once upon the street (2)

Continuons tranquillement avec le noir et blanc appliqué sur les rues de Tokyo. Je l’applique également sur le bleu et le blanc du ciel et des nuages, ainsi que sur mon iPhone transformé en iPod sur la première photographie du billet. J’amène toujours ma musique avec moi en toute circonstance, et il est extrêmement rare que je n’amène pas mon iPod dans mes déplacements. L’autocollant, acheté dans la petite boutique spécialisée B-side Label sur Cat Street à Harajuku, avec une fille jouant de la guitare accompagnée d’un petit chat noir, correspond assez bien au rock japonais que j’écoute souvent. Je n’ai pas beaucoup hésité dans le choix de cet autocollant pour couvrir le dos de mon iPod. Le béton de la deuxième photographie est celui du Collezione à Omotesando par Tadao Ando. Les bambous de la troisième photographie sont plantés le long du musée de Nezu par Kengo Kuma. Sur les affiches publicitaires des abris bus, Haruna Kawaguchi (川口 春奈) montre parfois son visage à la demande d’une marque de cosmétique dont elle doit certainement être l’ambassadrice. Je l’avais déjà prise en photo en couleur alors il fallait bien que je la prenne aussi en photo en noir et blanc, ici près de Sangubashi, sauf que la mise au point est plutôt dirigée vers les deux vieilles dames qui marchent au fond. Le mur délabré de la photographie suivante affichait autrefois une illustration géante de visages de clowns inquiétants. J’en montrais une photo dans mon premier photobook dans la série The Young Face. Il n’en reste désormais que des morceaux illisibles car le mur n’a jamais été vraiment nettoyé ou repeint. Et les nuages noirs chargés de pluie (雨雲), je les vois depuis mon balcon juste avant de prendre la route à pieds pour une autre destination urbaine.

Les magasins Disk Union passent toujours en fond sonore des albums plus ou moins récents, mais en général plutôt anciens. Je n’y prête pas souvent attention, mais ce jour là dans le magasin Disk Union de Shinjuku, le son d’une guitare menaçante accompagnée d’une voix féminine à la fois posée et puissante a tout de suite attiré mon attention. L’ambiance rock me plait beaucoup et vient soudainement interrompre mes recherches de disques dans le magasin. Je ne reconnais pas cette voix, mais j’utilise immédiatement l’application Shazam sur mon iPhone pour savoir qui chante sur ce morceau. Il en ressort le titre Nureta Yurikago (濡れた揺籠) de la compositrice et interprète Cocco (こっこ) sur un album intitulé Kamui Uta (カムイウタ) de 1998. Je connais le nom de cette artiste originaire d’Okinawa depuis de nombreuses années, mais je n’avais jamais prêté attention ni même écouté sa musique. Ce morceau que j’écoute avec une attention certaine au deuxième étage du Disk Union de Shinjuku ne correspond pas à l’image à priori et non renseignée que j’avais de cette artiste. Le morceau qui suit sur cet album et que le magasin passe maintenant en fond sonore est beaucoup moins tendu et m’intéresse moins musicalement. Je vois le CD de Kamui Uta dans l’étagère classée à Ko (こ), juste à côté des albums de GO!GO!7188 que j’étais venu acheter cette fois-ci. J’hésite quelques instants en me disant que je devrais écouter un peu sur YouTube avant d’acheter un album. Je n’achèterais finalement pas cet album et l’idée me sortit de tête pendant plusieurs semaines.

J’y repense soudainement car le souvenir un peu flou du morceau Nureta Yurikago refait surface, et il me prend l’envie d’en savoir un peu plus sur cette artiste. J’adore lire les fiches Wikipedia et celle de Cocco m’apprend avec beaucoup de surprise qu’elle a joué le rôle principal du film intitulé KOTOKO du réalisateur Shinya Tsukamoto (塚本晋也) sorti en 2012. J’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog de Shinya Tsukamoto pour certains de ses films, complètement décalés et même cinglés et dérangeants, en particulier Tetsuo: The Iron Man (鉄男), son premier film sorti en 1989 et Tokyo Fist, film de 1995. Shinya Tsukamoto est également acteur et joua un second rôle dans Ichi The Killer (殺し屋1), film de Takashi Miike (三池崇史) datant de 2001 dont j’ai déjà parlé. Tous ces films ont une violence à la limite du surréalisme. Je n’ai pourtant pas résisté à l’idée de voir KOTOKO sur Amazon Prime, et ce fut un choc (comme à chaque fois pour les films de Tsukamoto). Cocco y joue une mère célibataire atteinte d’une maladie mentale qui lui fait parfois voir les gens en double en s’imaginant qu’on lui veut du mal à elle et à son petit garçon. Ces crises de folie passagères lui font perdre le sens de la réalité et elle en vient à se mutiler pour se prouver qu’elle est bien vivante. Son instabilité mentale fait qu’on la sépare de son garçon qui sera confié à sa sœur vivant loin à Okinawa. Kotoko aime chanter, et ce sont les seuls moments de réconfort qu’elle éprouve en dehors des quelques visites qu’elle fait à Okinawa pour voir son garçon. Tanaka, un écrivain joué par Shinya Tsukamoto, entend son chant dans le bus l’amenant à l’aéroport, ce qui provoque en lui une addiction. Kotoko le repousse mais il s’acharne. Une relation destructrice en naîtra. La violence du film est dure mais n’est pas absente d’une certaine forme d’humour (il faut être réceptif quand même). Le jeu d’actrice de Cocco est fabuleux, complètement convaincante dans son rôle au point où on arrive à toucher du doigt son trouble et à comprendre son cheminement mental. Je suis resté accroché au film jusqu’à la scène finale particulièrement touchante. Voir ce film m’a fait complètement changer d’à priori sur cette compositrice et interprète, également actrice donc.

