春休みin沼津and伊豆(petit 2)

Nous continuons ensuite notre parcours en voiture en sortant du centre de Numazu en direction d’Izu pour faire le tour de la baie d’Enoura jusqu’à la petite île d’Awashima. L’hôtel Awashima (淡島ホテル) où nous passerons la nuit se trouve à l’extrémité de cette île. Cet hôtel n’est accessible que par bateau et la navette dure environ une dizaine de minutes. Depuis le bateau, on aperçoit le majestueux Mont Fuji s’échappant au loin derrière une ligne de basses montagnes. L’homme d’affaire Shōichi Osada (長田庄一) était propriétaire de cet hôtel qu’il a fait construire pendant la bulle spéculative des années 1980. Il avait en fait acheté l’île d’Awashima pour y construire cet hôtel avec l’idée d’en faire un des plus luxueux du Japon. Shōichi Osada est né en 1923 à Kofu dans la prefecture de Yamanashi d’une famille de négociants en bois. Après être monté à Tokyo, il se lance dans la finance en regroupant plusieurs petites banques mutuelles pour fonder une grande banque nommée Tokyo Sowa qui se focalise sur les opérations immobilières et le crédit à la consommation. Il mène une vie flamboyante sans compter ses dépenses. Grand amateur de la France, il devient ami de 50 ans de Jacques Chirac qui viendra d’ailleurs séjourner dans cet hôtel d’Awashima, tout comme d’autres hommes politiques, notamment François Mitterand. Il sera d’ailleurs promu chevalier de la Légion d’honneur par François Mitterrand en 1994, puis officier en 1997 par Jacques Chirac. Une rumeur insistante, mais jamais confirmée, disait même que Jacques Chirac avait un compte bien garni dans la banque Tokyo Sowa, ce qu’il toujours nié. Collectionneur d’art, Shōichi Osada achète de nombreux tableaux français et européens que l’on peut voir dans l’hôtel dans une galerie d’art ouverte sur le grand hall. L’explosion de la bulle spéculative au Japon a précipité la faillite de Tokyo Sowa en Juin 1999. La banque sera ensuite racheté par un fond texan Lone Star pour devenir Tokyo Star Bank (qui a également disparu). On peut voir dans l’hôtel quelques photos de Jacques Chirac avec son ami Shōichi Okada. L’hôtel n’a heureusement pas été emporté par la faillite de Tokyo Sowa et est actuellement dirigé par le fils d’Osada. Le standing de l’hôtel me rappelle un peu l’hôtel Kawakyu à Wakayama, mais il est loin d’être aussi extravagant. j’aime beaucoup ces hôtels construits pendant les périodes fastes de la bulle économique et qui ont depuis beaucoup perdu de leur superbe. On devine par contre encore très bien la richesse des lieux, sauf que l’hôtel ne peut plus vraiment tenir le standing de l’époque et n’a pas vraiment su s’ajuster au niveau auquel on pourrait s’attendre pour un hôtel prétendant vouloir devenir le plus luxueux du Japon. Depuis la terrasse de l’hôtel, la vue sur le coucher de soleil était superbe et hypnotisante. La vue complètement dégagée sur le Mont Fuji est un des points forts de cet endroit, notamment depuis les bains onsen. On ne voit bien sûr rien pendant la nuit, mais nous avons eu le plaisir d’avoir une vue dégagée sur le Mont Fuji au petit matin. Ça nous a fait retourner dans le bain onsen extérieur pour prendre son temps dans l’eau chaude à regarder la montagne sacrée.

