se perdre dans un rouge profond

Il me reste encore quelques photographies de l’année dernière à montrer sur ce blog. Celles ci-dessus ont été prises en fin de journée au grand sanctuaire de Kanda, communément appelé Kanda Myōjin, dans les derniers jours du mois de Décembre. La lumière de fin de journée venait accentuer les couleurs rouges vermillon de la grande et magnifique porte Zuishin-Mon, construite en cyprès. La richesse de l’endroit tape tout de suite à l’oeil. Il s’en dégage une certaine ‘puissance’ que j’aurais du mal à expliquer mais que j’ai ressenti. Peut-être est-ce la richesse de l’architecture, notamment des toitures et de la porte principale, qui me donne ce sentiment. Kanda Myōjin fait d’ailleurs partie des Tokyo Jissha (東京十社), les 10 sanctuaires de Tokyo sélectionnés par l’Empereur Meiji, dans différents lieux de Tokyo, pour apporter prospérité à la ville. Nous avons déjà visité plusieurs sanctuaires de cette sélection, comme celui de Nezu, celui de Hikawa à Akasaka, ou encore celui de Hie, de Shinagawa ou encore de Kameido. Il faudra qu’on les visite tous pour compléter notre collection de goshuin. C’était la première fois que je venais à Kanda Myōjin, mais je suis pourtant passé plusieurs fois à quelques rues de son entrée sans avoir eu l’idée de m’y rendre. Le portique torii se trouve sur la pente Shin-Tsumakoi-zaka (新妻恋坂) dans le prolongement de la rue Kuramae-dori. Le nom de cette pente parlant d’amour d’une femme m’intrigue beaucoup. Juste à côté de ce torii, un vieil établissement s’appelant Amanoya et datant de l’époque Edo prépare et vend du amazake. Je n’ai pas résisté à l’envie de commander un verre. J’aime beaucoup prendre le temps de boire un verre d’amazake chaud, dehors dans la rue ou devant un sanctuaire, lorsqu’il fait froid. J’ai le sentiment que ce moment, bien que court, me donne assez de temps pour observer les choses autour de moi, de m’y attarder un peu plus, plutôt qu’être toujours en mouvement. Je rêve parfois de pouvoir rêver un peu plus.

Tokyo Jihen nous fait la surprise de sortir un nouveau morceau intitulé Whiteout (闇なる白) le 23 Janvier 2021. Après les deux morceaux sortis au mois de Novembre 2020, Blue ID (青のID) et Veil of Life (命の帳), le groupe est en pleine activité pour notre plus grand plaisir. En annonçant ce nouveau single, Tokyo Jihen en profite pour nous rappeler que leur prochain album original est en cours de production, mais sans donner de date de sortie. Whiteout est un morceau composé par Izawa Ichiyō, qui est particulièrement actif depuis la réformation car il a également écrit Veil of Life (命の帳) et Aka no Dōmei (赤の同盟), entre autres. Izawa a un talent certain pour construire des morceaux atypiques et je trouve que tout ce que Tokyo Jihen a sorti depuis Aka no Dōmei (赤の同盟) en Aout 2020 suit cette même veine musicale. J’ai souvent envie de parler de Tokyo Jihen ces derniers mois, notamment car je suis épaté par leurs nouvelles compositions qui sortent des formats classiques. C’est le cas de Whiteout qui est musicalement superbe. Il est chanté à plusieurs voix (Sheena, Ukigumo et Izawa) mais seule celle de Sheena a un léger effet vocoder, un peu comme sur le morceau Nagaku Mijikai Matsuri, mais en moins prononcé. Certaines personnes sautent au plafond à la première utilisation d’un vocoder mais ce n’est pas mon cas. Je ne saute pas non plus au plafond quand Sheena chante à travers un mégaphone qui triture complètement sa voix. Toujours est il que la variation de tonalités du chant de Sheena est toujours pour moi un point d’interêt majeur. Le morceau n’a pas vraiment l’allure d’un single qui passerait à la radio, peut être parce qu’il est un peu court à 3 minutes. Je l’imaginerais bien en premier titre du futur album. Je dis peut être cela car la partie instrumentale électronique au 2/3 du morceau était déjà présente dans le teaser 東京事変2020+X et ressemble donc à une annonce pour le prochain album. Veil of Life (命の帳) reste le morceau que je préfère depuis leur réformation mais j’aime aussi énormément ce dernier morceau, ce qui laisse présager de bonne choses pour le nouvel album. Je pense qu’il sera moins conventionnel que le EP News de début 2020.

J’arrive assez bien jusqu’à maintenant à alterner les concerts de Sheena Ringo avec ceux de Tokyo Jihen. Après la revue de Just Can’t Help It de Tokyo Jihen, je reviens donc naturellement vers un concert solo de Sheena Ringo, même si Tokyo Jihen n’est pas très loin. Je regarde cette fois-ci le DVD de Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō (第一回林檎班大会の模様), sorti le 21 Février 2007. Comme pour Electric Mole, je l’ai acheté sur Mercari à un particulier vivant à Fukuoka. Il s’agit d’une captation vidéo de deux séries de concerts sous le nom Dai Ikkai Ringohan Taikai Adult Only (第一回林檎班大会 アダルト・オンリー) qui se sont déroulés les 12 et 13 Décembre 2005 au Garden Hall de Yebisu Garden Place à Ebisu, ainsi que les 20 et 21 Décembre 2005 dans la salle Daikanyama Unit. Les ambiances de ces deux salles étant très différentes, plutôt formelle pour le Garden Hall à Ebisu et underground pour Daikanyama Unit, les concerts qui y sont joués ont donc également des styles très différents. Comme le nom l’indique, il s’agissait de concerts réservés uniquement aux membres du fan club Ringohan (林檎班) et le public dans chacune des salles était donc limité, 1500 personnes au Garden Hall et 500 personnes au Daikanyama Unit.

Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō est assez particulier car Sheena évolue déjà au sein de Tokyo Jihen à cette époque, mais plus dans sa première phase Dai-Ikki (第一期) car Hiizumi et Hirama sont déjà partis. En fait il s’agit du premier concert de Tokyo Jihen en deuxième phase Dai-Niki (第二期), car Izawa et Ukigumo ont intégré le groupe en Septembre 2005 et ces quatre dates de concerts se déroulent deux mois après en Décembre 2005. Chronologiquement parlant, Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō se déroule après Dynamite Out (2005) et avant Domestic! Virgin Line et Just Can’t Help It (2006). C’est aussi le premier concert en solo de Sheena Ringo depuis Electric Mole en 2003. Ce n’est par contre pas la première fois que Sheena se produit sur scène avec une orchestration de Neko Saito, car il était déjà présent sur Baishō Ecstasy (2003). En y pensant maintenant, ce concert laissait déjà présager l’album orchestral Heisei Fūzoku (平成風俗) qui sortira deux mois après le DVD, en Avril 2007. Les morceaux joués lors de ces concerts sont donc un mélange de titres de sa carrière solo et d’autres de Tokyo Jihen, mais aussi des reprises dont certaines sont présentes sur Utaite Myōri.

Le DVD ne montre en fait que des parties des deux séries de concerts. Les deux concerts au Garden Hall les 12 et 13 Décembre 2005 se composaient de deux parties distinctes. La première partie faisait intervenir Tokyo Jihen pour 7 morceaux de leurs deux premiers albums tandis que la deuxième partie était consacrée à Sheena Ringo en solo mais accompagnée sur 10 morceaux par Neko Saito et par un orchestre de 27 personnes pour 10 instruments classiques. Seule cette deuxième partie de Sheena Ringo solo est montrée en intégralité sur le DVD Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō. Pour les dates du 20 et 21 Décembre 2005, le concert était également divisé en deux parties indépendantes. La première partie voyait Sheena Ringo collaborer sur scène avec le chanteur folk Hasegawa Kiyoshi (長谷川きよし) pour 8 morceaux, tandis que Tokyo Jihen interprétait la deuxième partie avec une série similaire à celle jouée lors des dates au Garden Hall de Yebisu Garden Place. Seule la première partie avec Sheena et Hasegawa Kiyoshi est montrée sur le DVD. En fait, toutes les séquences avec Tokyo Jihen ont été exclues du DVD sauf un morceau en rappel sur les dates au Daikanyama Unit. Je n’aime en général pas trop quand les concerts sont découpés, mais c’est beaucoup moins gênant de le cas de Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō car il s’agissait de parties très distinctes qui ont été enlevées, plutôt que des morceaux au milieu du concert. Mais j’aurais quand même été très intéressé de voir comment Tokyo Jihen interprète les mêmes morceaux dans des ambiances très différentes, entre le classicisme du Garden Hall et l’aspect très rock underground du Daikanyama Unit. Dans son ensemble, Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō donne une atmosphère intimiste dans l’esprit des concerts Baishō Ecstasy deux années auparavant en 2003 et Tōtaikai beaucoup plus tard en 2013.

Un peu comme sur Baishō Ecstasy d’ailleurs, le concert commence par Kareha, une reprise des Feuilles Mortes de Jacques Prévert, chantée en français par Sheena et accompagnée par le seul violon de Neko Saito. La scène se passe d’abord dans le noir presque complet. Neko en premier puis Sheena ensuite arrivent tranquillement en marchant vers le milieu de la scène entourés de halos de lumière. Le morceau n’est pas interprété en entier car l’orchestre au complet se met soudainement en mouvement pour le morceau qui suit, Kabukichō no Joō. Sheena regarde droit devant elle, sans sourire et avec un air extrêmement décidé. J’aime beaucoup ce regard sans compromis qu’elle nous montre souvent pendant ce concert. Elle est d’abord habillée d’un manteau noir qu’elle va ensuite enlever d’un mouvement brusque pour laisser apparaitre une robe de couleur rosée qu’elle gardera pendant tout le reste du concert. On peut même noter un certain air de satisfaction sur son visage après ce changement de vêtements. Ces changements brusques de tenues de scène sont même devenus une marque de fabrique de ses concerts. Orchestration étendue oblige, il y a plusieurs morceaux de KSK présents sur cette première partie de concert notamment Ishiki, STEM puis Meisai en final dans les rappels. Ces versions sont très réussies même si je ne suis pas certain que ce soient les meilleures versions que j’ai pu entendre de ces morceaux. Disons qu’il n’y a pas vraiment de spécificités, musicalement ou visuellement, dans les versions de ce concert par rapport aux autres concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Le décor est très sobre sans écrans et sans effets d’éclairage très évolués. Ma première impression était de penser que ce concert n’était pas indispensable dans la discographie vidéo de Sheena Ringo, mais l’ambiance très intimiste du lieu rend en fait ce type de concert très attachant. Comme il s’agit d’un concert uniquement réservé au fan club Ringohan, je pensais qu’il serait plus détendu et moins formel, mais Sheena se donne à fond en toutes situations. Le final de STEM se révèle d’ailleurs être plein d’émotion, dans sa voix aux bords des pleurs. L’ambiance change ensuite très vite avec Dynamite où Sheena prend un air plus enjoué, appréciant la formation orchestrale qui l’accompagne. Le concert passe son temps à alterner les ambiances, plus émotionnelles ou plus enjouées. Elle annonce ensuite le nom de l’orchestre avec un certain formalisme. Comme on le sait très bien, chaque formation musicale qui l’accompagne prend un nom spécifique en fonction des concerts ou des séances d’enregistrement studio et cette formation là, annoncée par Neko Saito, s’appelle Matatabi Orchestra. Suit ensuite le morceau La Salle de Bain qui est la version orchestrale et en anglais de Yokushitsu de l’album Shōso Strip et que l’on trouve sur le EP Ringo no Uta. Cette version orchestrale est celle que je préfère, surtout pour l’intensité vocale qu’elle y met lors de ce concert. J’aime aussi beaucoup la version de Tōtaikai pour les percussions de Midorin, mais je préfère en fait cette version pour son intensité en milieu de morceau. Le morceau suivant Papaya Mango est présent sur l’album Heisei Fūzoku qui sortira plus tard, et c’est le seul morceau que je n’aime pas beaucoup de cet album. La version live passe mieux mais n’arrive tout de même pas à vraiment me convaincre, même si on apprécie le fait qu’elle chante en français au début. A noter que c’est quand même la deuxième fois qu’elle chante en français pendant ce concert. Le fait qu’elle nous fasse un petit sourire innocent à la fin du morceau en guise de remerciement vaut quand même le détour. Yume no Ato est tout de suite beaucoup plus poignant. Elle se cramponne sur son micro, son visage se tend et elle perd un peu le contrôle de ses mouvements. Ce sont les moments que je préfère dans les concerts de Sheena Ringo, quand elle semble être emportée par le morceau qu’elle interprète. En voyant son visage par moments sur ce morceau en particulier, elle me rappelle un peu Jun Togawa quand elle est également prise par l’intensité de son interprétation. Sheena annonce ensuite qu’il s’agit déjà du dernier morceau. Une personne dans le public crie “Yada” d’une voix assez forte, ce qui la gène visiblement un peu car elle n’est en général pas à l’aise sur ce genre de réaction. Comme elle a toujours un grand souci de satisfaire son public, je pense qu’elle n’aime pas beaucoup ce genre de commentaires qu’elle doit prendre au premier degré. Elle répond aimablement qu’il faudra dire cela à la fin du concert, tout en enchainant sans attendre. Sid to Hakuchumu est censé être le dernier morceau mais elle revient quand même rapidement pour les rappels avec le morceau Meisai de KSK. Elle fait un petit mouvement de ballet avant de démarrer Meisai, mouvement qu’elle n’a jamais fait en concert jusqu’à maintenant, à ma connaissance du moins. Elle fait aussi beaucoup de mouvements d’inclinaison pour remercier le public et va même jusqu’à toucher le sol lors de ce concert. L’interprétation de Meisai est très belle, fonctionnant en duo avec Sheena à la voix et Neko prenant le devant de la scène au violon. Cette interprétation est également très intense. Sheena part avant la fin laissant l’orchestre et Neko partir en improvisation. Les membres de l’orchestre partent les uns après les autres sauf les percussions, le pianiste et le bassiste, laissant Neko s’engager dans un chaos musical au violon du plus bel effet.

