街は生き物

Portée de justesse par le vent de traîne du dernier typhon, elle survole l’immensité urbaine de Tokyo. Elle roule, solitaire mais déterminée, dans le creux des nuages qui se désagrègent petit à petit. L’équilibre est imparfait mais elle fait de son mieux pour ne pas lâcher prise. Mais un dernier coup de vent la fait vaciller et elle commence sa chute irrémédiable vers l’immensité grise de la ville. La chute sera terrible si elle vient à frapper de plein fouet le bitume. Le hasard de sa descente lui accorde un court répit lorsqu’elle vient amortir sa chute sur les toitures en pente d’un temple. Les tuiles noires emboitées les unes dans les autres lui offrent un chemin qu’elle se doit de suivre. Elle négocie brillamment les virages quand deux parties de toitures se connectent entre elles et voit même sa vitesse ralentir doucement. Elle évite de justesse la gouttière qui l’aurait amené vers les entrailles de la ville. Elle préfère les surfaces du monde d’en haut, et si possible le contact de la peau humaine. Elles rêvent toutes d’attirer l’attention en tombant sur une partie de visage, de préférence sur une joue, ou une main, et de fondre ensuite lentement sous la chaleur du corps. Mais beaucoup ou même la plupart d’entre elles disparaissent anonymement sur les murs des immeubles ou sur le goudron des rues. Dans le quartier d’Hiroo, je regarde en l’air pour prendre un nouvel immeuble que je ne connaissais pas en photo. Il y a aussi un petit temple dans une rue à l’écart dont la toiture m’attire beaucoup. Je décide de m’approcher de ses formes faites de tuiles, pour essayer de trouver un nouvel angle photographique. En levant les yeux vers le toit aux formes compliquées du temple, une petite bulle entre soudainement dans mon champ de vision. La goutte d’eau tombe délicatement sur ma joue juste en dessous de l’oeil. Cette petite trace humide me rafraîchit légèrement le visage. Je n’ai aucune envie de l’essuyer. Elle provoque même en moi un petit sourire inexpliqué.

Le titre de ce billet 街は生き物 peut se traduire de la manière suivante: « la ville est un être vivant ». Je tire ce titre d’une phrase du photographe Masataka Nakano, entendue dans l’émission Jōnetsu Tairiku du dimanche 27 Septembre 2020, qui lui était consacrée. Dans cette émission que j’aime beaucoup car elle est fondamentalement positive et inspirante, on suivait le photographe de Tokyo Nobody et Tokyo Windows dans une quête photographique, celle de prendre en photo le Godzilla en haut de l’immeuble du cinéma Toho de Shinjuku Kabukichō à travers une fenêtre en montrant le contexte intérieur de l’endroit où est pris la photo. C’est le concept de son livre Tokyo Windows de montrer des vues extérieures à travers l’intérieur intime d’un appartement ou autres espaces commerciaux ou professionnels. Nakano s’intéresse à la sensation procurée par le fait d’avoir tous les jours sous le nez une vue d’exception sur Tokyo. Ce reportage indique donc que Nakano travaillerait sur une suite de Tokyo Windows. Pendant la période de l’état d’urgence où la population était priée de rester chez elle, Nakano prenait des photos de la ville sans la présence humaine confinée. Le reportage montre une de ses vues, prise près des tours Atago. Mari me fait remarquer que j’aurais dû en profiter pour en faire de même. L’idée m’a effleuré l’esprit mais je devais avoir l’esprit tout à fait ailleurs à ce moment si particulier de l’année. Là encore, Nakano nous préparerait il une suite à Tokyo Nobody? Ces photographies seront peut être plutôt destinées à une prochaine exposition comme celle que j’avais été voir en Janvier 2020 au musée de la photographie de Yebisu Garden Place. On peut être initialement surpris par l’utilisation de cette expression de ville comme être vivant, connaissant le travail de Nakano se privant plutôt de présence humaine visible. Elle s’y accorde pourtant très bien, car on nous parle plutôt ici de la présence humaine à travers ce que l’humain construit et crée. C’est une approche qui me parle beaucoup car la diversité des personnalités développées par les constructions humaines, notamment architecturales, est un sujet que je privilégie depuis longtemps dans mes photographies.