L’émission Liquid Mirror d’Avril 2023 consacrée à Ryuichi Sakamoto (坂本龍一) m’a fait revenir vers le Yellow Magic Orchestra (YMO) car elle contenait le morceau Perspective qui m’a beaucoup intrigué. Il s’agit du dernier morceau de leur septième album Service sorti en 1983. On se laisse tout de suite emporter par l’approche au piano de Sakamoto pour se perdre dans les boucles infinies composées de phrases simples, mi-parlées mi-chantées par Yukihiro Takahashi (高橋幸宏), décrivant en anglais des petites actions de la vie quotidienne. Je m’assoie tranquillement dans le jardin de l’hôtel sur les murets blancs en colonnes près du bord de l’océan en écoutant ce morceau ainsi que quelques autres de cet album dont LIMBO, 以心電信 (You’ve Got To Help Yourself) et See-Through. C’est musicalement superbe, très orienté pop 80s ce qui me semblait assez bien correspondre à l’ambiance des lieux où je me trouvais. L’album Service est en fait très particulier car chaque morceau est entrecoupé de scènettes de plusieurs minutes, qu’on peut écouter une fois par curiosité mais qu’on aura beaucoup de mal à écouter à chaque fois. De l’album, je ne conserve donc sur mon iPod que les sept véritables morceaux qui sont, il faut bien dire, tous excellents. Je suis loin de bien connaître la discographie du YMO, mais cet album est pour le moment mon préféré. La voix de Takahashi sur Chinese Whispers ou See-Through me fascine complètement. On ne peut pas dire qu’il était un excellent chanteur mais sa voix parfois un peu torturée me rappelle par moment un peu Bowie. J’écoute aussi le cinquième album Technodelic du YMO sorti en 1981. Cet album électronique est beaucoup plus expérimental dans son approche, mais certaines directions sur le premier morceau Pure Jam (ジャム) me rappellent un peu les Beatles, peut-être à cause de ses sonorités indiennes et de son approche vocale. L’album est plus minimaliste et moins orienté pop par rapport à Service sorti deux ans plus tard. Il est rempli de textures souvent abstraites voire mystérieuses. L’ambiance musicale industrielle inquiétante du morceau Stairs (階段) est une fois de plus fascinante, comme l’est d’ailleurs la grande majorité de l’album. Les ambiances sonores sont superbes, des plus mélodiques comme Light in Darkness (灯) et Epilogue (後奏) concluant l’album, au plus rythmé comme Key (手掛かり). En écoutant ce cinquième album, je me dis maintenant qu’il s’agit peut-être bien de mon album préféré du groupe. Je préfère en fait ces deux albums au mythique Solid State Survivor sorti en 1979, qui contient pourtant quelques merveilles comme Behind The Mask mais Aussie quelques morceaux assez agaçants.

駆けるインスピレーションが止められない

Les quelques photographies ci-dessus ont été prises à la fin de l’été peu de temps après notre retour de France. Elles étaient depuis longtemps en attente dans un billet en brouillon qui a changé de direction en cours de route. Ces photographies devaient initialement être regroupées avec celles du billet the day in question, avant que celui-ci prenne une tout autre direction, car je m’étais poser la question à ce moment là de savoir si je devais continuer à montrer des photos directement sorties de l’appareil photo sans ajouts personnels. Au final, je reviens finalement vers ce type de photographies mélangeant extraits de rues et éléments d’architecture. J’ai déjà montré plusieurs fois l’architecture des deux premières photos. Le premier bâtiment est la Bank Gallery (anciennement HH Style Armani Casa) conçue par Tadao Ando et le deuxième au bout de la rue est une résidence privée nommée Wood / Peel par Kengo Kuma. Je ne pense pas, par contre, avoir montré les bâtiments des deux dernières photographies car ce sont des constructions très récentes. L’avant dernière photo montre une partie du vitrage du building IDÉAL par Hiroshi Nakamura & NAP (中村拓志&NAP). La résidence de la dernière photographie a des formes superposées désaxées très intéressantes. Il s’agit Hillpeak Tokiwamatsu par Toyo Ito & Associates.