On change complètement d’ambiance sur la deuxième partie du DVD, car on se déplace dans la salle de concert Unit à Daikanyama. Cette deuxième partie est musicalement beaucoup moins dense car Sheena est seule au piano pour interpréter d’abord Kōfukuron. Il s’agit bien sûr de la version initiale de ce morceau, celle qu’on trouvait sur son premier single, plutôt que la version chaotique de Muzai Moratorium. On se concentre sur sa voix d’autant plus que l’ambiance est très sombre dans la salle. On ne voit qu’elle sur la scène et il n’y a rien pour nous distraire ou nous extraire de cette voix. La version de Gibs ensuite est très réussie, mais je ne peux m’empêcher de penser que ce morceau n’est pas dans ses morceaux préférés sur Shōso Strip. J’aurais aimé qu’elle interprète pendant ce type de concert intimiste, un morceau comme Onaji Yoru de Muzai Muratorium, qui est le morceau qu’elle préfère sur Muzai Moratorium (elle le disait souvent dans l’émission de radio Etsuraku Patrol). La particularité de cette deuxième partie de concert est la présence de Hasegawa Kiyoshi au chant et à la guitare acoustique. On est tout de suite impressionné par la dextérité de ces doigts à la guitare. Les morceaux en duo démarrent par une reprise de Fly me to the moon. Le duo de voix fonctionne très bien. Le concert continue par Kesho Naoshi qui est également une version très réussie de ce morceau de Tokyo Jihen. Maki, la fille de Hasegawa Kiyoshi, vient ensuite rejoindre le duo. Elle les accompagnera à la flute traversière pour Ringo no Uta et les quelques morceaux qui suivent comme Omatsuri Sawagi. Ce sont également des excellentes interprétations. On ressent un grand respect de Sheena pour Hasegawa, pas forcément dans ses mots mais dans sa manière d’être sur scène et dans la façon dont elle l’accompagne à son entrée et à sa sortie de scène. Je ne connaissais pas particulièrement Hasegawa Kiyoshi mais on comprend vite qu’il est aveugle (il a perdu la vue à l’age de 2 ans), ce qui explique ses lunettes de soleil dans une salle très sombre et les accompagnements à son entrée et sortie. Le meilleur morceau de ce concert est Haiiro no Hitomi, qu’on trouvait sur le premier disque de Utaite Myōri: Sono Ichi. Il s’agit en fait d’un morceau de Hasegawa mais ce n’était pas avec lui que Sheena l’inteprêtait sur Utaite Myōri. Ils y ont tous les deux des voix très puissantes qui traversent la pénombre de la salle, pour arriver jusqu’à l’écran sur lequel je regarde ce DVD. Haiiro no Hitomi est annoncé comme étant le dernier morceau de cette collaboration sur scène, car le suivant est interprété par Hasegawa seul. Il s’agit de Wakare no Sanba qu’il a composé quand il avait 19 ans. Il nous explique que c’est un morceau que Sheena apprécie beaucoup et se demande d’ailleurs pourquoi elle le connait car elle ne devait pas être née à cette époque. Wakare no Sanba est sorti le 25 Juillet 1969. C’est en fait le single de ses débuts. Le DVD se termine sur une courte troisième partie composée d’un seul morceau qui est une collaboration de Tokyo Jihen avec Hasegawa Kiyoshi. Rakujitsu, qui est sorti le mois d’avant en Novembre 2005 avec le single Shuraba, est ici interprété en version quasi acoustique avec quelques effets de guitare électrique de Ukigumo. Seule Sheena chante sur ce morceau dans une ambiance générale détendue car nous sommes dans les rappels.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux du DVD Dai Ikkai Ringohan Taikai no Moyō:

Sheena Ringo×Matatabi Orchestra dirigé par Saito Neko (マタタビオーケストラが誘う情憬)
1. Kareha (枯葉), reprise du morceau Les feuilles mortes écrit par Jacques Prévert et composé par Joseph Kosma, présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
2. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
3. Ishiki (意識), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
4. STEM (茎), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
5. Dynamite (ダイナマイト), reprise du morceau de Brenda Lee et présent en B-side sur le single Sōnan (遭難) de Tokyo Jihen
6. La salle de bain, du EP Ringo no Uta (りんごのうた)
7. Papaya Mango (パパイヤマンゴー), qui sera plus tard sur l’album Heisei Fūzoku (平成風俗)
8. Yume no Ato (夢のあと), de l’album Kyōiku (教育) de Tokyo Jihen
9. Sid to Hakuchumu (シドと白昼夢), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
10. Meisai (迷彩), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)

Sheena Ringo×Hasegawa Kiyoshi et sa fille MAKI (長谷川きよしとやさしい唄の世界)
1. Kōfukuron (幸福論), du premier single du même nom
2. Gibs (ギブス), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
3. Fly me to the moon, reprise du morceau écrit en 1954 par Bart Howard
4. Kesho Naoshi (化粧直し), de l’album Adult (大人) de Tokyo Jihen
5. Ringo no Uta (りんごのうた), du EP du même nom
6. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ), de l’album Kyōiku (教育) de Tokyo Jihen
7. Haiiro no Hitomi (灰色の瞳), reprise du morceau écrit par Hasegawa Kiyoshi et Kato Tokiko et présent sur l’album Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~)
8. Wakare no Sanba (別れのサンバ), premier single de Hasegawa Kiyoshi

Tokyo Jihen×Hasegawa Kiyoshi pour les rappels (長谷川きよしと東京事変によるアンコール)
1. Rakujitsu (落日), présent en B-side du single Shuraba (修羅場)

銀座オンパレード

J’ai passé tellement de temps à écrire le billet précédent que j’ai un peu perdu le fil des photographies que je voulais montrer sur ce blog. Je vais revenir à des billets un peu plus courts en commençant par celui-ci. Toute la difficulté est de ne pas se laisser attirer par un sujet annexe qui me ferait m’étendre indéfiniment. Je ne nies pas cependant le fait que j’apprécie écrire dans la longueur même si ça demeure assez fatiguant, surtout pour le travail de recherche que ça demande. Les quelques photographies ci-dessus sont prises à Ginza. Je ne me souviens déjà plus vraiment de la raison pour laquelle nous sommes allés à Ginza, mais c’était cette fois-ci l’occasion de monter au dernier étage de la tour Tokyu Plaza. Il y a une terrasse ouverte au public sur le toit de l’immeuble et des baies vitrées permettant de voir le grand carrefour de Sukiyabashi. En fait, je connaissais ce point de vue pour l’avoir aperçu sur le site web du photographe anglais basé à Tokyo, Alfie Goodrich. On ne se lasse pas de prendre des photographies plongeantes et le problème ensuite est de sélectionner celles que l’on mettra sur les pages de ce blog, car elles se ressemblent toutes mais avec des voitures différentes. Je préfère limiter les prises pour éviter ensuite de passer mon temps en sélection, mais quand on regarde l’assemblage de photographies similaires sur une page unique sur le site d’Alfie Goodrich, l’agencement fonctionne très bien. La parade qui passait à Ginza au niveau du carrefour de Sukiyabashi pour supporter un ancien président américain m’a beaucoup étonné. On distingue vaguement des drapeaux américains depuis la terrasse du Tokyo Plaza.

Depuis les hauteurs du Tokyu Plaza, on aperçoit le Ginza Sony Park, remplaçant l’ancien immeuble Sony détruit il y a de cela quelques temps et jamais reconstruit. Il reste un parc à cet emplacement ainsi qu’une zone utilisée pour des événements artistiques en sous-sol. Un des avantages de voir la tour Sony disparaître est qu’on peut apprécier pleinement les façades de carrés de verre de l’immeuble Hermès de Renzo Piano, situé juste derrière. Sur l’escalier de béton menant au sous-sol du Sony Park, deux illustrations sont posés de chaque côté, un gnou de couleur bleu et un garçon hirsute en survêtement regardant vers le ciel. Une exposition intitulée Millenium Parade occupe l’espace intérieur. On peut y accéder gratuitement jusqu’à un certain point, mais il faut ensuite avoir un billet que je n’ai pas. Je n’ai pas beaucoup de temps non plus pour chercher à savoir ce qui se trouve dans l’espace payant de cette exposition consacré au groupe King Gnu. L’ambiance Street Art y est pourtant très intéressante. On écoute très souvent leurs deux albums Sympa et Ceremony dans la voiture car c’est un des groupes que l’on apprécie tous au même niveau. Leur dernier morceau Sanmon Shōsetsu (三文小説) est vraiment superbe. La voix de falsetto et la technique vocale de Satoru Iguchi m’impressionnent vraiment. Elle se mélange bien avec celle du guitariste Daiki Tsuneta, qui écrit également la plupart des morceaux du groupe. Iguchi et Tsuneta sortent tous les deux de l’université des Beaux Arts de Tokyo, et c’était une des raisons pour lesquelles Mari s’était initialement intéressé à eux (sauf qu’ils étaient dans un autre département, celui de musique). On regarde beaucoup les émissions musicales de fin d’année, principalement parce que je change discrètement de chaîne quand je sais que Tokyo Jihen est dans la liste des invités (en général, je n’ai aucun contrôle sur la télécommande). On regarde à chaque fois les prestations de King Gnu, après avoir pris son mal en patience à écouter tous les groupes de Johnny’s Entertainment dont je mélange les noms (à part Arashi du moins jusqu’à la fin de cette année).

La dernière émission musicale en date était Music Station le jour de Noël. L’émission durait 6 heures en tout et je me demande comment Tamori, à 75 ans, a pu tenir toute l’émission. Il m’a d’ailleurs eu l’air d’être peu réceptif à ce que Kameda et Sheena lui disaient avant le passage en Live de Tokyo Jihen. King Gnu y jouait Sanmon Shōsetsu et Tokyo Jihen interprétait deux morceaux à la suite: le nouveau Blue ID (青のID) et le morceau de 2007 Senkō Shōjo (閃光少女). Sheena était habillée en tenue de boxeuse avec des gants de boxe, forcément très adaptés à la scène. Elle n’avait heureusement pas à tenir le micro en mains. J’aime beaucoup ces petites touches inattendues et j’espère qu’ils vont continuer en ce sens. Sheena semble inspirer beaucoup d’artistes sur Twitter, comme Tomei_Ningen dont je montre trois dessins ci-dessus. Je trouve que ce sont les plus réussis de ceux que j’ai pu voir sur le fil Twitter et je me permets de les montrer ci-dessus, mais il y en a beaucoup d’autres (quelques exemples: 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7). Je sais que King Gnu est également capable de ce genre d’excentricité, mais ils semblent plus réservés ces derniers temps. Tiens pour revenir à l’enquête Ringohan, Sheena demandait avec quel groupe ou artiste on souhaiterait qu’elle collabore pour un morceau. Sans forcément être très convaincu, j’avais mentionné King Gnu, tout simplement pour entendre la manière dont la voix de Iguchi et de Sheena pourraient s’accorder ensemble. Il y a cependant peu de chances que ça arrive, mais on ne sait jamais. C’est dommage que King Gnu ne participe pas à Kōhaku cette année. Les groupes et artistes qui m’intéressent se comptent sur les doigts d’une main (seulement quelques doigts) cette année, un peu comme les autres années d’ailleurs. Tokyo Jihen, dont c’est la première participation, y jouera deux morceaux à la suite Uruuruurū (うるうるうるう) et Nōdōteki Sanpukan (能動的三分間) sous le nom de Uruuruurū ~ Nōdōteki Urū Shime Hen (うるうるうるう~能動的閏〆篇~ ) qui viennent conclure cette année bissextile (閏年 – Urūdoshi) pour le groupe. Remarquons le palindrome dans le titre du morceau du EP News sorti en ce début d’année et le kanji parfaitement symétrique pour Urū. Pour en savoir plus sur le sujet des palindromes, n’hésitons pas à revenir sur le long et très instructif thread de commentaires d’un billet précédent.

