渋谷ウォーク❺

Lorsque le mois d’août démarre, je me demande à chaque fois comment je vais l’aborder sur ce blog. Les chaleurs estivales actuelles font qu’il est très difficile de marcher dans les rues pendant la journée même en se levant très tôt. Je plains parfois les sportifs olympiques qui doivent faire des exploits sous une chaleur pareille. Nous avons beaucoup aimé regarder les épreuves de skateboard street et de BMX free style. Ce sont des nouvelles disciplines olympiques qui valent le coup d’oeil. On souffre à leur place quand ils ou elles tombent brusquement au sol après une acrobatie ou quand on les voit sous la chaleur d’Ariake sans aucune ombre pour les protéger. Mais à l’écran, ils ne semblent pas montrer de désagréments envers ces conditions météorologiques. Ils sont certainement trop concentrés sur l’acte à accomplir. 1 minute de compétition est pour certains et certaines la concrétisation d’années d’entrainement intensif. Hier soir, nous sommes retournés dans la nuit faire le tour en vélo du stade olympique. On ne peut que difficilement approcher le stade en voiture à cause des barrages de police, donc le vélo est une bonne option. Je connais maintenant assez bien le trajet qui nous permet de longer au plus près le stade, mais il est gardé comme une zone militaire. On voit d’ailleurs des forces d’auto défense à l’intérieur de l’enceinte. L’année dernière au mois d’août, nous avions passé une nuit dans le nouvel hôtel proche du grand stade, ce qui m’avait permis de prendre quelques photos. Il y a maintenant une grande grille qui sépare l’hôtel du stade. On ne peut entendre que les sons des compétitions d’athlétisme qui se déroulent ce soir là. Le bruit du pistolet nous indique le démarrage d’une course et nous incite à reprendre le chemin du retour. Devant le musée olympique, une longue file d’attente s’est formée devant les anneaux olympiques. Ils sont pourtant installés là depuis longtemps, mais la foule ne s’y presse que maintenant pour les prendre en photo, même tard le soir. Je ressens moi-même cette attirance soudaine car je suis venu voir ces anneaux olympiques à vélo au moins trois fois depuis le début des compétitions. Je pense qu’on essaie du mieux qu’on peut de s’imprégner de l’ambiance olympique, mais l’événement donne tout de même le sentiment d’être un peu lointain, comme s’il se passait dans un Tokyo parallèle. Je pense qu’il y aurait là matière pour une histoire à la Murakami Haruki. Sans prétention aucune, ceci me rappelle que je devrais utiliser ce mois d’août pour essayer d’écrire des textes de fiction en continuant avec un nouvel épisode de l’histoire de Kei ou en imaginant un autre Tokyo parallèle comme je l’avais fait il y a quelques mois. L’inspiration ne se commande malheureusement pas. L’année dernière au mois d’août, j’avais fait une série photographique en dix épisodes intitulée Manatsu (真夏), le plein été. Il y avait autant de photos que de katakana dans l’alphabet japonais et chaque billet était accompagné d’une note musicale. Peut-être devrais-je reprendre un modèle similaire cet été. Ou peut-être devrais-je simplement continuer cette série appelée Walk (ウォーク) dont j’ai déjà écrit quelques épisodes.

Sur les photographies de ce billet, nous sommes dans le centre de Shibuya. Les trois premières photographies sont prises dans le quartier Udagawachō, qui a gardé un désordre ambiant qui se fait de plus en plus rare dans Shibuya. Les choses vont changer très certainement et je viens ici régulièrement pour voir à quelle rythme le décor urbain se modifie. Les priorités de changement sont pour l’instant axées sur la gare, mais on note déjà des tentatives de normalisation à Udagawachō depuis l’installation de la grande tour Abema. Le grand mur de graffiti à l’arrière que je prends souvent en photo a par exemple été entièrement repeint en blanc. Comme il est un peu à l’écart de la rue principale, je pressens qu’il serra de nouveau pris d’assaut par les graffeurs à moins qu’il ne soit maintenant surveillé par des caméras vidéo. Dans le quartier, je remarque des petits tableaux posés à la sauvette. Ils montrent des visages et des corps en noir et blanc mais marqués de quelques couleurs. J’imagine qu’il s’agit d’une exposition de rue en mode guérilla comme on peut le voir régulièrement à Shibuya. L’agence d’idoles alternatives Wack s’était d’ailleurs fait une spécialité d’envahir les rues de photographies des membres de l’agence à l’occasion de la sortie d’un nouvel album ou à l’occasion d’événements particuliers. BiSH, le groupe le plus populaire de l’agence, sort d’ailleurs un nouvel album dans quelques jours le 4 août. Ce sera peut être l’occasion de nouveaux affichages, il faut que je surveille les rues de Shibuya.

Le nouvel album de BiSH s’appelle GOiNG TO DESTRUCTION et se composera de quatorze morceaux dont plusieurs sont déjà sortis. Je ne suis pas sûr d’acheter l’album en entier mais je reste assez curieux d’écouter ce que va donner l’ensemble. Je me suis en fait déjà procurer sur iTunes trois morceaux de ce nouvel album: STAR qui est déjà sorti il y a plusieurs mois mais dont je n’avais pas encore parlé ici, STACKiNG et in case… qui sont sortis plus récemment. Ce sont loin d’être les meilleurs morceaux du groupe mais ils n’en restent pas moins très efficaces. Ils n’ont en fait pas énormément d’originalité et sont très fidèles au style de composition musicale de Kenta Matsukuma (松隈ケンタ) au point où on se demande si on ne connaît pas déjà ces morceaux. Comme pour AiNA avec son album solo qui faisait intervenir Kameda Seiji aux arrangements, le groupe aurait intérêt à inclure un peu de sang neuf dans le processus créatif. Après plusieurs écoutes de ces morceaux, je suis surpris moi-même d’y revenir. Il reste au groupe cette ferveur vocale immuable qui finit par être communicative et par me convaincre. Le chant est comme toujours principalement mené par AiNA, Chichi et Ayuni qui ont les voix les plus fortes et remarquables. Ayuni a comme toujours la voix la plus disruptive mais j’aime beaucoup sa manière agressive de chanter qui vient à chaque fois bousculer la dynamique des morceaux. Le groupe est beaucoup plus convaincant sur leurs albums que lors de leurs interventions télévisées où j’ai l’impression qu’elles hésitent à pousser leur excentricité vocale. C’est pourtant ce qui fait tout l’interêt de leur musique. Les quatre captures d’écran ci-dessus proviennent d’une petite vidéo introductive de ce nouvel album. J’aime beaucoup le fait que cette vidéo est clairement inspirée de la vidéo du morceau Honnō (本能) de Sheena Ringo. Bien que les six membres de BiSH ne soient pas habillées en infirmières comme dans Honnō, elles sont tout de même habillées de blanc et on les voit casser des vitres à mains nues comme Sheena pouvait le faire sur Honnō. Il n’y a absolument aucune ressemblance entre les premiers morceaux que je connais de leur nouvel album et la musique de Sheena Ringo, mais on sait que AiNA est influencée par Sheena et qu’elle a d’ailleurs déjà repris quelques morceaux d’elle. Comme AiNA est souvent en charge des chorégraphies du groupe, elle est peut-être également à l’origine de cette vidéo inspirée de Honnō. C’est seulement une supposition de ma part. Comme je le dis souvent, ce type de liens d’influence m’intéressent beaucoup.

