永遠コンティヌウム

L’automne est une des meilleures saisons pour marcher en ville à Tokyo, quand les typhons se mettent en pause temporaire et que la pluie retient ses gouttes le temps du week-end. Nous avons eu beaucoup de week-ends pluvieux ces dernières semaines, donc une journée froide mais ensoleillée devient une opportunité immanquable de marcher à l’extérieur. Je suis malheureusement un peu à court d’idée d’endroits où aller marcher et je me retrouve donc encore une fois à parcourir les rues d’Aoyama jusqu’à Shibuya. En fait, j’avais initialement l’intention de marcher jusqu’à Shinjuku mais le temps me manquant, je m’arrête au niveau de Killer street pour aller revoir d’un peu plus près l’immeuble de béton TERRAZZA de l’architecte Kiyoshi Sei Takeyama (Amorphe). Je suis toujours impressionné par la puissance du béton dans la petite cour intérieure avec murs à l’oblique. J’essaie ensuite de me perdre dans les rues à l’arrière du building, mais je finis toujours par retrouver mon chemin dans Jingumae. Il y a beaucoup d’architecture intéressante dans ces rues. J’ai déjà pris ces endroits en photo plusieurs fois et je me retiens donc pour cette série. Je passe quand même revoir Small House de Kazuyo Sejima, car je veux vérifier si l’arrière de la maison est toujours visible. Jusqu’à maintenant, on pouvait emprunter un petit chemin de terre près d’un sanctuaire donnant accès à un terrain vague depuis lequel on pouvait voir l’arrière de Small House et donc apprécier sa forme asymétrique. Un petit immeuble a malheureusement été construit sur le terrain vague et le chemin de terre transformé en petite allée couverte de pavés. La dernière fois que j’ai pris l’arrière de cette maison en photo était en Août 2018. Cette vue n’est désormais plus possible. En revenant vers l’avenue Aoyama, je passe brièvement devant le grand temple Baisouin dessiné par Kengo Kuma, dont l’allée bordée de bambous est très agréable au regard. Les bureaux de l’architecte se trouvent d’ailleurs dans ce quartier, dans la rue parallèle à l’allée de bambous du temple. Je finis ensuite par regagner le centre névralgique de Shibuya devant le Department Store PARCO. La foule est de retour, comme à la normale, sauf qu’il n’y a pas de touristes. Mon regard se noie dans les mouvements de la foule, mais des petits détails accrochent parfois mon attention, comme ce petit smiley jaune à la fois agressif et sympathique.

Je ressors de mon tiroir le DVD du documentaire et live Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) de Sheena Ringo, sorti le 7 Décembre 2000 en même temps qu’un autre live Gekokujō Ecstasy. J’avais acheté ces deux DVDs en même temps à leurs sorties simultanées. Chronologiquement parlant, les scènes de concert filmées dans Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon se déroulent en Juin et Juillet 2000, environ deux à trois mois après celles de Gekokujō Ecstasy. La principale différence est que Gekokujō Ecstasy était un concert de Sheena Ringo, tandis que le concert intitulé Gokiritsu Japon (Standup Japon) est celui d’un groupe inconnu appelé Hatsuiku Status (Growth Status), qui ne met pas en avant la présence de Sheena Ringo. Ce groupe a en fait été créé spécialement pour composer des nouveaux morceaux qui seront ensuite interprétés en concert lors de quatre dates à Fukuoka, Hiroshima, Kobe et Shinjuku. A cette époque, Sheena Ringo est déjà très connue car ses deux premiers albums Muzai Moratorium et Shōso Strip sont déjà sorti, mais elle ne révèle apparemment pas sa présence dans ce groupe Hatsuiku Status lors des premiers concerts. J’imagine que le secret a du être gardé pour la première date à Fukuoka, mais que le mot a dû se donner peu après.

Hatsuiku Status est loin d’être le seul groupe rock créé par Sheena Ringo. On connait bien sûr Tokyo Jihen, mais elle a aussi l’habitude de créer et de donner des noms particuliers aux formations créées pour chaque album (ou partie d’albums), pour les concerts et parfois pour les enregistrements de certains morceaux. Par exemple, le groupe Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) s’est formé pour les concerts des tournées Zazen Ecstasy et Gekokujō Ecstasy de l’année 2000, le groupe Tensai Präparat (天才プレパラート) jouait l’année précédente sur la tournée Manabiya Ecstasy (学舎エクスタシー). Sur l’album Muzai Moratorium, il y avait même trois groupes listés, à savoir Zetsurin Hectopascal (絶倫ヘクトパスカル), Zekkyō Solfeggio (絶叫ソルフェージュ) et Momoiro Spanner (桃色スパナ). Les orchestres avec Neko Saito prennent aussi des noms particuliers comme Noraneko Orchestra (ノラネコオーケストラ) sur le concert Baishō Ecstasy. Pour revenir aux noms de groupes, il s’avère qu’ils suivent tous la même construction dans leurs noms, à savoir deux Kanji et un mot en katakana. Les noms des formations orchestrales ont une autre convention de noms utilisant seulement des katakana. Arrêtons nous là sur les noms de groupes, car il doit y en avoir plus d’une trentaine. Et on pourra aussi noter que certains noms d’albums et de morceaux suivent également cette même composition kanji & katakana (丸の内サディスティック, 無罪モラトリアム, 三文ゴシップ…). Il s’agit là encore d’un exemple d’une des spécialités de Sheena Ringo de jouer avec la composition et les associations de mots, et je m’amuse à faire de même avec le titre de ce billet.

Hatsuiku Status a également la particularité d’avoir trois bassistes: Sheena Ringo, Yasunobu Torii et Junko Murata. Cette dernière faisait partie de Hachiōji Gulliver (八王子ガリバー), groupe des débuts de Sheena Ringo à Fukuoka. En parlant des débuts, le premier groupe de lycée de Sheena Ringo s’appelait Marvelous Marble (マーベラス・マーブル) et faisait des reprises. On peut d’ailleurs voir sa première apparition au chant à la télévision dans une émission intitulée Teens’ Music Festival en 1995. Elle avait 16 ans et est à peine reconnaissable. Sur Hatsuiku Status, on trouve également Yuka Yoshimura à la batterie et Hisako Tabuchi du groupe Number Girl à la guitare électrique. Il faut noté que Number Girl est également originaire de Fukuoka, qu’ils ont déjà sorti à cette époque quelques albums comme School Girl Distortional Addict et que Sheena allait à leurs concerts. Hisako Tabuchi est en quelque sorte senpai de Sheena Ringo et elle est de trois ans son aînée, mais on ne ressent pas du tout ce genre de rapport de force dans le documentaire du DVD. Le groupe est principalement féminin, ce qui n’est pas le cas sur les groupes qui vont suivre. En fait, je m’étais toujours demandé pourquoi Sheena Ringo avait soudainement ressenti le besoin de créer un groupe avec Tokyo Jihen en 2004, mais je me rends compte que ce besoin existe depuis ses débuts et qu’elle n’a jamais vraiment été soliste car chaque formation l’accompagnant a un nom et donc une identité. Il y a quelque chose d’intéressant à creuser là, car, vu la singularité des morceaux de sa discographie, on imagine plutôt Sheena Ringo comme étant solitaire dans l’exercice d’écriture des morceaux, qui n’accepterait pas les compromis que le travail en groupe demande. Malgré cela, depuis Tokyo Jihen à partir de la deuxième formation, on sait que sous son impulsion le travail d’écriture est beaucoup plus distribué entre les membres du groupe, surtout à partir du EP Color bars.