爆発サイレント

Je n’avais pas fait de superposition d’images depuis longtemps et l’envie me revient subitement en revoyant la photographie que j’ai pris récemment du dôme blanchâtre souterrain de Tadao Ando pour la station de Shibuya de la ligne Fukutoshin. Cette vaste surface unie me fait penser à l’image d’explosion silencieuse que l’on peut voir au tout début du film d’animation Akira de Katsuhiro Otomo. Le paysage urbain y est ensuite ébloui par l’éclat d’une lumière forte qui emporte tout. Dans Akira, on remarque bien entendu la puissance musicale de la bande originale du collectif Geinō Yamashirogumi, mais je me souviens avoir été également très impressionné par ces moments de silence, lorsque j’avais vu ce film pour la première fois dans une salle de cinéma. Il ne faut pas que j’oublie la force du silence.

Lorsque je suis passé à Shinjuku il y a deux semaines, ce qui était le sujet photographique de mon billet précédent, je suis passé faire un tour volontaire au Tower Records situé dans les derniers étages du Department Store Lumine tout près de la sortie Sud de la gare. Il est plus petit que l’immense Tower Records de Shibuya, auquel je vais plus régulièrement, parfois seulement pour y faire un tour voir quels sont les artistes mis en avant. Je voulais en fait revoir le poster de Sheena Ringo marqué « 新宿ハタチ。 » (Shinjuku 20 ans.) qui est affiché à l’intérieur du magasin. Juste en dessous est placée une écriture lisant « ここは新宿です » (Ici, c’est Shinjuku) avec le petit signe de pomme coupée en deux et le ‘merci’ écrit en français, désormais caractéristique de sa signature et remplaçant le ’S’ pour サディスト(Sadiste) sur lequel pousse une petite plante, qu’on pouvait voir à ses débuts. La petite plante est peut être devenue pommier pour donner la pomme actuelle. J’y pense en ce sens car la notion de croissance est plusieurs fois évoquée dans ses noms de groupes ou d’albums. Du fait qu’elle a abandonné le lycée en cours de route en Mars 1996 et qu’elle n’est donc pas allée à l’université, elle mentionne souvent le fait d’apprendre par elle-même en autodidacte, en lisant des dictionnaires par exemple, ou d’apprendre sur elle-même pour s’améliorer comme personne. C’est pour cela que j’y vois là une notion continuelle de croissance, bien qu’il s’agisse purement de mon interprétation. Je repense aussi à son intervention vers le public lors du concert Tōtaikai lorsqu’elle évoquait le nom du hall Orchard du Bunkamura de Shibuya, qui veut dire verger. Elle disait que ce nom de lieu était très adapté (ぴったりですよね) avec un petit sourire de contentement, sans que le public réagisse vraiment. Je ne sais pas exactement ce qu’elle voulait dire, à part le fait qu’on peut trouver des pommes dans un verger, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’un verger, étant un lieu où les plantes poussent, est aussi un lieu de croissance (発育). Le poster date de 1998 pour ses vingt ans de carrière. Il existe une version de cette photo avec Miyamoto Hiroji de Elephant Kashimashi à l’occasion de la sortie du single Kemono Yuku Hosomichi (獣ゆく細道) le 2 Octobre 1998. Pour ce single, Sheena avait repris le kimono, ce qui rappelle l’époque de KSK et de la tournée Sugoroku Ecstasy dont je vais parler ensuite. Sur cette photographie, les trois petits points écrits à la main nous laisse comprendre qu’elle reste silencieuse, mais son regard nous fait comprendre qu’il s’agit plutôt d’une explosion silencieuse. L’écriture-autographe placée dessous date de l’année dernière, du 14 Novembre 2019 pour être exact, ce qui correspond à la sortie le jour d’avant de son premier best-of intitulé Newton no Ringo (ニュートンの林檎). La pomme dessinée est tranchée en deux pour nous montrer ses entrailles. On retrouve un dessin similaire de pomme coupée en bas du kimono qu’elle porte pendant la tournée Sugoroku Ecstasy. Cette représentation me laisse à penser qu’elle se montre à vif, du moins pendant ses interprétations scéniques.

Il y a apparemment une relation particulière entre le Tower Records de Shinjuku et Sheena Ringo, mais je n’en connais pas la raison exacte, à part le fait que le magasin se trouve à Shinjuku et que Sheena décrivait elle-même à ses débuts son style comme étant Shinjuku-kei, en opposition au Shibuya-kei qui était à son apogée dans les années 90 (et qui est bien heureusement mort et enterré maintenant). Elle a bien fait un mini-concert dans un Tower Records à ses débuts, mais c’était celui de Shibuya, le 20 Juin 1999. Toujours est-il que le Tower Records de Shinjuku est très extensif à son sujet. Dans le rayon CD où on trouve ses albums, on peut y voir un petit écriteau fait mains lui souhaitant un bon anniversaire pour ses 42 ans le 25 Novembre 2020. On y trouve également une cartographie assez intéressante que j’ai pris en photo ci-dessus. Au Japon, on trouve encore ce genre de présentoirs ‘analogiques’ qu’on croirait créé par des fans. La carte nous donne une vue, qui peut être incomplète nous dit-on, des liens existants entre Sheena Ringo et d’autres artistes. Sheena étant au centre, on trouve bien entendu les membres passés et présents de Tokyo Jihen tout autour, notamment Hiizumi Masayuki, sous le nom de H Zett M au sein de son groupe Hzettrio, et Kameda Seji et ses activités de producteur pour d’autres groupes en plus d’être bassiste de Tokyo Jihen. Le batteur Midorin et la formation SOIL & ‘PIMP’ Sessions sont également présents pour plusieurs collaborations sur des morceaux comme My Foolish Heart ou Koroshiya Kikiippatsu (殺し屋危機一髪). Asai Kenichi et Blankey Jet City apparaîssent bien entendu (sur la partie gauche) avec l’extrait des paroles de Marunouchi Sadistic. La danseuse Aya Sato et le danseur Mikey du groupe Tokyo GeGeGei, mentionnés sous le nom de Darkside police, apparaissent dans la vidéo du morceau Kōzen no Himitsu (公然の秘密). Aya Sato était également présente dans la superbe vidéo de Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) de l’album Sandokushi et je prédis qu’elle apparaîtra encore dans d’autres vidéos. Utada Hikaru et Sheena sont liées par le fait qu’elles étaient toutes les deux sous le même label EMI Music Japan, ce qui a forcément rendu plus facile leurs nombreuses collaborations (trois morceaux en duo) et ce qui leur donne le nom de EMI Girls. Mummy-D du groupe de Hip Hop Rhymester rappait sur le morceau Ryūkō (流行) de Sanmon Gossip. MIKIKO signait la chorégraphie absolument remarquable de Miyamoto Hiroji et Sheena sur le morceau Kemono Yuku Hosomichi (獣ゆく細道) pour l’émission Kōhaku du 31 Décembre 2018 sur la NHK. Comme Miyamoto est extrêmement mobile sur scène, je ne pensais pas qu’il avait été chorégraphié, mais qu’il bougeait simplement de son propre gré. Le contraste entre Sheena quasiment immobile en kimono et Miyamoto bougeant dans tous les sens était vraiment mémorable. MIKIKO était également chorégraphe d’une des tournées de Perfume, ce qui explique peut être le fait qu’elles soient mentionnées sur cette cartographie, outre le fait qu’elles apprécient Sheena et qu’elles ont déjà été prises en photo ensemble. Neko Saito est bien entendu présent. Il est même le sensei omniprésent sur une bonne partie de la carrière de Sheena. Sur la partie droite du diagramme, j’avais un peu oublié le groupe Doughnuts Hole composé au chant des actrices Matsu Takako, Mitsushima Hikari (mémorable dans le film beaucoup trop long Love Exposure 愛のむきだし de Sion Sono) et des acteurs Matsuda Ryūhei et Takahashi Issei, avec Hiizumi Masayuki au piano et un quarté mené par Neko Saito au violon. Sheena a écrit le morceau The Adult Code (おとなの掟) pour cette formation créée spécialement pour un drama intitulé Quartet (カルテット) diffusé en 2017 sur la chaîne TBS. Number Girl avec notamment Mukai Shutoku et Tabuchi Hisako sont là également. Le groupe étant originaire de Fukuoka, Sheena allait souvent les voir en concert et Hisako Tabuchi faisait partie du groupe Hatsuiku Status et jouait sur le morceau Σ. Les liens en bas à droite sont pour moi moins clairs, en particulier ceux avec la YMO, Hoshino Gen, Okamoto’s, jusqu’à Yamaguchi Ichiro et Sakanaktion. Il y a bien le lien entre Sheena et Towa Tei sur le morceau Apple présent sur Ukina, Towa Tei faisant partie du collectif Metafive avec Takahashi Yukihiro du Yellow Magic Orchestra. Je me souviens d’ailleurs m’être interrogé il y a quelques années sur les liens possibles entre Sheena Ringo et Takahashi Yukihiro à travers un principe de diagramme un peu similaire mais beaucoup moins ambitieux. En fait, j’adore ce genre de diagramme car j’ai très souvent fait des nouvelles découvertes musicales à travers ce genre de liens. A l’époque où Internet n’existait pas encore, je regardais les crédits mentionnés dans les livrets des albums CD des groupes que j’appréciais pour voir quels autres groupes ou artistes étaient mentionnés dans les remerciements. Au final, je ne suis pas sûr qu’il manque grand monde dans la cartographie de Tower Records. Les influences plus classiques ne sont pas forcément mentionnés, car Sheena à une culture musicale très vaste qui est loin de se limiter au rock. De son émission de Cross FM, Etsuraku Patrol, on sait qu’elle apprécie également beaucoup Kishida Shigeru et son groupe Quruli, mais je ne les vois pas mentionné sur la cartographie.

Continuons encore un petit peu la série (生)林檎 (Nama Ringo), c’est à dire la série de revues des concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. Comme je le précisais dans le billet précédent, je vais aborder dans ce billet le live Electric Mole (エレクトリック・モール) de Sheena Ringo sorti le 17 Décembre 2003. Il s’agit d’une captation vidéo en DVD de sa dernière tournée en tant qu’artiste solo en 2003, avant la formation officielle du groupe Tokyo Jihen. Cette tournée nationale s’appelait Sugoroku Ectasy et se déroulait en 11 dates du 23 Août au 27 Septembre 2003, en commençant par deux dates à Tokyo au Shibuya Public Hall, pour continuer par Nagoya, Hiroshima, Kobe, Kyoto, Hakodate, Fukuoka et même Okinawa avec une date à Ginowan le 21 Septembre. La 11ème et dernière date, le 27 septembre 2003, est un concert additionnel à Tokyo, au fameux Nippon Budokan. La majorité de la captation vidéo est enregistrée lors de cette dernière date. Cette tournée est à la fois la dernière de Sheena Ringo et la première de Tokyo Jihen, car avant leur formation officielle plusieurs mois après cette tournée, ils étaient déjà tous présents sur scène à leurs postes attitrés. Le nom de Tokyo Jihen est même annoncé pendant ce dernier concert au Budokan, mais je ne pense pas que c’était le cas lors des autres dates. Ce qui est amusant, c’est que dans le livret accompagnant le DVD, l’écriture de leurs noms est particulière, même pour Sheena d’ailleurs, avec une première partie écrite en katakana et un seul kanji final. Ainsi, elle voit son nom écrit en シーナ リン湖, Kameda Seiji s’écrit カメダ セー時, Hata Toshiki devient ハタ トシ樹, Hirama Mikio se nomme ヒラマ ミキ緒 et Hiizumi Masayuki prend l’écriture ヒーズミ マサユ季. On sait que ce dernier aime les noms de code, car il s’appellera ensuite H Zett M dans la formation Phase 1 de Tokyo Jihen. Il garde d’ailleurs ces kanji de l’époque Electric Mole encore maintenant, notamment lors des derniers concerts de Sheena Ringo. Avant de parler du concert en lui-même, on se doit d’évoquer le packaging en forme de livre avec une couverture de couleur blanc crème montrant une représentation du Budokan. Je voulais absolument me procurer la première version du DVD appelée « Hardcover Karakuri Book Shiyō » (ハードカバー・カラクリ・ブック仕様) sortie en version limitée et qui n’est bien sûr plus disponible en neuf à la vente. Je me souviens l’avoir vu il y a plusieurs années en vente au Disk Union de Shinjuku, mais je n’étais pas en quête des DVD/Blu-ray de SR/TJ à cette époque là et je me souviens que la couverture de ce livre-coffret était en assez mauvais état. C’est un problème de ce coffret, il se jaunit facilement avec les années surtout quand il est conservé dans des étagères d’une maison mal isolée (comme il y en a beaucoup au Japon). Comme on ne le trouve pas dans les Disk Union en magasin ou sur leur site de commande en ligne, je me suis rabattu sur Mercari qui le proposait à la vente de particulier à particulier. C’est la première fois que j’utilisais Mercari. J’avais une certaine appréhension, mais je me suis aussi dit qu’au Japon, on ne risque pas grand chose quant à la qualité annoncée. On peut le trouver à tous les prix et il faut bien examiner les photos fournies qui décrivent l’objet en vente, pour se faire une idée de la qualité. Beaucoup sont abîmés par le temps, mais j’ai réussi à trouver pour 2,000 Yens une version qui était propre et sans tâches, vendue par une fille habitant Fukuoka (ce qui me paraissait être un bon présage). Un petit nettoyage précis avec un tissu légèrement alcoolisé (ce n’est pas ce qui manque à la maison en ce moment) m’a permis d’enlever les quelques traces de salissures que j’ai pu y trouver. L’objet est de couleur crème avec des inscriptions dorées. En fait, je me suis demandé s’il était complètement blanc d’origine, mais je ne pense pas. L’intérieur du livret et le CD sont impeccables. C’est vraiment un très bel objet, mais c’est dommage qu’il soit de taille aussi grande. Il est plus grand que la boîte de Sandokushi, par exemple, et je ne sais donc pas où le ranger.

