how to repeat Tokyo endlessly (δ)

Une série de photographies peut parfois se passer de commentaires mais j’ai (presque) toujours envie d’écrire quelque chose. Je reprends, pour une série de billets commençant par celui-ci, le titrage ci-dessus qui fait suite à trois épisodes publiés il a un peu plus de deux ans. Les photographies de ce billet montrent des affichages organisés ou sauvages dans les rues de Shibuya, ainsi que des points de nature dans les espaces non-utilisés entre les bâtiments. On trouve typiquement le type d’espace vert de la quatrième photographie après la destruction d’une maison, avant qu’on y construise un nouvel édifice ou un parking (même minuscule). Je trouvais cette plante aux diverses ramifications assez particulière, assez pour m’y intéresser photographiquement. Dans les rues de Shibuya, circule en ce moment un long camion faisant la promotion du nouvel album de Taylor Swift. Je n’écouterais probablement jamais cet album, alors pourquoi m’y intéresser ici? Peut être pour les couleurs de cette affiche qui illuminent un peu les rues. Je suis surpris que Pitchfork parle autant de Taylor Swift pour la sortie de son nouvel album, en faisant même une rétrospective des albums précédents. Je me rends d’ailleurs compte qu’ils sont tous assez bien notés, ce qui m’étonne beaucoup. Pitchfork est il toujours une source fiable? À vrai dire, Pitchfork influence de moins en moins mes choix musicaux, mais j’aime toujours jeter un œil curieux sur leurs classements par genres musicaux, pour y trouver peut être de nouvelles pistes de découvertes musicales.

Image extraite de la vidéo sur YouTube du morceau KANJIRU (感じる) sur le EP du même nom sorti le 30 août 2019, par Aya Gloomy.

J’avais parlé de la compositrice interprète Aya Gloomy il y a un peu plus d’un an pour son premier album Riku no Kotō (陸の孤島). Elle vient de sortir le 30 août un nouvel EP intitulé KANJIRU (感じる) qui mélange toujours la pop électronique avec une bonne dose d’inventivité expérimentale. Par rapport au premier album, la musique se fait plus dense, moins minimaliste, bien qu’on reconnaisse tout de suite certains motifs musicaux qui lui sont propres. Il y a surtout cette voix et cette façon de chanter en japonais découpant bien les mots. Elle semble même chanter avec un accent étranger sur certains morceaux comme le troisième CLOUDED. Le deuxième morceau-titre KANJIRU est le single du EP et possède une vidéo où on la voit évoluer dans son quartier d’une banlieue de Tokyo que je ne reconnais pas, monter à l’arrière d’une moto pour rejoindre un snack karaoke avec une porte cachée à l’arrière donnant sur un autre monde de la nuit. La coupure dans le morceau sur la vidéo où le patron se met à chanter d’une voix distordue au karaoke, n’est pas dans le morceau original du EP (heureusement en fait), mais donne une bonne idée de l’excentricité du personnage aux multiples couleurs de cheveux. Le EP Kanjiru est je trouve dans la continuité de son premier album, elle y développe son univers dans un style unique et personnel qui mériterait un peu plus de reconnaissance.

見えなくても光る

Le billet précédent à Shibuya s’accompagne des photographies ci-dessus prises un peu avant chronologiquement, en route vers le centre de Shibuya. Après ces vacances en France, j’avais envie d’aller voir l’avancement des travaux à côté de la tour Shibuya Stream. Les travaux sont gigantesques mais les nouvelles tours qui vont naître ici bientôt n’ont pas encore poussé. La tour centrale de la station de Shibuya est par contre presque terminée et ouvrira le 1er novembre 2019. Elle a maintenant un nom affiché sur les façades, il s’agit de Shibuya Scramble Square. Le toit de la tour, à 230m de haut, sera ouvert sur l’extérieur, ce qui devrait donner une belle vue sur Shibuya. On peut être sûr par contre que l’accès sera payant.