Continuons l’exploration des concerts de Sheena Ringo. Je trouve le DVD du Live Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー) de Sheena Ringo au Disk Union de Shibuya pour environ 1500¥. Le concert a été enregistré le 30 Juillet 2000 mais est sorti en DVD beaucoup plus tard en Septembre 2008, à l’occasion de ses dix ans de carrière musicale. Chronologiquement, Zazen Ecstasy se place avant le Live Baishō Ecstasy (賣笑エクスタシー) sorti le 25 Mai 2003 (dont j’ai parlé un peu plus tôt) et après les deux autres Live de l’année 2000 sortis tous les deux le 7 décembre, Hatsuiku Status Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) enregistré les 4 et 8 Juillet 2000 et Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) enregistré les 26 Avril et 31 Mai 2000. J’avais acheté ces deux Live en même temps à l’époque et il faudrait que j’y revienne un peu plus tard. Au moment où Zazen Ecstasy est joué, Sheena Ringo a déjà sorti ses deux premiers albums: Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) en Février 1999 et Shōso Strip (勝訴ストリップ) en Mars 2000. Le concert vient donc pioché dans les morceaux de ces deux albums mais sans pourtant jouer les trois singles majeurs de Shōso Strip pourtant sortis avant ce Live, à savoir Gips (ギブス), Honnō (本能) et Tsumi to Batsu (罪と罰). Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック) de Muzai Moratorium n’y est pas joué non plus bien qu’il s’agisse d’un grand classique des concerts qui vont suivre. De la même manière, plutôt que d’interpréter le single qui l’a fait connaître du grand public, Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。), elle privilégie pendant le concert deux faces B présentes sur ce single, à savoir Memai (眩暈) et Remote Controller (リモートコントローラー). Le seul single qu’elle interprétera est Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王).

Le concert est particulier car il a lieu dans un théâtre traditionnel de 1000 places de la préfecture de Fukuoka, dans la ville de Iizuka (飯塚市), le théâtre Kaho (Kaho Gekijou 嘉穂劇場) datant de 1931. On ressent cette ambiance particulière pendant tout le concert, accentué par le fait que Sheena Ringo et les membres du groupe l’accompagnant sous le nom Gyakutai Glycogen (虐待グリコゲン) sont tous habillés de yukata. La mise en scène générale est assez sobre. Au début du concert, Sheena Ringo entre sur scène devant une longue paroi en shōji, sous une lumière de projecteur très forte jusqu’à l’éblouissement. Elle interprète d’abord Tsumiki-asobi (積木遊び) et les parois s’ouvrent ensuite pour dévoiler le reste de la scène sur un fond sombre de bambous. Le groupe apparait à ce moment là. Le visage du bassiste m’est familier. Il s’agit déjà de Seiji Kameda qui accompagne Sheena Ringo depuis ses débuts, jusqu’à Tokyo Jihen actuellement, mais je suis surpris par sa coupe de cheveux en iroquois. Le guitariste du groupe est Junji Yayoshi, qui n’est autre que son premier mari mais ils ne sont pas encore mariés à l’époque de ce concert. Le concert montre beaucoup de gros plans sur le visage de Sheena et ses yeux transpercent l’écran. Elle ne sourit pas beaucoup et on a l’impression qu’elle est comme possédée par la musique qu’elle interprète. Il y a une intensité palpable dans son interprétation qui me donne des frissons à de nombreux moments. La mise en scène du concert présage à mon avis ce qui va suivre ensuite sur Kalk Samen Kuri no Hana (加爾基 精液 栗ノ花).

Par rapport aux interprétations plus récentes où elle chante de manière statique de côté, elle est ici beaucoup plus mobile au point où l’assistant a un peu de mal à la suivre avec le fil du micro. Elle danse même en sautillant sur place sur le morceau Yokushitsu (浴室), tout en souriant par moment ce qui donne l’impression qu’elle redevient normale pendant quelques instants. Elle ne saisit la guitare que sur quatre des seize morceaux du set: Identity (アイデンティティ) et Byōshō Public (病床パブリック) dans la première partie du set, puis Benkai Debussy (弁解ドビュッシー) et Stoicism (ストイシズム) à la toute fin du concert. Il n’y a par contre que peu d’interactions avec les autres membres du groupe. On a l’impression d’une grande concentration. L’interprétation est parfaite, habitée est le moins qu’on puisse dire. Il y quatre morceaux qui sont des reprises: tout d’abord Shōjo Robot (少女ロボット) qui est un morceau qu’elle a composé pour Rie Tomosaka (et qu’on connait sur Reimport Vol. 2), puis unconditional love de Cindy Lauper présent sur les B-sides de Kabuki-chō no Joō et donc sur Watashi to Hōden (私と放電). Elle interprète ensuite un morceau d’Hatsumi Shibata que je ne connaissais pas intitulé My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト). C’est peut être le moment le plus faible du concert. Par contre dans les rappels, elle interprète un autre morceau que je ne connaissais pas non plus, qu’elle a également composé pour Rie Tomosaka et qui n’est pas présent sur les albums Re-import 1 et 2. Il s’agit d’un morceau intitulé Nippon ni Umarete (日本に生まれて), qu’elle interprète au piano. Après s’être poliment excusée de s’asseoir et avoir remercié pour les appels au rappel (‘encore’ en japonais), Sheena interprète un des plus beaux morceaux du concert. A ce moment là, le fond de l’écran montre un personnage blanc crucifié qui doit faire référence au concert précédent Gekokujyo Ecstasy (下剋上エクスタシー) d’Avril/Mai 2000. Ce concert sera certainement le prochain que je vais revoir. Il y a un seul extra sur le DVD montrant les coulisses et les préparations du concert, qui donne une image beaucoup plus joyeuse et même bon enfant par rapport à la densité du concert en lui-même. Une vidéo de promotion pour le morceau Yattsuke Shigoto (やっつけ仕事) de l’album KSK a apparemment été prise dans ce théâtre et cette petite vidéo additionnelle prise en public nous en montre quelques images. Je n’ai malheureusement jamais vu cette vidéo pour Yattsuke Shigoto en entier et je me demande si elle est disponible quelque part. C’est un petit mystère de plus a élucider dans un prochain épisode.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la playlist des morceaux de Zazen Ecstasy (座禅エクスタシー):