Suite à la découverte de quelques très bons morceaux de Kirinji sur son dernier album mentionnés dans mon précédent billet, je suis parti à la découverte des précédents albums pour voir s’il y avait quelques bons morceaux que j’aurais peut-être manqué. Sur l’album Cherish sorti en 2019, je découvre le sublime morceau Almond Eyes avec un featuring du rapper Chinza DOPENESS (鎮座DOPENESS). J’adore quand Kirinji mélange son univers musical avec le hip-hop. L’atmosphère du morceau est assez fantastique, notamment dans le mélange et le contraste des voix et dans la qualité de la composition musicale. J’aime beaucoup cet électro que j’imagine plein de néons. Il me semblait connaître, au moins de nom, Chinza DOPENESS et ma curiosité m’a poussé à rechercher d’autres morceaux où il intervenait. Il participe à un morceau intitulé Energy Furo (エナジー風呂) qui m’intrigue tout de suite par son titre car il s’agit d’un jeu de mot le faisant ressembler au titre emblématique Energy Flow composé et joué par Ryuichi Sakamoto (坂本龍一). Le « Flow » du morceau original est remplacé par le « Furo », signifiant le bain. Ryuichi Sakamoto participe en fait à ce morceau reprenant le thème principal d’Energy Flow. U-zhaan (de son vrai nom Hironori Yuzawa) interprète ce thème en utilisant un tabla, un instrument de percussions originaire de l’Inde du Nord, dont il est spécialiste. Ryuchi Sakamoto y apporte le piano et toutes sortes d’experimentations sonores bizarres. Au dessus de cette ambiance musicale atypique, les rappers Tamaki ROY (環ROY) et Chinza DOPENESS viennent ajouter leur flot verbal avec des paroles en lien avec le flot du bain chaud. J’aime beaucoup l’humour de leur dialogue, comme les moments où ils se répondent tous les deux avec les mots Tabun (たぶん) et Zabun (ザブン) qui se ressemblent phonétiquement et qu’ils répètent rapidement à la suite. « Zabun » correspond au son que fait une éclaboussure dans l’eau, et le répéter donne l’image qu’ils sont tous les deux dans un bain public Sentō à faire des vagues comme des enfants indisciplinés. Ce n’est pas la seule fois où Tamaki ROY et Chinza DOPENESS se retrouvent ensemble à rapper car ils se sont également réunis sous le nom de groupe KAKATO. Chinza DOPENESS a apparement participé à de nombreuses autres collaborations, notamment sur plusieurs morceaux du groupe HIFANA. Je retrouve ce nom de groupe avec une certaine nostalgie car j’avais beaucoup apprécié, il y presque 20 ans maintenant, leur morceau WAMONO aux sonorités rappelant Okinawa. Quand au musicien U-zhaan (ユザーン), sa fiche Wikipedia me fait réaliser qu’il faisait partie de ASA-CHANG&JUNRAY (ASA-CHANG&巡礼) dont j’ai déjà parlé pour le sublime morceau Hana (花). J’y vois d’autres noms connus, comme une collaboration avec Miki Furukawa (フルカワミキ) de feu SUPERCAR et avec le musicien électronique Rei Harakami que j’ai d’ailleurs découvert à peu près en même temps que HIFANA avec quelques superbes morceaux comme Owari no Kisetsu (終わりの季節). Je me rends aussi compte qu’U-zhaan jouait du tabla sur le morceau Kamisama, Hotokesama (神様、仏様) de Sheena Ringo. Il apparait d’ailleurs dans la vidéo au côté d’Ukigumo. Il y est même crédité comme membre du groupe MANGARAMA créé pour l’occasion, mais il n’apparaitra pourtant pas lors des concerts faisant participé ce même groupe.