Sur ce projet Hatsuiku Status qui ne durera que le temps des quatre concerts que je mentionnais ci-dessus, les morceaux sont en très grande partie écrits par Sheena Ringo, en suivant vaguement le thème de la croissance (comme l’indique le nom du groupe). Le DVD commence par une partie documentaire qui nous montre les répétitions et l’exercice collectif de création musicale. En fait le deuxième morceau de la playlist Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠) est le seul morceau dont les paroles sont écrites par la totalité du groupe et on voit quelques scènes montrant le processus de création. Les paroles sont d’ailleurs assez hétéroclites, citant des mots et bouts de phrases sans liens apparents les uns avec les autres. On peut entendre par moment des noms de personnes, comme ‘Mukai kun’ en référence à Shutoku Mukai de Number Girl, ou ‘Furuya kun’ en référence à Kenji Furuya qui est le chanteur de Dragon Ash. Le nom du 15ème président sud coréen, en fonction à l’époque du concert, est également cité mais on ne l’entend pas sur la vidéo car son nom est couvert d’un deep sonore. Les paroles de ce morceau n’étant que composés de mots divers et variés, je n’y perçois pas de messages particuliers. Ce documentaire peut paraitre anecdotique mais je trouve très intéressant d’observer les relations de Sheena avec le groupe, notamment avec Hisako Tabuchi. Ce DVD doit d’ailleurs être le seul à montrer ce type de documentaire et il est donc assez unique. Les répétions mélangent moments de sérieux et moments d’amusement, avec notamment quelques passages dans un espace de pause qui doit être celui du Shinjuku Liquid Room (qui s’est déplacé à Ebisu en 2004). J’aime beaucoup les moments où Sheena et Hisako sont habillées de la même chemise à carreaux rouges, quand les membres du groupe tentent les unes après les autres de faire les yeux blancs (comme dans la vidéo de Yattsuke Shigoto) tout en mangeant des choux à la crème, ou quand Sheena raconte une histoire sur la perte d’un pendentif en forme de coeur qui l’amène à imiter une scène de comédie musicale.

Vers la fin du documentaire, on voit le groupe préparer la playlist du concert et celui-ci commence peut de temps après dans la salle du Liquid Room de Shinjuku. La captation vidéo est volontairement assez peu modifiée pour donner une impression d’immersion dans la réalité du concert (c’est apparemment l’effet voulu). Le set de la tournée Gokiritsu Japon se compose de 11 morceaux originaux, mais seulement 9 sont montrées en vidéo sur le DVD. Deux morceaux au milieu ont été enlevés, à savoir le cinquième intitulé Fukurande kichatta (膨らんできちゃった) et le sixième intitulé Hai Hai (はいはい), ce qui est extrêmement bizarre. On retrouve cependant ces deux morceaux sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) sorti quelques mois avant le DVD en Septembre 2000. Peut être que l’inclusion dans le EP Zecchōshū justifie la non inclusion dans le DVD, mais c’est tout de même étrange d’avoir coupé le concert au milieu. Ceci étant dit, on ne s’en rend pas compte. Ce qui est un peu dommage, c’est que le morceau Fukurande kichatta est le plus emblématique et marquant du set, et on l’entend d’ailleurs en extrait au début du DVD. Le EP contient par contre un autre morceau du set, le 11 morceau (ou neuvième sur le DVD) intitulé Kōgōsei (光合成). Le septième morceau du DVD, Konya Dō (今夜だふ), est lui inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄). Le reste des sept morceaux n’est disponible sur aucune autre compilation live à ma connaissance. Même si le son enregistré est assez brut, j’aurais quand même aimé les avoir en piste audio. Il ne s’agit pas non plus des meilleurs morceaux de Sheena Ringo, du niveau de ceux des deux premiers albums, mais ils sont tout de même très bons. Les morceaux ressemblent plutôt à des b-sides qu’on trouverait sur une compilation comme Watashi to Hōden, mais personnellement j’ai toujours eu une attirance pour les b-sides qui explorent parfois de nouveaux territoires sans concessions. En regardant cette vidéo, on a l’impression de regarder un concert de rock indépendant, ce qui me rappelle avec un peu de nostalgie les fois où nous étions allés voir des concerts rock de jeunes groupes inconnus au Loft de Shinjuku ou au 100000V de Koenji. Ça devait être à peu près à cette époque d’ailleurs. Les morceaux de Gokiritsu Japon sont parfois chantés à plusieurs voix, avec Hisako Tabuchi en accompagnement. Le cinquième morceau du DVD, Haenuki (生え抜き), est celui que je trouve le plus proche au niveau de sa voix des morceaux solo des deux premiers albums. Le concert est en lui-même assez court et la totalité du DVD ne fait que 70 minutes. Le tout se termine par des images supplémentaires après le générique de fin où les membres du groupe discutent des morceaux. L’autre morceau manquant du DVD, Hai Hai, est d’ailleurs joué pendant le générique de fin. Ce DVD a quelque chose d’unique pour sa valeur documentaire, et l’énergie live brute qui s’en dégage est palpable par le rendu de la captation vidéo.

Pour référence ultérieure, la liste des morceaux du concert Gokiritsu Japon sont notés ci-dessous (seulement les morceaux présents sur le DVD):

1. Hatsuga (発芽)
2. Warui Nae Yoi Moe (悪い苗 良い萠)
3. Gaichū Kujo (害虫駆除)
4. Takai Takai (たかいたかい)
5. Haenuki (生え抜き)
6. Sakasetemite (咲かせてみて)
7. Konya Dō (今夜だふ) est inclus sur la compilation live Mitsugetsu-shō (蜜月抄)
8. Mebana yue Obana (雌花 故 雄花)
9. Kōgōsei (光合成) est inclus sur le troisième disque du EP Zecchōshū (絶頂集) et sur la compilation Watashi to Hōden (私と放電)

人間は意外と強い

Cette affiche géante se trouvant sur la place de Hachiko devant la gare de Shibuya et proclamant en très grande écriture que « les humains ne sont pas faibles”, provient apparemment d’un manga appelé Yakusoku no Neverland (約束のネバーランド, The Promised Neverland) écrit par Kaiu Shirai (白井 カイウ) et dessiné par Posuka Demizu (出水 ぽすか) dans le magazine Weekly Shōnen Jump de Shūeisha. A vrai dire, je ne connais pas du tout ce manga et j’en ai même jamais entendu parler, mais j’aime beaucoup l’idée d’interpeller les passants par des écritures démesurées. Lors de cette marche dans Shibuya, de retour de Shinsen un peu plus haut, je traverse le quartier des Love Hotels à Maruyamachō et je concentre mon objectif photo sur les grandes affiches, notamment celle d’un cinéma appelé Kinohaus, ainsi que sur les petites affichettes collées en abondance sur certains murs de vieilles bâtisses. Devant le complexe Bunkamura, j’aperçois le bâtiment aux vitrages à l’oblique que j’avais utilisé pour une de mes premières compositions urbano-végétales, il y a plus de dix ans. J’y repense avec une certaine nostalgie à chaque fois que je passe devant ce bâtiment. Comme indiqué sur la façade, on trouve dans ce bâtiment une galerie d’art tenue par Atsuko Barouh, la compagne de l’auteur-compositeur-interprète Pierre Barouh. Je savais que Pierre Barouh avait des liens avec le Japon, mais je ne savais pas par contre qu’il avait passé son enfance en Vendée et que certains lieux aux Herbiers et aux Sables d’Olonne portent son nom. Sheena Ringo avait écrit et interprété un morceau intitulé 13 jours au Japon (~2O2O日本の夏~), inclus dans la compilation 50 ans de Saravah, la maison de production de Pierre Barouh. Cette compilation était sorti en Septembre 2016, quelques mois avant la mort de Pierre Barouh en Décembre de la même année. Le morceau 13 jours au Japon que Sheena Ringo chante en français et en japonais nous parle déjà des futurs Jeux Olympiques de Tokyo et est en fait une reprise du morceau Treize jours en France de Francis Lai pour un documentaire du même nom de Claude Lelouch sur les Jeux Olympiques de Grenoble en 1968. La musique du documentaire est sorti aux éditions Saravah et Pierre Barouh y écrit et interprète un morceau. Le documentaire est traduit en japonais en Shiroi Koibitotachi (白い恋人たち – Les amoureux blancs). Je me suis toujours demandé et me demande toujours pourquoi Sheena Ringo a été amené à interpréter un morceau sur cette compilation. Elle doit certainement être amatrice des compositions de Pierre Barouh. La chanson Un homme et une femme du film de Lelouch, sur une musique de Francis Lai et des paroles de Pierre Barouh, est d’ailleurs utilisée pendant les interviews en interlude du concert de Tokyo Jihen Domestic! Virgin Line de 2006. L’utilisation de ce morceau m’avait étonné mais je vois maintenant quelques liens se dressés. Toujours est il que Sheena Ringo utilise souvent des mots français et c’est notamment le cas du concert qui va suivre.