1. Tsumiki-asobi (積木遊び), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
2. Memai (眩暈), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
3. Shōjo Robot (少女ロボット), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka et qu’on retrouve sur Reimport Vol. 2 ~Civil Aviation Bureau~ (逆輸入 ~航空局~).
4. Remote Controller (リモートコントローラー), en B-side du single Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。)
5. Akane-sasu Kiro Terasaredo… (茜さす 帰路照らされど…), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
6. Identity (アイデンティティ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
7. Byōshō Public (病床パブリック), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
8. Unconditional Love, en B-side du single Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王) (Reprise de Cyndi Lauper)
9. Sakana (サカナ), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
10. Kabuki-chō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
11. Benkai Debussy (弁解ドビュッシー), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
12. Yokushitsu (浴室), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
13. My Luxury Night (マイラグジュアリーナイト), reprise d’un morceau interprété par Hatsumi Shibata et composé par Takao Kisugi.
14. Sid to Hakuchumu (シドと白昼夢), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
15. Stoicism (ストイシズム), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ)
16. (Encore) Nippon ni Umarete (日本に生まれて), reprise du morceau composé par Sheena Ringo pour Rie Tomosaka.

au premier jour d’une nouvelle décennie

L’émission annuelle musicale Kōhaku 紅白歌合戦 de la NHK du 31 décembre 2019 que l’on regarde à chaque fois comme une tradition ne m’a pas fait découvrir de groupes ou des morceaux que je ne connaissais pas. Cette année ressemblait plus à une compilation de la décennie, car beaucoup des artistes invités faisaient des medley de quelques uns de leurs morceaux les plus connus. Même Sheena Ringo, dont c’est la septième participation, n’a interprété que des moitiés de deux morceaux plus anciens, à savoir Jiyu-dom ジューダム et Jinsei ha yumei darake 人生は夢だらけ, notamment car ces deux morceaux apparaissent sur la compilation sortie en 2019. Le morceau que j’ai préféré de l’émission était celui de King Gnu, Hakujitsu 白日 qui sera présent sur leur prochain album Ceremony prévu pour le 15 janvier 2020. Le groupe est une des révélations de cette année et ce morceau Hakujitsu a eu beaucoup de succès. Nous écoutons d’ailleurs de temps en temps leur précédent album intitulé Sympa, dans la voiture pendant les trajets un peu plus longs que d’habitude. Un peu avant King Gnu dans l’émission, LiSA chantait le thème de l’anime Kimetsu no Yaiba (鬼滅の刃) que j’ai commencé à regarder sur Netflix car le petit est en train de lire le manga et que cette histoire de chasseur de démons m’intriguait. J’ai commencé à regarder les quatre ou cinq premiers épisodes de l’anime et bien que l’histoire de démons mangeurs d’Homme ne soit pas en elle-même très originale pour le moment, l’ambiance générale de l’anime et son univers graphique sont très beaux. Il s’agit de l’histoire d’un jeune chasseur de démons Tanjirō Kamado cherchant un antidote pour sauver sa petite sœur Nezuko, transformée en démon avec un morceau de bambou dans la mâchoire pour éviter qu’elle morde. L’histoire se passe dans les campagnes japonaises à l’ère Taisho et ces lieux sont remplis de folklore et de croyances fantastiques. Je n’avais pas regardé d’anime depuis très longtemps et je me suis laissé emporter par cette histoire et ce monde. Le manga est toujours en cours avec 18 volumes. Le morceau que chantait LiSA à Kōhaku intitulé Gurenge 紅蓮華 est en fait le thème d’ouverture de chaque épisode de l’anime. Il n’a rien de vraiment original. Je trouve qu’il ressemble à un morceau classique d’anime, il doit y avoir des codes spécifiques au genre, mais LiSA met beaucoup de ferveur dans son interprétation sur la scène de Kōhaku.