Pour revenir aux photographies de ce billet et sans pour autant toutes les décrire une à une, je veux quand même mentionner que la quatrième correspond à des toilettes publiques dont le design est conçu par Kengo Kuma. Elles font partie du projet Tokyo Toilet remplaçant une à une les vielles toilettes publiques de l’arrondissement de Shibuya par des nouvelles toutes conçues par des architectes ou designers différents. J’avais déjà montré celles transparentes par Shigeru Ban ou celles dans les jardins publics près de la gare d’Ebisu par Fumihiko Maki ou Masamichi Katayama. Celles conçues par Kengo Kuma se nomment A Walk in the Woods et on peut les trouver dans le parc Nabeshima dans le quartier résidentiel huppé de Shoto. L’utilisation du bois est très distinctif du style actuel de Kengo Kuma. On reconnaît son style au premier coup d’oeil. La photographie suivante dans ce billet montrant une façade bleutée est également prise dans ce même quartier de Shoto. Cette photographie m’amuse car on y voit à la fois un élégant et discret petit dessin de papillon avec une signature et une mention en anglais seulement « We call Police ». Il n’est pas rare de voir ce genre d’avertissement dans un anglais pas forcément incorrect grammaticalement mais plutôt flou ou approximatif. J’imagine que le message signifie qu’il est interdit de faire des graffiti sur le mur, comme en général un premier graffiti en appelle d’autres.

さあもう笑うよ

Je n’ai pas l’habitude de prendre en photo les devantures de magasins mais ça m’arrive tout de même quelques fois quand le sujet m’intéresse. Je ne suis pas spécialement intéressé par la marque de voitures Maserati, même si le design est souvent très réussi, mais plutôt par la collaboration avec la marque Fragment de Hiroshi Fujiwara. Cette collaboration m’intéresse car je ne comprends pas vraiment ses subtilités. Hiroshi Fujiwara est une figure légendaire de la street culture démarrée dans les arrières rues d’Harajuku (le Ura-Harajuku). On le voit souvent dans les magazines japonais et ses propositions semblent intouchables. Mais je suis toujours très surpris du manque visible d’inventivité des collaborations de sa marque avec d’autre grandes marques établies. Les interventions de Fragment sur le modèle Maserati entièrement noir sont tellement subtiles qu’on ne les voit pas. Les disruptions semblent bien mineures et il n’y a que le nouveau logo de Maserati barré par les deux éclairs de Fragment que l’on remarque, mais qui donne quelque chose d’un peu brouillon et de faussement rebel. Cette collaboration m’intrigue au point d’avoir envie de prendre cette devanture à Jingumae en photo. Il s’agit peut-être là d’une obsession.

En chemin vers le parc de Yoyogi pour aller voir l’installation Cloud Pavillon de Sou Fujimoto, je m’arrête quelques minutes devant une fresque photographique montrant l’histoire d’Harajuku des années 1950 à nos jours, en s’intéressant aux changements de mode plutôt qu’aux changements du paysage urbain. Les rues d’Harajuku ont certes beaucoup changé depuis les années 50, comme tous les autres quartiers de Tokyo d’ailleurs, mais les modes vestimentaires suivent des évolutions beaucoup plus fréquentes, ce que j’ai tout de suite constaté dès mon arrivée à Tokyo à la toute fin des années 90. En écrivant ce texte, je repense à une vidéo éditée par Beams donnant une rétrospective des évolutions de la mode de la rue tokyoïte sur quarante années de 1976 à 2016 (correspondant à l’anniversaire de la marque). Cette vidéo est assez bien faite montrant ces changements dans la continuité avec de nombreux mots-clés que je ne reconnais pas pour la plupart. Le spécialiste David Marx donne une explication de textes de cette vidéo et tout devient plus clair. Dans son texte, l’instigateur de la street culture Hiroshi Fujiwara est d’ailleurs plusieurs fois évoqué.

À cette époque de la fin 1990 et du début 2000, on aimait se promener dans le quartier d’Harajuku et sur l’avenue d’Omotesando, et on rêvait d’y vivre. Il me semble qu’il y avait moins de monde dans les rues à cette époque, mais les souvenirs sont peut-être un peu faussés. Je regrette encore maintenant de ne pas avoir pris en photo les vieux appartements Dōjunkai (Dōjunkai Aoyama Apartments) construits en 1926, qui se trouvaient sur l’avenue et qui ont été plus tard détruits en 2005 puis remplacés par Omotesando Hills. Je me souviens être souvent passé devant. Les vieilles façades couvertes de lierres cachaient des petites boutiques. J’aurais également voulu connaître les appartements Dōjunkai de Daikanyama construits en 1927 mais ils avaient déjà disparu avant mon arrivée à Tokyo, détruits en 1996 pour être remplacés par la grande tour résidentielle Address. Les photos que j’ai pu voir avant la destruction donne l’impression d’un village mal entretenu et envahi par la végétation. Je repense à ces vieux ensembles d’appartements car ils disparaissent petit à petit du paysage tokyoïte. Il y a quelques années, j’avais pris en photo un ensemble de logements publics vétustes à Jingumae au bord de la rue Killer Street juste à côté du musée Watari-um mais il a déjà disparu. Les vieux appartements de Kita Aoyama vont également bientôt disparaître complètement. J’ai vu récemment que ce qui reste des barres d’immeubles est entouré de palissades blanches interdisant l’accès. J’ai pris en photo à plusieurs reprises ces vieux appartements de Kita Aoyama. La fresque photographique au grand croisement de Jingumae à Harajuku est posée sur une longue palissade blanche entourant une zone en travaux. Un nouveau complexe commercial conçu par l’architecte Akihisa Hirata verra le jour en 2022. Un peu comme le building Tokyu Plaza conçu par Hiroshi Nakamura situé au même croisement à la diagonale opposée, ce nouveau complexe comprendra un jardin sur les toits. Il semble que ces jardins auront une place prépondérante sur ce nouveau building. Sa forme complexe a l’air très intéressante.