Je continue donc tranquillement ma revue des concerts de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen. J’ai trouvé le Blu-Ray du concert Bon Voyage de Tokyo Jihen sorti le 13 Juin 2012 chez le disquaire Disk Union de Shibuya. Il s’agit d’une captation du dernier concert de la tournée Domestique Bon Voyage qui se déroulait du 14 au 29 Février 2012 en six dates à Yokohama, Osaka et Tokyo. Le dernier concert de la tournée, le 29 Février, se déroulait au Nippon Budokan de Tokyo et était en effet le dernier concert de Tokyo Jihen car le groupe avait annoncé leur séparation un peu plus tôt en Janvier. On sait maintenant que ce n’était en fait pas le dernier, le groupe s’étant reformé le 1er Janvier 2020 et ayant démarré la tournée News Flash à partir du 29 Février 2020, soit 8 ans très exactement après leur dernier concert et pendant une même année bissextile. Comme Bon voyage est une tournée d’adieu, le concert au Budokan ne manque pas de grandiose, surtout si on le compare à celui de News Flash au NHK Hall, qui était beaucoup plus sobre dans sa présentation. Nippon Budokan est d’abord environ 4 fois plus grand que le NHK Hall de 3800 places ou 3 fois plus grand que le Tokyo Forum de 5000 places, et c’est un lieu qui a un certain prestige. Il date de 1964, construit initialement pour les compétitions de judo des Jeux Olympiques de Tokyo. Les caméras pendant le concert ne manquent pas de montrer l’intérieur arrondi du Budokan dans toute sa grandeur, surtout pendant le deuxième morceau Atarashii bunmeikaika où l’espace est très éclairé et envahi de confettis. Les tenues du groupe pour les premiers morceaux sont flamboyantes, très colorées. Le chapeau fait de formes de fleurs que porte Sheena Ringo est rempli de couleurs et c’est une des plus belles tenues de scène que j’ai pu voir pour l’instant. Neko Saito et son orchestre d’une quarantaine de personnes est également présent à l’arrière de la scène derrière le groupe, mais n’intervient pas sur tous les morceaux.

OSCA est le quatrième morceau interprété et fonctionne toujours très bien dans les concerts que j’ai vu. Une des particularités de cette version est le solo de basse de Seiji Kameda juste avant la reprise sur la deuxième partie rapide du morceau. Les quatre danseuses du groupe Idevian Crew qui apparaissaient dans la vidéo du morceau sont également sur scène et courent dans tous les sens pendant que Sheena chante et crie au mégaphone. Au passage, OSCA est, je pense, le premier morceau écrit par Ukigumo pour Tokyo Jihen et la vidéo est la première dirigée par Yuichi Kodama, le futur mari de Sheena Ringo. OSCA enchaine directement sur FOUL, exactement comme sur le concert News Flash. L’énergie des deux morceaux fonctionne bien dans la continuité. FOUL se termine sur un “Thank you” furtif de Sheena à la foule. Season sayonara continue le set avec Neko Saito au violon. Ce qui m’impressionne toujours dans ces concerts, c’est que le groupe introduit beaucoup de variations dans leurs interprétations et que ces interprétations sont toujours impeccables au point où je les trouve même meilleures que sur les albums. Tokyo Jihen serait il meilleur Live qu’en studio?

Sur une interprétation instrumentale du morceau Carnation par l’orchestre, les membres du groupe sont présentés les uns après les autres sur les écrans géants montrant des photos des différentes périodes de chaque album. Pendant cette présentation, le groupe se change pour une tenue de type music hall qui surprend au premier abord par son côté un peu kitch. Ce n’est pas la partie que je préfère du concert surtout que le morceau Kaisei ni Sukū Otoko n’est pas non plus inoubliable. Par contre, ce qui suit est extrêmement interessant. Sheena remplace Ichiyō Izawa au piano et c’est Izawa qui passe sur le devant de la scène pour interpréter son morceau de Color Bars, Kai Horror Dust, en tenue noire et violette dans un style Visual kei avec chaussures à talons hauts. Puis la surprise continue quand l’écran se noircit et laisse maintenant apparaitre Toshiki Hata au milieu de la scène pour l’interprétation à son tour de son morceau pour Color Bars, Honto no Tokoro. Son interprétation de ce morceau des plus étranges est habitée. Il y met tout son coeur et sa puissance vocale. Sheena passe à la batterie et on voit qu’elle regarde Hata assez fixement, peut être avec un peu d’appréhension sur la manière dont il va interpréter le morceau. Le meilleur morceau de Color Bars, sa_i_ta, écrit par Ukigumo suit ensuite, interprété à deux voix. Les petits drapeaux sont de sortie à ce moment là et Sheena bat la mesure en rythme. Comme elle se met à chanter de coté pendant un moment sur ce morceau, je pense d’abord qu’il s’agit là des prémices de cette posture que l’on verra prédominante plus tard dans les concerts et interprétations télévisées de Sheena ou du groupe. Mais en fait non, elle est relativement mobile pendant ce concert. Je me demande à quoi est dû cette posture statique récente.

Dans les morceaux incontournables, il y a bien sûr Shuraba et Nōdōteki Sanpunkan, mais l’interprétation de ce dernier manque un peu de pêche par rapport à la version que je connais sur News Flash. J’aime bien par contre l’interprétation de Zettai Zetsumei où elle danse mécaniquement au début sur un rythme électronique. Les quatre danseuses de la troupe Idevian Crew réapparaissent sur certains morceaux, mais je trouve que leur présence n’est en général pas indispensable. L’orchestration de Neko Saito reprend derrière et le reste du groupe s’est effacé car ils préparent l’interlude suivant, une interprétation d’une chanson pour enfant écrite par Yoshimi Satō intitulée Ice Cream no Uta. Ils sont tous les quatre habillés entièrement en rouge. C’est rigolo de les voir chanter, surtout Kameda qui perd un peu le fil à un moment, mais on pouvait s’en passer tout comme la partie instrumentale montrant une scène du jeu vidéo Ice Climber sur Famicom, sous le titre Bon Voyage. Il s’agit seulement d’une courte interlude. je n’aime pas beaucoup le morceau qui suit, Oishii Kisetsu, reprise du morceau que Sheena a écrit pour Chiaki Kuriyama et qui sortira en single beaucoup plus tard en 2017. Mais l’interprétation ici le rend un peu plus intéressant. Avec ces quelques morceaux, on comprend pourquoi un logo de glace est utilisé sur le livret accompagnant le blu-ray.