Une autre très bonne surprise dans la discographie de Kirinji est le morceau AI no Tohiko (AIの逃避行) sur lequel participe la rappeuse Itsuka (いつか) du duo hip-hop Charisma.com. Je n’ai pas entendu ce nom de groupe depuis longtemps, mais elles sont toujours actives avec un nouvel EP intitulé Mobstrong sorti en Juillet 2023 qu’il faudra que j’écoute. Du groupe, je ne connais en fait que deux morceaux Hate sur l’album I I Syndrome (アイ アイ シンドロム) sorti en 2013 et Iinadukeblue (イイナヅケブルー) sur DIStopping sorti en 2014. J’avais beaucoup écouté ces deux morceaux à leurs sorties mais je n’en avais pourtant pas parlé sur le blog, ce qui me surprend un peu. Je me souciais beaucoup moins de partager mes découvertes musicales à cette époque là. AI no Tohiko est le deuxième morceau de l’album Aiwo Arudake, Subete (愛をあるだけ、すべて) sorti en 2018. Je suis également épaté par la trame musicale de ce morceau faisant intervenir plusieurs voix, celle bien sûr de Takaki Horigome (堀込高樹), celles de Kotoringo (コトリンゴ) et d’Erino Yumiki (弓木英梨乃) qui faisaient partie du groupe Kirinji à cette époque, en plus des parties rappées d’Itsuka. L’ambiance musicale a un côté rétro avec certaines réminiscences du YMO qui me plait vraiment beaucoup, car c’est très dense, évolué et terriblement accrocheur. Bref, c’est un autre excellent morceau de presque six minutes de Kirinji. En remontant un peu dans le temps, je découvre également un autre morceau basé sur du hip-hop, mais il s’agit cette fois-ci de Rhymester. Il s’intitule The Great Journey sur l’album Neo de 2016. Ça me plait tout de suite beaucoup car la voix tout à fait remarquable de Rhymester m’est tout de suite familière. Ce morceau a également un flot à la fois fluide et inarrêtable. Certaines sonorités musicales me ramènent un peu vers l’univers musical de Towa Tei. J’adore particulièrement la longue outro du morceau se déroulant sur plus d’une minute. La voix d’Horigome y est très belle et les notes frénétiques du piano synthétique donnent une belle tension finale. Et je n’oublie pas le très beau morceau Saikai (再会) de l’album Crepuscular de 2021. Sur cet album, je connaissais déjà Hazeru Shinzō (爆ぜる心臓) avec la rappeuse d’Okinawa Awich et Hakumei (薄明) avec la musicienne et chanteuse France-japonaise Maika Loubté, deux morceaux absolument remarquables de Kirinji dont j’ai déjà parlé sur ces pages. Et en parlant de Maika Loubté, elle vient justement de sortir un tout nouveau morceau intitulé Melody of Your Heart qui est tout simplement beau.

櫻のち晴れ

Les fleurs de cerisiers sont éphémères et c’est ce qui fait toute leur beauté. Le plaisir a été de courte durée à Tokyo cette année et je n’ai pu saisir qu’une matinée de week-end pour marcher une nouvelle fois en direction de Naka-Meguro, après un premier essai sous la pluie. Le cerisier de la maison de la chanteuse Misora Hibari sur la troisième photographie est toujours magnifique. En descendant vers la rivière, la foule est de retour mais je n’y resterais pas longtemps. Les photographies de cerisiers en fleurs à Tokyo s’arrêteront là. A l’heure où j’écris ce billet, les fleurs de cerisiers ont déjà complètement disparues, envolées par les bourrasques de vent et la pluie. J’aurais aimé écouter la musique qui va suivre en regardant les fleurs de cerisiers s’envoler, loin de la foule, car on y trouve une même délicatesse, mais je ne l’ai découvert que quelques jours plus tard.

All this time, we were only what we dreamed, and all those dreams were true but we never really knew.