Le livre attaché au coffret fait une centaine de pages. Il montre d’abord une rétrospective des CDs de Sheena Ringo sortis jusqu’à 2003, mais dans des versions photographiées qui sont dégradées, avec des boites de CDs cassées ou salies. Je ne sais pas s’il a un sens précis à cette représentation. On a l’impression que ces CDs ont été emportés dans un glissement de terrain et qu’on les aurait retrouvé beaucoup plus tard en morceaux, comme des objets archéologiques. On a l’impression qu’il s’agit d’un passé lointain et révolu, et c’est peut être le sens de cette mise en scène que de donner l’impression que la première partie de sa carrière est maintenant derrière elle. Le livre continue avec 16 illustrations de style traditionnel Ukiyo-e dessinées par Yamaguchi Hidemi, reprenant l’imagerie de certains morceaux des trois premiers albums notamment Honnō, Tsumi to Batsu, Marunouchi Sadistic ou encore STEM. Il y a même des illustrations pour des morceaux qui ne sont pas présents sur Electric Mole, comme une illustration pour le morceau Σ qui est peut être la plus étrange, montrant une dame en kimono avec un masque à gaz en train de couper une pomme. Il s’agit en fait d’une référence à la vidéo de Σ, car à la fin de celle-ci on voit Sheena, dans une cuisine avec exactement la même tenue que sur l’image, enlever le masque à gaz avec un sourire innocent. Toutes les cartes ont des petites inscriptions de dés en référence au jeu de Sugoroku qui donne son nom à cette tournée. Elles reprennent en fait des images emblématiques des vidéos de Sheena Ringo, plutôt que de coller à la playlist des morceaux interprétés pendant la tournée. Je trouve intéressant d’avoir garder Σ parmi ces images, car il ne s’agit après tout que d’un morceau B-side (de Gibs), bien qu’il soit régulièrement interprété en concert (et même dans Dynamite Out de Tokyo Jihen d’ailleurs). La suite du livret montre une série de photos prises pendant le concert au Budokan. On peut y voir les détails du kimono orné de dessins de pommes et la guitare couverte d’un damier, toujours en référence au monde du jeu. Cette guitare est une version limitée de sa guitare fétiche, une Duesenberg DSR-SR surnommée Ichimatsu (市松). La série suivante montre Sheena prise en photo sur un fond blanc dans les costumes désormais emblématiques de ses vidéos passées. Cette série de photos a certainement été prise au moment de la vidéo de Ringo no Uta, car on peut les voir mises en scène sur le DVD accompagnant le single sorti le 25 Novembre 2003, un peu avant la sortie de Electric Mole. Les dernières pages (plusieurs dizaines) du livret sont découpées au format rond du CD et compose le Karakuri (le truc ou l’astuce) énoncé dans le nom de cette édition limitée. La première page montre la photo qui sert de couverture au single Ringo no Uta, mais le découpage rond laisse entrevoir le logo stylisé de pomme inscrit sur le CD plutôt que le visage de Sheena. Il faut noter que ce live est également sorti quelques années plus tard en Blu-ray en Novembre 2013, à l’occasion de ses 15 ans de carrière musicale, mais dans ces cas là, je préfère toujours, quand c’est possible, me procurer l’édition originale.

Un peu comme sur Gekokujō Ecstasy, la vidéo du concert prend le parti pris de mélanger les scènes de concert avec des scènes de documentaire en coulisses ou pendant les répétitions. Ces scènes documentaires, au nombre de neuf, sont un peu trop nombreuses car elles viennent, à mon avis, couper l’élan et notre immersion dans le concert. J’aurais préféré, comme sur la tournée suivante Dynamite, que la partie documentaire soit mise de côté sur un autre DVD ou au début du concert. Ceci étant dit, je trouve ces documentaires indispensables pour bien comprendre la dynamique et l’état d’esprit du groupe. Il y a par exemple un long moment particulièrement émouvant où Sheena reste silencieuse, en pleine concentration, collée au rideau avant que celui-ci se lève. Le problème est quand le documentaire vient couper un morceau en deux comme c’est le cas sur le morceau Okonomi de. En plein milieu de l’interprétation du morceau, on passe brusquement à une vidéo des répétitions pour revenir ensuite vers le morceau mais dans une autre salle, différente du Budokan. Ce choix de faire une coupure est assez bizarre, mais on avait déjà vu ce principe sur Gekokujō Ecstasy où le morceau Keikoku était composé de deux parties prises dans des lieux différents (et avec une coupe de cheveux différente pour Sheena). Sur Keikoku, le raccord était par contre fait d’une manière à ce qu’il n’y ait pas de coupure son et ce n’était pas du tout gênant au final. Pour se consoler, le DVD comporte tout de même en bonus une version ininterrompue de Okonomi de et lorsqu’on la joue, elle se raccorde ensuite automatiquement avec le reste du concert. Dans le même ordre d’idée, deux morceaux de la playlist originale sont coupés au montage, à savoir Kōfukuron (le premier morceau) et Ringo no Uta (le dernier). Je suis moins sûr de cela, mais je crois aussi comprendre que Honnō et Izonshō étaient joués pendant le concert mais ont été coupés sur le montage final. Supprimer des morceaux de la playlist n’est malheureusement pas rare sur les vidéos des concerts de sa première partie de carrière. Mais là s’arrêtent les quelques critiques que je peux émettre car les interprétations sur scène sont d’une manière générale très bonnes voir exceptionnelles par moment. Je le dis sur de nombreux concerts mais on trouve cette même passion dans Electric Mole, qui ne peut pas laisser indifférent.

La tournée Sugoroku Ecstasy a une importance certaine car Sheena Ringo n’a pas fait de tournée nationale depuis celles de l’an 2000 (Gekokujō Ecstasy et Gokiritsu Japon). C’est également la seule tournée couvrant directement l’album Kalk Samen Kuri no Hana (KSK) sorti la même année, le 23 Février 2003, qui est un des albums les plus particuliers de sa discographie. Il est souvent cité comme son meilleur album par les fans étrangers mais ce n’est pas vraiment le cas au Japon où il ne s’est pas aussi bien vendu que les autres albums. Sur l’enquête 2020 du fan club Ringohan, Muzai Moratorium arrive en tête des albums préférés des fans suivi de Hi Izuru Tokoro, Sandokushi, Sanmon Gossip puis finalement KSK et Shōso Strip. J’étais aussi longtemps persuadé que KSK était mon album préféré mais, à force d’écouter la totalité de ses albums, j’ai beaucoup plus de mal à avoir un avis tranché. Electric Mole reprend la quasi totalité des morceaux de KSK, sauf le premier morceau Shūkyō et le dernier Sōretsu, plusieurs morceaux des albums précédents Muzai Moratorium et Shōso Strip et quelques reprises dont certaines tirées du deuxième disque de Utaite Myōri: Sono Ichi. Le concert commence d’une manière assez abrupte dans le vif du sujet avec le morceau Kōfukuron, la version chaotique de Muzai Moratorium. Sous les cameras qui partent dans tous les sens, Sheena est au mégaphone et Hiizumi maltraite son piano comme il sait si bien le faire, pour notre plus grand plaisir. Je parlais du kimono de Sheena un peu plus haut. Cette tenue est vraiment superbe et même iconique, très travaillée, avec des couleurs vert pomme et des lignes dorées. Une pomme mûre est dessinée sur le Obi et une pomme coupée au bas du kimono, accompagnée d’un dé et d’une figure de félin. Mais l’explosion sonique s’interrompt subitement par un silence pour laisser place à l’écran de titre. Ce morceau n’est pas interprété en entier. L’interprétation de Tsumi to Batsu, qui suit, est exceptionnelle. Je le savais en fait déjà car le morceau apparait sur la compilation live Mitsugetsu-shō, sortie en 2013 en même temps que Ukina. C’est un de ces morceaux où elle semble perdre contrôle d’elle même au profit du morceau qu’elle est en train d’interpréter. L’intensité vocale qu’elle dégage la fait se plier sur elle-même et marcher sur scène de manière aléatoire. Habillée en kimono de cette manière, je me dis que ce morceau est une forme moderne de Enka. En regardant et écoutant ce genre d’interprétation poignante, je reste à chaque fois scotché devant l’écran. J’aime aussi beaucoup les moments plus calmes dans ce morceau, lorsqu’elle ne chante pas le regard un peu ailleurs, concentrée, mais tout de même omniprésente sur scène. L’image de l’explosion silencieuse me revient en tête. Je suis toujours épaté par ce genre d’interprétation et je me demande toujours comment on peut s’en sortir ‘physiquement’ sans faire une pause un peu après. J’aime bien regarder ces moments de calme pour voir comment elle récupère, mais ils sont très courts. Elle a 25 ans lors de ce concert. Elle fait très jeune avec cette coupe au carré comme à ses tous débuts, mais le kimono nous fait aussi comprendre qu’elle est assez mature pour passer à l’étape suivante. Je trouve même à ce kimono un aspect cérémoniel, marquant une étape particulière dans une vie.

Je n’aime à priori pas trop Mayonaka ha Junketsu dans sa version single, mais cette version live est bien meilleure et, je dirais même excellente. C’est un morceau très exigeant et Hiizumi au piano est capable à lui tout seul de remplacer l’intensité du Tokyo Ska Paradise Orchestra au complet. C’est très clairement la meilleure version que j’ai pu entendre de Mayonaka ha Junketsu, comme si le morceau avait pris un coup d’accélérateur. C’est amusant d’ailleurs de voir Sheena se précipiter sur le micro alors qu’elle s’était un peu éloignée, comme si elle avait été prise de court par le rythme du morceau. Tokyo Jihen est clairement en maîtrise parfaite de ce qui se passe sur scène et Kameda a d’ailleurs l’air de montrer des signes de satisfaction à la fin du morceau. J’aime beaucoup et j’ai beaucoup d’estime pour Izawa, mais Hiizumi est un prodige au piano. Sheena sait en tout cas bien s’entourer pour donner vie à sa musique et elle-même ne fait pas les choses à moitié car on la sent complètement investie dans le morceau qu’elle interprète. Je pense que son état d’esprit établit un certain standard de qualité nécessaire pour le groupe et j’imagine qu’ils ont tous à cœur de donner leur meilleur pour ne pas décevoir cette attente. J’imagine aussi en contre partie une certaine intransigeance, même si elle n’est pas dite, elle doit transparaître. Après un court message au public, commence ensuite Doppelgänger avec une composition musicale un peu différente de celle de l’album. La manière de chanter de Sheena au début du morceau est aussi différente. L’interprétation du morceau Okonomi de est excellente et c’était d’autant plus un sacrilège de le couper en deux, même si la petite partie documentaire au milieu du morceau est intéressante, montrant l’adaptation du morceau pour le live et une certaine assurance de Sheena sur les sons qu’elle veut rendre sur scène (et le ‘ステキ’ quand ce qui est joué en répétition par Hiizumi correspond à son attente). Les images au Budokan sont intéressantes car le public entoure la scène placée au milieu du grand hall et il semble être très proche de la scène même s’il est à l’étage. La guitare de Hirama et le piano de Hiizumi à la fin du morceau me donnent des frissons dans le dos. Le concert n’est plus filmé au Budokan sur la deuxième partie de ce morceau et sur le suivant Ishiki. Sheena sort d’ailleurs son éventail sur Ishiki et vient même éventer Hata qui ne démérite pas à la batterie comme à son habitude. Sheena a toujours une attention particulière pour Toshiki Hata.

