sonatine pour l’inconnu

Je me demande parfois s’il faut mieux montrer les choses ou seulement les suggérer. Sur une photographie, il peut se passer une multitude de choses que l’on ignore bien qu’on les voit. Que se passe t’il derrière les zones d’une photographie que l’on cache volontairement? Il s’y passe de nombreuses choses ou un néant absolu. Les choses que l’on voit nous laisse souvent imaginer les choses que l’on ne voit pas. Les choses que l’on ne voit pas semblent forcément plus interessantes que celles que l’on voit, mais qu’en est il réellement? La petite musique de l’inconnu nous attire inexorablement même si j’essaie parfois de l’ignorer. L’espace inconnu devant moi est vaste et sans limites apparentes. Je le parcours pendant de nombreuses années que je préférerais ne pas compter et j’essaierais toujours de montrer ici ce que je suis en mesure d’y découvrir.

J’ai fait quelques séances récentes de rattrapage des derniers films de Quentin Dupieux. J’ai visionné trois de ses derniers films à la suite, suivant les conseils de ma petite sœur. On se conseille en fait mutuellement les films du réalisateur car on a le même goût pour l’absurde en cinéma, et on aime en parler après par messages intercalés. Et Quentin Dupieux est un spécialiste de cet absurde qui nous fait souvent rire ou nous interroge. Depuis que j’ai vu son film Réalité en 2015, son univers bizarre me passionne. J’avais beaucoup aimé ses films suivants, Au poste ! et Le Daim, et je découvre maintenant Mandibules qui atteint d’autres sommets dans l’absurde. C’est toujours difficile d’être en mesure de raconter l’histoire des films de Quentin Dupieux sans trop en dévoiler et donc gâcher les effets de surprise. Il ne faut pas se laisser décourager par les affiches des films qui sont en général volontairement kitsch. Savoir que le film Mandibules, sorti en 2020, raconte l’histoire de deux demeurés, prenant la vie comme elle vient, se mettre en tête de dresser une mouche géante trouvée dans un coffre de voiture, peut laisser interrogateur. On se demande où Quentin Dupieux va trouver toutes ces idées et ses idées sont à chaque fois servies par un jeu d’acteur et d’actrice exceptionnel. Grégoire Ludig (Manu / Fred) et David Marsais (Jean-Gab) sont excellents de naturel dans leurs rôles de simple d’esprit et Adèle Exarchopoulos (Agnès) est assez prodigieuse. L’histoire d’Incroyable mais vrai, son film suivant sorti en 2022, tourne autour d’une maison possédant un pouvoir très particulier que l’on découvre au fur et à mesure du film. Là encore, le jeu d’Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier est excellent. Le film nous amène à des réflexions. Je le trouve un peu moins passionnant que Mandibules, mais ça n’enlève rien au fait qu’on est scotché devant son écran dans l’impossibilité de prédire quelle direction le film va prendre. Son dernier film Yannick, sorti en 2023, est très différent, prenant une direction plus réaliste et s’échappant de l’imaginaire absurde. Le film est porté magistralement par Raphaël Quenard jouant le rôle de Yannick, se levant dans une salle de théâtre pour se plaindre du jeu des acteurs. Ce personnage est à la fois effrayant et touchant, et on ne sait plus comment l’entrevoir au fur et à mesure que le film avance dans son histoire en huis-clos. Il faut noter que les films de Quentin Dupieux sont toujours très courts, environ une heure, et se regardent donc comme des petits épisodes nous faisant divaguer dans un univers décalé, le temps de quelques instants avant de revenir dans notre monde réel décidément bien normal.

Me rendre compte que D.A.N. avait composé et arrangé un des morceaux que je préfère de Daoko m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe. Je ne connaissais en fait que leur superbe dernier album NO MOON, sorti en Octobre 2021, que j’aime régulièrement écouter en partie ou en intégralité. Alors que je cherchais au Disk Union de Shin-Ochanomizu l’album anima de Daoko, je trouve à la place à la syllabe た, le deuxième album de D.A.N. intitulé Sonatine et sorti en Juillet 2018. Depuis que j’ai découvert NO MOON, j’ai hésité à continuer l’écoute de leur musique sur d’autres albums car j’avais une fausse perception que les deux albums précédents du groupe ne pouvaient pas être aussi bons que leur dernier. Sonatine n’atteint certes pas tout à fait le niveau de maturité de NO MOON, mais il est clairement dans la même veine. La voix de Daigo Sakuragi est magnifique de sensibilité, presque divine par moment, et les compositions musicales oscillent avec perfection entre des ambiances flottantes et d’autres beaucoup plus rythmées. J’aime particulièrement quand la musique de D.A.N. joue sur la longueur comme sur Sundance ou Borderland. Il y a plusieurs interludes purement instrumentaux plus ou moins longs avec des scènes atmosphériques qui me rappellent un peu celles qu’on peut entendre sur certains morceaux de Burial. L’ambiance y est par contre moins sombre. Le morceau Pendulum est un des plus aboutis de l’album, et compte avec le suivant Replica, parmi ceux que je préfère de l’album. Dans son ensemble, cet album est moins marquant que NO MOON mais possède une beauté diffuse qui nous accroche sans forcer le trait, car l’émotion qui s’en dégage est palpable.

an empty space in consciousness

IMG_5930m

IMG_5933m

IMG_5951m

IMG_5955m

IMG_5957m

IMG_5959m

Nous sommes ici en quelques photographies entre les stations de Tachiaigawa et Aomono-Yokochō. Comme d’habitude pour mes promenades urbaines, je marche au hasard des rues en essayant de trouver des choses particulières, comme ces têtes d’éléphants aux portes d’un temple. En parlant d’univers particulier, je viens de voir le fascinant film de Quentin Dupieux Réalité, vraiment bizarre et passionnant. Je viens de le regarder deux fois de suite et le range parmi les films cultes. Je connaissais Quentin Dupieux à travers sa musique électronique sous le nom de Mr Oiso et quelques très bons morceaux comme Positif ou Steroids, mais j’apprécie encore plus son cinéma.