Et je suis donc parti ce samedi en fin de matinée au Disk Union de Shinjuku pour acheter deux de ses albums: Kamui Uta (カムイウタ) et Rapunzel (ラプンツェル), après avoir écouté quelques morceaux sur YouTube tout en marchant. Les cris soudains de Cocco au milieu de Kemono Michi (けもの道), le premier morceau de l’album Rapunzel sorti en 2000, et sur Ratai (裸体), le huitième morceau de Kamui Uta font tout d’un coup écho au premières minutes du film KOTOKO. J’ai lu que le réalisateur Shinya Tsukamoto était inspiré par les morceaux et les paroles écrites par Cocco, Satoko Makishi (真喜志智子) de son vrai nom, et qu’il avait dans l’idée de tourner un film avec elle depuis longtemps.

Les morceaux de Cocco sur ces deux albums n’ont pas pour moi de sensibilité mélancolique et j’ai bizarrement un peu de mal à les situer dans mon échelle émotionnelle d’appréciation car sa voix d’inspiration pop rock est assez différente des chanteuses que j’apprécie habituellement. Et c’est en fait cela qui m’intéresse énormément dans la musique de Cocco, car sa sensibilité reste pour moi assez mystérieuse. Il y a une densité émotionnelle forte dans ses morceaux, parfois viscérale que j’étais loin de soupçonner. Il y a un grand nombre de morceaux à l’approche rock qui ont forcément ma préférence car ils sont très bien construit musicalement et riches et guitares mais aussi des moments de pauses beaucoup plus calmes ressemblant parfois à des comptines. En fait, il y a deux types de morceaux, certains rock portant des guitares assez agressives et se terminant parfois sur une cacophonie sonore, et d’autres beaucoup plus pop qui me ramènent directement aux ambiances de la J-Pop du début des années 2000. Je ressens une certaine nostalgie en écoutant ces morceaux là en particulier. Le morceau Tsuyoku Hakanai Monotachi (強く儚い者たち) est un bon exemple de ce type de morceaux, un brin passé mais très attachant car son chant et la mélodie sont très accrocheurs. Les guitares très présentes reprenant aussitôt après, comme sur Anata he no Tsuki (あなたへの月) donnent un ensemble qui peut paraître parfois assez hétérogène. La chanson presque enfantine My Dear Pig par exemple contraste complètement avec le menaçant morceau Ratai (裸体) qui est un de mes préférés de l’album Kamui Uta avec Kemono Michi sur Rapunzel. Mais il y a de nombreux morceaux très prenants comme ces deux là. Cocco chante principalement en japonais sur ces deux albums mais il y a quelques morceaux chantés en anglais avec un accent parfait, Rose Letter par exemple. Je ne connais pas la raison pour laquelle elle parle aussi bien anglais, mais je sais au moins qu’elle est partie plus tard, après ces premiers albums, vivre en Angleterre dans la deuxième partie des années 2000. Bref, je me trouve soudainement accaparé par ces deux albums. J’aime beaucoup découvrir des nouvelles musiques dans le froid de l’hiver. Ça me réchauffe le cœur, en quelque sorte.

En continuant à lire sa page Wikipedia, je découvre que le réalisateur Hirokazu Kore-Eda a réalisé un documentaire à son sujet en 2008 intitulé Daijōbu de Aru Yōni: Cocco Owaranai Tabi (大丈夫であるように – Cocco 終らない) que je ne trouve malheureusement pas sur Netflix ou Amazon Prime. Et cinq ans après KOTOKO, Cocco a joué dans un autre film intitulé A Bride for Rip Van Winkle (リップヴァンウィンクルの花嫁) réalisé en 2016 par un certain Shunji Iwai (岩井俊二) dont j’ai déjà parlé très récemment pour son film de 2001 All About Lily Chou-Chou (リリイ・シュシュのすべて). En fait, en voyant les scènes de KOTOKO tournées à Okinawa, je me suis dis que je regardais beaucoup de films avec des scènes tournées là bas en ce moment (une partie clé de Lily Chiu-Chou est tourné à Okinawa). Je regarde maintenant sur Netflix ce film de 2016 de Shunji Iwai dans lequel Cocco joue un rôle secondaire important pour le déroulement de l’intrigue. Pendant presque trois heures, le film A Bride for Rip Van Winkle nous fait suivre la vie de Nanami Minagawa (interprétée par Haru Kuroki), jeune femme apathique, professeur d’école à mi-temps et adepte d’un réseau social qui lui fait rencontrer son futur mari. Elle a peu d’ami et pour son mariage, elle demande les services d’un personnage mystérieux également rencontré sur le même réseau social pour organiser la location d’invités qui joueront le rôle d’amis pour combler le déséquilibre avec le nombre d’invités de son futur mari. Cet homme mystérieux appelé Yukimasu Amuro (interprété par Go Ayano) est plein de resource et est toujours prêt à venir en aide à Nanami mais ses intentions sont troubles et on ne sait jamais s’il est bienveillant ou manipulateur. Le mariage de Nanami ne se passe malheureusement pas comme elle le voudrait. Elle se trouve ensuite embarquée à jouer elle même le rôle d’invités factices dans un mariage. Elle y rencontre le personnage fantasque Mashiro Satonaka (interprétée par Cocco), une actrice qui va changer sa vie. Le film se divise assez clairement en deux parties et Cocco n’intervient que dans la deuxième partie. Le film est assez long mais on se laisse entraîner dans cette histoire sans savoir où elle va nous amener. Le jeu de Go Ayano, d’Haru Kuroki et de Cocco est remarquable. J’aime particulièrement le personnage d’Amuro joué par Go Ayano, car il est maître de toutes situations et j’adore sa manière complètement convaincante de parler. Un petit détail que j’ai beaucoup aimé est la rencontre de Nanami et de Mashiro dans un bar karaoke de Kabukichō (ou quelque part ailleurs à Shinjuku). Le morceau que Nanami chante dans ce karaoke est Bokutachi no Shippai (ぼくたちの失敗) de Morita Dōji (森田童子) sur son deuxième album Mother Sky (マザー・スカイ) sorti en 1976. J’avais déjà parlé ici de Morita Dōji sur ce blog pour un album ultérieur intitulé Boy, mais j’ai aussi Mother Sky dans la discothèque personnelle de mon petit iPhone transformé en iPod.

