souvenirs de ce film, que j’ai très envie de revoir, même si ça sera désormais sur les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Je m’assois plusieurs dizaines de minutes à l’endroit où j’ai pris cette photo. Il y a quelques bancs posés dans la verdure depuis lesquels on peut observer au loin les buildings de Nishi-Shinjuku, notamment la très reconnaissable Mode Gakuen Cocoon Tower de Tange Associates.

J’ai mentionné dans un précédent billet qu’il fallait que je trouve un peu de temps pour aller voir l’exposition Revolution 9 du photographe Takashi Homma (ホンマタカシ) se déroulant jusqu’au 24 Janvier 2024 au Musée de la photographie à Yebisu Garden Place. L’exposition occupe plusieurs salles d’un étage du musée mais ne contient pas un nombre très conséquent d’oeuvres. Le prix du billet d’entrée plutôt réduit pour ce genre d’exposition me laissait en effet présager qu’on devait en faire assez vite le tour. Les photographies de Takashi Homma montrées lors de cette exposition sont toutes autant singulières qu’elles sont inspirantes. La plupart des œuvres sont composées de collages de plusieurs photographies prises au même endroit, mais sans soucis directs de faire des raccords parfaits entre les photographies, pour donner l’illusion d’une photographie gigantesque. Les décalages de tons et de couleurs sont souvent marqués entre deux photographies posées les unes à côté des autres. C’est une approche assez radicale de l’expression photographique, qui m’inspire dans le sens où j’aime de temps en temps également triturer mes photographies pour construire une nouvelle réalité. Du photographe, j’ai toujours en tête le photobook Tokyo and my Daughter que je ne possède pas dans ma librairie personnelle mais auquel je pense de temps en temps, car il m’avait inspiré à une certaine époque où je m’essaie d’une manière similaire à mélanger des photos de ville et d’architecture avec celles de mon fils étant tout petit. L’exposition Revolution 9 est très différente et est même déroutante, car de nombreuses photos sont par exemple positionnées en sens inverse. Le titre de cette exposition serait inspirée par la chanson des Beatles Revolution 9 qui est un collage d’une variété de sources sonores. L’association musicale à la photographie me parle beaucoup. En ce sens là, l’approche photographique de Takashi Homma m’attire toujours et m’interpèle. Elle ne cherche pas à atteindre la beauté esthétique. Une des salles de l’exposition a ses murs tapissés de grands pans photographiques que l’on peut observer à travers un système de miroirs. Je me prends moi-même en photo par inadvertance alors que je pensais plutôt saisir les murs photographiques. On pourra au moins remarquer mon t-shirt de Miyuna que j’aime beaucoup porter ces derniers temps. Au premier sous-sol du musée, on pouvait visiter gratuitement une galerie de photographies proposées par la Tokyo Polytechnic University (東京工芸大学). Cette exposition se déroulant jusqu’au 10 Décembre 2023 s’intitule Integrating Technology & Art through Photography. On peut y voir quelques photos connus comme certaines d’Eikoh Hosoe (細江英公) (dont une de Yukio Mishima de la série BA・RA・KEI / Ordeal by Roses). Cette exposition commémorative retrace l’histoire de l’Université polytechnique de Tokyo, dévoilant les origines de l’enseignement de la photographie au Japon et explorant les relations entre l’Université et le monde de la photographie japonaise à travers les époques. On a vite fait le tour de cette exposition mais elle vaut le détour. Les deux dernières photographies de la série ci-dessus proviennent de cette exposition. Je n’ai malheureusement pas eu la présence d’esprit de noter le nom du photographe de la photographie de droite que j’aime pourtant beaucoup. En fait, Google Lens m’apprend après coup qu’il s’agit d’une photographie prise en 1950 par Kiyoji Ohtsuji (大辻清司) de l’artiste Hideko Fukushima (福島秀子). Cette application Google Lens est assez pratique et elle est apparemment régulièrement utilisée par les visiteurs de ce blog sur mes photos.