Après Onnanoko ha Daredemo, le concert continue sur des morceaux que j’aime beaucoup plus comme Omatsuri Sawagi de l’album Kyōiku ou Tengoku he Yōkoso de Discovery, beaucoup plus posé en apparence mais mélangeant l’orchestre et le guitare électrique de Ukigumo. La voix de Sheena est impressionnante, comme sur la totalité du concert d’ailleurs. L’orchestration me fait penser à une musique de film d’espionnage et alors qu’elle s’allonge, une vidéo repasse en accéléré en arrière tout le concert, comme si on rembobinait la bande. Le groupe se change pendant ce temps là pour la dernière partie qui sera plus rock en commençant par le morceau Time Capsule écrit par Kameda. Tous les morceaux de Color Bars sont donc interprétés. Le concert reprend un tournant que je préfère. Sheena prend la guitare pour la première fois sur Denpa tsūshi, qui est très bon comme toujours. Cette partie du concert est beaucoup plus rock, un peu comme sur News Flash, et c’est à mon avis bienvenu. Le petit passage qui suit où le groupe parle devant le public est vraiment sympa et amusant. Ils parlent notamment, avec un ton un peu moqueur, du nom du concert “Bon voyage” qui ressemblerait à un mot du kansai. Hata lui ne parle pas beaucoup mais prend une photo de la foule derrière sa batterie. Les morceaux assez classiques s’enchainent ensuite Senkō shōjo où le groupe s’approche du public pendant le petit solo de guitare, puis Kachiikusa où Sheena reprend la guitare pour la deuxième fois, Killer Tune avec une intervention de cuivres et Sora ga natte iru, toujours immensément cool (je repense toujours à la vidéo du morceau en entendant ce morceau) et qui semble être le dernier morceau du concert comme pour News Flash (peut être parce qu’il y a les paroles 終わらせないで – Ne terminez pas). Sheena quitte d’abord la scène mais le groupe reviendra pour le final habillé en tenue marine qui va bien avec l’image du bateau de Bon Voyage. L’orchestre est également habillé en moussaillon.

On peut voir ensuite une version de Marunouchi Sadistic, qui n’est pas la version Expo ni celle de Muzai Moratorium, mais reste d’inspiration jazz. Dans l’ensemble, le groupe est plus décontracté. Sheena vient toucher les mains de la foule pendant ce morceau. Gunjō Biyori suit ensuite et c’est à ce moment là que je remarque que Ukigumo est habillé en kilt écossais. Pendant ce morceau, j’aime bien quand Sheena regarde Hata pour accorder sa guitare à la batterie. J’avais remarqué la même chose sur News Flash. Seishun no Mabataki est l’avant dernier morceau et je l’aime beaucoup car il m’avait fait revenir vers la musique de Sheena Ringo lorsque je l’avais entendu à Kōhaku sur NHK. Le concert se termine sur le classique Tōmei Ningen. Avant cela, Izawa adresse un court message à la foule nous disant que la musique continue en nous même si le groupe s’arrête, mais que si on est en manque, on peut toujours appeler directement Sheena Ringo au téléphone. Izawa parle pour le groupe, car Sheena ne trouve apparemment pas ses mots et remercie seulement à la fin. Le concert se termine ensuite sur quelques images prises en studio ou pendant les moments de pause. Le concert aura duré plus de 2h, beaucoup plus long que News Flash, beaucoup plus extravagant dans ses bons et mauvais côtés. On a beaucoup plus l’impression d’un spectacle, avec une petite dose de divertissement et des interventions avec le public (qui n’étaient bien entendu pas possible sur News Flash). Toujours est il que, comme je le disais ci-dessus, la qualité est tellement bonne que je l’ai déjà revu plusieurs fois. J’ai en fait assez hâte de voir d’autres concerts, mais je ne garantis pas écrire autant à chaque fois.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Bon Voyage:

1. Ikiru (生きる) du 4ème album Sports (スポーツ)
2. Atarashii bunmeikaika (新しい文明開化) du 5ème album Daihakken (大発見)
3. Konya ha karasawagi (今夜はから騒ぎ) du mini-album Colors
4. OSCA du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
5. FOUL du 4ème album Sports (スポーツ)
6. Season Sayonara (シーズンサヨナラ) du 4ème album Sports (スポーツ)
7. Carnation (Inst.) (カーネーション) [inst.], version instrumentale du single Carnation qui sera inclus dans l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
8. Kaisei ni Sukū Otoko (海底に巣くう男) du 5ème album Daihakken (大発見)
9. Kai Horror Dust (怪ホラーダスト) du mini-album Colors
10. Honto no Tokoro (ほんとのところ) du mini-album Colors
11. sa_i_ta du mini-album Colors
12. Nōdōteki Sanpunkan (能動的三分間) du 4ème album Sports (スポーツ)
13. Shuraba (修羅場) du 2ème album Adult (大人/アダルト)
14. Zettai Zetsumei (絶体絶命) du 4ème album Sports (スポーツ)
15. Ice Cream no Uta (アイスクリームの歌) est une chanson pour enfants écrite par Yoshimi Satō
16. Bonus Stage (tiré de Ice Climber) (ボーナスステージ(アイスクライマーより) [inst.] ), morceau instrumental tiré du jeu Famicom Ice Climber sorti sur NES en 1985
17. Oishii Kisetsu (おいしい季節), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama et qui sortira en single en 2017 et sera inclu sur Gyakuyunyū: Kōkūkyoku (逆輸入 〜航空局〜)
18. Onnanoko ha Daredemo (女の子は誰でも) du 5ème album Daihakken (大発見)
19. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) du 1er album Kyōiku (教育)
20. Tengoku he Yōkoso (天国へようこそ) du 5ème album Daihakken (大発見)
21. Time Capsule (タイムカプセル) du mini-album Colors
22. Denpa tsūshin (電波通信) du 4ème album Sports (スポーツ)
23. Senkō shōjo (閃光少女) du 4ème album Sports (スポーツ)
24. Kachiikusa (勝ち戦) du 4ème album Sports (スポーツ)
25. Killer Tune (キラーチューン) du 3ème album Variety (娯楽/バラエティ)
26. Sora ga natte iru (空が鳴っている) du 5ème album Daihqakken (大発見)
27. Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), version modifiée du morceau de Muzai Moratorium
28. Gunjō Biyori (群青日和) du 1er album Kyōiku (教育)
29. Seishun no Mabataki (青春の瞬き), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Chiaki Kuriyama et qui sera inclus dans Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~)
30. Tōmei Ningen (透明人間) du 2ème album Adult (大人/アダルト)