Depuis la disparition de Ryuichi Sakamoto (坂本龍一), on entend régulièrement des morceaux de sa composition à la radio. Ce soir là, on y passe le morceau Chronic Love (クロニック・ラヴ) interprété par Miki Nakatani (中谷美紀) sur son album Shiseikatsu (私生活) sorti en 1999. Je suis tout de suite happé par la beauté et l’élégance de cette musique electro-pop et par la voix de Miki Nakatani chantant en anglais. Je connaissais Miki Nakatani en tant qu’actrice, mais je n’avais pas saisi qu’elle avait également eu une carrière de chanteuse et sorti trois albums produits par Ryuichi Sakamoto. L’album Shiseikatsu est composé, arrangé et produit par Ryuichi Sakamoto. Il y joue également du clavier. Le détail qui m’attire inévitablement est d’entendre que SUGIZO de LUNA SEA y joue même de la guitare sur quelques morceaux dont Chronic Love dans une version réarrangée par rapport au single, Frontier (フロンティア) qui ouvre l’album et l’avant dernier morceau all this time (dont sont extraites les quelques paroles ci-dessus). J’étais très loin d’imaginer une association pareille et une telle beauté conceptuelle dans cet album. Parmi les treize morceaux, on trouve de nombreux moments instrumentaux sur lesquels Ryuichi Sakamoto expérimente différents sons électroniques se mélangeant avec des sons de la vie quotidienne et des brins de voix de Miki Nakatani. J’adore le dixième morceau intitulé Leave me alone où elle cuisine et se fait déranger par le téléphone, quelque peu agacée car elle doit se lever tôt le lendemain matin pour travailler, mais reste tout de même polie. Ce sont comme des scènes d’un film d’art et essai mélangées avec les sons inventifs et les nappes sonores de Sakamoto. Les trois morceaux principaux Frontier, Chronic Love et Fetish sont parmi les plus remarquables de l’album, mais la délicatesse du deuxième Amadare (雨だれ) et la beauté expérimentale des sons sur le huitième Automatic Writing, par exemple, me laissent sans voix. Avec toujours la voix de Nakatani comme extraite de différentes situations de sa vie privée, comme le suggère d’ailleurs le titre de l’album. « Kitanai na… » (quel désordre!) chuchote t’elle sur le morceau Automatic Writing parlant à elle-même comme si elle inspectait des yeux son appartement mal rangé. C’est une œuvre conceptuellement intéressante et musicalement très belle. Miki Nakatani devait avoir environ 22 ans à cette époque et c’est en fait son dernier album. C’est à cette époque également qu’elle jouait le rôle de Mai Takano dans la série de films Ring et Ring 2 d’Hideo Nakata. Elle a tourné dans de très nombreux films et séries télévisées. J’avais déjà parlé ici de la série Followers de la photographe et réalisatrice Mika Ninagawa (蜷川 実花) sur NetFlix dont elle jouait le rôle principal et qui avait d’ailleurs lancé la carrière d’une autre jeune actrice-chanteuse Elaiza Ikeda (池田エライザ). De Miki Nakatani, j’ai également le souvenir de l’avoir vu invitée à une émission de la NHK, habillée d’un kimono, pour présenter le concert classique du Nouvel An à la Philharmonie de Vienne. Son mari, Thilo Fechner, y est en fait violoniste. L’album Shiseikatsu est une excellente surprise mais on ne le trouve étrangement pas sur iTunes. Je pense qu’il doit également être difficile à trouver en CD d’occasion.