Musicalement maintenant, quelques nouveaux singles d’artistes que je suis avec une attention certaine et que j’ai déjà maintes fois évoqué sur ce blog. Je parlais de Miyuna un peu plus haut et elle vient justement de sortir un nouveau titre intitulé Oikakete (追いかけて). Il commence assez doucement puis monte progressivement en intensité comme souvent chez Miyuna. J’aime toujours autant sa voix sur laquelle repose beaucoup la qualité de ce nouveau morceau. C’est un peu similaire pour le nouveau single d’AiNA The End intitulé Diana (華奢な心). Elle est très active en ce moment après une tournée rapide à Londres, WACK in the UK, avec d’autres groupes de l’agence Wack (dont ExWHYZ) et la sortie récente de l’album du film Kyrie no Uta (キリエのうた) dont j’ai déjà parlé. Le collage servant de pochette à ce single a été créé par Ohzora Kimishima (君島大空) qui a décidément de nombreuses qualités artistiques. Le morceau d’AiNA est une ballade qui prend son temps mais s’imprègne très progressivement dans notre inconscient. Je n’aime pas toutes ses ballades mais celle-ci me plaît vraiment beaucoup. AiNA l’avait d’abord présenté dans une session live sur YouTube appelée Room Session (冬眠のない部屋). J’aime aussi beaucoup l’esprit rock indé du nouveau single de PEDRO intitulé Shunkashūtō (春夏秋冬) du nouvel album Omomuku mama ni, Inomuku mama ni (赴くままに、胃の向くままに) qui vient de sortir. Le morceau mise beaucoup sur la composition de guitare d’Hisako Tabuchi avec des parties en riff solo très marquantes. On a l’impression qu’Ayuni ne force pas son chant et chante même quand elle a envie car j’ai toujours l’impression qu’elle manque une partie des paroles d’un couplet à un moment du morceau. J’aime beaucoup ce genre de moments d’interrogation. Comme je le dis à chaque fois, il faut être réceptif à sa voix et à sa manière de chanter. Dans les voix particulières, il y a aussi celle d’a子 qui sort un nouveau single très immédiat et accrocheur intitulé Racy. Le morceau est excellent et rentrera facilement dans la liste de ses meilleurs morceaux. Je me dis parfois qu’il suffirait qu’un de ses morceaux soit utilisé comme thème d’un anime ou drama à succès pour que sa carrière décolle et devienne mainstream. Ce single sera présent sur un nouvel EP intitulé Steal your heart qui sortira le 6 Décembre 2023. Il y a beaucoup de sorties d’albums qui m’intéressent en cette fin d’année car Hitsuji Bungaku sort également son nouvel album 12 hugs (like butterflies) le 6 Décembre. Vaundy a sorti son double album Replica il y a quelques semaines, et vient de passer pour la première fois à Music Station, ce qui parait incroyable. King Gnu vient aussi de sortir son nouvel album The great Unknown cette semaine avec un excellent teaser. Bref, beaucoup d’idée de cadeaux pour Noël, sachant que je ne me suis pas encore procuré le Blu-ray du dernier concert (椎名林檎と彼奴等と知る諸⾏無常) de Sheena Ringo, celui que j’avais été voir cette année. Je suis un peu moins pressé car je l’ai en fait déjà vu et enregistré sur WOWOW.

Dans le billet précédent, je mentionnais que Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku avait inscrit un morceau du groupe rock indé americain Pavement dans la playlist de l’émission radio de Seji Kameda sur J-Wave dont elle était l’invité. Cela m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe, surtout que le morceau que Moeka mentionnait, Date with IKEA, est sur l’album Brighten the Corners de 1997 que je n’avais en fait jamais écouté en intégralité. J’écoute également l’album Wowee Zowee de 1995 qui est plus désorganisé mais qui doit être un de mes préférés du groupe. Deux excellents albums que j’aurais dû écouter il y a 25 ans à l’époque où je n’écoutais presque que ce style de rock alternatif américain. La manière de chanter de Stephen Malkmus est accidentée et n’a rien de conventionnel. Elle a ce petit quelque chose de naturel qui nous donne l’impression qu’il nous parle de son quotidien. Certains morceaux me rappellent un peu musicalement les premiers albums de Beck, notamment Mellow Gold et Odelay sortis à peu près à cette même époque. On y trouve un même bouillon créatif rock qui déborde d’idée mais reste très brut dans son approche. Les morceaux Stereo sur Brighten the Corners et Rattled by the Rush sur Wowee Zowee sont des bons points d’entrée. On peut ensuite se diriger vers des morceaux comme Fight This Generation ou Grounded et se plonger ensuite d’une manière nonchalante dans le discographie complète du groupe.