林檎の発電

Comme première sortie hors de Tokyo depuis des mois, nous n’allons pas très loin, à Chiba, pendant une journée du long week-end de quatre jours. On dirait malheureusement que tout le monde a eu la même idée en même temps de sortir de Tokyo pendant ce long week-end car les routes et autoroutes sont très occupées. Il faudra prendre son mal en patience sur le trajet du retour, tout en passant son temps à consulter le système de navigation pour voir s’il n’y a pas un raccourci qui ne serait pas marqué de rouge en signe de bouchon. Je déteste quand le système de navigation rajoute soudainement 30 minutes de plus à notre trajet après avoir découvert un nouvel embouteillage. Outre ces désagréments routiers qui sont inévitables en toutes saisons de toute façon lorsqu’on rentre sur Tokyo, nous avons quand même bien profité de cette petite escapade en nature. Nous ne nous sommes pas enfoncés dans les recoins oubliés de Chiba, mais nous avons quand même trouvé un espace qui nous a changé de l’urbanité tokyoïte, dans l’enceinte du Kawamura Memorial DIC Museum of Art, situé à Sakado (nom forçant au jeu de mots qu’on a feint d’ignorer lorsque je l’ai tenté dans la voiture). Le musée n’est desservi par aucune station de train et il est donc préférable d’y aller en voiture bien qu’une navette a l’air de connecter le musée à la station la plus proche. Coronavirus oblige, il faut réserver son billet à l’avance pour la tranche du matin ou de l’après-midi. Il n’y avait pas foule de toute façon. Ce musée montre principalement la collection permanente de l’industriel Kawamura qui a donné son nom au musée. Et quelle collection! On y trouve un portait du 17ème siècle par Rembrandt, quelques peintures impressionnistes de Monet et Renoir, quelques Picasso et un Chagall, entre autres. Une salle entière sombre et arrondie est consacrée aux fresques murales rouges de Mark Rothko. Il faut s’asseoir pendant quelques instants au milieu de la pièce sombre pour voir les couleurs rouges des tableaux se charger petit à petit de lumière. A l’étage juste au dessus de cette pièce, une autre salle montre, à l’opposé, des peintures blanchâtres baignées dans la lumière. Une grande baie vitrée donne une vue sur la forêt bordant le musée. Cet endroit est très agréable car on a l’impression de se trouver dans un autre espace-temps tournant au ralenti, où on aurait tout le temps que l’on veut pour se promener dans les couloirs et les salles pratiquement vides de monde. A vrai dire, je suis très surpris de voir des œuvres d’artistes aussi renommés au milieu de ´nulle part’. Il y a aussi dans le musée un espace pour des expositions temporaires. Celle du moment s’intitulait Overlapping Circles, où cinq artistes contemporains japonais viennent collaborer à travers leurs créations avec les œuvres de la collection permanente. Je ne connaissais pas les cinq artistes mais on a pu voir de belles choses que je n’ai malheureusement pas pu prendre en photo. Les musées au Japon autorisent rarement la prise de photo, bien que ça change un peu ces dernières années avec les réseaux sociaux. Les musées et galeries comprennent l’intérêt d’autoriser les photos qui seront ensuite probablement montrées sur Instagram, Twitter ou Facebook et qui par conséquent feront venir de nouveaux visiteurs. Le musée ici reste un peu en retard sur son temps, mais c’est en même temps agréable de ne pas avoir à se soucier de prendre des photos.

Le jour précédent notre passage rapide à Chiba, nous avons également pris la route pour la ville d’Ōme situé dans la partie Est de Tokyo au pied des montagnes d’Okutama. Nous allons régulièrement faire une visite au cimetière familial se trouvant dans ce coin de Tokyo. Il nous faut en général une heure pour nous y rendre par l’autoroute Chuo. Cette fois-ci, l’autoroute était complètement bouchée depuis le départ au centre de Tokyo. Nous avons donc bifurqué vers les routes normales, ce qui nous a pris environ 3 heures à l’allée et 2 heures au retour. Pendant ces moment là, on saisit bien le sens des mots japonais ‘gaman suru’ (prendre sur soi, supporter), mais ça ne nous a pas empêché de reprendre la route le lendemain. Sur la route du retour, nous sommes donc passés par la ville d’Ōme, un peu tard malheureusement. Je voulais voir les décorations d’une vieille rue montrant des reproductions d’affiches de cinéma. Elles étaient un peu moins nombreuses que ce que je pensais. En fait, plutôt que des affiches de cinéma, on voyait plutôt des dessins de chats noirs, comme cet étrange bâtiment aperçu à un croisement de rues. La nuit qui commençait à tomber apportait une ambiance particulière à ces dessins de rue. Et en parlant de chats noirs, je ne peux m’empêcher de parler (encore) de la musique de Sheena Ringo.

En haut et de gauche à droite, des photos extraites des vidéos de Kōfukuron (幸福論), Tsumi to Batsu (罪と罰). En bas, deux photos extraites de Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事).

Dans le billet précédent, je m’interrogeais sur l’existence de la vidéo du Morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de Sheena Ringo, dont on apercevait quelques extraits dans une vidéo additionnelle du DVD du concert Zazen Ecstasy joué au théâtre Kaho Gekijou de Fukuoka. La discussion qui suivit dans les commentaires de ce billet attisant ma curiosité, je suis parti à la recherche de cette vidéo sur internet. Elle n’est pas montrée sur le compte officiel YouTube de Sheena Ringo mais on peut voir une version d’assez mauvaise qualité sur Vimeo, extraite de la chaîne musicale du câble Space Shower TV, mais avec des sous-titres en espagnol ajoutés et plutôt envahissants. En recherchant un peu plus, je comprends que cette vidéo de Yattsuke Shigoto est disponible sur les DVDs Watashi no hatsuden (私の発電) et Seiteki Healing ~sono san~ (性的ヒーリング~其ノ参~) qui sont des collections de vidéos de ses singles. Il me semble les avoir aperçu dans le passé dans un Disk Union de je ne sais quel quartier de Tokyo. La curiosité m’amène à jeter un coup d’œil au Disk Union de Shibuya. Le DVD Watashi no hatsuden y était justement en vente pour un peu moins de 1000¥ et je me suis laissé tenter (après quelques fausses hésitations). La version musicale de Yattsuke Shigoto sur la vidéo est complètement différente de celle qu’on connaît sur le troisième album KSK, beaucoup plus dynamique et orientée rock. Sur la vidéo, Sheena et le groupe sont habillés de Yukata. Elle est à la guitare devant un public de personnes, tous habillés de rouge, n’ayant pas pu assister au concert car il était limité à la capacité de 1000 personnes du théâtre. Au début de la vidéo, on voit bien les reporters internationaux devant le théâtre dont les voix cosmopolites seront reprises sur la version de KSK. Par contre, on n’entend pas le son de l’aspirateur, opéré par Ukigumo, de la femme du frêre Junpei de Sheena Ringo (à en croire la fiche Wikipedia). La version musicale de la vidéo est enregistrée en concert pendant la tournée Gekokujyo Ecstasy au Shibuya Public Hall (渋谷公会堂) le 15 Avril 2000. Le son n’est donc pas enregistré au théâtre Kaho Gekijou qui était un concert unique le 30 Juillet 2000. On trouve cette version de la vidéo sur le triple mini-CD sr/zcs (Ze-Chyou Syuu) avec la formation Gyakutai Glycogen qui jouait aussi bien sur Zazen Ecstasy que sur Gekokujyo Ecstasy. Ce qui m’étonne un peu, c’est que Yattsuke Shigoto n’est pas présent dans la playlist du DVD de Gekokujyo Ecstasy, peut être parce que le DVD est filmé à des endroits et moments différents pendant la tournée (au NHK Hall de Shibuya et à Fukuoka, les 26 Avril et 31 Mai 2000) et la playlist devait varier suivant les jours (ou alors le DVD était sélectif). Je ne me lasse pas de revoir cette vidéo. Par rapport au concert dans ce même théâtre, cette vidéo prise quelques jours avant semble plus décontractée. Vers la fin du morceau, dans un instant d’emportement vocal, on voit Sheena faire les yeux blancs pendant un bref instant, comme montré sur la capture d’écran ci-dessus. C’est la petite touche surnaturelle voire fantomatique de cette vidéo.