le dragon aux neuf visages

Nous sommes ici toujours à Tokyo mais quasiment à son extrémité Ouest au bord de la préfecture de Yamanashi. Nous avions cette fois-ci dans l’idée d’aller voir un petit sanctuaire nommé Kuzuryū (九頭神社), le sanctuaire du dragon à neuf têtes, perdu dans les routes sinueuses montagneuses au delà du village d’Hinohara, et par la même occasion aller voir la cascade du même nom. Ce sanctuaire et cette cascade n’ont rien de majeurs mais nous l’avions tout de même noté sur notre carnet virtuel de lieux à aller voir car le sceau goshuin du sanctuaire montrant une figure de dragon m’intéressait. Le dragon est mon signe astrologique chinois. Mari et moi nous entendons toujours bien pour aller débusquer ce genre d’endroits improbables. Il n’est certes pas facile de s’y rendre sans voiture et le trajet fait de toute façon partie du plaisir que l’on a de s’y rendre. On ne peut pas se procurer le goshuin au sanctuaire mais un peu plus bas dans une grande maison traditionnelle faisant également chambre d’hôtes. Nous n’y passerons pas la nuit, bien que je me suis dit que passer une nuit ici loin de tout ne doit pas être désagréable. La cascade au dessus du sanctuaire était difficilement accessible car une partie du chemin en bois s’était affaissé, peut-être en raison d’un violent orage. Réparer ce chemin prendra certainement de nombreuses années car cet endroit n’est pas très touristique.

Alors que je suis en train d’écrire le texte du billet ci-dessus, ma timeline Twitter m’apprend la mort de Ryuichi Sakamoto (坂本一), et la nouvelle continuera à inonder cette timeline pendant plusieurs jours. Je ne pense pas avoir eu l’occasion d’écouter un disque de Ryuchi Sakamoto en entier, à part Solid State Survivor du Yellow Magic Orchestra. J’ai plutôt dans ma liste très étendue de morceaux sur mon iPod, quelques uns de Ryuichi Sakamoto vers lesquels je reviens régulièrement car ils ont une grande force d’attraction. Je ne prétendrais pas être soudainement un spécialiste de Ryuichi Sakamoto, car c’est très loin d’être le cas, mais je partage tout de même ces quelques morceaux que j’aime vraiment beaucoup. Il y a d’abord le très beau Normandia en collaboration avec l’autrichien Christian Fennesz pour un album Tribute à Haruomi Hosono intitulé Haruomi Hosono Strange Song Book sorti en 2008. Le morceau andata sur son album async (2017) est d’une beauté et d’une tristesse profonde, au point où j’hésite encore à entrer dans cet album. C’était peut-être prémonitoire mais j’avais justement commencé la semaine dernière à regarder le film-concert sur NetFlix Ryuichi Sakamoto: async at the Park Avenue Armory (2018). C’est le morceau qui m’est d’abord venu en tête après avoir appris son décès. Je suis ensuite revenu à l’écoute du morceau Hibari sur son album Out of Noise de 2009. Comme sur le morceau précédent, il ne s’agit pas d’une simple composition de piano car la musique de Ryuichi Sakamoto contient souvent des ambiances expérimentales qui se révèlent au fur et à mesure du morceau. Hibari commence sur quelques notes de piano d’un air plutôt simple, mais deux trames musicales répétitives se désynchronisent petit à petit. On attend que cette dualité se réajuste mais il faut attendre la fin du morceau après environ neuf minutes. Je ne peux m’empêcher d’y voir l’image d’un couple qui s’éloigne avec les années tout en restant proche et se retrouvent finalement au crépuscule de la vie. Alors qu’on roulait quelque part dans la campagne reculée de la préfecture de Yamagata, la radio locale passait le morceau The Other Side of Love de Ryuichi Sakamoto avec au chant sa fille Miu Sakamoto (坂本美雨), sous le nom de Sister M. Ce single date de Janvier 1997 et Miu Sakamoto avait 16 ans à cette époque. Cette musique là, d’inspiration pop, est très différente de la musique principalement au piano mentionnée précédemment et celle électronique de ses débuts. Ryuichi Sakamoto avait plusieurs visages. Toujours est-il que j’adore ce morceau un brin obsédant. Plus récemment, il y avait également ce superbe morceau In This World de Mondo Grosso sur son dernier album (2022) chanté par Hikari Mitsushima avec Ryuichi Sakamoto au piano. Et on ne peut bien sûr pas oublier son morceau emblématique Merry Christmas Mr. Lawrence, qui est disponible sur plusieurs albums et compilations. La version que j’ai sur mon iPod provient de l’album / 04 sorti en 2004. Ryuchi Sakamoto est né en 1952, année du dragon, et s’est éteint le 28 Mars 2023.