ヒカリに

Je dépose Mari dans une rue près de Nishi-Shinjuku et profite d’une petite heure et demi pour explorer les alentours de la Mairie de Tokyo. Je connais bien sûr déjà ces endroits mais assez peu le parc central de Shinjuku (新宿中央公園). Je n’avais pas l’image d’un parc agréable pour la promenade, le sachant coincé à l’ombre des hautes tours de Nishi-Shinjuku, mais je m’étais trompé. En fait, je ne suis pas venu dans ce quartier depuis la construction de la grande tour d’habitation de verre au nom à rallonge Central Park Tower La Tour Shinjuku (セントラルパークタワー・ラ・トゥール新宿). On peut bien sûr crier d’effroi devant la multiplication des tours à Tokyo, mais celle-ci est presque transparente malgré sa taille imposante. Le verre des façades reflète les nuages et le bleu du ciel. Avec un peu d’inattention, on pourrait croire qu’elle a la faculté de se fondre dans le ciel. Les couples et les familles sont assez nombreux dans le parc qui est plus ensoleillé que je ne l’imaginais. Sur une place près de l’entrée, un marché aux puces est installé ce jour là. Je passe devant les stands posés à même le sol, au cas où il y aurait un trésor inattendu, mais je ne regarde que très distraitement étant persuadé de ne rien y trouver qui m’intéresserait. Les deux premières photographies du billet montrent la grande Marie de Tokyo conçue par Kenzo Tange. Lorsque je viens à Nishi-Shinjuku devant ces tours, je pense pratiquement à chaque fois au roman de Ryu Murakami (村上龍), Les Bébés de la consigne automatique (コインロッカー・ベイビーズ) publié en 1980, car c’est un des lieux clés de l’histoire sombre des deux demi-frêres Hashi et Riku. J’en avais parlé dans un billet de 2006 avec une photographie bleutée (à la Blade Runner diront certains) qui reste encore maintenant marquée dans mon esprit. Le temple ombragé de la sixième photographie s’appellant Jōfuji (淨風寺) est situé juste à côté de la grande tour de verre. Je ne lui trouve pas de qualités remarquables à part cette entrée recouverte d’arcs successifs. Les deux dernières photographies sont prises à Shibuya pendant une autre journée moins ensoleillée. Shibuya est en pleine reconstruction et les tours que je montre se trouvent au niveau de la nouvelle entrée Sud de la gare, derrière la tour Shibuya Stream placée au niveau de la rivière bétonnée de Shibuya. Et la dernière photo est particulière. Je recherchais depuis longtemps cet immeuble de métal gris d’apparence argentée avec une inscription SR. Je l’avais vu sur Instagram mais le lieu qui y était indiqué n’étais pas correct. Je ne le recherchais pas activement mais trouver ce petit building tout à fait par hasard au détour d’une rue m’a procuré une satisfaction certaine. Je ne me donnerais pas la peine d’expliquer pourquoi trouver un immeuble nommé SR m’intéressait tant.

Je suis enfin aller voir Kyrie no Uta (キリエのうた) de Shunji Iwai (岩井俊二) ce samedi matin à la première séance de 9h15 au cinéma Toho de Shibuya. C’est un film qu’il faut aller voir à Shibuya ou à Shinjuku, car certaines scènes du film à Tokyo se déroulent dans ces quartiers. J’étais d’ailleurs très surpris de voir que certains moments importants du film ont été tournés dans le parc de Nishi Shinjuku que je mentionne ci-dessus et que j’avais été visiter la semaine auparavant sans savoir qu’il était utilisé comme décor dans le film. Il m’arrive très souvent d’aller à un endroit puis inconsciemment me trouver à y retourner peu de temps après. Mari me fait souvent cette remarque et j’étais amusé de me rendre comprendre que ce phénomène s’appliquait également aux films, comme si la force de certains lieux me poussait à y revenir. J’allais voir Kyrie no Uta avec l’idée pré-établie que j’allais aimer le film, et je n’ai pas été déçu. J’ai en fait adorer l’atmosphère du film et les trois heures ont passé à toute vitesse. Il y a certainement quelques longueurs mais j’ai aimé partager ces moments avec les personnages du film. Le réalisateur Shinji Iwai sait être proche des émotions de ces personnages et arrive parfaitement à les montrer à l’écran. Il a une façon de filmer assez caractéristique à la fois proche des actrices et acteurs qu’il filme mais en même temps soucieux de les montrer dans leur environnement. Le film commence dans les terrains enneigés d’Hokkaido