La suite du concert change une nouvelle fois de lieu pour aller dans la salle sombre et en sous-sol de la Live House Shinjuku Loft, située en bordure de Kabukichō. Le groupe s’annonce pour la première fois en tant que Tokyo Jihen sur cette scène du Loft avant d’interpréter le morceau Suberidai. Mais la vidéo d’Electric Mole revient ensuite rapidement au Budokan pour ce morceau en alternant avec des images au Loft de Shinjuku (la version complète du morceau au Loft existe en bonus mais le son est de qualité moyenne). Sheena a les cheveux plus courts sur la scène du Loft, ce qui laisse penser que cette partie vidéo a été prise après la tournée Sugoroku Ecstasy. Parfois, elle change tellement de visage, que le seul moyen de la reconnaître est grâce à son point de beauté sur la joue gauche (celui qui est électrique et qui est le point central d’Electric Mole). Cette scène et quelques autres tout au long du DVD nous font comprendre progressivement que l’on glisse doucement de Sheena Ringo en solo vers le groupe Tokyo Jihen. Le morceau Suberidai aurait dû être son premier single mais la maison de disque en a décidé autrement pour le remplacer par Kōfukuron. Je me demande si cette contrainte est la raison pour laquelle elle a martyrisé Kōfukuron sur la version présente sur Muzai Moratorium. Le concert continue avec une reprise présente sur la compilation Utaite Myōri sorti en Mai 2002. J’aime beaucoup certains morceaux sur le premier disque de cette compilation comme Haiiro no Hitomi, Momen no Handkerchief de Ōta Hiromi, Love is Blind de Janis Ian ou Chiisana Konomi. Je me remets à l’écouter en totalité maintenant après avoir vu Electric Mole, mais j’ai une claire préférence pour le premier disque. Le deuxième disque commence par un morceau en allemand Kimi o Aisu (Ich Liebe Dich) qui me rappelle à chaque fois la publicité pseudo parodique que Sheena a fait pour Gillette avec Minagawa Makoto du groupe Gyakutai Gurikogen (虐待グリコゲン) et j’ai de ce fait un peu de mal à continuer l’écoute. Cette publicité est présente en bonus sur le DVD Seiteki Healing: Sono-San (性的ヒーリング~其ノ参~). Electric Mole reprend plutôt des morceaux du deuxième disque, à savoir Kuroi Orufe et mr. wonderful, qui m’intéressent donc moins. Ceci étant dit, l’interprétation de Kuroi Orufe est plutôt réussi avec son ambiance rouge et les solos de guitare basse de Kameda et de piano par Hiizumi.

La vidéo qui suit est une présentation des membres de Tokyo Jihen. Le nom du groupe étant écrit à la fin de cette présentation, la formation devient donc officielle à ce moment là au Budokan. Les vidéos introductives de chaque membre sont assez amusantes. On voit chaque membre du groupe pratiquer un sport, à part Hata, ce qui restera un thème continue pour Tokyo Jihen, notamment avec l’album Sports. Hirama fait du tennis, Hiizumi du football en tenue de moine shintoïste, Kameda de la natation. On saura plus tard sur la vidéo Dynamite In que Sheena fait des commentaires sur le ‘joli’ fessier de Kameda et la vue en gros plan avec son plongeon dans la piscine olympique est forcément volontaire et un brin moqueur. Il a bien sûr un bonnet de bain mais la crête d’iroquois dépasse par dessus. Le documentaire qui suit nous montera une coiffeuse lui raser la tête sous les conseils de Sheena, pour former cette crête d’iroquois en souvenir de la période Gyakutai Gurikogen (懐かしい感じ). Sur la vidéo de présentation, Sheena est en tenue de marathon avec un maillot marqué du numéro 9675, qui se prononce bien entendu Kuroneko (chat noir). On peut être certain avec Sheena que rien n’est choisi au hasard. Vers la fin de la course, elle prend une bouteille d’eau pour se la verser sur la tête et le visage, mais ses mouvements prennent soudainement une tournure lascive. Je me souviens de la vidéo de la tournée Senkō Ecstasy où le public de la petite salle de concert réclamait à plusieurs reprises que Sheena les arrose avec sa bouteille d’eau. Je me demande s’il y a un lien ou une allusion à cela. Je n’ai pas parlé de Toshiki Hata qui est le seul à ne pas être en tenue sportive. Il effectue en fait une danse avec un éventail dans les mains. On saura plus tard dans la tournée Ultra C, qu’il se débrouille très bien en danse traditionnelle Kagura. Le concert reprend depuis les coulisses avec Marunouchi Sadistic. Comme sur la tournée Gekokujō, une personne vient filmer sur scène avec une petite caméra video. Certaines des images prises sont insérées sur la vidéo finale du DVD. Les lumières deviennent rouges de nouveau et Keikoku commence avec Sheena à la guitare, l’édition spéciale Ichimatsu à damier. On peut difficilement faire plus emblématique. Le contraste entre la guitare et le kimono est plus fort que sur Zazen Ecstasy où Sheena portait plutôt un yukata. Le morceau est très réussi mais j’adore de toute façon les interprétations Live de Keikoku pour l’agressivité des ‘r’. Avant le morceau suivant Torikoshi Kurō, elle chante quelques paroles de delayed brain de Number Girl sur leur dernier album NUM-HEAVYMETALLIC sorti en 2002. On aurait voulu qu’elle le chante en entier. Je trouve Torikoshi Kurō plus complet en version studio que cette version live. C’est aussi le moment du DVD où je trouve que les parties de documentaire sont un peu trop fréquentes. Avant la reprise du morceau Minatomachi 13banchi de Misora Hibari, Sheena nous montre son kimono en tournant sur elle-même. Elle est clairement très fière d’être habillée de cette manière et le kimono correspond bien au morceau de Misora Hibari. Même si je préfère Kurumaya-san sur Dynamite Out, cette interprétation est très belle. Son interprétation de Poltergeist avec une voix légèrement tremblante et un accompagnement simple du piano est également très belle. Comme sur plusieurs autres morceaux pendant ce concert, le reste des instruments se joignent pour le final du morceau alors que Sheena, le regard vers le sol, a l’air pensive. Cette image fait un lien avec un petit clip vidéo où on voit une petite fille dessinée déambuler dans une ruelle sombre montrant des images rétrospectives de la carrière de Sheena Ringo. Il s’agit d’un fil rouge que l’on suit sur le reste d’Electric Mole.

Le morceau Gibs suit ensuite mais j’ai déjà entendu des versions live plus poignantes que la version de Electric Mole. Des points de lumière sont sur-imprimés sur la vidéo sur le final du morceau. Il y a beaucoup d’effets spéciaux ajoutés post-production sur ce DVD comme des superpositions d’images, des glissements subtils d’images sur Doppelgänger qui laissent déjà présager le dédoublement de personne qu’on verra plus tard, ou cette neige de points de lumière sur-imprimés. On ne retrouve pas ce genre d’effets, qui peuvent paraître d’une autre époque, sur les autres vidéos de concerts que j’ai pu voir. Ils fonctionnent parfois très bien comme sur la toute fin de Gibs. Alors que Sheena n’est plus visible sur scène pour le final instrumental rallongé, la caméra nous montre le micro doré seul sur un fond noir. Pendant un très bref instant, Sheena apparaît dans un flash de lumière rouge comme un fantôme (un yurei) pour disparaître immédiatement après. La petite partie documentaire qui suit avant Meisai est la meilleure du DVD. Le groupe se prépare pour la reprise. On les voit marcher dans les couloirs. Un peu plus tard, Sheena entre sur scène et vient se coller la tête légèrement en avant contre le rideau pendant un long moment, comme je le mentionnais un peu plus haut. L’image se teint ensuite de rouge et on entend le bruit d’un cœur qui bat dans le silence. On imagine la concentration pour le morceau qui va suivre. Meisai est rapide et Sheena marche sans arrêts sur la piste en trouvant même un peu de temps pour encourager des poings Hata à la batterie. L’interprétation est très bonne mais pas autant que celle de STEM qui suit, très sombre et dans une version rock complètement différente de celle de l’album. J’aime beaucoup les versions très orchestrées de STEM mais celle-ci en version rock est vraiment excellente, notamment le final chaotique mélangeant guitares et piano. Pendant cette explosion de guitares au final, Sheena reste stoïque comme l’impose la formalité du port du kimono. Ses mouvements sont retenus, mesurés, par rapport aux mouvements du reste du groupe. Elle sait très bien mélanger le chaud et le froid, les moments de tension intense dans le chant et les moments de calme en quasi immobilité dans des mouvements très contrôlés. J’y vois une approche très théâtrale de la scène, attitude qu’elle applique dans beaucoup de concerts et qui contribue à rendre ces scènes emblématiques. La mise en scène de ses mouvements couvre même sa sortie. Alors qu’on vient d’entendre un tourbillon sonore, elle sort doucement de la scène avec une petite courbette très distinguée. C’est un des grands moments du concert et la version que je préfère de STEM. Il s’agit en fait du dernier morceau du concert avant les rappels. Le passage vidéo qui suit est très intriguant car des textes évoquant son grain de beauté sont montrés en superposition sur d’autres images. On peut se poser la question de savoir si elle l’a déjà enlevé avant le concert et que celui qu’elle a sur le visage est un faux. Le groupe laisse les kimono de côté pour le final composé de trois morceaux: la reprise mr.wonderfull, Tadashii Machi et Odaijini. L’excellente interprétation de Tadashii Machi mélange les images de concerts et de répétitions comme un générique de fin. Mais, on revient vers le clip vidéo avec la petite fille dessinée et des images de Sheena quand elle était petite fille. Le set se termine finalement sur Odaijini qui est aussi une interprétation mémorable. Le micro tombe à terre pour le final.

Après les crédits de fin, on revient vers une dernière séquence vidéo concluant le DVD. Sheena apparaît soudainement en double (son Doppelgänger) et les deux personnes sont assises l’une en face de l’autre. L’une des Sheena est celle du passé car on la voyait assise près d’une série de tenues symbolisant les principaux morceaux de la première partie de sa carrière. Elle disparaît petit à petit tandis que la nouvelle Sheena se lève et marche droit devant la caméra. Elle passe sa main sur son visage et efface le point de beauté sur la joue gauche. Sur le tout dernier morceau du DVD, Ringo no Uta, enregistré au Budokan, on voit clairement qu’elle n’a plus son point de beauté, ce qui laisse penser qu’il était dessiné sur sa joue pendant le reste du concert et effacé seulement au final. Ringo no Uta n’est pas montré en entier pour nous indiquer que l’histoire n’est pas terminée et se poursuivra sans ce grain de beauté mais avec Tokyo Jihen. Enlever le grain de beauté si distinctif et par lequel on pouvait tout de suite la reconnaître même si elle changeait souvent de personnalité visuelle était un moyen, à mon avis, d’enlever une distinction, qui la ferait revenir comme une artiste normale dans un groupe de musiciens. C’est à mon avis le sens de cette mise en scène très présente sur le DVD.