On n’a pas vu la soirée passer que minuit approche déjà. La nouvelle décennie n’est plus qu’à quelques minutes de nous lorsque nous regardons les images de la NHK montrant des temples et sanctuaires aux quatre coins du Japon. Année olympique oblige, on nous montre également des images du nouveau stade olympique de Kuma Kengo qui est maintenant achevé. Après s’être souhaité une bonne et heureuse année, nous allons comme d’habitude au sanctuaire du quartier. Un feu brûle devant le sanctuaire pour réchauffer les visiteurs de minuit comme nous. Le verre de amazake offert par le sanctuaire est le bienvenu. On le boit tranquillement en regardant les flammes dans la nuit. Il y a du monde autour de nous malgré le froid. J’hésite à rester un peu plus longtemps que d’habitude mais il se fait déjà tard.

Une surprise m’attendait en rentrant à la maison un peu avant 1h du matin après la visite du sanctuaire. Un email de Ringohan dans ma boîte aux lettres annonce la réformation de Tokyo Jihen à compter du 1er janvier 2020 avec un nouveau single Erabarezaru Kokumin (選ばれざる国民). Quel plaisir et surprise de voir Tokyo Jihen se réformer, surtout que leur nouveau morceau est excellent. On ne les avait pas entendu depuis 8 ans car leur dernier album Color Bars date de janvier 2012. On retrouve le style des derniers albums, avec ici une construction assez atypique sans véritable refrain mais avec mélange des voix. A la voix de Sheena Ringo, s’ajoutent celles de Ichiyo Izawa et Ukigumo. C’est un morceau à la fois élégant, sophistiqué et rafraîchissant comme sait si bien le faire le groupe, ce qui est de bonne augure pour l’album. En attendant l’album, le groupe annonce une tournée au Japon appelée ‘Live Tour 2020 News Flash’ à partir de 29 février. Ce morceau est le premier que j’écoute en cette nouvelle année et décennie. Il me donne envie de me replonger encore dans la discographie complète de Tokyo Jihen en réécoutant chaque album en ordre chronologique.

Le premier jour de l’année n’est pas très mouvementé. Comme tous les ans, une bonne partie de la journée se passe à table devant les Oseichi pour le déjeuner, tout en regardant distraitement les émissions spéciales à la télévision, principalement des émissions humoristiques en direct animées par des comédiens confirmés ou en devenir. Mais il faut bien faire notre première sortie au sanctuaire ou au temple avant leur fermeture vers 16h. Nous allons d’abord au sanctuaire du quartier puis nous marchons une bonne heure jusqu’au temple Kencho-ji de Kamakura. Je le connais moins que le temple Engakuji à Kita Kamakura bien qu’ils soient assez proches l’un de l’autre. Kencho-ji est un des grands temples zen de Kamakura et un des plus anciens monastères d’entrainement zen du Japon. Sa construction date de 1253 sous l’ère Kenchō d’où il prend d’ailleurs son nom. La composition de Kencho-ji variera avec le temps car certains des bâtiments du temple seront détruits par des incendies. Dès notre entrée dans l’enceinte, on est face à face avec l’immensité de la porte principale appelé Sanmon et datant de 1754. On peut entrer dans plusieurs grands halls dont le Butsuden, contenant une grande statue de Bouddha. Il fut déplacé du temple Zozo-ji à Tokyo jusqu’à Kamakura en 1647. Le hall suivant, le Hatto datant de 1814, est impressionnant pour sa peinture de dragon au plafond appelée Unryu-zu. C’est en fait une peinture récente datant de 2003 par Koizumi Junsaku, créée à l’occasion du 750ème anniversaire de Kencho-ji. Une autre porte appelée Karamon, plus petite mais luxueuse car couverte de dorures, renferme le jardin intérieur du hall principal du temple. Ce hall nommé Hojo était autrefois la résidence du responsable religieux des lieux, mais s’est depuis transformé pour accueillir les services religieux pour les fidèles. On peut également visiter l’intérieur en retirant nos chaussures. Il n’y a pas de services pendant notre visite et on découvre donc le hall principal couvert de tatami entièrement vide. Au fond de la vaste pièce, on peut y voir un grand dessin de dragon. On appelle également ce hall le Ryuo-den, le hall du Roi Dragon. Un espace de cette pièce est réservé aux visiteurs pour exercer le Zazen. Un homme qui était assis à cet endroit me conseille de m’y asseoir également quelques instants, en m’indiquant la position assise adéquate. Je n’ose pas refuser car l’homme prend de son temps pour m’expliquer l’assise à prendre. Je m’assois donc seul pendant quelques instants devant le Roi Dragon. J’apprécie ces instants dans la lumière jaune du soir, mais on m’attend un peu plus loin à l’autre bout du bâtiment, donc aucune possibilité d’approcher une possible plénitude zen en si peu de temps. Il m’effleure l’idée d’y revenir seul un jour pour m’asseoir ici pendant des heures, mais je sais déjà que cette idée ne se concrétisera probablement jamais. Le soleil commence déjà à se coucher un peu après 16h. Nous rentrerons à pieds comme à l’aller. Cette longue marche aura été utile pour se nettoyer le corps du sake bu pendant le long déjeuner, et la visite du Kencho-ji nous aura chargé en énergie pour cette nouvelle année.