Sur les fresques photographiques, mon regard s’arrête sur la période des années 1990 car je reconnais une photo qui provient à mon avis du magazine Fruits dont j’avais déjà parlé dans un billet précédent. Ce magazine prenait en photo la jeunesse branchée d’Harajuku à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Les tenues étaient parfois improbables ou du moins en avant-garde de leur époque. La photo que je reconnais est celle du dessus à gauche montrant une jeune fille aux cheveux courts bleus et un jeune homme svelte habillé d’un pull rayé de laine aux manches courtes. Je crois reconnaître là une influence vestimentaire anglo-saxonne, qui est notamment due au fait que je suis persuadé que ce jeune homme modèle était le garçon qui accompagnait Sheena Ringo à la fin de l’année 1998 pour faire des photos à Londres et à Paris pour un magazine. Je montre deux photos extraites de cette série ‘Here There go to u.k.’ ci-dessus au centre et à droite. En fait, je ne suis pas du tout certain que le jeune homme des deux photos avec la jeune Sheena Ringo (elle avait tout juste 20 ans) soit la même personne que sur la photo du magazine Fruits de gauche et sur la fresque photographique à Harajuku. Je vois tout de même une ressemblance, mais les recherches sur internet ne m’ont pas permis de confirmer cela. Dans l’émission Etsuraku Patrol sur Cross FM, Sheena évoquait bien ce passage à Londres et Paris, mais je n’ai pas le souvenir qu’elle ait donné le nom de son accompagnateur. Il s’agit peut-être là encore d’une obsession, mais ce qui m’intéresse surtout est de découvrir des liens entre les choses. Là est ma réelle obsession. En faisant mes recherches sur ce sujet, je découvre l’existence d’une biographie non officielle sortie en livre en Juillet 2000 sous le titre Ringo Allergy (林檎アレルギー). Cette biographie couvre les toutes premières années de carrière de Sheena Ringo et les années précédant son début artistique. Il y a un extrait traduit en anglais sur le défunt forum internet Electric Mole Forums (EMF). Il faut prendre les informations de ce livre avec des pincettes, à mon avis, mais en lisant cet extrait traduit en anglais, je ne vois pas vraiment d’incohérences, de l’exagération peut-être. Enfin la traduction est plutôt bancale et je ne sais pas en quelle mesure elle est fidèle au texte original. Ma curiosité m’a poussé à acheter le livre Ringo Allergy d’occasion sur Mercari. Je ne vais pas me mettre à le traduire mais peut être piocher dans certains passages.

Je me rends compte en écrivant ce billet qu’il y avait longtemps que je n’avais pas évoqué Sheena Ringo ou Tokyo Jihen sur Made in Tokyo. Je continue petit à petit à acheter en format physique (c’est à dire en CD) les singles ou les autres DVD/Blu-ray que je n’ai pas encore. Il doit me manquer deux singles (NIPPON et OSCA) et deux concerts (Ringo Expo 14 et Shinkū Chitai), mais je n’inclus pas dans ma liste les compilations qui répètent ce que j’ai déjà. En fait, j’essaie quand même de me procurer les compilations de vidéos. La dernière que j’ai trouvé est Seiteki Healing Sono 5-7 (性的ヒーリング ~其ノ伍~七~) en Blu-ray qui vient compléter cette collection Seiteki Healing. J’aime beaucoup la couverture du Blu-ray montrant un chocolat en forme de pomme recouvert d’un coulis au chocolat (en image ci-dessus à gauche). Pour ce qui est de Tokyo Jihen, il me manque le Blu-ray de la compilation vidéo Golden Time que le groupe a sorti en Février 2013 après leur dissolution en 2012, mais j’ai l’impression que les vidéos de cette compilation sont déjà présentes sur d’autres que j’ai déjà, à part quelques morceaux à la fin. C’est le problème de ce genre de compilations qui rajoutent toujours deux ou trois choses pour pousser à l’achat. Il faut trouver une limite. Ma limite est d’acheter exclusivement d’occasion à part pour les nouveautés, et d’essayer de me procurer les versions premières presses plutôt que les éditions standards, dans la mesure où les prix ne sont pas prohibitifs. La compilation Seiteki Healing Sono 5-7 reprend les vidéos des singles des albums Hi Izuru Tokoro (日出処), Sandokushi (三毒史), Reimport vol. 1 (逆輸入 ~港湾局~) et vol.2 (逆輸入 ~航空局~) et les deux inédits du best-of Newton no Ringo (ニュートンの林檎). Comme on vient juste de remplacer notre vieille télévision (qui avait plus de 14 ans) par un modèle plus récent avec un écran beaucoup plus grand, revoir ces vidéos sur ce grand écran dans une très bonne qualité est vraiment très agréable et me permet même de découvrir des détails que je n’avais pas remarqué jusque là. Je constate par exemple que les quatre membres de Tokyo Jihen sont présents sur le morceau Carnation, ce que je n’avais pas décelé en voyant cette vidéo sur YouTube. Il faudrait que je fasse un jour une photo de famille de tous les CD/DVD/Blu-ray de Sheena Ringo et Tokyo Jihen que je possède, une fois cette collection terminée. Un des derniers CDs que j’ai acheté au Disk Union de Shinjuku est le single Shuraba (修羅場) de Tokyo Jihen, même si j’avais acheté ce single en digital au moment de sa sortie. Le CD de Shuraba (en image ci-dessus à droite) contient deux autres morceaux Koi ha Maboroshi (恋は幻) et Rakujitsu (落日), qui se trouvent également sur la compilation de B-sides Shinya Waku (深夜枠). La version de Rakujitsu sur le CD de Shuraba a tout de même la particularité de se terminer par un petit passage live reprenant la fin du morceau Koi ha Maboroshi pendant laquelle Sheena présente les nouveaux membres du groupe Ukigumo et Ichiyō Izawa. A la sortie de ce single, on se trouve à la transition entre les deux formations du groupe. La voix enjouée de Sheena sur ce petit passage live vaut le détour.

La coïncidence intéressante est que quelques jours après avoir acheté le CD de Shuraba, Tokyo Jihen joua le morceau Rakujitsu pendant l’émission FNS 2021 Kayosai Natsu (2021 FNS歌謡祭 夏 – Music Festival in Summer) le 14 Juillet sur Fuji TV. Le groupe a bien entendu joué un morceau du dernier album pendant cette émission. Il s’agissait de Kemono no Kotowari (獣の理), composé par Kameda Seiji et dixième morceau de l’album Music (音楽). Comme toujours dans ce genre d’émissions musicales, la version interprétée était proche de l’original sur l’album. Comme on peut le voir sur la première photo ci-dessus, le décor était rempli de végétation et les costumes de scène du groupe étaient plus simples et décontractés qu’à l’habitude. Ils portaient tous des jeans et des chemises amples. Le logo de Tokyo Jihen en format graffiti y était imprimé en grand. Sheena avait une coupe de cheveux très courte à la garçonne et chantait avec une position de côté comme elle le fait souvent en concert. La surprise de l’émission était d’entendre le morceau Rakujitsu, qui date pourtant d’il y a 16 ans. Ce genre d’émission nous fait souvent redécouvrir des anciens morceaux de groupes, chanteurs ou chanteuses japonais mais ce sont en général des musiques qui sont entrées dans l’inconscient collectif japonais, des morceaux tellement connus qu’on les reconnaît dès les premières notes. Ce n’est pas le cas de Rakujitsu car je ne pense pas qu’il soit connu en dehors du cercle des amateurs de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Il s’agit par contre d’un des morceaux préférés des fans. Sur la dernière enquête d’opinion du fan club Ringohan, Rakujitsu se trouvait en 6ème position sur 169 des morceaux préférés de Tokyo Jihen. C’est vrai que c’est un très beau morceau et la vidéo de l’émission FNS le mettait magnifiquement en valeur. Ils étaient tous habillés de vert sauf Sheena en robe de couleur crème. Elle était coiffée d’une sorte de couronne portant des petites étoiles dorées qui bougeaient légèrement à chaque micro mouvement de tête. La scène était marquée par un grand signe de paon lumineux et le final dans un éclat de lumière vive avait quelque chose de céleste. Les paroles du morceau sont chargées de tristesse mais les paroles finales nous disant « Allez, rions maintenant » (さあもう笑うよ) terminent le morceau sur une note positive et optimiste qui correspond à la lumière éblouissante finale. Je reprends ce passage des paroles comme titre de mon billet car on a, à mon avis, besoin de ce genre de messages positifs en ce moment.