霧になるなる東京

Les plantes grimpantes du parc Miyashita sur la première photographie poursuivent leur ascension pour former un toit au dessus du parc le long des tiges métalliques. On est encore loin du compte et ses plantes ne permettent pas encore de rafraîchir la jeunesse se regroupant dessous pendant ces journées chaudes du début de l’été. Je me dirige vers le quartier résidentiel de Shōtō pour le traverser jusqu’à l’avenue Yamate avec dans l’idée de revoir une petite tour en coin de rue que je pensais être grise argentée. Je la retrouve sur la troisième photographie mais elle est désormais peinte en blanc. Le petit immeuble de la cinquième photo a été construit très récemment. La première fois que j’ai vu ce bâtiment, il était encore en construction et la forme en angle d’une des ouvertures m’a tout de suite rappelé l’église de béton à Hiroo conçue par Tadao Ando. Il s’agit en effet d’un bâtiment de Tadao Ando pour la petite agence publicitaire Sima Creative House. Les photographies suivantes partent en direction de Minami Aoyama pour saisir la jeunesse qui s’affichent sur les vitrages de la boutique agnès b puis vers Omotesando avec la devanture cartoonesque de la boutique Comme des garçons. Et pour ce qui est du chat dessiné sur un mur de briques le long d’un parking, je n’ai plus de souvenirs très précis d’où je l’ai aperçu.

Je connaissais l’existence de versions démo de certains premiers morceaux de Sheena Ringo pour les avoir découvert par hasard sur YouTube, mais je n’ai découvert que récemment, il y a quelques mois en fait, qu’une chaine Youtube les regroupait tous par cassette. Il existe en tout cinq cassettes de démo (des demo tapes) dont deux remontant à ses années lycées, une datant d’avant ses débuts et deux autres de l’époque de son premier album Muzai Moratorium. On y trouve de nombreux morceaux qui apparaîtront sur ses deux premiers albums Muzai Moratorium et Shosō Strip, mais également d’autres qui seront ensuite des B-sides et un assez grand nombre de morceaux jamais sortis en CDs et qui m’étaient par conséquent inconnus. La qualité musicale des premières versions est souvent très primaire, genre machine à karaoke, mais on reconnaît tout de suite sa voix si particulière et unique qui pouvait déjà nous faire ressentir tout le potentiel de chaque morceau. Les morceaux sont parfois incomplets et en version très différente de ce qu’on connaîtra ensuite en version finale sur les albums. Ces démo tapes s’écoutent certes comme des curiosités qui intéresseront avant tout les fans (les OTK quoi) et elles m’intéressent donc énormément. Par exemple, la deuxième cassette datant de l’époque où elle était au lycée contient la toute première version de Marunouchi Sadistic (on retrouve également une version assez similaire sur la cinquième cassette). Cette version initiale s’appelait A New Way To Fly et elle a été enregistrée alors que Sheena était en homestay à Londres. Les paroles entièrement en anglais sont complètement différentes de la version Marunouchi Sadistic que l’on connait sur Muzai Moratorium. Cette version intitulée A New Way To Fly est en fait composée d’un patchwork de couplets de trois morceaux du groupe américain d’inspiration grunge Stone Temple Pilots (STP). Les trois morceaux en question sont Tumble In The Rough, Seven Caged Tigers et Adhesive, provenant tous les trois de l’album Tiny Music… Songs from the Vatican Gift Shop sorti en 1996. De STP, je ne connais que leur deuxième album Purple sorti en 1994 et je n’avais pas poussé plus en avant à l’époque de mon adolescence la découverte de ce groupe, bien que j’écoutais beaucoup de rock alternatif américain. Découvrir que Sheena Ringo s’inspirait de cet album avant ses débuts me pousse maintenant à le découvrir et il s’avère être excellent, car il me ramène vers ce style de guitare et de voix assez typique du son grunge, bien que STP part volontiers vers d’autres sonorités, par moments plus mélodiques. Marunouchi Sadistic retrouvera des paroles en anglais pour la version du concert Ringo Expo 08, que l’on trouve également en morceau bonus sur Sanmon Gossip sorti en 2009. Les paroles en anglais sur Marunouchi Sadistic (Expo Ver.) ne reprennent pas les paroles des trois morceaux de STP, mais il y reste une allusion avec les paroles « way to fly » / « way to die » dans le dernier couplet ainsi qu’une référence directe au mouvement grunge en mentionnant Nirvana et Kurt Cobain.