ginza nexus state survivor

Juste après la fin du mini-live du groupe de rock indé For Tracy Hyde, je quitte le magasin Tower Records de Shibuya pour attraper la ligne de métro Ginza, direction le centre de Ginza. Dans mes petites notes, j’avais listé depuis plusieurs semaines une visite de l’exposition de la photographe Anju (安珠) se déroulant dans le Nexus Hall du bâtiment Chanel du 18 Janvier au 12 Février 2023. Anju était modèle haute couture dans une vie précédente, ce qui explique certainement qu’elle expose dans ce bâtiment Chanel. L’entrée du hall se trouve sur le côté du building et on la remarque à peine. Un portier est posté derrière la porte vitrée et devant les ascenseurs. Il nous fait un peu hésiter à entrer mais le visiteur est bien entendu le bienvenu. Il ne faut pas de réservation pour visiter cette galerie d’art.

L’intérieur de la galerie est volontairement sombre et les photographies d’Anju y sont éclairées individuellement. Un mot de Richard Collasse, dirigeant de Chanel Japon et japanophile confirmé, nous accueille et on se laisse ensuite entrainer dans le monde de fantaisie créé par Anju pour cette exposition intitulée A girl philosophy (ある少女の哲学). On reconnaît dans ces séries de photographies des personnages de contes, connus comme Alice au pays des merveilles ou le petit chaperon rouge, dans des versions réinterprétées par la photographe. L’exposition prend les rêves d’une jeune fille comme thème principal. C’est un fils conducteur qui lie les différentes séries de photographies. Un petit film montré dans un coin de l’exposition regroupe certaines des photographies en images fixes accompagnées de petites séquences filmées mettant en scène ces rêves. Haruomi Hosono signe la musique de ce petit film. Cette musique est abstraite mais vient inconsciemment s’imprégner dans mon cerveau au point où j’ai eu envie de l’enregistrer sur mon iPhone. J’ai beaucoup aimé les mises en scène des photographies qui nous font entrer dans un monde irréel. Les couleurs très marquées et les zones de noirceurs au contraste renforcé par les lumières donnent beaucoup d’impact à ces photographies. Anju était apparemment l’invitée d’un talk-show le Samedi 28 Janvier dans le restaurant plein de livres Megutama du photographe Kotaro Iizawa (飯沢耕太郎). J’ai loupé cette occasion ce qui est bien dommage car j’aime beaucoup cet endroit, dont j’ai déjà parlé quelques fois.

J’ai déjà parlé d’Anju plusieurs fois sur ces pages. Je suis sur Instagram ses photographies depuis que j’ai découvert l’album The Invitation of the Dead de Tomo Akikawabaya. Elle posait sur une photographie prise en 1983 utilisée pour cet album et j’avais trouvé que la musique sombre et pleine de mystères de Tomo Akikawabaya pouvait difficilement se dissocier de cette photographie d’Anju, comme un ange au visage sombre qui nous accompagne pendant l’écoute. J’avais fait part de cette remarque au photographe Alao Yokogi lorsqu’il avait montré sur son compte Instagram une photographie de cette série. Le photographe Alao Yokogi a pris de nombreuses fois Anju en photo à cette époque, notamment avec le Yellow Magic Orchestra (イエローマジックオーケストラ. YMO) car Anju était une des actrices jouant dans leur film Propaganda, qui marquait d’ailleurs la fin des activités du YMO. Les trois photographies ci-dessus ont été prises en 1983 par Alao Yokogi pour un nouveau magazine féminin nommé FREE de la société d’édition Heibonsha (平凡社): à gauche avec Haruomi Hosono (細野晴臣), au centre avec le regretté Yukihiro Takahashi (高橋幸宏) et à droite avec Ryuichi Sakamoto (坂本龍一). Anju rendait bien entendu hommage à Yukihiro Takahashi, décédé récemment le 11 Janvier 2023, en montrant une photo sur Instagram tirée du film Propaganda. Les articles a son sujet étaient nombreux ces derniers jours.