Même si on apprécie beaucoup les Jeux Olympiques qui se déroulent en ce moment, on ne peut pas oublier la situation sanitaire qui se dégrade dans tout le pays. Notre rythme de vie ne change pas pour autant, mais on est par la force des choses beaucoup plus souvent devant la télévision que dehors. La chaleur extrême typique des étés japonais nous empêche de toute façon d’aller marcher dehors pendant les heures de pointe. Je suis allé plusieurs fois à vélo le soir autour du stade olympique mais on ne peut malheureusement pas l’approcher de près. Tout l’espace autour est barricadé. C’est un sentiment étrange que d’avoir des Jeux Olympiques se déroulant à Tokyo sans qu’on puisse vraiment avoir l’impression que ça soit le cas. En les regardant à la télé, j’ai parfois l’impression que ces Jeux se déroulent dans une autre ville ou dans un autre pays. Ceci étant dit, cet état de fait n’enlève rien à notre enthousiasme. La cérémonie d’ouverture le Vendredi 23 Juillet était en grande partie ennuyeuse sauf quelques moments tout à fait remarquables. L’interprétation de l’hymne japonais par MISIA dans sa robe de Tomo Koizumi en forme de glace sucrée Kakigōri (かき氷) était particulièrement réussie. La représentation humoristique des pictogrammes olympiques était phénoménale et m’a réveillé après le défilé interminable des pays. La vidéo comique qui suivait montrant le comédien Gekidan Hitori faire l’imbécile avec les installations lumineuses de la ville, sous les yeux sévères de la patineuse médaillée d’or olympique Arakawa Shizuka était particulièrement savoureuse. Je n’ai appris qu’après que cette partie filmée avait été dirigée par Yoichi Kodama, le compagnon de Sheena Ringo. En regardant la cérémonie, la présence du comédien Gekidan Hitori m’avait surpris car il n’est plus actuellement au top de sa popularité, et je me suis demandé par quel lien il avait pu être amené à faire partie des intervenants. Je me suis souvenu qu’il était présent sur la vidéo de Koi ha Maboroshi (恋は幻) de Tokyo Jihen, ce qui m’avait également surpris. Peut être que sa présence est liée au fait que Sheena Ringo était membre initiale du comité artistique olympique. Il a peut être été choisi à ce moment là et il est resté même après la dissolution du comité. Ça parait probable quand je pense à la présence de l’acteur Kentarō Kobayashi par exemple, qui était l’acteur principal sur le film Hyaku Iro Megane (百色眼鏡), avant de démissionner peu de temps avant la cérémonie pour des propos inacceptables qu’il a tenu il y a plusieurs dizaines d’années. Une chose est sûre, cette cérémonie a connu de nombreux rebondissements et scandales, comme si on lui avait jeté un mauvais sort. La version que l’on a vu à la télévision était une version diminuée et plus sobre que ce qui avait été envisagé initialement par le comité artistique, notamment par la chorégraphe MIKIKO dont les idées ont récemment été divulguées par le magazine Bunshun. On apprend dans ce magazine que les plans originaux donnaient une vision beaucoup plus pop avec un passage montrant la moto de Kaneda dans Akira, une intervention du groupe Perfume (MIKIKO était la chorégraphe de Perfume sur une de leur tournée), une apparition de Naomi Watanabe sortant d’un tuyau de Super Mario alors que Lady Gaga y était entrée de l’autre côté (on sait que Naomi Watanabe fait une excellente parodie de Lady Gaga). Il s’agissait là d’un clin d’oeil à la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Rio. Les drones qui étaient un moment remarquable de la cérémonie faisaient apparement partie du plan initial et ont heureusement été conservés. Au final, ces divulgations nous laissent imaginer une cérémonie beaucoup plus intéressante que ce qu’on a pu voir au final. Mais le final avec le dernier passage de la flamme olympique par Naomi Osaka avait quelque chose d’émouvant. Il nous reste maintenant des images de la flamme olympique dans son élégant réceptacle dessiné par Nendo.

パビリオン⑥

La deuxième installation Cloud Pavillon (雲のパビリオン) de Sou Fujimoto se trouve à l’intérieur de la nouvelle gare Takanawa Gateway (高輪ゲートウェイ) sur la ligne Yamanote. La structure est exactement la même que celle du parc de Yoyogi. En mettant une installation à l’intérieur d’un bâtiment et une autre à l’extérieur, je pense que l’architecte voulait réaffirmer cette idée d’omniprésence des nuages en tous lieux et donc une certaine idée d’universalité. Je partage cette fascination pour les nuages que j’aime prendre en photo. Ils me servent souvent de matière pour mes compositions photographiques. Je ne me suis jamais vraiment posé la question du pourquoi j’aimais tant mélanger et superposer ces images de nuages avec le paysage urbain tokyoïte. Peut-être que, comme Sou Fujimoto, je vois dans ces nuages une omniprésence qui me semble évidente.

La station de Takanawa Gateway ajoutée entre celles de Tamachi et Shinagawa est la première étape d’un projet beaucoup plus important mené par Japan Railways East. Ce projet de développement urbain appelé TokyoYard verra d’abord la construction de quatre hautes tours et une de taille moyenne. Ce nouveau complexe sera conçu par Kengo Kuma, déjà concepteur de la station, et par Pickard Chilton, et verra le jour en 2024. Il se composera de tours de bureaux dont une comprenant un hôtel, d’une tour résidentielle et d’un centre culturel. Ce complexe sera interconnecté à sa base par une bande piétonne continue et verte qui est censée être réminiscente de la zone côtière qui existait autrefois à cet endroit bien avant que les terrains soient gagnées sur l’océan. On nous dit aussi dans les documents explicatifs du projet que ces quatre hautes tours sont supposées nous rappeler l’archipel japonais où chaque tour serait une des grandes îles du pays. Je passerais sur les commentaires qui nous expliquent que cette nouvelle zone sera à la pointe des nouvelles technologies et des innovations vertes tout en étant une zone ouverte aux échanges.