Marunouchi Sadistic n’est pas le seul morceau présent sur les cassettes de démo ayant un titre différent de celui qui sera finalement retenu sur les albums. Les premières versions de Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・) de l’album Muzai Moratorium s’appellent par exemple Headphone (ヘッドフォン). Le morceau B-side 17 s’appelle d’abord Now I’m Seventeen, le morceau intitulé Don’t you think?correspond à Gips (ギブス), Daijōbu (大丈夫) au morceau Kyogenshō (虚言症), le morceau B-side Remote (リモコン) sera plus tard renommé Remote Controller (リモートコントローラー). On trouve sur ces cassettes démo des morceaux que Sheena Ringo donnera ensuite à d’autres, notamment le morceau intitulé Shampoo (シャンプー) pour Rie Tomosaka sur son album Murasaki. (むらさき。). Le cas du morceau intitulé Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) sur ces cassettes de démo est intéressant. D’après le titre, on pourrait penser qu’il s’agit de la reprise de Cindy Lauper qui sera plus tard présent en B-side du single Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), mais il s’agit en fait d’une première version du morceau Private (プライベイト) que Sheena donnera à Ryoko Hirosue. Sur les démos, il y a quelques morceaux comme l’inédit LAY DOWN et Rinne Highlight (輪廻ハイライト) qui reprennent des extraits de paroles de morceaux de la compositrice et interprète américaine Susanna Hoffs, connue pour être la co-fondatrice du groupe pop rock californien The Bangles, populaire dans les années 80 (Eternal Flame, Walk like an Egyptian, Manic Monday sont quelques uns de leurs gros succès). Après The Bangles, Susanna Hoffs a démarré une carrière solo avec un premier album intitulé When You’re a Boy en 1991. Les paroles du morceau LAY DOWN sont en partie tirées du morceau My side of the Bed de cet album. Le morceau Rinne Highlight (輪廻ハイライト), qu’on trouvera ensuite en B-side du single Honnō (本能), comprend certaines paroles du morceau No Kind of Love de Susanna Hoffs sur ce même album. Le point intéressant est que sur ce même album When You’re a Boy de 1991, Susanna Hoffs reprend le morceau Unconditional Love de Cindy Lauper (datant de 1989) mais en modifiant certaines paroles dans un des couplets. En B-side du single Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), Sheena Ringo reprend en fait la version de Susanna Hoffs plutôt que celle de Cindy Lauper. En regardant les crédits du single, on voit en effet mentionné que la version contient des nouvelles paroles expressément écrites par Susanna Hoffs. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais entendu parlé de cette compositrice / interprète bien que je connaissais The Bangles. Il semble que Sheena Ringo l’appréciait pour reprendre plusieurs de ses paroles. Leurs styles musicaux sont pourtant très différent et l’interprétation pleine de passion faite par Sheena Ringo de Unconditional Love est bien supérieure à mon avis à celle plus posée de Susanna Hoffs. En regardant par curiosité certaines vidéos de The Bangles, he le demande d’ailleurs si Sheena n’a pas été influencé par Susanna Hoffs pour ses tenues de scène, notamment sur Senkō Xstacy. L’autre morceau inspiré de paroles de Susanna Hoffs, Rinne Highlight (輪廻ハイライト), est chanté en anglais sur ces cassettes démo et sur la version finale du single Honnō, mais en regardant maintenant les crédits sur le livret du CD de Honnō, je me rends compte que les paroles sont écrites dans un japonais approximatif qui vient en fait imiter les sonorités des mots anglais (on appelle ça le Sora Mimi). On voit une fois de plus que Sheena aime s’amuser avec les mots et j’ai parfois l’impression que ces découvertes inattendues et mystères sont sans fin.

Sur ces cassettes démo, on trouve bien sûr de nombreux morceaux qu’on trouvera ensuite avec les mêmes titres sur les deux premiers albums de Sheena Ringo, et c’est intéressant d’entendre les évolutions au fur et à mesure des morceaux. Les musiques sont bien sûr loin d’être les versions finales riches en guitares et peuvent sonner parfois un peu kitsch car elles sont souvent une idée initiale qui semble être avant tout destinée à accompagner son chant. En tout cas, dès les années lycées, Sheena a déjà cette voix si particulière et on se rend compte tout de suite de son potentiel. Il y a également des curiosités amusantes comme cette courte reprise live de la musique de la publicité Hitachi, Kono Ki Nan no Ki (この木なんの木), qu’on l’on peut entendre toutes les semaines dans l’émission du Samedi soir sur TBS Sekai Fushigi Hakken (世界ふしぎ発見!). Sheena chante le morceau assez calmement au début mais le rythme s’accélère forcément pour dérailler à la fin. Il y a également quelques reprises comme le morceau Today Tomorrow Sometime Never du groupe Echobelly, tiré de l’album Everyone’s got one sorti en 1994. Mais il y a surtout de nombreux morceaux inédits que je n’avais jamais entendu et qui ne sont à priori jamais sorti officiellement. Certains ont beaucoup de potentiel comme par exemple le morceau Shiroi e to Guitar (白い絵とギター) que je voudrais bien qu’elle reprenne un jour ou l’autre. Ce n’est pas impossible car un morceau comme Kudamono no Heya (果物の部屋) qu’elle a écrit au lycée sera intégré beaucoup plus tard à l’album Hi Izuru Tokoro sous le titre Shizuka naru Gyakushu (静かなる逆襲) dans une version forcément beaucoup plus sophistiquée et puissante. Parmi les morceaux inconnus, celui intitulé Kaigun Politician (海軍ポリティシャン) interprété en live a attiré ma curiosité car Sheena y cite à répétition le nom d’un homme politique japonais nommé Yasuhiro Nakasone. Les paroles répètent en refrain Nakasone moto sōri Kaigun Politician (中曽根元総理海軍ポリティシャン), c’est à dire l’ancien Premier Ministre Nakasone politicien de la marine. Le sens de tout cela est plutôt flou et je doute qu’il y ait un message politique derrière ce court morceau. Il est en tout cas vrai que Nakasone était Premier Ministre de 1982 à 1987 et qu’il était lieutenant-commander dans la Marine impériale pendant la deuxième guerre mondiale. Ce n’est pas la première fois qu’elle cite le nom d’un homme politique dans les paroles d’un morceau à ses débuts. Le nom d’un homme politique coréen était également cité mais bippé sur un morceau joué par Hatsuiku Status (発育ステータス) sur la tournée Gokiritsu Japon (御起立ジャポン) en 2000. La troisième cassette de démo contient de nombreux morceaux inédits pris en live avec un esprit punk rock et dont les titres ne sont pas vraiment précisés. Ces quelques morceaux représentent bien la boule d’énergie qu’elle devait être à l’époque. Le morceau Juwaki no naka (受話器のなか) apparaît plusieurs fois sur les cassettes, dont une version proche d’une version finale, mais reste à ma connaissance inédit. Il y a là encore un potentiel non exploité qu’on aimerait entendre plus tard sur un futur album. C’est également le cas d’un autre morceau intitulé Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして). Bref les découvertes sont nombreuses et je ne vais pas toutes les citer car ces cassettes comprennent en tout 72 morceaux. Mais je citerais quand même pour terminer qu’on y trouve également la première version du morceau Gamble (ギャンブル) qu’on trouvera sur le EP SR/ZCS mais surtout en version sublimée sur Heisei Fūzoku (平成風俗). Quand on compare ces deux versions par exemple, on mesure bien sûr toute la différence.