Electric Mole est très attachant et il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une représentation classique d’un concert. Il essaie plutôt de montrer un cheminement dans une sorte de film document. En le revoyant une deuxième et troisième fois, je l’apprécie dans ce format alors que mon attente initiale était de voir un concert non-stop au Budokan. Il n’empêche que j’aimerais aussi voir ce concert non-stop en DVD ou Blu-ray avec l’ensemble des morceaux, car les interprétations y sont excellentes. Pour les 20 ans de Electric Mole (en 2023) et les 25 ans de sa carrière, pourquoi ne pas sortir une version collector complète de ce live? On pourrait éventuellement l’accompagner d’un CD bonus avec des morceaux jamais sortis jusqu’à maintenant. Je découvre par exemple un excellent morceau de 2007, Tamatebako (玉手箱), que Sheena avait écrit pour une pièce de théâtre kabuki appelée Sannin Kichisa (三人吉三). Ces petites merveilles devraient être disponibles en CD.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste des morceaux présents sur le DVD Electric Mole:

1. Kōfukuron ~Etsuraku-hen~ (幸福論 〜悦楽編〜 一部), extrait du morceau du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
2. Tsumi to Batsu (罪と罰), du 2ème album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
3. Mayonaka ha Junketsu (真夜中は純潔), 6ème single présent sur aucun album
4. Doppelgänger (ドツペルゲンガー), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(1ère partie documentaire)
5.1. Okonomi de (おこのみで) (avant), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(2ème partie documentaire)
5.2. Okonomi de (おこのみで) (après), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
6. Ishiki (意識), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(3ème partie documentaire)
7. Suberidai (すべりだい), en B-side du premier single Kōfukuron (幸福論)
8. Kuroi Orufe (黒いオルフェ), reprise du morceau Manhã de Carnaval de Luiz Bonfá et Antônio Maria, présent sur l’album de reprise Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) sur le Disc 2: Mori-pact Disc (森パクトディスク)
(4ème partie documentaire)
9. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
10. Keikoku (警告), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
11. delayed brain (一部), court extrait du morceau de Number Girl sur l’album NUM-HEAVYMETALLIC (2002)
12. Torikoshi Kurō (とりこし苦労), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(5ème partie documentaire)
13. Minatomachi 13banchi (港町十三番地), reprise du single de Misora Hibari datent de 1957
14. Poltergeist (ポルターガイスト), du 3ème album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(1er Clip vidéo)
15. Gibs (ギブス), du 2ème album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
(6ème partie documentaire)
16. Mesai (迷彩), de l’album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
17. STEM (茎), de l’album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(7ème partie documentaire)
18. Shiroi Hana no Sakukoro (白い花の咲く頃) (一部), court extrait du morceau de Okamoto Atsuo datant de 1950
19. mr. wonderful, reprise d’un morceau de 1955 de Jerry Bock, George David Weiss, and Larry Holofcener, présent sur l’album de reprise Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) sur le Disc 2: Mori-pact Disc (森パクトディスク)
20. Tadashii Machi (正しい街), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
(2ème Clip vidéo)
(8ème partie documentaire)
21. Odaijini (おだいじに), de l’album Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花)
(3ème Clip vidéo)
(9ème partie documentaire)
22. りんごのうた (一部), extrait du single sorti le 25 Novembre 2003

新宿系自作自演屋

L’affiche du Department Store Lumine au dessus de la sortie Sud de la gare de Shinjuku essaie de nous redonner le sourire en fin d’année, mais on sent qu’il est forcé. Je pense qu’on a tous envie de voir cette année 2020 se terminer rapidement. J’aime beaucoup marcher dans les rues de Shinjuku avec de la musique en tête, mais je me retrouve souvent à emprunter les mêmes rues et quartiers. Je m’enfonce de temps en temps de jour dans le quartier de Kabukichō. Fut une époque où on y allait le soir, mais pas dans les établissements peu recommandables. Il y a ce côté ‘adulte’ à Shinjuku qu’on ne trouve pas dans d’autres quartiers comme Shibuya, mais je me demande maintenant s’il s’agit vraiment d’une réalité ou s’agit il seulement d’une impression que j’ai en tête. Les photographies de Daido Moriyama joue très certainement sur cette impression. Dans les rues de Shinjuku, j’essaie de saisir la foule même si elle n’est pas aussi présente que d’habitude. Je suis allé jusqu’à Shinjuku en vélo car j’évite de prendre le train lorsque ce n’est pas nécessaire. J’ai repris plaisir à rouler entre les quartiers et à écouter la rue (ne mettant pas mes écouteurs en roulant à vélo). Ça me rappelle un peu quand j’avais ma première moto, ma CB 400 de couleur Rouge Bordeaux. Je roulais en ville le soir et le week-end sans but très précis, seulement pour le plaisir de conduire, de se perdre et de découvrir des nouveaux lieux. J’allais souvent le soir après avoir travaillé faire un tour à Shinjuku, histoire de passer devant les lumières de l’avenue Yasukuni au niveau de Kabukichō.

Je vais maintenant aborder, dans ce billet et dans un prochain, deux concerts se trouvant à une des pierres angulaires de la carrière de Sheena Ringo: Dynamite et Electric Mole. Live Tour 2005 Dynamite!, dont je vais parler dans ce billet, est la première tournée de Tokyo Jihen, après la fin de la carrière solo de Sheena Ringo qui s’est conclue par la tournée Sugoroku Ecstasy (雙六エクスタシー) en Août et Septembre 2003 immortalisée en DVD sur Electric Mole. Enfin, pour être très précis, les membres de Tokyo Jihen étaient déjà tous présents dans la formation accompagnant Sheena Ringo sur la tournée Sugoroku Ecstasy mais sont devenus officiellement un groupe à part entière quelques mois après cette tournée, le 31 Mai 2004. Le groupe a fait des apparitions sur scène avant la tournée Dynamite, notamment au Fuji Rock Festival en Août/Septembre 2004, mais Dynamite est leur première tournée officielle. Cette tournée s’est déroulée en 14 dates dans tout le Japon pendant un mois, du 17 Janvier au 16 Février 2005, de Matsuyama à Shikoku jusqu’à Tokyo en passant par Hokkaido, Osaka, Kyoto et bien sûr Fukuoka, entre autres. La captation vidéo sur le DVD Dynamite est enregistrée à Nagoya au Century Hall, le 9 Février 2005. Avec 3,012 places assises, il s’agissait de la plus grande salle dans laquelle le groupe a joué lors de cette tournée. En comparaison, Tokyo Jihen jouait dans une salle plus petite à Tokyo, celle du Shibuya Public Hall (渋谷公会堂), fermé en 2015 et reconstruit en 2019. Dynamite est la seule tournée de la première formation de Tokyo Jihen, la Phase 1 appelée également Dai-Ikki (第一期), active en 2004 et 2005 au moment de la sortie du premier album Kyōiku (教育), le 25 Novembre 2004 (tiens, un jour d’anniversaire). Cette formation en phase 1 s’est dissoute après le départ de deux membres, pour passer ensuite en Phase 2 (Dai-Niki 第二期) avant la sortie du deuxième album Adult (大人), le 25 Janvier 2006. Avant Ukigumo à la guitare, il s’agissait de Mikio Hirama (晝海 幹音) et avant Ichiyō Izawa, Masayuki Hiizumi (appelé H Zett M) était aux claviers. Seiji Kameda à la basse et Toshiki Hata (刄田 綴色) à la batterie étaient déjà présents dès la phase 1 de Tokyo Jihen. Je précise les kanji des noms de Hirama et Hata, car il s’avère qu’il ne s’agit pas de leurs véritables kanji, car ils ont été modifié par Sheena (tout comme elle a donné ce nom de nuage à la dérive “Ukigumo” à Ryosuke Nagaoka car il a la bougeotte sur scène). Il n’y a rien de bien étonnant la dedans car Sheena aime modifier les kanji des mots pour en utiliser d’autres moins usités ayant la même prononciation mais un sens différent. On regardait d’ailleurs ce Mardi 9 Décembre 2020, les excellentes interprétations des morceaux Gunjō Biyori et Inochi no Tobari (命の帳) dans l’émission de télévision 2020 FNS Kayōsai (歌謡祭) et Mari me faisait remarquer qu’il ne s’agissait pas d’une utilisation commune du kanji ‘Tobari’. Je pense qu’il ne faut pas commencer à creuser ce sujet là.

Dynamite est en fait composé de deux DVDs qui peuvent s’insérer dans un même boitier cartonné. Dynamite In sorti en Juillet 2005 est une partie documentaire montrant principalement les répétions, des moments choisis de la tournée et pendant les temps libres, des scènes insolites, des répétitions ou des extraits des messages des membres du groupe au public, ainsi que 4 morceaux extraits du concert. Dynamite Out est le concert en lui-même et est sorti en DVD un peu plus tard en Août 2005. Je ne connais pas la raison exacte de cette différentiation dans les dates de sortie mais Dynamite In ressemble un peu à un ‘teaser’ pour le DVD du concert entier. Cette partie ressemble un peu à la partie documentaire sur le DVD de la tournée Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) et je la trouve même nécessaire pour comprendre un peu mieux les interactions à l’intérieur du groupe. J’ai par contre trouvé ces DVDs vendus séparément dans des Disk Union différents, et je ne pense pas qu’on puisse les trouver vendus ensemble en set, ce qui aurait quand même été plus simple. Le design de couverture des deux DVDs utilise un personnage de taupe avec une pioche dessinée par l’illustrateur Moto Hideyasu (本秀康). Les plus perspicaces noteront très vite que ‘taupe’ se dit ‘mole’ en anglais qui se traduit également en ‘grain de beauté’. Celui que Sheena Ringo a perdu au moment de Ringo no Uta et qui donnait le nom au DVD Electric Mole, semble s’être re-matérialisé en petite taupe, qui intervient dans un mini-manga en deux parties (une dans le livret de chaque DVD) intitulé ‘Underground Love’. Le deuxième petit personnage qui figure sur la pochette s’appelle Hiroshi. Il s’agit peut être du directeur vidéo de la tournée car il s’appelle Hiroshi Usui. Dans l’histoire, Hiroshi est élevé par cette taupe jusqu’au moment où sa mère naturelle apparait soudainement. Pour sortir de leur repère souterrain, ils devront utilisés de la dynamite pour agrandir le trou d’entrée. Une histoire d’amour improbable démarrera entre la mère d’Hiroshi et cette taupe…

Le concert principal sur le DVD Dynamite Out reprend la totalité des morceaux du premier album de Tokyo Jihen, Kyōiku, mais également quelques morceaux de la carrière solo de Sheena Ringo et plusieurs reprises d’autres artistes japonais ou étrangers, dont certaines sont présentes sur les faces B des singles déjà sortis. Je vais dire tout de suite que ce concert est tout bonnement excellent, pas forcément meilleur que d’autres concerts de Tokyo Jihen comme Ultra C par exemple, mais différent, plus sanguin dirais-je. J’aime beaucoup la formation actuelle de Tokyo Jihen, mais cette première phase avec H Zett M et Hirama fonctionnaient également très bien. C’est certainement l’effet de la jeunesse, mais je ressens dans ce concert une certaine fougue et une complicité que je ne vois pas autant dans la formation actuelle. En fait, c’est plutôt une complicité entre Hirama et Kameda, ou Hirama et Hiizumi, qui est notable pendant le concert. La formation actuelle est dans l’ensemble plus sobre, bien que les moments de folie en concert y sont également très nombreux. En fait, Hiizumi me donne l’impression d’être un électron libre et je ne m’étonne pas qu’il ait plutôt souhaité continuer sa carrière de son côté, et revenir de temps en temps pour accompagner Sheena Ringo, sur le morceau Isogaba maware (急がば回れ) de Sandokushi, par exemple. Le documentaire Dynamite In nous montre également beaucoup cette complicité et ça fait plaisir à voir. J’aurais presque souhaité voir ce qu’aurait pu donner cette phase 1 de Tokyo Jihen sur d’autres albums, mais on ne le saura probablement jamais. Je ne regrette pas pour autant cette phase 1, car la phase 2 avec Ukigumo et Izawa fonctionne mieux au final et donne le sentiment d’être plus consistante et harmonisée. J’avais lu dans une interview que Sheena avait l’intention de former ce groupe dès la période où elle écrivait KSK et que sa carrière solo était plutôt une période temporaire avant de pouvoir construire un groupe. Elle expliquait qu’elle a fait ses débuts dans un groupe et que son intention a toujours été d’évoluer dans un groupe. Le fait de ne pas trouver les bonnes personnes au bon moment l’a poussé à démarrer seule en attendant de construire un groupe. Ça peut paraitre difficile à croire mais ça ne m’étonne pourtant pas. Dans le cas du groupe Hatsuiku Status, son nom n’était volontairement pas mis en avant comme si elle cherchait à effacer sa présence par rapport à celle du groupe. Pour le concert Kyoei Buranko (虚栄ブランコ) avec Number Girl le 30 Novembre 1999 au Club Asia de Shibuya, le groupe mentionné sur les affiches était Tensai Präparat (天才プレパラート), groupe créé pour la mini-tournée Manabiya Xstasy le même mois, sans jamais mentionner sa présence et son nom sur les affiches alors qu’elle était déjà connue à cette époque. Au passage, on peut voir ce concert Kyoei Buranko sur cette page YouTube et lire le Live Report d’une fan qu’on attend crier ‘Kawaii’ pendant le set. Malgré une qualité vidéo assez médiocre, ce concert vaut quand même le détour notamment pour y entendre une première version du morceau Kudamono no Heya (果物の部屋) qui apparaitra 15 plus tard sur l’album Hi izuru Tokoro (Sunny) sous le nom Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲).