La gare de Takanawa Gateway prend ce nom de « gateway » car ce lieu était autrefois une porte d’entrée vers la ville d’Edo. Le nom a été sélectionné suite à un appel public à suggestions. Mais à chaque fois que je vois le nom de cette station écrit en japonais 高輪ゲートウェイ, je pense à chaque au système d’écriture composé de kanji suivis de katakana utilisé par Sheena Ringo pour le nom de nombreux morceaux et albums (comme par exemple 丸の内サディスティック). Le comédien Akiyama du trio comique Robert avait d’ailleurs plaisanté, d’une manière très sérieuse comme il sait excellemment le faire, en annonçant dans une émission de télévision (Akiyama to Pan sur TV Asahi) que ce nom de station n’avait pu être imaginé que par Sheena Ringo. Elle lui avait répondu en ne le contredisant pas vraiment et l’échange en devenait même surréaliste. Il faut se rappeler que Akiyama et Sheena se connaissent car ils sont tous les deux originaires de Fukuoka dans le Kyushu. Il y avait d’ailleurs eu un autre chassé-croisé amusant quand Akiyama apparaissait en centaure pour une publicité pour des manga en ligne, d’une manière un peu similaire à l’image de couverture de l’album Sandokushi de Sheena Ringo. Je ne sais pas s’il s’agit d’une coïncidence ou si Akiyama avait eu vent de cette idée de couverture d’album et intentionnellement copié pour les besoins d’une publicité. J’en doute fortement mais ce genre de coïncidences m’intéressent beaucoup.

色々ウォーク❸

Ma série de quatre épisodes continue mais change légèrement de titre car je m’écarte de Shibuya tout en restant dans le centre de Tokyo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, la même journée que ma visite au Tower Records près de la gare où se déroulait l’exposition de costumes de Tokyo mentionnée précédemment. L’exposition se terminait le 28 Juin donc j’imagine que les affiches que l’on pouvait voir à l’extérieur de l’immeuble Flags ont toutes été enlevées. Cette même journée ensoleillée, j’avais fait un tour à Kabukichō pour y voir l’exposition murale de photographies de Daido Moriyama. Sur le retour vers la station de Shinjuku, on fait face à l’immeuble tout en courbes Yunika et sa série d’écrans. A la sortie du DVD/Blu-ray de News Flash de Tokyo Jihen, des vidéos extraites du concert étaient montrées sur ces écrans à certains moments de la journée pendant quelques jours. Je n’avais pas eu le courage ni le temps d’aller voir aux heures de diffusion. Les deux photographies suivantes sont prises le soir à Aoyama un peu avant le couché de soleil. Les surfaces en ondulation sont celles du petit building Dear Jingu-mae rénové en 2014 par Amano Design Office. Le trait lumineux rouge sur le bâtiment de la photographie suivante m’intrigue beaucoup. On dirait un rayon de sabre laser du côté obscur de la force. Le mur noir sur lequel il est posé et le reflet sur la surface lisse perpendiculaire renforcent cette impression presque futuriste du lieu. La cinquième photographie est une vue des plus classiques de Tokyo qu’on est souvent tenté de prendre lorsqu’on lève un peu les yeux. La photographie de câbles électriques et transformateurs prise par Daido Moriyama sur le mur de Kabukichō est beaucoup plus impressionnante que ma photographie ci-dessus. Je me demande d’ailleurs s’il y a un site ou un compte Instagram répertoriant les arrangements électriques les plus compliqués et les poteaux électriques les plus beaux. Il y a bien des comptes Instagram répertoriant les conduits de ventilation des buildings tokyoïtes ou les maisons et immeubles envahis par la végétation. Ce sont des comptes que j’ai découvert récemment sur Instagram et que je suis distraitement depuis. Sur la dernière photographie de cette série, il s’agit de la zone de bureaux de Shinagawa Inter-city, vue depuis la passerelle reliant les deux parties principales du complexe. La passerelle passe au dessus du parc intérieur et on a l’impression de survoler une mer verte. On obtient un contraste intéressant entre les contours irréguliers de cette végétation dense et l’uniformité des buildings de verre qui limitent l’espace du parc. Je viens souvent à cet endroit mais ça faisait assez longtemps que je n’y avais pas pris de photos.

En écrivant mon billet sur l’émission spéciale de KanJam avec Tokyo Jihen, je m’étais demandé quels pouvaient être les liens entre Sheena Ringo et King Gnu, le groupe de Daiki Tsuneta. Parmi les liens identifiés, l’emission nous mentionnait le fait que Sheena avait assisté à un concert de Daiki Tsuneta à Tokyo, quelques années avant la formation de King Gnu. On sait également que Tokyo Jihen a déjà été invité à l’émission Music Station en même temps que King Gnu (le 25 Décembre 2020). On a également déjà vu une photo réunissant Sheena et Tsuneta, photo qui a dû être prise au moment de l’émission KanJam bien que j’ai le sentiment qu’elle soit plus ancienne. En cherchant un peu plus, je vois que Sheena Ringo et King Gnu ont participé au même album hommage au chanteur et compositeur Inoue Yōsui (井上陽水), figure importante de la scène musicale japonaise. Le morceau Shōnen Jidai (少年時代) de Inoue Yōsui est tellement connu qu’il est en quelque sorte entré dans l’inconscient collectif japonais. Utada Hikaru interprète d’ailleurs ce morceau sur la compilation hommage. A vrai dire, ce genre de morceaux ne m’intéresse pas beaucoup et l’interprétation qu’elle en fait est plutôt peu inspirée. Je préfère à la rigueur la version plus récente de Suis du groupe Yorushika pour le nouveau film d’animation Luca produit par Pixar. L’album hommage à Inoue Yōsui s’intitule Inoue Yōsui Tribute (井上陽水トリビュート) et est sorti en Novembre 2019. J’y sélectionne trois morceaux que j’aime beaucoup, dont Kazari Janai no yo Namida ha (飾りじゃないのよ涙は) interprété par King Gnu. Le morceau original fut écrit et composé par Inoue Yōsui pour la chanteuse Nakamori Akina (中森明菜) en 1984. Inoue interpréta également lui-même ce morceau sur un album de reprise sorti la même année. Ce morceau sortit également en single beaucoup plus tard en 2002. L’interprétation par Daiki Tsuneta et Satoru Iguchi est très personnelle et on reconnaît tout de suite l’approche musicale de King Gnu, ce qui me plait beaucoup.

Le quatrième morceau de la compilation, qui suit celui de King Gnu, s’intitule Wine Red no Kokoro (ワインレッドの心) et est interprété par Sheena Ringo. Inoue Yōsui a écrit les paroles de ce morceau datant de 1983 mais la musique est composée par Tamaki Koji du groupe Anzen Chitai (安全地帯). Ce groupe qui accompagnait Inoue sur scène se fait connaître du grand public grâce à ce morceau. L’interprétation de Sheena Ringo est magnifique. Elle ne chante pas ces paroles à la légère et on sent que le ton de chaque mot est mesuré. J’aime beaucoup cette tension qui nous accroche à l’écoute. Ce morceau me refait penser à l’album de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) qu’elle avait sorti en 2002 juste avant KSK. Je me souviens avoir été assez déconcerté par cet album quand je l’avais acheté à l’époque, certainement un peu déçu du fait que ce n’étaient pas des morceaux originaux qui le composaient. Il y a tout de même de nombreux excellents morceaux, comme Haiiro no Hitomi (灰色の瞳) ou Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ), mais également des choix plus discutables. En fait, j’aime beaucoup quand Sheena Ringo reprend des morceaux du répertoire populaire japonais. La reprise du morceau Kurumaya-san (車屋さん) de Misora Hibari par Tokyo Jihen sur la tournée Dynamite! de 2005 reste pour moi une des meilleures reprises qu’elle ait faite. Comme l’album Utaite Myōri de 2002 était le premier volume et qu’il n’y a jamais eu de deuxième volume, je me demande si elle a en tête de sortir une nouvelle compilation de ce style. Je me suis mis à réécouter Utaite Myōri il y a quelques mois et je l’apprécie beaucoup plus qu’avant. Dans l’enquête du fan club Ringohan (celle de l’année dernière que je mentionne sans arrêt), la question était posée de suggérer un ou une artiste dont Sheena pourrait reprendre un morceau. J’avais suggéré Jun Togawa sans grande conviction car cette possibilité me paraît plutôt improbable, mais pas totalement impossible. La réalisatrice Mika Ninagawa du film Sakuran dont Sheena a écrit les musiques a déjà signé une compilation de morceaux de Jun Togawa (elle assurait la sélection des morceaux) et je vois donc là un lien qui ouvre des possibilités.