Les trois photos accompagnant ce billet sont tirées du numéro de Mars 1999 du magazine Ongaku to Hito (音楽と人). Elles ont été prises dans la station de Nakano Shimbashi.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux que l’on trouve sur ces cassettes de démo:

Demo Tape 1 (高校時代 ~ High School days)
1. Marvelous Days
2. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
3. Shiroi e to Guitar (白い絵とギター)
4. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Toki ha Bōsō suru (時は暴走する)
6. Now I’m Seventeen [17]
7. Sanso wo Kudasai (酸素をください)
8. How Are You
9. Jesus Loves Me [morceau incomplet, hymne chrétien]
10. Daijōbu (大丈夫) [Kyogenshō (虚言症)]
11. Aozora (青空)
12. Don’t you think?[Gips (ギブス)]
13. GIRL
14. LOVE plus PEACE
15. Denaosu kara (出直すから)
16. Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして) [morceau incomplet]
17. Juwaki no naka (受話器のなか) [morceau incomplet]

Demo Tape 2 (高校時代 ~ High School days)
1. Rinne Highlight (輪廻ハイライト) [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
2. Onaji Yoru (同じ夜)
3. Kudamono no Heya (果物の部屋)
4. Tsuki ni Make Inu (月に負け犬)
5. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王)
6. Σ
7. Kōfukuron (幸福論)
8. Identity (アイデンティティ)
9. LAY DOWN [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
10. A New Way To Fly [Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック). Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Stone Temple Pilots]
11. Shampoo (シャンプー)
12. Sakana (サカナ)
13. Remote (リモコン) [Remote Controller (リモートコントローラー)]
14. Yami ni Furu Ame (闇に降る雨)
15. Before You Walk Out My Life [morceau incomplet, reprise du morceau de Monica sur l’album Miss Thang (1995)]

Demo Tape 3 (デビュー前音源20曲 ~ 20 songs before Debut)
1. 17
2. Marvelous Days
3. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
4. (Unknown) [1] TAKE IT!
5. Juwaki no naka (受話器のなか)
6. (Unknown) [2] SOMEDAY
7. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
8. Ano ko wo mae ni shite (あのコを前にして)
9. Kaigun Politician (海軍ポリティシャン)
10. Today Tomorrow Sometime Never [reprise du morceau d’Echobelly de l’album Everyone’s got one (1994)]
11. Kono Ki Nan no Ki (この木なんの木) [Musique de publicité pour Hitachi]
12. Daijōbu (大丈夫) [Kyogenshō (虚言症)]
13. Toki ga Bōsō suru (時が暴走する)
14. Denaosu kara (出直すから)
15. Shiroi e to Guitar (白い絵とギター) [LIVE]
16. How are You
17. (Unknown) [3] Jesus (ジーザス)
18. Morphine (モルヒネ) [LIVE]
19. Don’t you think [Gips (ギブス)]
20. Aozora (青空)

Demo Tape 4
1. Negative (ネガティブ) [reprise du morceau Hari no Nai Tokei (針のない時計) de Terasaka Tomohiro (寺坂トモヒロ)]
2. Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) [Private (プライベイト)]

Demo Tape 5 (無罪エトセトラ ~ Muzai et cetera)
1. Tadashii machi (正しい街)
2. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王)
3. Headphone (ヘッドフォン) [Akane sasu kiro terasaredo (茜さす 帰路照らされど・・・)]
4. Sid to Hakuchūmu (シドと白昼夢)
5. Honnō (本能) [morceau incomplet]
6. Orgel (オルゴール)
7. Suberdai (すべりだい) [Pre-mastered]
8. Gamble (ギャンブル)
9. Remote (リモコン) [Remote Controller (リモートコントローラー)] [morceau incomplet]
10. LAY DOWN [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
11. Keikoku (警告) [Pre-mastered]
12. Onaji Yoru (同じ夜)
13. Kōfukuron (幸福論) [Pre-mastered]
14. A New Way To Fly [Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック). Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Stone Temple Pilots]
15. Identity (アイデンティティ)
16. Kudamono no Heya (果物の部屋)
17. Rinne Highlight (輪廻ハイライト) [Musique: Sheena Ringo, Paroles: Divers morceaux de Susanna Hoffs]
18. Unconditional Love (アンコンディショナル・ラブ) [Private (プライベイト)] [morceau incomplet]

light waves

Les illuminations de fin d’année sont de retour sur l’avenue Omotesando. Elles avaient été supprimées l’année dernière et on les retrouve maintenant. Elles sont simples mais ce sont certainement les plus belles de Tokyo. Je les préfère aux lumières froides de Roppongi Hills ou de Tokyo Mid-Town. Ce genre d’illuminations ne rend pas très bien en photo, du moins je n’arrive pas à obtenir en photo l’effet qu’on peut avoir en les voyant réellement. Je me décide donc pour le mouvement pour retransmettre une idée de flots de lumières. Ces images retransmettent une sorte d’incandescence électrique qui correspond assez bien à l’image de couverture de la musique qui va suivre. L’année se termine bientôt et il me reste encore beaucoup de photographies de 2021 a montrer ici. Comme c’était le cas l’année dernière, je ne pense pas pouvoir toutes les montrer avant la fin de l’année.