du côté de Shikaoi, et je repense tout de suite aux premières scènes dans les herbes folles d’Ashikaga dans All About Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて). Il y a quelque chose de contemplatif dans le cinéma de Shunji Iwai qui me plait beaucoup. Je ne vais pas raconter l’histoire du film car il faut mieux en savoir peu, ce qui était mon cas, avant de voir le film. On suit l’histoire de Ruka interprétée par AiNA The End (アイナ・ジ・エンド), dont c’est le premier rôle, à différentes périodes de sa vie. Elle a perdu en grande partie sa voix suite à un choc dans son enfance, mais arrive tout de même à chanter, ce qui devient son principal moyen de communication et sa raison d’être. La vie de Ruka, qui se renomme elle-même Kyrie (une référence à Kyrie eleison), est pleine de souffrances qu’elle intériorise depuis son enfance. Le film nous explique beaucoup de choses avec de très nombreux flashbacks et flashforwards passant de la petite enfance de Ruka à Ishinomaki (石巻市) à Miyagi en 2010 puis à Osaka en 2011, puis son adolescence à Hokkaido en 2018 jusqu’à la période actuelle en 2023 à Tokyo. Le lieu et le moment de la petite enfance de Ruka nous laisse deviner la nature du choc qui lui fera perdre la voix. Elle croisera la route de plusieurs personnes, interprétés par Hokuto Matsumura (松村北斗), Suzu Hirose (広瀬すず) et Haru Kuroki (黒木華), qui l’aideront dont son parcours. Le film durant trois heures, il prend le temps de couvrir l’histoire de celui et celles qui accompagneront Kyrie mais laisse aussi volontairement beaucoup de flou. Il y a de nombreuses scènes mémorables, notamment celles réunissant AiNA et Suzu avec cette dernière changeant de couleur de cheveux à chaque scène. Je repense notamment à une scène sur les plages de Sanmu (山武) à Chiba, où AiNA se lance dans une chorégraphie improvisée et imprévisible. Je comprends que c’est ce genre de choses qui a poussé Shunji Iwai à construire son film avec elle. La caméra nous donne l’impression d’y être, tout proche des mouvements, les pieds dans le sable. Comme sur All About Lily Chou-Chou, la musique, composée par Takeshi Kobayashi (小林武史), joue un rôle primordial. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je voulais absolument voir ce film, sachant que Shunji Iwai accorde une grande importance à la musique comme personnage à part entière de ses films. La perspective d’entendre chanter AiNA m’enchantait, et elle trouve tout à fait ses marques dans le film, par son jeu et son chant. On peut entendre plusieurs fois Kyrie et son groupe de rue, interpréter Awaremi no Sanka (憐れみの讃歌) que j’appréciais déjà beaucoup avant d’avoir vu le film, mais qui prend une nouvelle dimension après visionnage. L’histoire de Ruka/Kyrie m’a saisit dès les premières scènes, et je me suis laissé surprendre à nombreuses reprises pendant le film par l’émotion qu’il m’a procuré. Je me souviens qu’AiNA avait perdu il y a quelques années sa voix et le groupe BiSH était par conséquent mis en hiatus. Je ne peux m’empêcher de penser que Shunji Iwai s’est appuyé sur cette expérience pour construire son film. La voix actuelle d’AINA qui est toujours proche de la fracture, à la fois fragile et forte, correspond à la perfection au rôle du film, ce qui me fait également penser que Shunji Iwai a construit son film pour elle. J’aime les films de Shunji Iwai car il me parle d’émotions proches de celles que j’éprouve dans les musiques que j’écoute. Il met la musique au centre de ses films plutôt que de la concevoir comme un accessoire à la narration. J’écoute maintenant quelques morceaux de la bande originale du film, sur l’album intitulé DEBUT de Kyrie, le morceau clé mentionné ci-dessus bien sûr mais également quelques autres comme Hikari ni (ヒカリに) et Genei (幻影) qui me plaisent énormément. Alors que j’écris ces lignes, des images du film me reviennent en tête avec une rémanence similaire à la période de quelques jours suivant un concert lorsque j’en écris le rapport. Les émotions sont très similaires et j’ai déjà envie de les revivre en retournant voir le film. Il me fait maintenant penser à mon histoire de Kei, du songe à la lumière. Kei pourrait très bien être AiNA The End et Hikari, Suzu Hirose. On peut toujours rêver en attendant que je termine mon histoire.