Pour revenir à la compilation Inoue Yōsui Tribute, le troisième morceau que j’apprécie beaucoup est une reprise de Higahi he Nishi he (東へ西へ), écrit par Inoue en 1972, et interprété par iri. Elle a une voix remarquable et laisse vraiment son empreinte sur ce morceau en lui donnant un rythme très accrocheur. Je suis toujours très curieux d’écouter ses nouveaux morceaux. Il se trouve qu’elle vient de sortir un nouveau single intitulé Uzu (渦), qui a l’air de bien fonctionner au niveau des ventes, si on en croit le classement Hot 100 de la radio J-Wave. Ce morceau est excellent et je l’écoute très régulièrement dans ma playlist personnelle. J’ai le sentiment qu’elle mériterait d’être un peu plus reconnue car on ne la voit pas beaucoup dans les émissions musicales télévisées, comme Music Station ou Music Day hier Samedi. Enfin, on pourrait aussi comprendre l’envie d’éviter le tourbillon des apparences médiatiques.

白黒になる東京 (4)

Depuis la gare de Shinjuku, je marche maintenant vers Kabukichō en direction de la station de Seibu Shinjuku. Cette zone de Shinjuku a pris ce nom de Kabukichō car elle était initialement destinée à accueillir un théâtre kabuki après la seconde guerre mondiale. Ce théâtre, qui était censé s’appeler Kiku-za, n’a jamais vu le jour en raison de problèmes de financement, mais le nom de Kabukichō est resté. Des centres de divertissement se sont tout de même développés un peu plus tard, notamment un cinéma appelé Tokyu Milano-za construit en 1956 ainsi que d’autres établissements: un centre culturel, un théâtre et une patinoire. Le cinéma Tokyu Milano-za a fermé ses portes le 31 Décembre 2014. Le bâtiment a été rasé et va laisser place à une tour de 225 mètres actuellement en cours de construction. Je ne suis pas venu à Kabukichō pour voir ce nouveau building en construction qui va continuer à transformer l’image du quartier, mais plutôt pour aller voir la palissade de métal blanc qui l’entoure. Dans le cadre d’un projet intitulé Shinjuku Art Wall (新宿アートウォール・プロジェクト), une sélection de photographies de Daido Moriyama y sont affichées en grand format sur les murs Sud et Ouest. Certaines photographies sont assez connues comme celle avec des bas résille formant des motifs courbes, celle montrant des lèvres féminines prises en gros plan ou encore la photographie de câblages électriques compliqués accrochés sur un poteau. Je ne connaissais pas la plupart des autres photographies, notamment celles montrant des personnages de la série Evangelion comme Ayanami Rei. C’est une bonne idée d’utiliser ces surfaces autour des constructions pour montrer des photographies, illustrations ou autres œuvres d’art. J’ai l’impression que cette méthode d’exposition devient plus fréquente ces derniers temps. Je me souviens des palissades blanches autour du PARCO de Shibuya sur lesquelles Katsuhiro Ōtomo et Kosuke Kawamura s’étaient associés pour montrer des illustrations du manga Akira. Ce n’est pas le seul exemple d’art de rue éphémère que j’ai pu voir à Shibuya.

J’écoute souvent l’album éponyme de Millenium Parade mais je me rends compte que je n’en avais jamais parlé dans un billet à part entière, car je l’avais en fait évoqué dans des commentaires d’un ancien billet lorsque je commençais à écouter l’album en Mars 2021 un mois après sa sortie. Je l’écoute de plus en plus maintenant car c’est un album qui se révèle petit à petit. Millenium Parade (abrévié en Mirepa ミレパ) est un projet musical mené par Daiki Tsuneta, fondateur de King Gnu avec Satoru Iguchi. Alors que King Gnu a une approche rock plutôt mélodique, Millenium Parade prend une approche plus éclectique mélangeant les styles entre rock, passages plus symphoniques, des moments électroniques ou jazz et d’autres de hip-hop. J’aime beaucoup King Gnu et c’est le groupe qui réconcilie tout le monde à la maison. Je m’étais procuré sur iTunes leurs deux derniers albums, à savoir celui intitulé Sympa sorti en Janvier 2019 et leur dernier intitulé Ceremony sorti en Janvier 2020. Ceremony comprend le single Hakujitsu (白日) qui a grandement contribué à la notoriété du groupe, notamment pour la voix rare de Satoru Iguchi. Iguchi et Tsuneta sont proches car ils viennent tous les deux de la même université des Beaux Arts de Tokyo, Département Musique. Iguchi ne fait cependant pas partie de Millenium Parade mais est tout de même invité sur deux morceaux à la fin de l’album dont le morceau Familia qui le conclut. Ce morceau reste très proche de l’esprit musical de King Gnu. Daiki Tsuneta est également membre fondateur de Perimetron qui est un collectif composé de vidéastes, d’illustrateurs graphistes et de musiciens. Perimetron ressemble à une troupe d’artistes très proches partageant une même vision créative. Ce groupe réalise les vidéos de King Gnu et de Millenium Parade. Dans son ensemble, King Gnu est à mon avis plus axé mainstream que Millenium Parade qui se présente plutôt comme un concept musical. Daiki Tsuneta y compose les musiques et invite différents artistes pour les interprétations vocales et instrumentales, comme les voix féminines de l’interprète Ermhoi sur quelques morceaux comme 2992 ou Lost and Found ou encore Friday Night Plans sur le morceau Trepanation. Leurs interprétations vocales sont superbes d’ailleurs. Tsuneta chante également sur plusieurs morceaux. Les paroles sont presque toutes en anglais bien que les membres du groupe et les invités soient tous des artistes japonais, mais parfois d’origines diverses. Millenium Parade est très intéressant musicalement dans un esprit rock se mélangeant avec une approche symphonique, parfois jazz, mais gardant quelque chose d’assez chaotique. C’est d’ailleurs une image que Tsuneta recherche, car il évoque lui-même le Tokyo Chaotic Sound comme tendance principale de leur art. Il y a d’ailleurs un morceau intitulé Tokyo Choatic!!! qui se trouve être une interlude musicale. Il y a beaucoup de courtes transitions musicales dans cet album, contribuant à son approche conceptuelle. Ces transitions façonnent d’ailleurs l’ambiance générale qui se dégage de l’album. Plusieurs d’entre elles évoquent le folklore japonais, comme le tout premier morceau intitulé Hyakki Yagyō (百鬼夜行) qui fait référence à la parade nocturne des 100 démons yōkai arpentant tous les ans les rues durant les nuits d’été et provoquant la mort à ceux qui ont le malheur de croiser leur procession. Hyakki Yagyō était également le thème de la tournée de Sheena Ringo en 2015 (椎名林檎と彼奴等がゆく 百鬼夜行2015), dont j’ai le Blu-ray sans l’avoir vu car je fais durer le plaisir. Ce trait d’union m’interpelle forcément un peu. Une autre interlude de Millenium Parade s’appelle Matsuri no ato et vient reprendre des fragments du morceau suivant 2992, constituant ainsi une sorte d’introduction. Ce genre de liaisons est très intéressante. Millenium Parade s’est surtout fait connaître par le morceau Fly with Me, qui est le thème d’ouverture de la série Ghost in The Shell: SAC_2045. La vidéo animée de style futuriste par Perimetron est superbe, sans forcément reprendre le style GITS. En fait le désordre urbain me rappelle plus le manga et l’anime Tekkonkinkreet. Il se trouve que Daiki Tsuneta est fan de GITS et s’en inspire apparemment dans son approche artistique. J’adore également GITS et les autres manga cultes de Masamune Shirow (Appleseed ou Orion par exemple). La vidéo de Veil par exemple, semble être complètement influencée par l’univers de GITS avec ces tubes reliant des corps cybernétiques. Veil est un des singles du groupe mais n’est bizarrement par présent sur l’album Millenium Parade. J’aime beaucoup l’approche artistique « complète » de cet album où le même collectif autour de Daiki Tsuneta compose les musiques des morceaux, les interprète, tourne les vidéos et illustre les pochettes de leurs albums. Ça donne une certaine consistance de style et quelque chose de très puissant qui m’intéresse beaucoup.