J’écoute vraiment souvent le nouveau morceau de a子 (A-ko) intitulé Drip (どろり), sans m’en lasser une seconde depuis dix jours. Il est sorti le 8 Décembre. Il doit s’agir du morceau que je préfère et il y a pourtant beaucoup de morceaux que j’adore de a子, notamment son avant-dernier single Somewhere. Sur Drip, Il y a un dosage parfait entre une certaine mélancolie et une mélodie pop dans le refrain qui s’accorde parfaitement avec sa voix. J’aime aussi beaucoup la partie solo de guitare pleine d’écho qui intervient dans la dernière partie du morceau. J’aime avant tout l’émotion délicate qui se dégage de cette musique mais en même le morceau est très accrocheur. Il y a un équilibre qui est à mon avis difficile à obtenir mais a子 y parvient très bien sur certains morceaux comme celui-ci. Sa musique, que j’écoute depuis son très bel EP Misty Existence (潜在的MISTY), mériterait d’être beaucoup plus reconnue. Elle sort ses nouveaux morceaux au compte-goutte ces derniers temps et je profite de l’addiction que me procure actuellement Drip pour écouter d’autres morceaux que je ne connais pas encore ou que je connais moins de l’artiste. Il y a notamment le morceau bye sorti au début de l’année, le 4 Janvier, et que j’ai eu tord de manquer lors de sa sortie.

À propos de a子, je le savais déjà car j’en avais déjà parlé dans un billet précédent mais je me rends compte qu’elle adore Sheena Ringo et Tokyo Jihen. On ne voit par contre pas d’influence particulière dans ses compositions musicales ou dans sa voix qui est d’un style très différent de celle de Sheena, je dirais même à l’opposé. Elle poste souvent des Like sur son compte Twitter concernant SR/TJ et en parle même à plusieurs reprises en interview sur le site de revue musicale Mikiki, affilié à Tower Records. Quand on lui demande de citer les dix morceaux qui ont construit sa personnalité (私を作った10曲), elle cite Honnō (本能) de Sheena Ringo et Genjitsu wo Warau (現実を嗤う) de Tokyo Jihen (mais également un morceau de Sakanaction et de Flying Lotus). Je note ci-dessous ce que a子 nous dit à propos de Honnō dans cet article de Mikiki:

椎名林檎と言えばこの曲を真っ先に思い浮かべる方が多いのでは無いでしょうか。
もちろん私もその1人で、サウンド、歌詞、ビジュアル、どこを取っても素晴らしいの一言に尽きます。いつか同じように凄い楽曲を作ることが私の夢です。

Lorsqu’on évoque Sheena Ringo, beaucoup de personnes pensent d’abord à cette chanson (Honnō). Je suis, bien sûr, également une de ces personnes. Le son, les paroles, le visuel, où que vous regardiez, tout est merveilleux. Mon rêve est d’écrire un jour une chanson qui soit pareillement incroyable.

Dans une autre interview sur ce même site musical Mikiki, a子 nous parle de ses influences musicales, tout d’abord internationales. Elle évoque ensuite la musique de Sheena Ringo et l’approche qu’elle en a eu:

――その他に影響を受けたアーティストはいますか?
「日本人だと、椎名林檎さんがものすごく好きで……。実は、林檎さんの楽曲は上京するまでしっかり聴いたことなかったんですよ。ずっと存在は知っていて、〈あ、素晴らしい方がいらっしゃる〉みたいな。恐れ多いのですが、昔から目の端のほうで存在を捉えてはいたのですが、私の第六感が〈いまは聴くのをやめたほうがいいよ〉と言っていて。〈いま聴いたら自分のやりたかったこと全部完璧にしていらっしゃる椎名林檎さんと自分を比べて絶望して、音楽を辞めちゃうのでは〉と少し思っていまして。
でも、上京してから〈でもやっぱり聴きたい〉という思いに負けて、圧倒的なオーラを放っていらっしゃる林檎さんを聴いちゃいましたね。それで、椎名さんが出されているアルバムとかライブDVDとかを片っ端から聴いたり観たりしまして。もうまんまと沼に落ちまして、いまでは大好きなアーティストです」

– Y a-t-il d’autres artistes qui vous ont influencé ?
Pour ce qui est des artistes japonais, j’aime beaucoup Sheena Ringo… En fait, je n’écoutais pas attentivement la musique de Ringo-san avant de venir à Tokyo. Je connais par contre sa musique depuis longtemps, en me disant « Ah, il existe cette personne exceptionnelle ». Par crainte et dans une manière un peu rapide de voir les choses, mon sixième sens me disait « Tu devrais arrêter d’écouter sa musique. Si tu n’arrêtes pas d’écouter maintenant, tu vas irrémédiablement comparer ce que tu veux faire avec tout ce que Sheena Ringo a déjà fait parfaitement, et ça va te décourager à continuer la musique ». Mais après être venu à Tokyo, j’ai succombé à l’envie d’écouter sa musique, et j’ai fini par écouter Ringo-san à l’aura écrasante. J’ai ainsi écouté et regardé tous les albums et les DVDs Live que Ringo-san a sorti. Je ne peux maintenant plus m’en passer et c’est une artiste que j’adore.

Elle continue ensuite avec une remarque que j’avais déjà lu sur son Twitter et que j’avais déjà mentionné dans un billet précédent et une anecdote traduisant bien sa fascination pour l’artiste.

――では、椎名林檎さんはいまのa子さんにとって、心の支えと言っていいくらいに大切なアーティストでしょうか?
「そうなんですよ。自分は音楽をやっていて、〈しんどいな〉と思うときも多いんですよ。それでも東京事変とか椎名林檎さんを聴けば、全部治ります(笑)。
余談ですが、うちのバンドのドラムが『Mステ』にサポートとして出演したんですよ。そのときに椎名林檎さんがいらっしゃって、会釈したらしんですよ。もううらやましくて、憎くて憎くて(笑)。すごくないですか? 会釈されたということは、認知されたということですよ? もうすごすぎて、彼から椎名さんの残り香をすごいもらいました」

– Donc, peut on dire que Sheena Ringo est une artiste si importante pour vous qu’elle vous donne la force de continuer?
C’est tout à fait vrai. J’écris et joue de la musique et je pense très souvent que c’est difficile et douloureux. Et pourtant, si j’écoute Tokyo Jihen ou Sheena Ringo, toutes ses douleurs se guérissent (rires). En aparté, le batteur de mon groupe est passé en support dans l’émission « Music Station ». Sheena Ringo était également présente à l’émission à ce moment-là et lui a apparemment fait un hochet de tête. J’étais tellement jalouse que je l’ai détesté sur le moment (rires). Mais n’est ce pas incroyable? Le fait de recevoir un hochet de tête veut dire qu’on a été reconnu, n’est ce pas? C’était tellement incroyable que j’ai même ressenti de lui les restes de l’odeur de Sheena Ringo.