texte 一七〇一

Marcher dans le quartier d’Aoyama ressemble parfois à une ronde de vérification que rien n’a changé dans ces rues à l’écart des grandes avenues. Je vérifie que les 40 lames d’acier du Metroça d’Atsushi Kitagawara sont toujours bien en place. Je vais ensuite vérifier que la maison Wood / Berg conçue par Kengo Kuma avec ces lamelles de bois et ces grandes pièces de verre teinté se trouve toujours au même détour de rue. Je ne sais jamais où placer ces bâtiments sur une carte, mais quand je marche dans le quartier, ma mémoire des lieux me guide de bâtiment en bâtiment, sans m’y perdre. J’aimerais tant me perdre dans ces rues et retrouver le goût de l’inconnu, mais j’ai désormais traversé ces rues beaucoup trop souvent. Mais je scrute tout de même les destructions et les terrains vagues, comme une opportunité d’y voir une possible architecture remarquable dans le futur. Je reviens également pour la lumière, pour voir de quelle manière ces bâtiments réfléchissent cette lumière.

Quand Sheena Ringo 椎名林檎 est accompagnée par Utada Hikaru 宇多田ヒカル sur un nouveau morceau, je me précipite pour l’écouter. Ce nouveau morceau, sorti il y a peu, est en fait la troisième collaboration entre les deux artistes. On se souvient de Nijikan dake no Vacances (二時間だけのバカンス, des vacances de deux heures seulement) sorti en 2016 sur l’album Fantôme de Utada Hikaru. C’est d’ailleurs par ce morceau que je me suis mis à réécouter attentivement la musique de ces deux artistes après une longue pause de plusieurs années. Le premier duo de Sheena Ringo et Utada Hikaru était une reprise des Carpenters intitulée I won’t last a day without you sur l’album de reprise en deux volumes Utaite Myōri sorti en 2002. En fait, je ne me souviens que très peu de cette reprise car je n’avais pas beaucoup aimé cet album à l’époque à part deux morceaux que j’écoutais beaucoup: Haiiro no Hitomi (灰色の瞳) et surtout Momen no Handkerchief (木綿のハンカチーフ), que je chantais d’ailleurs parfois tant bien que mal au karaoke (dont une fois avec Tae Kimura). En comparaison, il m’est arrivé plus souvent de ’massacrer’ Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王) au karaoke, mais sur le moment on ne s’en rend pas forcément compte. Ce nouveau morceau, troisième duo, est intitulé Roman to Soroban (浪漫と算盤), mais possède également un autre titre en anglais The Sun & moon, comme souvent sur les albums de Sheena Ringo et on finit par s’y perdre. Ce duo est un des deux morceaux inédits sur le best of Newton no Ringo (ニュートンの林檎 ou Apple of Universal Gravity) qui sortira prochainement. L’autre morceau inédit appelé Kouzen no Himitsu (公然の秘密 ou Open Secret) est plus classique et moins intéressant que celui en duo avec Utada Hikaru. Le morceau est sous-titré « LDN version » car il est accompagné de l’orchestre philharmonique de Londres et a été enregistré dans les studios d’Abbey Road. Ce morceau, très orchestral donc, n’est pas révolutionnaire mais on apprécie retrouver ces deux voix ensemble. Le duo fonctionne très bien, mais je garde une petite préférence pour le morceau de 2016, Nijikan dake no Vacances.

この静かな瞬間 (大さん橋 ver.)

Ce moment de calme, この静かな瞬間, indiqué dans le titre du billet est extrait des paroles du morceau Shijou no Jinsei 至上の人生 du nouvel album Sandokushi 三毒史 de Sheena Ringo 椎名林檎. J’avais d’ailleurs déjà utilisé cet extrait de paroles que j’aime beaucoup pour le titre d’un billet précédent en février 2015.