Sur le DVD Watashi no Hatsuden (私の発電), Yattsuke shigoto est la seule vidéo que je ne connaissais pas. Le DVD regroupe toutes les vidéos des singles de la première partie de la carrière solo de Sheena Ringo, de Muzai Moratorium jusqu’à Heisei Fūzoku. La plupart des vidéos sont disponibles sur YouTube donc le DVD n’est pas indispensable mais c’est agréable de revoir ces vidéos à la suite dans une meilleure qualité (les premières vidéos n’ont tout de même pas une qualité d’image exceptionnelle) et sans publicités. En respectant la chronologie, le DVD montre d’abord Kōfukuron (幸福論), dont une bonne partie a été au parc olympique de Komazawa utilisé pour les Jeux de Tokyo de 1964 (déjà ce thème de l’olympisme). Elle a dans le dos, les petites ailes d’anges qu’on retrouvera en plus grand format vingt ans plus tard sur la couverture de Sandokushi. Chaque morceau est lancé par une petite scène vidéo, avec bruitages vocaux, montrant l’ouverture de la boîte du single pour mettre le CD dans le lecteur d’un ordinateur Apple différent pour chaque morceau. Le disque 8cm de Kōfukuron est inséré dans le le lecteur d’un Macintosh Classic II, ensuite le CD de Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) est inséré dans un Power Macintosh G3 Desktop. Koko de Kiss shite. (ここでキスして。) utilise un iMac rouge et Honnō (本能) est lancé sur un Powerbook. Gips (ギブス) et Tsumi to Batsu (罪と罰) sont tous les deux joués sur un iBook orange. L’ouverture prend un peu plus de temps pour lancer Yattsuke Shigoto sur le Power Mac G3, car le morceau se trouve sur un des trois CDs 8cm de la boite Ze-Chyou Syuu qu’il faut d’abord ouvrir (elle est difficile à ouvrir d’ailleurs). Mayonaka wa Junketsu (真夜中は純潔) semble être lancée sur un iMac de 2001, STEM (茎 ~大名遊ビ編~) sur un iMac G5, Ringo no Uta (りんごのうた) sur un portable noir que je ne reconnais pas, Kono Yo no Kagiri (この世の限り) sur un Powermac G5 et finalement Mellow (メロウ) sur un iPhone (sans support physique car le morceau n’est pas sorti en single). Je ne suis pas certain que la chronologie des singles soit en ligne avec les modèles d’ordinateur sortis à l’époque, mais l’ordre de sortie des Mac à l’air a peu près respecté. Ça fait plaisir de revoir toutes ces vidéos, notamment les grands classiques de Muzai Muratorium et Shōso Strip, même si tous les morceaux du DVD ne font pas partie de mes préférés. A l’époque, bien que je l’avais immédiatement acheté en CD single, je n’avais pas très bien compris le virage jazz de Mayonaka wa Junketsu et la vidéo toute en dessin animé. Un peu lus tard, je n’aime pas trop non plus Kono Yo no Kagiri de Heisei Fūzoku qu’elle chante avec son frêre Junpei Shiina dans une vidéo ressemblant à une comédie musicale. La vidéo de STEM contient bien entendu des extraits de petit film Hyaku Iro Megane (百色眼鏡) et est tournée dans les décors du film. La version du single en anglais est différente de la version de KSK ou Heisei Fūzoku, ce qui veut dire qu’il n’y a aucune version de morceaux de KSK en video (les vidéos de Yatsukke shigoto et STEM utilisant des morceaux de version différente). J’avais un peu oublié la vidéo rétrospective de Ringo no Uta mélangeant des images d’anciennes vidéos avec des passages graphiques animés. Le DVD finit en beauté tout en puissance avec Mellow, morceau sorti en 2000 sur Ze-Chyou Syuu, dont la vidéo a été créée à l’occasion de la sorti de ce DVD Watashi no Hatsuden. La vidéo est un peu troublante car Sheena Ringo est coiffée comme Utada Hikaru et du coup lui ressemble un peu.

街は生き物

Portée de justesse par le vent de traîne du dernier typhon, elle survole l’immensité urbaine de Tokyo. Elle roule, solitaire mais déterminée, dans le creux des nuages qui se désagrègent petit à petit. L’équilibre est imparfait mais elle fait de son mieux pour ne pas lâcher prise. Mais un dernier coup de vent la fait vaciller et elle commence sa chute irrémédiable vers l’immensité grise de la ville. La chute sera terrible si elle vient à frapper de plein fouet le bitume. Le hasard de sa descente lui accorde un court répit lorsqu’elle vient amortir sa chute sur les toitures en pente d’un temple. Les tuiles noires emboitées les unes dans les autres lui offrent un chemin qu’elle se doit de suivre. Elle négocie brillamment les virages quand deux parties de toitures se connectent entre elles et voit même sa vitesse ralentir doucement. Elle évite de justesse la gouttière qui l’aurait amené vers les entrailles de la ville. Elle préfère les surfaces du monde d’en haut, et si possible le contact de la peau humaine. Elles rêvent toutes d’attirer l’attention en tombant sur une partie de visage, de préférence sur une joue, ou une main, et de fondre ensuite lentement sous la chaleur du corps. Mais beaucoup ou même la plupart d’entre elles disparaissent anonymement sur les murs des immeubles ou sur le goudron des rues. Dans le quartier d’Hiroo, je regarde en l’air pour prendre un nouvel immeuble que je ne connaissais pas en photo. Il y a aussi un petit temple dans une rue à l’écart dont la toiture m’attire beaucoup. Je décide de m’approcher de ses formes faites de tuiles, pour essayer de trouver un nouvel angle photographique. En levant les yeux vers le toit aux formes compliquées du temple, une petite bulle entre soudainement dans mon champ de vision. La goutte d’eau tombe délicatement sur ma joue juste en dessous de l’oeil. Cette petite trace humide me rafraîchit légèrement le visage. Je n’ai aucune envie de l’essuyer. Elle provoque même en moi un petit sourire inexpliqué.

Le titre de ce billet 街は生き物 peut se traduire de la manière suivante: « la ville est un être vivant ». Je tire ce titre d’une phrase du photographe Masataka Nakano, entendue dans l’émission Jōnetsu Tairiku du dimanche 27 Septembre 2020, qui lui était consacrée. Dans cette émission que j’aime beaucoup car elle est fondamentalement positive et inspirante, on suivait le photographe de Tokyo Nobody et Tokyo Windows dans une quête photographique, celle de prendre en photo le Godzilla en haut de l’immeuble du cinéma Toho de Shinjuku Kabukichō à travers une fenêtre en montrant le contexte intérieur de l’endroit où est pris la photo. C’est le concept de son livre Tokyo Windows de montrer des vues extérieures à travers l’intérieur intime d’un appartement ou autres espaces commerciaux ou professionnels. Nakano s’intéresse à la sensation procurée par le fait d’avoir tous les jours sous le nez une vue d’exception sur Tokyo. Ce reportage indique donc que Nakano travaillerait sur une suite de Tokyo Windows. Pendant la période de l’état d’urgence où la population était priée de rester chez elle, Nakano prenait des photos de la ville sans la présence humaine confinée. Le reportage montre une de ses vues, prise près des tours Atago. Mari me fait remarquer que j’aurais dû en profiter pour en faire de même. L’idée m’a effleuré l’esprit mais je devais avoir l’esprit tout à fait ailleurs à ce moment si particulier de l’année. Là encore, Nakano nous préparerait il une suite à Tokyo Nobody? Ces photographies seront peut être plutôt destinées à une prochaine exposition comme celle que j’avais été voir en Janvier 2020 au musée de la photographie de Yebisu Garden Place. On peut être initialement surpris par l’utilisation de cette expression de ville comme être vivant, connaissant le travail de Nakano se privant plutôt de présence humaine visible. Elle s’y accorde pourtant très bien, car on nous parle plutôt ici de la présence humaine à travers ce que l’humain construit et crée. C’est une approche qui me parle beaucoup car la diversité des personnalités développées par les constructions humaines, notamment architecturales, est un sujet que je privilégie depuis longtemps dans mes photographies.