Je suis très loin de bien connaître la musique du YMO mais depuis l’annonce du décès de Yukihiro Takahashi, je me suis remis à écouter leur album Solid State Survivor sorti en 1979. Nous avons une version de 1992 du CD de cet album à la maison. En feuilletant une nouvelle fois le livret accompagnant le CD, je me rends d’ailleurs compte que les photographies de l’album ont été prises par Masayoshi Sukita. Il est notamment reconnu pour ses photographies de David Bowie dont celle de l’album Heroes que j’évoquais dans un billet précédent (qui montrait également une photo de Megutama d’ailleurs). De cet album, le morceau RYDEEN écrit par Yukihiro Takahashi est tellement connu qu’il fait quasiment partie du patrimoine immatériel japonais. Il m’est difficile d’écouter ce morceau avec une oreille nouvelle tout comme il m’est difficile de donner un avis sur un album et un groupe qui sont devenus des monuments, inspirant la musique électronique qui suivra. Mais je ne parle de toute façon ici que des choses qui me plaisent et m’émeuvent. Le morceau que je préfère de l’album est très certainement le cinquième Behind the mask, accompagné du précédent Castalia et les deux derniers Insomnia et le morceau titre de l’album Solid State Survivor. Le premier morceau Technopolis puis RYDEEN sont bien entendus très marquants et difficiles à oublier. Je reste tout de même assez interrogatif sur la reprise des Beatles avec le morceau Day Tripper et le deuxième morceau Absolute Ego Dance a tendance à m’agacer un peu. Il n’empêche que j’écoute beaucoup cet album, pris par l’envie d’écouter les morceaux qui me plaisent le plus.

De Yukihiro Takahashi, j’écoute aussi beaucoup le fabuleux Drip Dry Eyes de l’album Neuromantic sorti en 1981, que j’ai du mal à m’empêcher d’écouter encore et encore. Outre le YMO, je pense que j’avais surtout découvert Yukihiro Takahashi par ses collaborations nombreuses avec Towa Tei. Je me souviens d’une période, il y a 6 ans, où j’écoutais beaucoup Towa Tei et j’avais écouté par extension quelques morceaux du super-groupe Metafive, notamment celui intitulé Don’t move. Metafive a été fondé par Yukihiro Takahashi et de compose de Towa Tei, Keigo Oyamada (aka Cornelius), Yoshinori Sunahara, ancien membre de Denki Groove et remixeur récidiviste de Sheena Ringo, entre autres. Dans un billet, en prenant pour point de départ l’art de Yayoi Kusama, je m’étais même intéressé à imaginer un lien artistique entre Sheena Ringo et Yukihiro Takahashi, mais il est désormais trop tard malheureusement. J’aime aussi revoir cette vidéo datant du 4 Juillet 1985 de l’émission Waratte iitomo! Telephone Shocking (笑っていいとも! テレフォンショッキング) de Tamori où Jun Togawa était l’invitée. Le principe de l’émission est que l’invité du jour appelle au téléphone l’invité du jour suivant. C’était Yukihiro Takahashi qui était invité par Tamori le 3 Juillet et il a donc appelé Jun Togawa pour l’émission du lendemain. Ce passage de l’émission est très drôle car Jun Togawa est complètement endormie et Yukihiro Takahashi essaie très aimablement de lui remémorer le fait qu’il lui avait dit à l’avance qu’il l’appellerait ce jour lå pour l’émission. J’en avais déjà parlé mais j’adore revoir cette émission sur YouTube.