Je voulais voir le Yokohama Osanbashi International Passenger Terminal (横浜港大さん橋 国際客船ターミナル), conçu par Foreign Office Architects (FOA), depuis très longtemps mais la première opportunité ne s’est présentée que la semaine dernière lors d’une journée de congé. Nous avions pris le bateau depuis Takeshiba Sanbashi à Tokyo jusqu’à Yokohama. C’est un trajet assez court mais agréable. Avant d’amarrer à Yokohama, nous apercevons au loin l’île artificielle en forme de voile rayée qui sert de bouche d’aération à l’autoroute Aqualine reliant Kawasaki à Chiba. Cette longue autoroute de 23.7 kms traversant la baie de Tokyo est en partie souterraine jusqu’à l’île artificielle de Umihotaru où le tunnel se transforme en pont jusqu’à Kisarazu à Chiba. Le bateau passe ensuite le gigantesque pont Yokohama Bay Bridge et atteint assez rapidement le terminal de Osanbashi. Depuis les quais, il faut d’abord entrer à l’intérieur du terminal par une allée intérieure en pente. On remarque tout de suite les surfaces irrégulières qui sont la particularité de cet ensemble architectural. Le hall intérieur du terminal est assez sombre. Le design du plafond est futuriste avec des formes triangulaires aiguisées. On dirait les polygones d’un vaisseau futuriste comme on pourrait en voir dans Star Fox, mais les couleurs grises me rappellent plutôt les tonalités de la flotte impériale dans Star Wars. Bref, il a quelque chose de spatial dans l’intérieur de ce terminal. On accède au toit par des rampes d’accès aux bords du building. La véritable beauté du building se trouve là, sur le toit du building. Les chemins d’accès ressemblent à des routes de terre, mais ils sont en fait couverts d’un plancher en bois, tout comme la majeure partie des terrasses du toit. Les surfaces sont irrégulières et donnent l’impression qu’il s’agit d’un terrain naturel. L’architecture se rapproche ici de formes organiques, elle imite extrêmement bien le naturel. Certaines parties des terrasses sont également recouvertes de verdure, ce qui parfait cette impression de convergence entre le naturel et le bâti. Cela donne un espace à la fois sophistiqué, car ces formes et espaces futuristes sont très finement découpés et agencés, et spontané tant ces espaces semblent être dictés par des lois naturelles plutôt qu’humaines. En regardant ces formes architecturales, assis sur un banc des terrasses, je me dis qu’on a réussi ici une adéquation réussie entre l’empreinte humaine et l’environnement naturel. Je m’assois là en regardant l’océan et en écoutant le vent qui souffle en effleurant ces espaces. Nous sommes un jour de semaine et il n’y a pas grand monde sur les toits de Osanbashi, à part quelques personnes qui comme moi aujourd’hui prennent quelques minutes pour s’asseoir et réfléchir en regardant la mer. Ces moments de calme sont rares car j’ai assez peu d’occasion de m’asseoir seul dans un endroit tranquille pour rêver quelques instants.

渋やああああっぷる

Ces quelques photographies ont été prises à Shibuya au même moment que celles noyées dans la foule du billet street clouds everywhere. L’ambiance y est cependant plus apaisée à part ces deux jeunes filles qui courent après le feu vert qui commence à clignoter. L’ambiance y est également moins oppressante à part ce gigantesque panneau digital sur le toit de Shibuya montrant une ‘affreuse’ mascotte blanche jouant à faire peur à une autre jeune fille. Comme souvent, j’aime bien délimiter mes séries de photographies par des photos d’immeubles, de la même manière que ces immeubles délimitent l’espace urbain. Ce billet est en quelque sorte une mini-représentation de ville avec sa population pressée, ces espaces urbains et ces petites touches de nature qui viennent les agrémenter.

Poster de l’album Sandokushi en noir et blanc aperçu sur le quai de la gare de métro de la ligne Ginza à Shibuya.

Le lundi 27 mai après les heures de bureau, je cours au Tower Records de Shibuya avant la fermeture pour aller acheter Sandokushi, le dernier album de Sheena Ringo dont je parle beaucoup ces derniers jours et semaines. Il est sorti le jour correspondant à la date d’anniversaire du début de sa carrière commencée il y a 21 ans. Avec la sortie de Sandokushi, je constate un certain degré de Ringo bashing, que je pressentais d’ailleurs dès l’annonce de ce nouvel album. On voit déjà apparaître des revues définitives sur l’album une journée seulement après sa sortie (comme celle de sputnik music). Je me demande comment on peut avoir un avis si appuyé après si peu de temps car un album prend en général du temps avant de se révéler, écoute après écoute. Je ressens là comme une certaine précipitation. Cela me donne l’impression que l’avis était déjà posé avant même d’avoir écouté l’album, ou peut être s’agit il d’un besoin inconscient d’être déçu. On peut être nostalgique de l’époque des premiers albums, comme je peux l’être également d’ailleurs, mais on ne peut pas souhaiter qu’un ou une artiste n’évolue pas musicalement au fur et à mesure des années. Réécouter tous les albums de Sheena Ringo et Tokyo Jihen ces derniers jours m’a rappelé qu’elle excelle également dans des styles très différents plus jazz ou pop. Le style qu’elle a construit lui est propre et inimitable, que ça soit à l’époque de ses débuts ou maintenant avec la sortie de ce nouvel album.