Continuons l’exploration des concerts de Sheena Ringo. Je trouve le DVD du Live Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー) de Sheena Ringo au Disk Union de Shibuya pour environ 1500¥. Le concert a été enregistré le 30 Juillet 2000 mais est sorti en DVD beaucoup plus tard en Septembre 2008, à l’occasion de ses dix ans de carrière musicale. Chronologiquement, Zazen Ecstasy se place avant le Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti le 25 Mai 2003 (dont j’ai parlé un peu plus tôt) et après les deux autres Live de l’année 2000 sortis tous les deux le 7 décembre, Hatsuiku Status Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) enregistré les 4 et 8 Juillet 2000 et Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) enregistré les 26 Avril et 31 Mai 2000. J’avais acheté ces deux Live en même temps à l’époque et il faudrait que j’y revienne un peu plus tard. Au moment où Zazen Ecstasy est joué, Sheena Ringo a déjà sorti ses deux premiers albums: Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) en Février 1999 et Shōso Strip (勝訴ストリップ) en Mars 2000. Le concert vient donc pioché dans les morceaux de ces deux albums mais sans pourtant jouer les trois singles majeurs de Shōso Strip pourtant sortis avant ce Live, à savoir Gips (ギブス), Honnō (本能) et Tsumi to Batsu (罪と罰). Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Muzai Moratorium n’y est pas joué non plus bien qu’il s’agisse d’un grand classique des concerts qui vont suivre. De la même manière, plutôt que d’interpréter le single qui l’a fait connaître du grand public, Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。), elle privilégie pendant le concert deux faces B présentes sur ce single, à savoir Memai (眩暈) et Remote Controller (リモートコントローラー). Le seul single qu’elle interprétera est Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王).

Le concert est particulier car il a lieu dans un théâtre traditionnel de 1000 places de la préfecture de Fukuoka, dans la ville de Iizuka (飯塚市), le théâtre Kaho (Kaho Gekijou 嘉穂劇場) datant de 1931. On ressent cette ambiance particulière pendant tout le concert, accentué par le fait que Sheena Ringo et les membres du groupe l’accompagnant sous le nom Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) sont tous habillés de yukata. La mise en scène générale est assez sobre. Au début du concert, Sheena Ringo entre sur scène devant une longue paroi en shōji, sous une lumière de projecteur très forte jusqu’à l’éblouissement. Elle interprète d’abord Tsumiki-asobi (積木遊び) et les parois s’ouvrent ensuite pour dévoiler le reste de la scène sur un fond sombre de bambous. Le groupe apparait à ce moment là. Le visage du bassiste m’est familier. Il s’agit déjà de Seiji Kameda qui accompagne Sheena Ringo depuis ses débuts, jusqu’à Tokyo Jihen actuellement, mais je suis surpris par sa coupe de cheveux en iroquois. Le guitariste du groupe est Junji Yayoshi, qui n’est autre que son premier mari mais ils ne sont pas encore mariés à l’époque de ce concert. Le concert montre beaucoup de gros plans sur le visage de Sheena et ses yeux transpercent l’écran. Elle ne sourit pas beaucoup et on a l’impression qu’elle est comme possédée par la musique qu’elle interprète. Il y a une intensité palpable dans son interprétation qui me donne des frissons à de nombreux moments. La mise en scène du concert présage à mon avis ce qui va suivre ensuite sur Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花).

Par rapport aux interprétations plus récentes où elle chante de manière statique de côté, elle est ici beaucoup plus mobile au point où l’assistant a un peu de mal à la suivre avec le fil du micro. Elle danse même en sautillant sur place sur le morceau Yokushitsu (浴室), tout en souriant par moment ce qui donne l’impression qu’elle redevient normale pendant quelques instants. Elle ne saisit la guitare que sur quatre des seize morceaux du set: Identity (アイデンティティ) et Byōshō Public (病床パブリック) dans la première partie du set, puis Benkai Debussy (弁解ドビュッシー) et Stoicism (ストイシズム) à la toute fin du concert. Il n’y a par contre que peu d’interactions avec les autres membres du groupe. On a l’impression d’une grande concentration. L’interprétation est parfaite, habitée est le moins qu’on puisse dire. Il y quatre morceaux qui sont des reprises: tout d’abord Shōjo Robot (少女ロボット) qui est un morceau qu’elle a composé pour Rie Tomosaka (et qu’on connait sur Reimport Vol. 2), puis unconditional love de Cindy Lauper présent sur les B-sides de Kabuki-chō no Joō et donc sur Watashi to Hōden (私と放電). Elle interprète ensuite un morceau d’Hatsumi Shibata que je ne connaissais pas intitulé My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト). C’est peut être le moment le plus faible du concert. Par contre dans les rappels, elle interprète un autre morceau que je ne connaissais pas non plus, qu’elle a également composé pour Rie Tomosaka et qui n’est pas présent sur les albums Re-import 1 et 2. Il s’agit d’un morceau intitulé Nippon ni Umarete (日本に生まれて), qu’elle interprète au piano. Après s’être poliment excusée de s’asseoir et avoir remercié pour les appels au rappel (‘encore’ en japonais), Sheena interprète un des plus beaux morceaux du concert. A ce moment là, le fond de l’écran montre un personnage blanc crucifié qui doit faire référence au concert précédent Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) d’Avril/Mai 2000. Ce concert sera certainement le prochain que je vais revoir. Il y a un seul extra sur le DVD montrant les coulisses et les préparations du concert, qui donne une image beaucoup plus joyeuse et même bon enfant par rapport à la densité du concert en lui-même. Une vidéo de promotion pour le morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de l’album KSK a apparemment été prise dans ce théâtre et cette petite vidéo additionnelle prise en public nous en montre quelques images. Je n’ai malheureusement jamais vu cette vidéo pour Yattsuke Shigoto en entier et je me demande si elle est disponible quelque part. C’est un petit mystère de plus a élucider dans un prochain épisode.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー):

1. Tsumiki-asobi (積木遊び), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
2. Memai (眩暈), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
3. Shōjo Robot (少女ロボット), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka et qu’on retrouve sur Reimport Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~ (逆輸入 ~航空局~).
4. Remote Controller (リモートコントローラー), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Akane-sasu Kiro Terasaredo… (茜さす 帰路照らされど…), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
6. Identity (アイデンティティ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Byōshō Public (病床パブリック), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
8. Unconditional Love, en B-side du single Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) (Reprise de Cyndi Lauper)
9. Sakana (サカナ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
10. Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
11. Benkai Debussy (弁解ドビュッシー), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
12. Yokushitsu (浴室), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
13. My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト), reprise d’un morceau interprété par Hatsumi Shibata et composé par Takao Kisugi.
14. Sid to Hakuchumu (シドと白昼夢), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Stoicism (ストイシズム), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
16. (Encore) Nippon ni Umarete (日本に生まれて), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka.

