une chose fragile

祝言
Lors de mon premier passage devant Sekiguchi Bashoan (関口芭蕉庵) en Septembre, j’étais également passé voir la cathédrale Sainte Marie de Tokyo, conçue par Kenzo Tange (丹下健三) et construite en 1964. Je pense que c’est la troisième fois que je visite cette cathédrale, la dernière fois était en Mai 2013, six ans après sa rénovation extérieure en 2007. Nous étions d’ailleurs passé en Mars 2007 au moment des rénovations. Lors de la visite de 2013, avait lieu un mariage ce qui ne nous avait pas empêché d’entrer librement et de prendre des photos à l’intérieur. Lors de mon dernier passage en Septembre, un mariage s’y déroulait également et les photographies étaient malheureusement interdites à l’intérieur. J’ai donc seulement pris l’extérieur en photographie en me concentrant sur des éléments de la vaste et élégante toiture. Le noir et blanc semblait convenir le mieux à ces photographies car des traînées de nuages noirs se formaient peu à peu au dessus de la cathédrale.

葬列
On trouve quelques éclaircies dans le nouvel album qui était tant attendu de The Cure, Songs of a Lost World, qui a mis seize années à naître. Ces éclaircies dans le monde sombre de The Cure, on les trouve sur un morceau comme And Nothing is Forever, qui me fait étonnamment penser à une composition des islandais de Sigur Rós pour la densité douce mais dramatique des cordes. Mais Robert Smith apporte par sa voix toute la détresse ’nécessaire’ à un album de Cure. On dit que ce nouvel album qui a eu une très longue gestation est un des meilleurs albums du groupe après Disintegration sorti en 1989. Il ne déçoit pas, pour sûr, les amateurs du groupe dont je fais partie, car on y trouve toute l’ambiance familière du rock gothique de Cure. On n’est pas vraiment dépaysé et on retrouve le groupe là où on les avait laissé. The Cure ne s’éloigne pas beaucoup des atmosphères sombres et désespérées qui les caractérisent, mais ne surjoue en rien ces ambiances. On sent un groupe qui a vécu et est resté fidèle aux sons qui les distinguent. Je connaissais en fait le dernier morceau Endsong depuis au moins un an pour l’avoir entendu dans un extrait de concert filmé par un fan. Le groupe a apparemment joué plusieurs morceaux de ce dernier album pendant des concerts. J’ai appris avec une grande surprise la sortie de cet album sur l’émission Very Good Trip de France Inter, album qui a apparemment également captivé son présentateur Michka Assayas qui n’était pourtant pas acquis à la musique du groupe. Songs of a Lost World ne dépasse pas pour moi les sommets de l’album Pornography de 1982, mais on ne peut pas souhaiter au groupe de repasser par ce genre de période destructrice. L’album dure 49 minutes pour 8 morceaux, la grande majorité démarrant par de longues compositions instrumentales qui installent l’ambiance et nous saisit dès le premier morceau. S’il ne fallait écouter qu’un seul morceau de l’album, ça serait le long morceau de plus de dix minutes Endsong qui le conclut. La densité émotionnelle qui s’en dégage est exceptionnelle et je suis certain qu’il s’agit du morceau vers lequel je reviendrais régulièrement plus tard. « It’s all gone, it’s all gone, Nothing left of all I loved« , chante Robert Smith dans le refrain du morceau, en évoquant des disparitions récentes parmi les membres de sa famille proche. On trouve également ce genre de désespoir maîtrisé sur le morceau Hollywood de Nick Cave and The Bad Seeds sur son album Ghosteen, qu’il a écrit après le décès de son fils. Je n’ai jamais osé entrer dans cet album, mais ma petite sœur me conseille ce long morceau de quatorze minutes qui est magnifique. « Everybody is losing someone. It’s a long way to find peace of mind, peace mind« .

aux portes du mystérieux manoir de Sekiguchi

Je marche sous le ciel gris et le temps pluvieux en direction de Waseda avec l’idée de visiter une ancienne maison dans laquelle a vécu le poète haïku Matsuo Bashō (松尾芭蕉) pendant trois années à partir de 1677, pendant la période Edo. Bashō y a séjourné alors qu’il participait aux travaux de rénovation de l’usine hydraulique de Kanda. Cette maison a ensuite été renommée Sekiguchi Bashoan (関口芭蕉庵). Elle est située au bord de la rivière Kanda dans le quartier de Sekiguchi de l’arrondissement de Bunkyo, au pied des jardins de Chinzanso (椿山荘) où se trouve l’hôtel du même nom. Je suis en fait venu une première fois en Septembre mais l’entrée était malheureusement fermée, ce qui ne m’a pas empêché de prendre quelques photographies des alentours, notamment de la cathédrale Sainte Marie de Tokyo, un des chef d’oeuvre de Kenzo Tange, que je montrerais dans un autre billet. Un mariage y avait lieu et les photographies étaient par conséquent interdites à l’intérieur. Je suis finalement revenu vers Sekiguchi Bashoan plus d’un mois plus tard pour retenter ma chance. La porte coulissante en bois n’est toujours pas ouverte mais il n’y a pas de petit écriteau indiquant une fermeture. Un groupe de dames sortent au moment même où je m’interrogeais si l’entrée est possible. Je reconfirme avec elles qu’il n’est à priori pas impossible de rentrer à l’intérieur, même si elles ne sont pas les gardiennes des lieux. Le fait qu’elles soient rentrées me permet à priori d’entrer à l’intérieur à mon tour. On ne peut malheureusement pas pénétrer à l’intérieur de la maison de Matsuo Bashō. On peut seulement parcourir le jardin composé d’un étang et on a vite fait le tour des lieux. Ça tombe bien car le gardien vient me prévenir que le jardin va fermer dans cinq minutes. Son insistance par sa présence près de la porte coulissante d’entrée fait que je ne traîne pas en route. Une des raisons pour lesquelles je suis venu jusqu’ici est que j’espérais apercevoir le domaine du manoir Shōuen (蕉雨園) qui est adjacent à Sekiguchi Bashoan. Ce manoir très spacieux n’est malheureusement pas visible depuis la maison de Bashō, mais seulement depuis une étroite rue piétonne en pente nommée Munatsuki (胸突坂). Il a été construit en 1897 et était la propriété du comte Mitsuaki Tanaka (田中光顕), ministre de la Maison Impériale à l’époque Meiji. L’entrée est fermée et un haut mur de pierre ne permet d’entrevoir qu’une partie des dépendances du domaine qu’on imagine vaste. On devine une grande demeure au milieu du terrain, derrière les arbres. Les lieux sont actuellement la propriété de la maison d’édition Kōdansha (株式会社講談社). En 1919, Mitsuaki Tanaka donna ce manoir à Jiemon Watanabe (渡辺治右衛門), président de la banque du même nom qui fit faillite pendant la dépression de Showa. Le fondateur de Kōdansha, Seiji Noma (野間清治), acheta ensuite ce manoir et le terrain de 6000 tsubo (environ 2 hectares) en 1932. Kōdansha n’ouvre malheureusement pas les portes du domaine Shōuen au public. Il est seulement utilisé pour des événements spécifiques ou des tournages de drama.