Vous allez peut-être vous inquiétez du fait que je n’ai pas encore évoqué Tokyo Jihen sur ce billet alors que c’était le cas sur presque tous les billets précédents (enfin j’évoque bien Sheena Ringo un peu plus haut). Dans un souci de continuer à tester l’endurance des lecteurs de Made in Tokyo, dont le nombre est en conséquence en baisse en ce moment, je vais quand même évoquer une nouvelle fois Tokyo Jihen ici. En fait, il m’est revenu en tête d’écrire au sujet de Millenium Parade et de Daiki Tsuneta car il était invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à l’émission KanJam Kanzen Nen-SHOW (関ジャム 完全燃SHOW) en deux parties les Dimanche soir 13 et 20 Juin 2021 sur TV Asahi. L’émission est présentée par le groupe d’idoles masculines KanJani8 (関ジャニ∞), originaire du Kansai comme leur nom le suggère. Vu qu’ils sont incapables de chanter correctement, je me suis toujours demandé pour quelle raison ils s’étaient retrouvés à animer une émission musicale qui peut être par moment assez pointue. On voit d’ailleurs régulièrement qu’ils sont un peu dépassés par les discussions qui ont lieu pendant l’émission, et c’est d’ailleurs également assez régulièrement mon cas pour être très honnête. Il s’avère tout de même qu’il s’agit d’une des émissions musicales les plus intéressantes de la télévision japonaise, avec celles de la NHK dans un style certes plus formel. Les émissions de KanJam du 13 et 20 Juin ont en fait été hijackées par Tokyo Jihen remplaçant KanJani8 dans le rôle d’animateurs et les reléguant au rôle de spectateurs. L’émission avait même changé de nom pour devenir HenJam Shinra Ban-Show (変ジャム 森羅万SHOW). La mise en scène était amusante car les membres de Tokyo Jihen prétendaient être d’autres personnes liées aux membres du groupe, des frères ou des cousins. Sheena Ringo, qui présentait l’émission avec Ichiyō Izawa, prétendait être Shiina Tekuno (椎名てく乃), cousine de Sheena Ringo qui se trouve être présentatrice de profession. Izawa Ichiyō se présentait en tant que Izawa Amaō (伊澤甘王), cousin au deuxième degré de Ichiyō et journaliste. Je pense qu’on lui a donné le nom de Amaō car on sait qu’il aime les choses sucrées depuis l’épisode de Hanakin Night qui lui était consacré. Kameda Seiji devenait Kameda Seizo, petit frère de Seiji et responsable dans une entreprise. Ukigumo se présentait sous le nom de Yamigumo (闇雲), son frère jumeau et ingénieur de profession. Finalement, Hata Toshiki devenait Hatahata Toshiki (鰰(はたはた)都市紀), chercheur en poisson d’eau de mer et parent de Hata Toshiki. Cette mise en scène très compliquée provoqua bien entendu la surprise des autres personnes sur le plateau. Ce qui était amusant, c’est que Sheena prenait un malin plaisir à ne pas répondre lorsque l’on lui demandait le sens de cette plaisanterie. On ressentait assez clairement que toute cette mise en scène avait été imaginée par Sheena Ringo, certainement pour alléger le stress de ce genre d’émissions, mais on voyait que les autres membres du groupe avaient du mal à se tenir à leurs rôles imposés. Je pense que le chaos qui est en résultait était volontaire et donnait quelque chose d’assez particulier à suivre. Dans cette mise en scène, les membres de Tokyo Jihen devaient parler d’eux-mêmes à la troisième personne, n’étant que les cousins ou petits frères des véritables membres du groupe. On pouvait remarquer que Kameda avait tout de suite du mal à se tenir à cette mise en scène et Sheena le reprenait sous les sourires de tous. C’est une drôle d’idée complètement décalée.