La variation des styles dans un même album peut être déroutante et c’est le cas pour ce nouvel album si on ne se met pas un peu en condition. Ce n’est pas particulièrement nouveau chez Sheena Ringo et la série des deux Reimport nous avait quelque part préparé à ces associations hétéroclites. Je dirais même que ça fait maintenant partie de son style. Elle ne renie pas ses premiers amours rock, ni son approche beaucoup plus orchestrée. Sandokushi mélange tout cela mais avec la particularité que tous ces morceaux s’enchainent sans intermission, comme une longue piste, ce qui est un moyen, peut être un peu artificiel certes, de créer une cohésion entre des morceaux très différents. Difficile en effet de créer un lien entre le troisième morceau plutôt léger Ma Chérie (マ・シェリ) et le morceau suivant Kakeochisha (駆け落ち者), beaucoup plus sombre et expérimental dans sa construction. Ceci étant dit, je ne sais pas par quelle alchimie bizarre mais ces enchaînements au millimètre finissent par bien fonctionner pour la cohésion d’ensemble à force de plusieurs écoutes.

J’en parlais déjà auparavant mais un point intéressant est l’organisation très codifiée des titres se répondant en miroir autour du point central qui est le septième morceau TOKYO. A part le premier morceau Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚) qui agit clairement comme une ouverture et le dernier Anoyo no Mon (あの世の門) de fermeture, les morceaux qui se font miroir ont des styles ressemblant. Par exemple, les deux morceaux plus colorés et légers que sont Ma chérie et Jiyuudom (ジユーダム) sont placés aux 3ème et 11ème positions. Les morceaux avec des invités sont également placés de manière symétrique comme le quatrième Kakeochisha avec Atsushi Sakurai 櫻井敦司 du groupe BUCK-TICK et le dixième Isogaba Maware (急がば回れ) avec Hiizumi Masayuki ヒイズミマサユ機. Il y a plusieurs morceaux très rock comme le cinquième morceau Shijou no Jinsei (至上の人生) qui est magistral mais qui est également un des morceaux les plus anciens car datant de 2015. Il répond directement au cinquième morceau Donzoko Made (どん底まで) qui est sorti en même temps et dont la vidéo était une extension de Shijou no Jinsei. Ce morceau, par exemple, témoigne de la capacité de Sheena Ringo à faire encore maintenant des morceaux rock très puissants. C’est d’ailleurs à mon avis un des morceaux les plus marquants de sa carrière post Tokyo Jihen. Le problème est que je connais déjà ce morceau par cœur depuis le temps qu’il est sorti en single. C’est en fait le cas d’une très grande partie de l’album que l’on connaît déjà. Il y a très honnêtement beaucoup de très bons morceaux, mais l’effet de surprise a déjà disparu, ce qui est assez dommage. En même temps, on trouve tout de même de l’intérêt à les écouter dans le contexte des autres morceaux de l’album. Les nouveaux morceaux sont tous intéressants et ne sont pas plus faibles que les morceaux déjà sortis il y a longtemps. Dans les nouveaux morceaux, j’aime tout particulièrement le morceau central TOKYO. Les accords de piano au début du morceau et la mélodie qui ne se révèle pas immédiatement me plaisent beaucoup. C’est le fameux et classique morceau central que l’on trouve régulièrement sur les albums de Sheena Ringo. Je le trouve plus intéressant que Ima sur Hi Izuru Tokoro ou Shun sur Sanmon Gossip, sans atteindre par contre les hauteurs de Stem sur KSK.

Bien sûr, on pourra reprocher un certain maximalisme de certains morceaux, surtout ceux très orchestrés, mais ce maximalisme est devenu sa marque de reconnaissance, qu’on le veuille ou non. Dans une interview que j’ai écouté dimanche dernier sur la radio, J-Wave, elle nous disait qu’elle tient à cœur que l’auditeur en ait pour son comptant, que ça soit en écoutant un album ou en concert. Cela peut conduire à en faire un peu trop. Mais, écouter cette interview m’a aussi conforté dans le fait qu’elle est très honnête dans son approche musicale.