C’est plutôt amusant de lire ce genre de remarques. J’ai personnellement du mal à mettre des artistes à des niveaux différents car, pour moi, un seul morceau exceptionnel peut valoir tous les albums. a子 est une jeune artiste et n’en est bien sûr qu’au début de sa carrière, ce qui explique certainement cette fascination. Dans un début de reconnaissance, elle notait sur son Twitter que Vaundy avait joué un de ses morceaux dans une playlist de radio. Moi qui adore dresser des liens entre des artistes que j’apprécie, je suis très satisfait de ces découvertes et c’est la raison pour laquelle je les mentionne ci-dessus.

白黒になる東京 (2)

Le noir et blanc continue à gagner Tokyo sur les photographies de cette petite série de quelques épisodes. Elles sont prises dans des lieux différents avec l’objectif 40mm que j’aime utiliser en ce moment. J’y ajoute parfois des éléments d’architecture comme sur quelques photographies du premier épisode. Je n’avais pas mentionné dans le premier billet qu’il s’agissait sur la première photographie du musée d’art Watarium conçu par l’architecte suisse Mario Botta en 1990. La grande fresque composée de photographies de visages collées sur la façade du musée a presque entièrement disparu. Il ne reste que quelques traces de papier qui demanderaient à être nettoyées, mais le concept de cette œuvre était apparemment de voir comment elle allait se décomposer avec le temps. L’autre photographie d’architecture du premier billet de cette série montrait la petite maison futuriste Delta à Meguro par l’architecte Akira Yoneda d’Architecton et l’ingénieur de structure Masahiro Ikeda. Je passe de temps en temps devant cette petite maison qui a l’attrait de ne pas être trop connue, par rapport à Reflection of Mineral de l’Atelier Tekuto, dans un esprit futuriste miniature un peu similaire. J’y suis passé alors que la nuit commençait doucement à tomber et les lumières révélaient un peu l’espace intérieur. Il y a également des éléments d’architecture dans ce deuxième billet de cette série en noir et blanc. La première photographie montre une partie de la maison House in Nishiazabu construite en 2006 par l’architecte Ryōji Suzuki, dont j’avais déjà parlé pour une de ses œuvres les plus emblématiques, Azabu Edge, également située à Nishi Azabu. La tête robotisée de la troisième photographie provient du cinquième étage du building Spiral à Aoyama, conçu par Fumihiko Maki et dont je montrais déjà la terrasse située juste en dessous. En parlant de Fumihiko Maki, mahl montre sur son blog une belle série de photographies en noir et blanc du premier bâtiment de Fumihiko Maki au Japon. Il s’agit du Nagoya University Toyoda Memorial Hall. Sur la dernière photographie de ce billet, je montre une nouvelle fois la tour Heian 51 près de Naka-Meguro. Cette tour de béton conçue par Shin Takamatsu est plus sobre que celle d’Akasaka que j’ai été voir récemment. Elle n’en demeure pas moins élégante par sa finesse et ses ouvertures rondes futuristes.

Sur le dernier album Music (音楽) de Tokyo Jihen, Sheena Ringo évoque une personnification du Panthéon bouddhique appelée Mahāmāyūrī, dans la courte partie rappée du premier morceau intitulé 孔雀 (Kujaku). Kujaku désigne en japonais le paon qui est également le symbole utilisé par le groupe. Mahāmāyūrī, également appelée Kujaku Myōō (孔雀明王), est une reine du savoir représentée chevauchant un paon comme le montre les deux représentations ci-dessus. A gauche, il s’agit d’une peinture en couleurs sur soie sur un rouleau datant de la période Heian (794-1185) au 12ème siècle, exposée au musée national de Tokyo à Ueno. A droite, la photo montre une statue de 78 cm en cyprès hinoki créée par le moine bouddhiste Kaikei (快慶) à l’époque Kamakura (1185-1333) en 1200. Cette statue est la propriété du temple Kongōbu-ji (金剛峯寺) situé au Mont Kōya dans la préfecture de Wakayama et elle est exposée au musée Koyasan Reihokan. Mahāmāyūrī est une personnification pacifique vénérée au Japon pendant l’époque de Nara (710-794). Elle a le pouvoir de protéger des intoxications physiques ou spirituelles. Elle permet donc de protéger des poisons, comme par exemple des morsures de serpent. Comme je le mentionnais déjà, le lien entre le dernier album Sandokushi (三毒史) de Sheena Ringo et ce nouvel album de Tokyo Jihen devient tout d’un coup évident. Le terme bouddhiste ‘Sandoku’ utilisé dans le titre de l’album fait référence à trois poisons (l’ignorance, l’avidité et la colère) également représentés par trois animaux (le poulet, le serpent et le cochon) que l’on trouve visuellement montrés dans la vidéo du premier morceau de Sandokushi, Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚). Mahāmāyūrī, la reine paon, vient elle protéger de ces poisons. Sheena Ringo a mentionné quelques fois en interview et pendant l’émission Hanakin Night Ajito Nau que certains fans avaient déjà deviné le retour de Tokyo Jihen à la sortie de Sandokushi en 2019 du fait de l’utilisation de ce nom d’album à référence bouddhique. Il est vrai qu’en 2019, Tokyo Jihen se réunissait déjà en cachette pour composer des morceaux avant leur re-formation officielle. Pour nous éclaircir un peu plus sur ce lien, la vidéo du morceau Kujaku montre des petites statuettes de porcelaine Herend posées sur un tourne-disques (les mêmes que celles posées sur la table pendant l’émission Ajito Nau) représentant les trois poisons (serpent, poulet et cochon) et le paon. Il s’agit d’un trait d’union intéressant entre sa carrière solo et le redémarrage du groupe.