L’autre surprise de l’émission était donc de voir Daiki Tsuneta invité avec le batteur de King Gnu, Yū Seki, à cette émission. Je me souviens que lors d’une enquête du fan club Ringohan, Sheena Ringo demandait qu’on lui suggère des artistes avec lesquels elle pourrait collaborer musicalement et j’avais proposé King Gnu. Ça me fait donc plaisir de voir une partie du groupe invité même s’il ne s’agit pas d’une participation commune à l’élaboration d’un morceau de musique. Ce sera peut être pour une autre fois, mais l’émission avait au moins le mérite d’indiquer qu’il y a des points communs entre Sheena Ringo et King Gnu. C’est en fait Sheena qui a invité Daiki Tsuneta dans l’émission et il explique lui-même qu’il ne pouvait pas refuser. Il se trouve que Sheena a assisté à un de ses premiers concerts à Tokyo il y a quelques années et qu’il se sentait donc obligé d’accepter cette invitation pour cette émission. Le ton de l’émission était volontairement piquant donc on ne sait pas trop dans quelle mesure il s’agit d’humour ou de réalité. Mes souvenirs de Tsuneta dans des émissions de télévision étaient qu’il avait une attitude un peu hautaine (je ne me souviens en fait que d’une seule émission où King Gnu était interviewé, donc mon impression est peut être fausse) mais il avait ici l’air très humble, très souriant et même un peu gêné pendant cette émission qu’on lui fasse des compliments, comme s’il y avait une relation de Kohai à Senpai entre Tokyo Jihen et King Gnu. Daiki Tsuneta dit beaucoup de bonnes choses sur Tokyo Jihen. C’est amusant de voir Sheena l’écouter avec un sourire en coin en baissant la tête. On comprend tout de suite que les commentaires élogieux de Tsuneta sur le groupe lui plaisent beaucoup. Il insiste aussi beaucoup sur le jeu de basse de Kameda et les distorsions (歪み) qu’il y introduit. L’émission prend en exemple son solo de basse sur OSCA qui remplace très bien un solo de guitare. En même temps, Sheena nous dit que la basse de Kameda vient parfois empiéter sur sa plage vocale et qu’il est parfois difficile pour elle de chanter sur un morceau quand le son de la basse devient trop présent. Cette remarque un peu piquante là encore mais volontairement humoristique fait rire toute l’assemblée. Et Ukigumo de commenter qu’avec la basse de Kameda, on n’a même plus besoin de guitare. Le sujet des distorsions occupent un bon moment de la seconde partie de l’émission car Tsuneta apprécie beaucoup cet aspect du groupe et entend même des distorsions dans la batterie de Toshiki Hata.

Outre King Gnu, Chan Mari (ちゃんMARI) du groupe Gesu no Kiwami Otome (ゲスの極み乙女) et le producteur Akimitsu Honma, membre régulier de l’émission, intervenaient également. Chan Mari nous dit d’entrée de jeu être fan de Tokyo Jihen, avec une pointe d’émotion dans la voix. Elle est au clavier dans son groupe et insiste beaucoup dans l’émission sur les talents de composition de Izawa, en prenant comme exemple les solos sur le morceau Osorubeki Otonatachi (恐るべき大人達) en version live sur la tournée Discovery, sur le morceau Aka no Dōmei (赤の同盟) sur le dernier album Music ou sur Himitsu (秘密). Le producteur Akimitsu Honma note que la particularité de Tokyo Jihen est que chaque membre du groupe est capable de composer des morceaux en plus d’être musicien, ce qui est un fait rare. Il remarque certains rapprochements entre l’approche musicale de Tokyo Jihen et celle de King Gnu. Je suis assez d’accord avec cela dans le sens où ces deux groupes ne se sentent pas limité dans leurs approches musicales et sont en mesure de s’approprier différents styles en les adaptant à leurs propres atmosphères. Je ressens également une même sophistication et profondeur dans les sons qu’ils produisent, un certain perfectionnisme. Dans l’émission, en plus de cette capacité à composer, on évoque également le fait que la plupart des membres du groupe ont de multiples capacités en plus de jouer de leurs instruments d’origine, notamment celle de chanter pour Izawa et Ukigumo et de jouer de la guitare en plus des claviers pour Izawa.

L’émission aborde ensuite le fait que le groupe développe sans cesse des nouvelles versions de leurs morceaux, ce qui rend d’ailleurs les concerts intéressants car les morceaux varient souvent par rapport à ce qu’on connaît des albums. Sheena évoque une fois de plus son souci de plaire au public en proposant des interprétations nouvelles plutôt que de répéter des versions que le public connait déjà. A ce sujet, Ukigumo ne fait jamais deux fois les mêmes solos de guitare. On nous le démontre dans l’émission en prenant différents exemples en concert du morceau Killer Tune pour lequel le solo est à chaque fois diffèrent. Ukigumo nous dit que changer à chaque fois permet de ne jamais se tromper car il n’est pas nécessaire de reproduire exactement la même partition à chaque interprétation. Mais ça veut surtout dire qu’il a une excellente capacité d’improvisation ce qui désoriente d’ailleurs un peu les autres membres du groupe. En studio d’enregistrement, il improvise souvent une partition qui se trouve être meilleure que ce qui était écrit à l’origine. Le problème est qu’il ne se souvient parfois pas après coup ce qu’il a improvisé et il faut lui faire réécouter la bande de son propre passage de guitare pour qu’il puisse le reproduire à l’identique en se copiant lui-même. On lui pose la question si le changement perpétuel de version peut être dû au fait qu’il ne retient pas la partition originale et il nous confirme avec une moitié de sourire qu’il y a également un peu de cela. Sur Ukigumo, Tsuneta nous dit qu’il est un génie de la guitare car son approche musicale n’est jamais standard ou normale, et qu’il est respecté par les jeunes guitaristes.

Chan MARI évoque un peu plus tard la multiplicité des voix de Sheena, ce que j’aime aussi énormément et Akimitsu Honma parle aussi de génie pour le chant de Sheena. Il y a beaucoup de superlatifs dans cette émission, ce qui peut paraitre un peu trop. Mais ce qui est avant tout intéressant, c’est le déroulement chaotique de l’émission, comme une distorsion de la réalité, qui nous pousse à sourire. Par exemple, Yū Seki de King Gnu nous explique qu’il a été invité par Hata Toshiki dans cette émission mais lui-même n’a pas l’air très au courant. Sheena répond toujours à moitié aux questions et quand ça l’arrange. A une question de l’acteur, invité régulier de l’émission, Arata Furuta, elle nous dit qu’elle n’est pas Sheena Ringo (puisqu’elle est le personnage de Tekuno) et qu’elle n’est donc pas en mesure de répondre précisément. Elle change même rapidement de sujet en posant une question à Daiki Tsuneta. Cette mise en scène est en fait un moyen pratique pour ne pas répondre aux questions ennuyeuses. Arata Furuta lui demandait si la raison pour laquelle elle avait arrêté sa carrière solo était bien pour faire partie d’un groupe. C’est une question à laquelle elle a dû répondre tellement de fois qu’elle expédie la réponse en passant rapidement à autre chose. Un peu plus tard dans l’émission, Ukigumo nous révèle qu’on l’oblige à porter des vêtements bizarres, comme le costume d’indien qu’il a porté récemment pendant l’émission Music Station pour le morceau Ryokushu (緑酒), et que parfois c’est dur à vivre. L’éclat de rire de Tsuneta quand Ukigumo nous annonce cela fait plaisir à voir. Là encore, on ne sait pas trop si cette complainte est véritable, mais j’imagine bien Sheena obliger gentiment tout le monde à porter ces tenues de scènes, sans que personne ne soit en mesure de refuser tout en se disant que ça ne doit pas être une si mauvaise idée que cela. L’émission décortique également plusieurs morceaux mais je trouve les explications plus floues et moins convaincantes. En tout cas, j’ai appris pas mal de nouvelles choses sur le groupe, et des petites anecdotes. Le respect mutuel entre les membres du groupe, et entre Tokyo Jihen et King Gnu, transparaissait véritablement dans cette émission, et m’a d’autant plus donné envie de revenir vers les albums de Millenium Parade et de King Gnu, en alternance avec Music de Tokyo Jihen que j’écoute toujours beaucoup sans m’en lasser.