Assemblage temporaire de posters pour Ringo Expo 18 à l’entrée du Tower Records de Shibuya.

J’ai un peu de mal pour l’instant à donner un avis définitif sur l’album car mon impression évolue à chaque écoute et je l’écoute tous les jours depuis presqu’une semaine. Dans les morceaux plus anciens, la fin de l’album avec Jiyuudom et Menukidoori (目抜き通り) m’intéressent moins, même s’ils restent tout à fait appréciable. J’ai un faible pour le morceau Ma chérie, car j’aime bien sa manière de chanter un peu différente et notamment quand elle prononce maladroitement quelques phrases en français. Je reconnais des morceaux très forts comme le quatrième en duo avec Atsushi Sakurai, notamment dans la manière dont leurs voix très différentes se marient ensemble. Ce mariage de voix très différentes fonctionne aussi bien avec Hiizumi Masayuki sur le dixième morceau Isogaba Maware. J’adore sa voix et façon de chanter sur ce morceau qui me donne toujours envie d’y revenir. J’ai toujours aimé la dynamique et la passion vocale qui se dégage de Kamisama, Hotokesama (神様、仏様) avec Mukai Shutoku 向井秀徳 de Number Girl. Beaucoup reproche l’auto-tune sur Niwatori to Hebi to Buta et Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) en duo avec Ukigumo 浮雲, mais j’ai du mal à comprendre ce qui dérange exactement, étant donné que ça apporte une variation bienvenue à sa manière de chanter (ce qui a été souvent le cas dans ces albums passés). Je reviens sur les transitions entre les morceaux car c’est ce qui m’a tout de suite marqué à la première écoute. Cette transition fonctionne particulièrement bien sur Shijou no Jinsei quand l’énorme son de guitares vient écraser les derniers sons de cuivres à la fin de Nagaku Mijikai Matsuri. Qu’on ne vienne pas dire qu’il n’y a pas de passion dans cet album.

Pour finir, il faut quand même parler un peu de Anoyo no Mon (あの世の門), morceau qui conclut l’album, car il est très particulier et différent des autres morceaux. Sheena Ringo est accompagnée au chant par une chorale bulgare menée par Vanya Moneva. Le morceau n’est pas évident dès la première écoute mais très beau et envoûtant. Là encore la voix de Sheena Ringo s’accorde bien avec les voix de la chorale. J’aime un peu moins l’intervention de l’accordéon en deuxième partie du morceau (je n’aime pas beaucoup cet instrument, trop lié à une certaine image rétro parisienne). Ceci étant dit, ce morceau ouvre de belles perspectives sur ce que pourrait être la suite musicale de Sheena Ringo. Après la trilogie Sanmon Gossip/Hi Izuru Tokoro/Sandokushi, l’album et les morceaux qui suivront adapteront peut être ce style. Ça me paraitrait être une bonne idée. Ce dernier morceau contribue un peu plus à l’hétérogénéité symétrique de l’album. Il y a une sorte de paradoxe omniprésent dans l’album entre la construction introduite par la symétrie des styles et la déconstruction introduite par l’hétérogénéité des morceaux. C’est peut être là toute la beauté de l’album, comme un coup de sabot dans une certaine idée de conformité attendue, au risque d’être mal compris. Pour ma part, subsiste une part d’incompréhension, à commencer par le sens du personnage fantastique de cheval ailé portant une Gibson RD sur la pochette et de ces trois poisons du titre Sandokushi… C’est bien aussi de garder une part de mystère. Cela fait presqu’une semaine que j’écris ce billet petit à petit en écoutant l’album et je me rends compte que je l’aime de plus en plus.

Pour référence ultérieure, je garde pour mémoire ci-dessous la liste des titres de l’album.

01- 鶏と蛇と豚 Niwatori to Hebi to Buta
02- 獣ゆく細道 Kemono Yuku Hosomichi (宮本浩次 Miyamoto Hiroji)
03- マ・シェリ Ma Chérie
04- 駆け落ち者 Kakeochisha (櫻井敦司 Sakurai Atsushi)
05- どん底まで Donzoko Made
06- 神様、仏様 Kamisama, Hotokesama (向井秀徳 Mukai Shutoku)
07- TOKYO
08- 長く短い祭 Nagaku Mijikai Matsuri (浮雲 Ukigumo )
09- 至上の人生 Shijou no Jinsei
10- 急がば回れ Isogaba Maware (ヒイズミマサユ機Hiizumi Masayuki)
11- ジユーダム Jiyuudom
12- 目抜き通り Menukidoori (トータス松本 Matsumoto Tortoise)
13- あの世の門 Anoyo no Mon