Parmi toutes les émissions radio et télévision que j’ai pu voir et écouter pour la sortie de leur nouvel album, l’émission spéciale Gatten! sur NHK le Jeudi 10 Juin était une des plus intéressantes, surtout pour les morceaux qui y étaient interprétés. Gatten! est une émission de vulgarisation scientifique abordant divers sujets touchant à la vie quotidienne, à la santé et médecine entre autres. Les sujets sont expliqués de manière amusante et ludique avec des expérimentations auxquelles les membres de Tokyo Jihen se sont fait porter volontaires malgré eux. Parmi les sujets de cette émission, l’animatrice posait la question de quelle était la manière la plus efficace de passer l’aspirateur, ou comment éliminer le gaz d’une bouteille de Coca Cola avant de l’ouvrir si on l’a malencontreusement secoué auparavant. Ce sont des sujets très anecdotiques et l’utilité de la présence du groupe est des plus discutables, mais ils se sont quand même bien prêtés au sujet, à part peut-être Ukigumo qui a toujours l’air de s’ennuyer sur les plateaux de télévision. Le sujet suivant, le plus intéressant, était une explication de comment naît dans notre cerveau le plaisir, Kaikan (快感) en japonais. J’aime beaucoup ce mot car il me rappelle une scène culte du film Sērā-fuku to kikanjū (セーラー服と機関銃) où l’actrice Hiroko Yakushimaru le prononce juste après avoir descendu à la mitraillette les membres d’un clan adverse de yakuza. Pour expliquer le mécanisme du plaisir dans notre cerveau, une image illustrée géante de la tête de Kameda était montrée sur le plateau avec une ouverture sur son cerveau pour laisser apparaître des petites capsules rondes et animés représentant la dopamine et l’endorphine. Cette petite présentation se déroulait sous le sourire parfois surpris des membres du groupe.

Gatten! était plusieurs fois interrompue par des séquences présentées par Izawa Ichiyō et intitulées Musica Piccolyno. Il s’agit de mini-épisodes consacrés à l’éducation musicale, tentant de susciter l’intérêt des enfants pour la musique. Il y avait une autre séquence, un peu plus intéressante à mon avis, intitulée Warau Yōgakuten (笑う洋楽展) et présentée par le mangaka et illustrateur Jun Miura (みうらじゅん) ainsi que par Hajime Anzai (安齋肇), illustrateur mais également musicien et “Soramimiste”. “Soramimiste” fait référence à l’émission de télévision Sora Mimi Awa (空耳アワー) sur la chaîne Asahi. Cette émission présentée par Tamori et son Tamori Club (タモリ倶楽部) recherchait dans des morceaux de musique étrangère des mots qui pourraient être compris comme du japonais. Je me souviens qu’on regardait souvent cette émission. Tous les exemples de ré-interprétation en japonais de paroles en anglais ou autres langues n’étaient pas tous extrêmement réussis, mais nous faisaient souvent rigoler. Une autre séquence de l’émission, Warau Yōgakuten, parle également de musique. Jun Miura et Hajime Anzai y parlent librement en regardant des vidéos musicales qu’ils commentent. Pendant cette émission en particulier, ils évoquaient le morceau Baba O’Riley en version Live des anglais de The Who. L’émission spéciale passait donc son temps à jongler entre ces séquences en montrant au passage une reproduction assez fidèle en marionnettes de Tokyo Jihen habillé des tenues blanches qu’ils portaient au moment de leur re-formation au début de 2020. Il doit y avoir des fans motivés à la NHK pour créer des marionnettes de cette qualité.

Et l’émission nous montrait bien évidemment des interprétations de quelques morceaux de Tokyo Jihen. Il y en avait quatre en tout: Eien no Fuzai Shōmei (永遠の不在証明) extrait du EP News, une inévitable reprise de Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Sheena Ringo, et deux morceaux du dernier album: Ryokushu (緑酒) et Yaminaru Shiro (闇なる白). Le titre de ce dernier morceau m’inspire d’ailleurs le titre des billets de cette série photographique. Sur Marunouchi Sadistic, le groupe était habillé des tenues blanches inspirées de la marine que l’on voyait sur l’affiche de l’album Music, sur le toit de l’immeuble Sky Building à Shinjuku. Les tenues qui m’ont le plus impressionné sont celles de Ryokushu et de Yaminaru Shiro. Sur Ryokushu d’abord, ils étaient tous les cinq habillés en tenues complètes roses. Ça pourrait paraître ridicule pour la plupart des groupes qui s’imagineraient se vêtir ainsi, mais ça passe pour Tokyo Jihen. Certainement parce qu’ils nous ont habitué à toutes sortes d’extravagances vestimentaires sans que ça paraisse déplacé. J’aime assez quand ils partent vers ces folies visuelles et j’y trouve même un certain esprit Visual Kei dans le sens où leur apparence ne répond pas à une mode du moment, reste particulièrement unique et essaie de susciter une réaction auprès du public. L’apparence visuelle du groupe redevient plus ‘normale’ sur le morceau Yaminaru Shiro. La mise en scène est très intéressante. On voit Sheena assise avec une veste en cuir et des lunettes de soleil ronde devant un ordinateur portable Apple où la pomme est remplacée par un paon. Elle porte sur une de ses mains des armor rings, étendus par rapport à ce qu’elle portait à ses débuts. On voit qu’Izawa est très musclé et son entraînement journalier sera même le sujet de la vidéo YouTube Hanakin du Vendredi 18 Juin. Avec ses petites lunettes rondes et sa musculature développée, il me rappelle un peu le personnage de RanXerox de Liberatore. Kameda est lui volontairement très statique debout sur un bloc avec un regard de tueur. Cette mise en scène est la meilleure des quatre morceaux joués dans l’émission. J’essaierais de parler un peu plus tard d’une autre émission très intéressante avec Tokyo Jihen, Kan Jam dont la deuxième et dernière partie passera dimanche soir.

I’m nobody. Who are you? I’m the ocean.