au premier jour d’une nouvelle décennie

L’émission annuelle musicale Kōhaku 紅白歌合戦 de la NHK du 31 décembre 2019 que l’on regarde à chaque fois comme une tradition ne m’a pas fait découvrir de groupes ou des morceaux que je ne connaissais pas. Cette année ressemblait plus à une compilation de la décennie, car beaucoup des artistes invités faisaient des medley de quelques uns de leurs morceaux les plus connus. Même Sheena Ringo, dont c’est la septième participation, n’a interprété que des moitiés de deux morceaux plus anciens, à savoir Jiyu-dom ジューダム et Jinsei ha yumei darake 人生は夢だらけ, notamment car ces deux morceaux apparaissent sur la compilation sortie en 2019. Le morceau que j’ai préféré de l’émission était celui de King Gnu, Hakujitsu 白日 qui sera présent sur leur prochain album Ceremony prévu pour le 15 janvier 2020. Le groupe est une des révélations de cette année et ce morceau Hakujitsu a eu beaucoup de succès. Nous écoutons d’ailleurs de temps en temps leur précédent album intitulé Sympa, dans la voiture pendant les trajets un peu plus longs que d’habitude. Un peu avant King Gnu dans l’émission, LiSA chantait le thème de l’anime Kimetsu no Yaiba (鬼滅の刃) que j’ai commencé à regarder sur Netflix car le petit est en train de lire le manga et que cette histoire de chasseur de démons m’intriguait. J’ai commencé à regarder les quatre ou cinq premiers épisodes de l’anime et bien que l’histoire de démons mangeurs d’Homme ne soit pas en elle-même très originale pour le moment, l’ambiance générale de l’anime et son univers graphique sont très beaux. Il s’agit de l’histoire d’un jeune chasseur de démons Tanjirō Kamado cherchant un antidote pour sauver sa petite sœur Nezuko, transformée en démon avec un morceau de bambou dans la mâchoire pour éviter qu’elle morde. L’histoire se passe dans les campagnes japonaises à l’ère Taisho et ces lieux sont remplis de folklore et de croyances fantastiques. Je n’avais pas regardé d’anime depuis très longtemps et je me suis laissé emporter par cette histoire et ce monde. Le manga est toujours en cours avec 18 volumes. Le morceau que chantait LiSA à Kōhaku intitulé Gurenge 紅蓮華 est en fait le thème d’ouverture de chaque épisode de l’anime. Il n’a rien de vraiment original. Je trouve qu’il ressemble à un morceau classique d’anime, il doit y avoir des codes spécifiques au genre, mais LiSA met beaucoup de ferveur dans son interprétation sur la scène de Kōhaku.

On n’a pas vu la soirée passer que minuit approche déjà. La nouvelle décennie n’est plus qu’à quelques minutes de nous lorsque nous regardons les images de la NHK montrant des temples et sanctuaires aux quatre coins du Japon. Année olympique oblige, on nous montre également des images du nouveau stade olympique de Kuma Kengo qui est maintenant achevé. Après s’être souhaité une bonne et heureuse année, nous allons comme d’habitude au sanctuaire du quartier. Un feu brûle devant le sanctuaire pour réchauffer les visiteurs de minuit comme nous. Le verre de amazake offert par le sanctuaire est le bienvenu. On le boit tranquillement en regardant les flammes dans la nuit. Il y a du monde autour de nous malgré le froid. J’hésite à rester un peu plus longtemps que d’habitude mais il se fait déjà tard.

Une surprise m’attendait en rentrant à la maison un peu avant 1h du matin après la visite du sanctuaire. Un email de Ringohan dans ma boîte aux lettres annonce la réformation de Tokyo Jihen à compter du 1er janvier 2020 avec un nouveau single Erabarezaru Kokumin (選ばれざる国民). Quel plaisir et surprise de voir Tokyo Jihen se réformer, surtout que leur nouveau morceau est excellent. On ne les avait pas entendu depuis 8 ans car leur dernier album Color Bars date de janvier 2012. On retrouve le style des derniers albums, avec ici une construction assez atypique sans véritable refrain mais avec mélange des voix. A la voix de Sheena Ringo, s’ajoutent celles de Ichiyo Izawa et Ukigumo. C’est un morceau à la fois élégant, sophistiqué et rafraîchissant comme sait si bien le faire le groupe, ce qui est de bonne augure pour l’album. En attendant l’album, le groupe annonce une tournée au Japon appelée ‘Live Tour 2020 News Flash’ à partir de 29 février. Ce morceau est le premier que j’écoute en cette nouvelle année et décennie. Il me donne envie de me replonger encore dans la discographie complète de Tokyo Jihen en réécoutant chaque album en ordre chronologique.

Le premier jour de l’année n’est pas très mouvementé. Comme tous les ans, une bonne partie de la journée se passe à table devant les Oseichi pour le déjeuner, tout en regardant distraitement les émissions spéciales à la télévision, principalement des émissions humoristiques en direct animées par des comédiens confirmés ou en devenir. Mais il faut bien faire notre première sortie au sanctuaire ou au temple avant leur fermeture vers 16h. Nous allons d’abord au sanctuaire du quartier puis nous marchons une bonne heure jusqu’au temple Kencho-ji de Kamakura. Je le connais moins que le temple Engakuji à Kita Kamakura bien qu’ils soient assez proches l’un de l’autre. Kencho-ji est un des grands temples zen de Kamakura et un des plus anciens monastères d’entrainement zen du Japon. Sa construction date de 1253 sous l’ère Kenchō d’où il prend d’ailleurs son nom. La composition de Kencho-ji variera avec le temps car certains des bâtiments du temple seront détruits par des incendies. Dès notre entrée dans l’enceinte, on est face à face avec l’immensité de la porte principale appelé Sanmon et datant de 1754. On peut entrer dans plusieurs grands halls dont le Butsuden, contenant une grande statue de Bouddha. Il fut déplacé du temple Zozo-ji à Tokyo jusqu’à Kamakura en 1647. Le hall suivant, le Hatto datant de 1814, est impressionnant pour sa peinture de dragon au plafond appelée Unryu-zu. C’est en fait une peinture récente datant de 2003 par Koizumi Junsaku, créée à l’occasion du 750ème anniversaire de Kencho-ji. Une autre porte appelée Karamon, plus petite mais luxueuse car couverte de dorures, renferme le jardin intérieur du hall principal du temple. Ce hall nommé Hojo était autrefois la résidence du responsable religieux des lieux, mais s’est depuis transformé pour accueillir les services religieux pour les fidèles. On peut également visiter l’intérieur en retirant nos chaussures. Il n’y a pas de services pendant notre visite et on découvre donc le hall principal couvert de tatami entièrement vide. Au fond de la vaste pièce, on peut y voir un grand dessin de dragon. On appelle également ce hall le Ryuo-den, le hall du Roi Dragon. Un espace de cette pièce est réservé aux visiteurs pour exercer le Zazen. Un homme qui était assis à cet endroit me conseille de m’y asseoir également quelques instants, en m’indiquant la position assise adéquate. Je n’ose pas refuser car l’homme prend de son temps pour m’expliquer l’assise à prendre. Je m’assois donc seul pendant quelques instants devant le Roi Dragon. J’apprécie ces instants dans la lumière jaune du soir, mais on m’attend un peu plus loin à l’autre bout du bâtiment, donc aucune possibilité d’approcher une possible plénitude zen en si peu de temps. Il m’effleure l’idée d’y revenir seul un jour pour m’asseoir ici pendant des heures, mais je sais déjà que cette idée ne se concrétisera probablement jamais. Le soleil commence déjà à se coucher un peu après 16h. Nous rentrerons à pieds comme à l’aller. Cette longue marche aura été utile pour se nettoyer le corps du sake bu pendant le long déjeuner, et la visite du Kencho-ji nous aura chargé en énergie pour cette nouvelle année.