Je m’intéresse à ce manoir car il a été utilisé pour une fantastique série de photographies de Sheena Ringo pour le magazine Sony Gb d’Avril 2003, publié peu de temps après la sortie de son album Kalk Samen Kuri-no-Hana (加爾基 精液 栗ノ花) le 23 Février 2003. J’aurais adoré visiter cette demeure dont on peut voir dans le magazine certaines salles et le jardin pris en photo par Yasuhide Kuge (久家靖秀). Ce numéro de Gb contient une interview de Sheena Ringo qui revient principalement sur l’album KSK, mais ce sont surtout ces photographies qui sont marquantes. Ringo est habillé d’un kimono noir en adéquation avec le dernier morceau de l’album Sōretsu (葬列) pour cortège funèbre et le titre de ce magazine Sōrei (葬礼) pour funérailles. Ce magazine contient une des plus belles séries de photos de Sheena Ringo que je connaisses mais il faut bien se faire une raison, il n’y a que peu de chance que le manoir Shōuen soit ouvert un jour au public. Je me contenterais donc des quelques photographies du magazine.

Ce magazine Gb d’Avril 2003 était précédé d’un autre très beau numéro datant de Mars 2003. Celui-ci s’appelle Shūgen (祝言) pour félicitations. Les photographies sont également de Yasuhide Kuge (久家靖秀) mais je ne suis pas certain qu’elles aient été prises au même endroit que l’épisode du mois d’Avril. Les photographies se concentrent sur le kimono que porte Ringo et sur son visage. Sur certaines des photographies, elle est accompagnée par un homme en kimono, ce qui laisse penser à une mise en scène de mariage. Cet homme est Kazuhiro Momo (百々和宏), guitariste et chanteur du groupe MO’SOME TONEBENDER (モーサム・トーンベンダー), originaire de Fukuoka comme Ringo. Au sein du groupe Bakeneko Killer (化猫キラー) créé pour l’occasion, Kazuhiro Momo jouait de la guitare sur le premier morceau Shūkyō (宗教) et le onzième et dernier morceau Sōretsu (葬列) de l’album Kalk Samen Kuri-no-Hana (KSK). Tout en me promenant autour de la demeure, j’écoute bien entendu cet album pour me mettre dans l’ambiance de ces séries de photographies que je garde très clairement en mémoire. Je feuillette régulièrement ces deux magazines que je m’étais procuré il y a quelques années. Le numéro de Mars 2003 est consacré au single STEM (茎) et au film Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) réalisé par Shuichi Bamba (番場秀一) qui précédaient l’album KSK. Je ne dirais pas que j’ai appris beaucoup de nouvelles choses en parcourant l’interview de ce magazine, mais il m’a en tout cas donné envie de revoir le film. Il y est noté que la pièce principale dans laquelle apparait Sheena Ringo est parfaitement symétrique, comme peuvent l’être l’agencement des titres sur l’album ou la durée totale de l’album (44:44). J’ai également été surpris de lire qu’une des scènes, celle dans un cinéma, a été tourné au Tokyo Kinema Club (東京キネマ倶楽部) près de la station d’Uguisudani. Je connais cet endroit très particulier et d’une autre époque, car le concert Unō Sanō (右脳左脳) de Tricot et de PEDRO auquel j’ai assisté le 10 Mai 2024 s’y déroulait. C’est une coïncidence intéressante. J’ai également cherché à savoir où se trouvait la maison de style occidental de l’actrice Kaede Katsuragi, interprétée par Koyuki. On ne trouve aucune information dans les crédits du film, mais quelques recherches sur Internet et sur Google Maps m’ont permis de découvrir cette demeure située dans le quartier d’Horiuchi (堀内) à Hayama dans la préfecture de Kanagawa. Il s’agissait à l’époque d’une résidence privée, mais cette vieille maison est maintenant utilisée comme restaurant pour des fêtes de mariage, sous le nom de R・CASA (リ・カーサ). Je connais Hayama pour y être allé de nombreuses fois, mais je ne pense pas avoir déjà vu cette maison. En tout cas, le concert Ringo Expo’24 un peu plus tard ce mois-ci me donne envie de ma replonger vers des éléments de l’univers de Sheena Ringo que je n’avais pas encore fouillé. C’est un petit plaisir d’OTK dont je ne me lasse définitivement pas.