Le DVD Dynamite Out reprend tous les morceaux de la playlist du concert réel à Nagoya sauf le morceau Himitsu (秘密) du deuxième album Adult qu’on trouve sur la version “Pour Homme” de l’album. Je n’aime pas beaucoup cette habitude, assez tenace dans la première partie de sa carrière, de couper les concerts en cours de route, mais on ne le remarque pas du tout. Le concert commence par le morceau Ringo no Uta, dans la version rock que l’on trouve en premier morceau de Kyōiku. Ce morceau étant le dernier morceau solo de Sheena Ringo et également présent en dernier sur le DVD Electric Mole, il fait parfaitement la transition avec cette nouvelle phase de sa carrière. Les membres du groupe sont tous habillés en vert foncé et Sheena porte un chapeau en forme de fleur de couleur vert pomme. Ils ne changeront pas de tenues pendant tout le set, à part pour les rappels au final. Le décor avec sol carrelé est très sobre sans écran en fond mais avec un grand écriteau “Dynamite” ou le logo de paon du groupe apparaissant à différents moments du concert. Ce décor me fait penser à celui d’un music hall américain. Jusui Negai qui est interprété ensuite a une intensité extraordinaire. Sheena se tient droite avec la tête légèrement en arrière, ce qui lui donne une position fière et intouchable. Sur ce morceau en particulier, dans une attitude quasi-schizophrénique, elle alterne les sourires à la foule et une intensité sombre dans le regard comme si elle était possédée par les paroles qu’elle chante. Sa voix est puissante et je me trouve scotché à l’écran à chaque fois que je passe ce morceau. J’ai en fait eu un peu de mal à voir ce concert en entier d’une seule traite car j’avais sans cesse envie de réécouter ce morceau en particulier. Il y a plusieurs morceaux avec cette même intensité vocale et musicale dans le concert, et ce sont ce genre de morceaux qui me font penser que SR/TJ est nettement au dessus du lot. Le morceau Dynamite, une reprise de Brenda Lee et présent en B-side du single Sōnan joué juste avant, est un peu le symbole de cette tournée et fonctionne beaucoup mieux en live qu’en version studio. Parmi les morceaux de la carrière solo de Sheena Ringo, le groupe reprend pour cette tournée un morceau de Shōso Strip, Tsuki ni Makeinu, et plusieurs de Muzai Moratorium à savoir Koko de Kiss Shite, Marunouchi Sadistic et Onaji Yoru. Ce dernier est le morceau préféré de Sheena sur Muzai Moratorium, ce qui n’est donc pas étonnant de le revoir régulièrement en concert. La version de Tsuki ni Makeinu sur ce concert reprend la même intensité vocale dont je parlais juste avant sur Jusui Negai. En fait, cette voix à pour moi un côté addictif.

Hirama intervient en parlant au public avant le 6ème morceau pour annoncer ce qui va suivre, à savoir deux morceaux qu’il a écrit, Kao qui est présent en B-side de Gunjō Biyori et If You Can Touch It, présent sur son album solo Yume to Negoto. Les deux morceaux sont excellemment interprétés en duo. Je redécouvre le morceau Kao sous un autre jour et je me dis qu’il aurait dû être inclus en face A de Kyōiku. Je le réécoute souvent depuis et je reviens également assez souvent sur cette partie du concert. La complémentarité des voix de Hirama et Sheena fonctionnent bien sur If You Can Touch It. Pendant ce temps là, Hiizumi qui est un peu moins sollicité, danse d’une manière machinale à l’arrière. Il ne tient pas en place pendant tout le concert, jouant du piano debout ou avec les pieds sur son tabouret. Les membres du groupe sont très expressifs, Hirama souvent la tête en arrière pendant ses parties de guitares, Hata esquissant des sourires pendant le morceau Bokoku Jōcho. Kameda est étonnement plus discret, sauf pendant son intervention devant le public où il se moque gentiment de Sheena au sujet d’une scène de maquillage à laquelle il a été témoin. Elle ne sait d’ailleurs plus où se mettre à ce moment là, en souriant d’un air un peu gêné. C’est un moment très charmant. Par rapport aux autres concerts, il y a beaucoup de reprises dans Dynamite. C’est peut être une des raisons pour lesquelles il semble différent des autres (outre le fait qu’il s’agisse du seul concert de Tokyo Jihen Phase 1). La reprise du morceau Kurumaya-san de Misora Hibari datant de 1961 est magnifique. Je pense qu’il s’agit de la reprise la plus réussie du concert, car elle imite la voix de style Enka de Misora Hibari. Je pense que Sheena devrait faire un album de reprise de morceaux Enka car on y trouve une tension dramatique que je reconnais également dans ses morceaux. Sous le regard amusé de Sheena, Hata fait ensuite son intervention devant le public. On ne sait jamais à quoi s’attendre car il est en général en décalage complet avec le déroulement du concert. Il nous donne cette fois-ci quelques exemples de noms de villages touristiques, car un nouveau village appelé Italia mura doit prochainement voir le jour à Nagoya (apparemment fermé en 2008), et ça l’a poussé à étudier la question. Il nous donne quelques exemples, sous les rires du public et le regard amusé de Kameda qui a l’air de nous dire qu’il raconte des bêtises. Il nous cite notamment le Edo mura à Nikko et un soit-disant Shikoku mura à Kagawa, qui semble être une bien drôle d’idée. En espérant que son intervention a été très instructive, il annonce ensuite la reprise du concert. Ceci étant dit, comme l’album principal de ce concert s’appelle “éducation” (Kyōiku), je ne pense pas qu’il était hors sujet.

Le concert continue ensuite avec le morceau de Shōso Strip, Tsuki ni Makeinu, qui est, comme je le disais ci-dessus, aussi un grand moment d’intensité émotionnelle, tout comme Onaji Yoru d’ailleurs mais dans une ambiance plus apaisée où Sheena est seulement accompagnée du piano de Hiizumi. On ressent à l’écran l’immersion totale dans laquelle elle se plonge lors de ces morceaux. Viennent ensuite les deux morceaux de la série Genjitsu (Genjitsu ni Oite et Genjitsu o Warau), qui m’avaient le plus marqué à l’époque de la sortie de Kyōiku en 2004. L’ambiance devient beaucoup plus sombre et seul Hiizumi au piano est éclairé. Nous sommes au milieu du concert et ces deux morceaux fonctionnent comme une charnière, comme c’est le cas sur l’album Kyōiku d’ailleurs. Les notes de piano me donne la chair de poule, peut être parce que des souvenirs d’il y a plus de 15 ans me reviennent en tête. Les morceaux fonctionnent souvent par deux dans ce concert. Après les deux morceaux écrits par Hirama dans la première partie du concert, Kameda présente deux morceaux dont il a écrit les musiques, Super Star et Tōmei Ningen qui apparaitront plus tard sur l’album Adult et dont c’est la première interprétation lors de cette tournée. Les paroles de Super Star sont écrites par Sheena, s’inspirant du joueur de Baseball Ichiro. Ichiro lui avouera d’ailleurs qu’il n’écoute jamais ce morceau qui lui est consacré quand il écoute l’album Adult, peut être se sent il gêné, connaissant l’humilité du personnage. Mais en contrepartie, Ichiro lui disait en interview qu’il enviait beaucoup sa capacité à naturellement ne jamais faire comme les autres. Il insistait sur le côté naturel et j’ai également le sentiment fort que SR/TJ n’est pas beaucoup influencé par les modes et styles du moment. Cette interprétation de Super Star est bonne mais je garde toujours en tête celle de 2020 pour la tournée News Flash qui m’avait marqué. Ceci me rappelle qu’on n’a toujours pas de nouvelles d’un éventuel Blu-ray de ce concert. J’espère qu’il ne va pas être oublié. Tōmei Ningen a également été interprété d’une manière plus convaincante dans les concerts qui vont suivre. Mais l’intervention agressive au piano de Hiizumi est tout de même remarquable et voir Kameda jouer son morceau avec le sourire aux lèvres vaut le détour.

Le morceau Ekimae revient vers un terrain plus sombre et moins enjoué que Tōmei Ningen. Il faut remarquer que Sheena a pratiquement toujours la guitare en mains pendant ce concert, mais si elle n’en joue pas toujours beaucoup comme sur la première partie de ce morceau. La partie finale instrumentale du morceau et encore une fois l’intensité de la voix de Sheena juste avant ce final, sont d’une beauté poignante. Le morceau suivant mélange Σ en B-side de Gips et Crawl de Kyōiku. Σ en version originale était joué par Hisako Tabuchi et je pense à chaque fois qu’elle va apparaître soudainement pour jouer avec Hirama. Les membres du groupe sont présentés pendant la transition avec le morceau Crawl en démarrant par Hata qui est comme d’habitude infatigable à la batterie (sauf sur sa dernière intervention télévisée pour le morceau Gunjō Biyori sur FNS où il perd bizarrement l’équilibre en tombant en arrière). Sur ce morceau comme sur d’autres, Hirama prend souvent une attitude de rockeur en sautant à pieds joints sur un riff de guitare. Sheena est moins statique que d’habitude et ne chante pas de côté comme on le verra plus tard, mais fait déjà ses courbettes en remerciements au public et allonge souvent sa voix en tendant le bras vers la foule. Le concert s’enchaine ensuite assez vite avec les derniers morceaux du set: une version assez fidèle à Muzai Moratorium de Marunouchi Sadistic mais avec un supplément piano de Hiizumi, une reprise du morceau The Lady Is a Tramp et des morceaux de Kyōiku: Omatsuri Sawagi et Service. Service est le seul morceau où Sheena utilise son mégaphone. On se demande où est passé le morceau Gunjō Biyori, le premier single du groupe qui reste le plus populaire même encore maintenant. C’est en fait le dernier morceau du set avant les rappels.

C’est H Zett M qui s’adresse ensuite au public avant le début des rappels, en rappelant à la foule les mesures d’hygiène à suivre, comme de bien se laver les mains, pour éviter d’attraper la grippe, qui est de saison en Janvier/Février. Entendre ces recommandations me fait croire pendant un bref instant que ce concert s’est déplacé dans le temps jusqu’en 2020 et qu’Hiizumi nous parle en fait de la pandémie actuelle. Après le morceau Kokoro et avant le tout dernier morceau Yume no Ato, Sheena prend la parole mais comme d’habitude son discours est assez décousu, alors que le public lui crie des messages d’encouragement sur lesquels elle tente en vain de rebondir. Peut être est ce dû à la fatigue après un set relativement long, mais j’ai souvent remarqué ce contraste entre sa performance impeccable sur les morceaux qui sont très certainement extrêmement bien préparés, et le relatif manque de spontanéité lorsqu’il s’agit d’adresser un message final à la foule. Elle était en fait beaucoup plus spontanée et instinctive au tout début de sa carrière et s’adressait en permanence à la foule. Les salles étaient aussi beaucoup plus petites et la proximité différente. J’imagine que l’émotion alors que le concert se termine doit être trop forte pour pouvoir s’exprimer clairement et que les mots adaptés ne viennent pas. Sheena est pourtant très bavarde. En écoutant ses émissions de radio Etsuraku Patrol (悦楽巡回) sur la radio Cross FM de Fukuoka d’Octobre 1998 à Juin 1999, elle montre également une personalité très instinctive et spontanée, et est même assez désorganisée dans sa manière de lancer ses idées et de changer de sujet en cours de phrases (après des ‘まあいいや’ en cours de phrase pour changer de sujet). A vrai dire, j’adore l’écouter à la radio à cette époque car on y apprend beaucoup de choses sur les morceaux et les vidéos de Muzai Moratorium sortis à ce moment là et sa manière de s’exprimer sans filtres m’amuse beaucoup. On en parle d’ailleurs avec mahl dans le ´thread’ de commentaires du billet précédent.

Après avoir regardé ce concert en entier, j’ai un peu de mal à m’en séparer car les morceaux me reviennent beaucoup en tête, notamment la reprise du morceau de Misora Hibari ou les morceaux chantés en duo avec Hirama. Difficile de dire s’il est meilleur que les autres concerts de Tokyo Jihen, mais il est en tout cas remarquable sans faiblesse notable. J’y reviendrai plus tard et cette perspective me réjouit déjà.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux du concert Dynamite:

1. Ringo no Uta (りんごのうた) du 1er album Kyōiku (教育)
2. Jusui Negai (入水願い) du 1er album Kyōiku (教育)
3. Sōnan (遭難) du 1er album Kyōiku (教育)
4. Dynamite (ダイナマイト), reprise du morceau de Brenda Lee et présent en B-side sur le single Sōnan (遭難)
5. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。) du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
6. Kao (顔), présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
7. If You Can Touch It, morceau de Mikio Hirama extrait de son album Yume to Negoto (夢と寝言)
8. Bokoku Jōcho (母国情緒) du 1er album Kyōiku (教育)
9. Kurumaya-san (車屋さん), reprise du morceau de Misora Hibari sorti en Avril 1961 sur le double single Hibari no Dodonpa/Kurumaya-san (ひばりのドドンパ/車屋さん), également présent sur le DVD Tokyo Incidents Vol. 1.
10. Tsuki ni Makeinu (月に負け犬) du 2ème album Shōso Strip (勝訴ストリップ) de Sheena Ringo
11. Onaji Yoru (同じ夜) du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
12. Genjitsu ni Oite (現実に於て) du 1er album Kyōiku (教育)
13. Genjitsu o Warau (現実を嗤う) du 1er album Kyōiku (教育)
14. Koi no Urikomi (恋の売り込み), reprise du morceau I’m Gonna Knock on Your Door de The Isley Brothers
15. Super Star (スーパースター) du 2ème album Adult (大人)
16. Tōmei Ningen (透明人間) du 2ème album Adult (大人)
17. Ekimae (駅前) du 1er album Kyōiku (教育)
18. Σ~Crawl (Σ~クロール), medley du morceau Σ présent en B-side sur le single Gips (ギブス) de Sheena Ringo et du morceau Crawl du 1er album Kyōiku (教育)
19. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
20. Sono Onna Fushidara ni Tsuki (その淑女ふしだらにつき), reprise du morceau The Lady Is a Tramp écrit et composé par Lorenz Hart et Richard Rodgers pour la comédie musicale Babes in Arms, également chanté par Frank Sinatra, présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
21. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) du 1er album Kyōiku (教育)
22. Service (サービス) du 1er album Kyōiku (教育)
23. Gunjō Biyori (群青日和) du 1er album Kyōiku (教育)
24. (Encore) Kokoro (心), présent en B-side sur le single Sōnan (遭難)
25. (Encore) Yume no Ato » (夢のあと) du 1er album Kyōiku (教育)

se perdre dans un vert profond

Les quelques photographies ci-dessus sont prises entre Ebisu et Shirogane. J’ai en général une attirance pour les tuyauteries compliquées cachées à l’arrière des buildings, mais je ne montre pas toujours ce genre de photographies. A part l’apparition inattendue d’un puit dans une ruelle trop étroite pour les voitures dans un quartier de Shirogane, ces photographies n’engagent pas beaucoup aux commentaires. Il s’agit tout simplement d’un nouveau témoignage photographique de la complexité urbaine tokyoïte qui n’est pas toujours visible si l’on reste sur les grandes artères. Mais ces photographies ont au moins l’intérêt de me rappeler l’existence du blog de Jocelyn Prud’homme basé à Osaka, mais qui n’a plus l’air actif depuis deux ans. Montrer la complexité urbaine dans les moindres détails (les tuyauteries, l’acier, le béton des autoroutes) … est un des sujets de ses photographies et il le faisait très bien. C’était un de ces blogs sur le Japon qui ne ressemblaient pas aux autres et qui ne s’adressaient pas aux voyageurs, mais plutôt aux amateurs de la matière urbaine. C’est toujours dommage de voir un blog s’arrêter et il suffit parfois de peu de choses pour que ça arrive. Pour continuer, il faut se dire qu’avoir des visiteurs est un plus, mais pas une raison d’être. Un blog doit vivre pour lui même ou du moins pour son auteur.

Mais la réalité est que je regarde régulièrement le tableau de bord WordPress de Made in Tokyo pour voir dans les statistiques quels sont les billets les plus regardés. Il s’agit en général des derniers billets publiés sur le blog ainsi qu’un certain nombres de mes billets couvrant l’architecture tokyoïte. J’y vois régulièrement apparaître des billets plus anciens, ce qui m’amène souvent à les relire avec souvent un brin de nostalgie. J’ai toujours pensé que la raison principale pour laquelle je maintenais ce blog était de pouvoir revenir sur mes écrits et photographies plusieurs années après, pour me remémorer l’état d’esprit dans lequel j’étais à l’époque où je les ai écrit. Récemment, un ou plusieurs visiteurs ont consulté un ancien billet de Juillet 2004 sur lequel j’évoquais la musique d’Ajico sur l’album Fukamidori (深緑), sorti quelques années plus tôt en 2001. Je n’ai pas réécouté cet album depuis très longtemps et relire mon billet me donne envie de me replonger dans cette musique rock plutôt mélancolique. Je me souvenais bien qu’Ajico était un projet de UA, mais j’avais un peu oublié que Kenichi Asai (浅井健一) du groupe rock Blankey Jet City faisait également partie du groupe, à la guitare électrique et au chant. En fait, je savais que c’était un bon album mais j’avais oublié à quel point son écoute était prenante. Les accords de guitare purs comme du cristal sur le premier morceau prenant le titre de l’album restent très présents en tête après avoir écouté l’album en entier. Ce premier morceau est marquant mais on aurait tord de s’arrêter là, tant la totalité de l’album est riche en émotions. La voix très typée de UA y est pour beaucoup mais se complémente très bien avec celle de rockeur de Kenichi Asai. C’est également une voix très marquée que je découvre maintenant sous un autre jour et qui me plait vraiment beaucoup. En fait, les morceaux où ils chantent tous les deux en duo fonctionnent très bien comme le cinquième morceau Aoi tori ha itsumo fumange (青い鳥はいつも不満気). Le ton de l’ensemble de l’album est très mélancolique et il faut donc être dans de bonnes conditions pour l’écouter (j’ai l’impression que c’est un commentaire que je fais souvent). Je pense par exemple au deuxième morceau Suteki na Atashi no Yume (すてきなあたしの夢), qui s’avère être un des meilleurs morceaux de l’album. La manière de chanter de UA est particulièrement poignante et on ressent qu’elle vit les morceaux qu’elle interprète. Kenichi Asai a lui une voix plus torturée et je dirais même sauvage par moment. Mais si les voix des interprètes sont un des points d’accroche principaux du groupe Ajico, la qualité de la partition musicale, notamment des guitares n’est pas en reste. J’ai l’impression de redécouvrir cet album comme au premier jour.

De gauche à droite, les albums Fukamidori (深緑) d’Ajico (2001), Jet CD de PUFFY (1998) et C.B.Jim de Blankey Jet City (1993).

Le nom de Kenichi Asai m’est familier depuis un petit moment déjà. Lorsque j’ai fait en octobre 1999 sur mon site web Okaeri (l’avant Made in Tokyo) une petite liste sur la musique japonaise que je préfère, j’y avais inscris le groupe PUFFY et leur album le plus connu, Jet CD sorti en 1998, dont le titre est inspiré du nom du groupe de Kenichi Asai. Blankey Jet City est mentionné comme influence du côté rock d’Ami et Yumi sur PUFFY. Je ne réécoute pas très souvent Jet CD mais j’y reviens quand même de temps pour la bonne humeur qui s’en dégage (カニ食べ行こう🎶). On ne perçoit pas trop l’influence du son de Blankey Jet City sur la musique de PUFFY, mais parmi la multitude de morceaux pop, on y trouve tout de même un esprit rock, avec même des sons de guitares très lourds et sombres, comme sur Shoubijin (小美人) qui est le morceau que j’aime réécouter le plus souvent. En relisant cette page écrite en Octobre 1999 sur mes artistes japonais préférés, je me rappelle en lisant ce que j’écrivais sur PUFFY, qu’on avait même eu dans l’idée avec mon copain SeB d’écrire un morceau pour le groupe. Il faudrait que je retrouve une trace des paroles qu’on avait écrit à cette époque bien que je suis certain que ça ne devait pas être très brillant et hautement improbable. En réécoutant ces morceaux de PUFFY, me reviennent ces souvenirs d’il y a plus de vingt ans. Dans cette liste d’Octobre 1999, il y a des artistes que j’écoute encore maintenant comme Sheena Ringo (il me semble avoir déjà parlé de cette artiste récemment), Utada Hikaru ou LUNA SEA, avec une ferveur identique à celle d’il y a vingt ans, mais d’autres pour lesquels mon intérêt a complètement disparu. Je mentionnais par exemple L’Arc~en~ciel, Spitz ou Mr Children que j’écoutais beaucoup à l’époque mais que j’ai beaucoup de mal à ré-apprécier maintenant. Comme j’aime bien identifier les liens entre les artistes que j’apprécie et pour revenir à PUFFY, rappelons nous que Sheena Ringo a écrit un morceau pour le duo en 2009. Ce morceau intitulé Hiyori Hime (日和姫) est sorti en single et été ré-interprété par Sheena sur la première compilation Reimport, Gyakuyunyū: Kōwankyoku. J’aime d’ailleurs beaucoup la photo de la pochette de ce single de PUFFY car Ami et Yumi sont représentées comme des poupées Hina en kimono avec chacune une mèche blonde sur le côté. Je trouve dans cette image un lien certain avec l’univers de Sheena Ringo, notamment dans l’imagerie utilisée sur ces compilations de la série Reimport.

En fait, le nom de Kenichi Asai m’était surtout familier car il est mentionné dans les paroles de Marunouchi Sadistic, mais sous son surnom « Benji ». Dans les paroles de ㋚, Sheena nous dit que Benji la frappe avec sa guitare Gretsch (そしたらベンジー、あたしをグレッチで殴って). On imagine qu’il s’agit d’une expression imagée et qu’elle est plutôt frappée dans son fort intérieur par le son de la guitare de Kenichi Asai. Ils ne doivent pas être en mauvais termes, car ils ont interprété ensemble le morceau Kiken sugiru (危険すぎる) sur Ukina, morceau principalement interprété par Kenichi Asai mais sur lequel Sheena fait des interventions très contenues dans les chœurs. Tout comme Number Girl, je pense que Blankey Jet City a joué une influence sur l’approche agressive des morceaux rock de ses débuts. Ma curiosité grandissante m’a amené à découvrir la musique de Blankey Jet City en commençant par l’album C.B.Jim sorti en Février 1993. Je ne suis pas déçu. On y trouve une énergie rock assez folle et immédiate avec des guitares rapides et incessantes, techniquement très pointues. La manière de chanter de Kenichi Asai, ponctuant certains mots avec insistance, y est très incisive à la limite entre le punk rock et le rockabilly. Il y a un côté assez jubilatoire à écouter ses paroles nous parlant d’histoires de mauvais garçon. Je pense continuer encore un peu l’écoute d’autres albums du groupe, mais le choix semble difficile car ils ont sortis plus d’une dizaine d’albums. Je n’aime en général pas beaucoup les albums best off car c’est souvent en dehors des singles que je trouve les morceaux que je préfère, mais je vais peut être faire une exception cette fois-ci en écoutant la compilation Complete Single Collection, l’album avec un chat noir en couverture.

Deux images extraites de la vidéo du morceau Niji (虹) de AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) sorti le 3 Décembre 2020.

Sur le site web Ringohan, une enquête est lancée depuis le 3 Décembre auprès des fans, comme l’année dernière, pour connaître notamment quels sont les morceaux ou les albums préférés de Sheena Ringo et Tokyo Jihen. J’y participe cette fois-ci, un peu par curiosité pour voir quels types de questions sont posées. Les résultats pour certaines questions sont mis à jour en temps réel. On apprend donc sans grande surprise que Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック) et Gunjō Biyori (群青日和) sont les morceaux préférés des fans pour SR et TJ respectivement. Dans les statistiques, je remarque également qu’il y a une majorité de participation féminine à cette enquête (de 60% à 70%), ce qui doit à mon avis représenter la proportion réelle des fans et ce qui ne m’étonne en fait pas beaucoup. Parmi les questions, Sheena demande aux fans leur avis sur les futurs collaborations qu’ils ou elles voudraient voir avec d’autres artistes, quels sont les artistes qui montent et ce qu’on a fait de particulier ou de différent pendant cette période de pandémie. Je ne vais pas donner toutes les réponses que j’ai personnellement donné à chaque question. Pour l’artiste en voie de reconnaissance, j’ai mentionné Shohei Otomo, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois ici, car je serais très curieux de voir une illustration de sa part adaptée à l’univers de Sheena Ringo. J’y vois une certaine comptabilité car elle a déjà utilisé des illustrations pour des couvertures d’albums (sur Ukina par exemple). Il y a également une question demandant notre avis sur l’artiste pour lequel ou laquelle on voudrait que Sheena compose un morceau. J’ai mentionné AiNA The End (アイナ・ジ・エンド) car je pense qu’elle a la capacité vocale adéquate pour chanter des morceaux à la structure complexe que pourrait lui créer Sheena. J’y pense aussi car AiNA a déjà fait une reprise assez convaincante de Tsumi to Batsu (罪と罰). Elle a d’ailleurs sorti un nouveau morceau en solo intitulé Niji (虹) qui sera inclus dans son futur album The End qui sortira le 3 Février 2021. Je trouve ce morceau, comme la vidéo d’ailleurs, impressionnant. Le morceau est très satisfaisant car il correspond exactement au style non-apaisé que je voulais entendre de sa part. Connaissant Wack, qui reste derrière cette entreprise solo, il est très possible que l’ensemble du futur album parte dans des directions très différentes, comme sur les albums de BiSH, mais on peut penser que ça restera résolument rock. AiNA joue bien les rôles tourmentés, comme on peut le voir dans la vidéo et l’entendre dans les paroles. J’imagine qu’elle signe les paroles et la chorégraphie, qui là encore reste bien dans la ligne de ce qu’elle montrait pour BiSH. Ce futur album est très prometteur mais il va falloir attendre presque deux mois avant de le voir arriver. J’imagine qu’il y aura d’autres singles en attendant. Quand à mes prédictions sur l’enquête SR/TJ, on verra bien si elles se concrétisent un jour. Je trouve en tout cas assez intéressant qu’un artiste demande l’avis aux fans sur ce genre de choses. Je pense que ça doit aider à la réflexion.