Je voulais assister au grand festival automnal Oeshiki (お会式) du grand temple bouddhiste d’Ikegami Honmonji (池上本門寺) depuis plusieurs années et j’y suis finalement allé le Samedi 12 Octobre 2024. Il s’était arrêté pendant les quelques années de la pandémie et tombait un soir de semaine l’année dernière. Tous les ans, du 11 au 13 Octobre, le festival Oeshiki, prenant ses origines pendant la période d’Edo, commémore l’anniversaire de la mort du moine bouddhiste Nichiren (日蓮) qui vécut de 1222 à 1282, à l’époque de Kamakura. Il est le fondateur de la deuxième branche la plus importante du bouddhisme au Japon avec environ 10 millions de pratiquants, derrière le bouddhisme Jōdokyō (浄土教) et devant le bouddhisme Shingon, Zen puis Tendai. On dit que Nichiren mourut à l’âge de 61 ans à Ikegami, alors qu’il était tombé malade et avait entamé un long voyage de sa résidence sur le Mont Minobu dans la préfecture de Yamanashi, jusqu’aux sources chaudes de la région d’Hitachi, dans la préfecture d’Ibaraki, qu’il n’atteindra finalement pas. Le festival Oeshiki dans l’enceinte du temple Ikegami Honmonji dans l’arrondissement d’Ōta est la plus grande cérémonie commémorative pour Nichiren, et elle attire une foule très importante, environ 300,000 personnes dit-on. La cérémonie ne se déroule pas entièrement dans l’enceinte car le grand défilé de lanternes démarre de la gare d’Ikegami jusqu’au hall principal du temple, sur une longueur d’environ 2 kilomètres. Ce grand défilé, nommé Mandō 万灯(pour 10,000 lanternes), a lieu le soir du 12 Octobre de 18h à 23h. Il s’agit du moment le plus important du festival. On dit qu’environ 3000 personnes portent ces lanternes et les accompagnent en dansant, chantant et en jouant de diverses percussions.
Des estampes ukiyo-e représentant la cérémonie Oeshiki à Ikegami Honmonji. Celle de gauche provient de la série des Trente-six festivals d’Edo, peints par Utagawa Toyokuni (歌川豊国) et Utagawa Hiroshige (歌川広重), 1864
La foule était en effet dense et il fallait souvent marcher lentement et être patient, mais ce genre de foule n’est pas vraiment inattendu. Je marche depuis la station d’Ikegami un peu après 18h en suivant plusieurs groupes portant des lanternes. Je prends de nombreuses photographies mais assez peu sont réussies. Comme souvent dans ce genre de festival ou de matsuri, la ferveur est impressionnante, mais elle n’est pas tant religieuse qu’elle transmet l’enthousiasme d’être ensemble pour partager un événement important de la vie des quartiers tout autour du temple Honmonji. Je n’en suis pas certain, mais je pense que chacune des lanternes proviennent des quartiers aux alentours du temple, mais peut-être viennent elles d’autres temples au Japon. On a cru entendre qu’une des lanternes provenait par exemple du temple Ryūkō-ji (龍口寺) près de Fujisawa, que nous connaissons assez bien. La musique faite de chants et de percussions est répétitive et s’imprègne petit à petit dans notre cerveau au point de provoquer un certain manque lorsqu’elle s’arrête pendant quelques minutes. Les lanternes ont des formes très particulières composées d’une sorte de pagode à cinq étages coiffée de tiges portant des grosses fleurs de cerisiers. Les lanternes sont parfois portées comme des mikoshi ou posées sur des petits chariots à deux roues. Le cortège se compose principalement d’adultes mais les enfants sont également nombreux. Ce genre de festival se pratique dès le plus jeune âge et je peux tout à fait comprendre que ceux et celles qui l’ont pratiqué étant petits continuent ensuite étant adultes. Une des particularités de ce festival est cette sorte de bâton portant un symbole et des lanières que le porteur ou la porteuse vient faire tournoyer avec beaucoup de dextérité. Les mouvements semblent bien étudiés. Ils sont parfois brusques et inattendus, avec par moments beaucoup d’ampleur. Il ne me semble pas avoir déjà vu ce type de bâtons et ces lanternes dans d’autres festivités au Japon. Oeshiki n’est pourtant pas unique au temple Ikegami Honmonji. Après une petite heure de marche, on arrive finalement au pied du grand escalier de pierre montant vers le hall principal du temple. Les participants du défilé doivent maintenant monter leur lanterne, ce qui n’est pas une mince affaire. La procession entre ensuite dans l’enceinte du temple et finira sa course par une prière dans le grand hall. Le grand escalier est en sens unique et on ne peut pas revenir sur ses pas. Pas facile de retrouver son chemin parmi la foule et les innombrables stands vendant toutes sortes de choses à manger. Je connais heureusement assez bien les lieux car j’ai parcouru le large domaine du temple de nombreuses fois. On peut certainement redescendre par le cimetière en passant devant la grande pagode rouge. Je ne suis pas le seul à prendre cette route. On n’est pas tout à fait perdu car le bruit des chants se fait entendre dans la nuit.