Je découvre le morceau Hikari no Hate (光の涯) de Sugizo (de LUNA SEA) avec AiNA The End (de BiSH). Sugizo assure la partition musicale et AiNA le chant. Le morceau semble être destiné à la bande sonore d’un film d’animation Gundam appelé Origin. Je ne suis pas du tout familier de l’univers de Gundam (Je devrais peut être regarder à l’occasion). Une recherche rapide sur Wikipedia m’indique qu’il s’agit d’une série pour la télévision diffusée sur NHK en 13 épisodes du 29 avril au 12 Août 2019 sous le titre Mobile Suit Gundam: The Origin – Advent of the Red Comet (機動戦士ガンダム THE ORIGIN 前夜 赤い彗星). Ce morceau est le thème de fin du dernier épisode de la série. Sugizo a en fait produit tous les morceaux de cette série animée mais avec une collaboration différente pour chaque morceau, comme KOM_I de SuiKan, la chanteuse Miwa, le groupe rock Glim Spanky. Le morceau avec AiNA est en fait une reprise d’un morceau composé avec MORRIE pour l’album Oneness M de Sugizo sorti en 2017. Je ne connaissais pas MORRIE, leader et chanteur du groupe Dead End qui était actif dans les années 80 (ils se sont reformés des années plus tard apparemment). C’était un groupe metal-hard rock japonais qui influencera le style Visual Kei, dont LUNA SEA faisait d’ailleurs partie à une période donnée. Je préfère la voix de AiNA à la version masculine de MORRIE, mais l’instrumentation des deux morceaux est assez proche. Cette version de 2019 est cependant plus aboutie. J’aime énormément ce morceau, qui a une vertu apaisante que l’on a envie de prolonger en repassant le morceau ad repetitam. La guitare acoustique en fingerpicking de Sugizo est sublime et me replonge dans l’atmosphère, non dénuée d’un certain mystère, des morceaux de LUNA SEA. Je l’ai certainement déjà mentionné auparavant mais mes premiers contacts avec la musique rock japonaise se sont fait en découvrant quelques morceaux de ce groupe, alors que j’étais encore étudiant en France. Lors de mon premier voyage au Japon en 1998, j’avais ramené un single, celui du morceau de I for You, que j’ai beaucoup écouté. Le style était assez différent de ce que j’écoutais à l’époque en France entre le rock indépendant américain et le trip-hop de Bristol. Je me souviens avoir mis un peu de temps à apprécier la voix de Ryuichi Kawamura, empreinte de romantisme mélangé à la flamboyance androgyne du style Visual Kei. Mais à l’époque où j’écoutais ces morceaux de LUNA SEA, à la fin des années 90, le style Visual Kei était déjà en phase de déclin et en 1999, il n’y avait plus beaucoup de traces visibles de ce mouvement à la télévision à part quelques exceptions comme Shazam (avec Izam), ou des groupes formés un peu plus tardivement comme Dir En Grey que je ne connais pas du tout. À l’époque, j’écoutais aussi beaucoup L’Arc~en~Ciel, un autre groupe à tendance Visual Kei. Autant j’aime beaucoup réécouter LUNA SEA maintenant, avec une pointe de nostalgie de la fin des années 90, autant j’ai beaucoup de mal à réécouter les morceaux de L’Arc~en~Ciel, à part peut-être quelques morceaux de l’album Heart de 1998. Le morceau Hikari no Hate de Sugizo m’amène donc à écouter son album Oneness M de 2017, mais je le trouve très inégal. Chaque morceau est interprété par un chanteur différent, souvent de l’ex-scène Visual Kei d’ailleurs comme Kyo de Dir En Grey, Teru de GLAY ou Kiyoharu de Kuroyume, mais également de groupes plus récents comme Yoohei Kawakami de [Alexandros]. En fait, je n’aime sur cet album que trois morceaux dont le fabuleux Towa (永遠) avec Ryuichi au chant, et les deux derniers de l’album dont le morceau VOICE avec Kiyoharu et le Hikari no hate avec MORRIE. En fait, alors que j’écoute plusieurs fois ce morceau en écrivant ces lignes, j’en viens à l’apprécier tout autant que la version avec AiNA. Les écouter à la suite, l’original puis la nouvelle version, me fait apprécier leurs différences.

泣きながら踊る

Je retrouve les rues de Shibuya en photographies après les vacances estivales en France. La température et l’humidité à Tokyo sont telles qu’il faut beaucoup de courage pour sortir et marcher dehors. Je sors tout de même pendant un peu plus d’une heure faire un tour qui devient presque habituel maintenant à l’arrière de Shibuya et au centre. Après cette bonne heure de marche, l’envie d’entrer à l’intérieur d’un building devient irrésistible. Je souffre pour les nombreux touristes que j’aperçois au carrefour de Shibuya, qui ont choisi cette période de l’année pour visiter le Japon. Le plein été n’est décidément pas la meilleure saison pour visiter le pays. Pouvoir entendre le chant des grillons pendant l’été est une maigre consolation. Dans le centre de Shibuya, dans les passages souterrains traversant le carrefour, on remarque une série de photographies de rues par Daido Moriyama. Les quelques photographies ci-dessus sont prises au niveau du Tsutaya et un peu plus loin entre l’avenue Meiji et la rivière bétonnée de Shibuya. Alors que Daido Moriyama est plutôt reconnu pour le grain de ses photographies en noir et blanc, les photographies montrées pour cette exposition à ‘ciel ouvert’ sont plutôt en couleur. Je préfère d’assez loin ses photographies en noir et blanc, mais je reconnais qu’un certain nombre des photographies en couleur montrées sont intéressantes et décalées, comme ces visages masqués ou ces figures de mannequins (on ne sait pas trop). L’exposition s’intitule SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN et est montrée dans les rues de Shibuya, à 63 emplacements, jusqu’au 15 août. Je suis loin d’avoir vu la totalité des photographies montrées car elles sont éparpillées dans Shibuya. C’est un peu comme une chasse au trésor pour toutes les découvrir.

Extrait de la vidéo sur YouTube du morceau Sakura no sono 櫻の園 de For Tracy Hyde.

Le groupe rock indépendant à tendance shoegazing For Tracy Hyde sort un nouveau morceau intitulé Sakura no sono 櫻の園, en avant première de leur nouvel album New Young City qui sortira le 4 septembre. J’aime beaucoup ce nouveau morceau Dream Pop qui laisse présager du meilleur pour le futur album s’il reste dans cet esprit. La vidéo dans les cerisiers en fleurs est très bucolique et nous ramène au printemps pour nous rafraîchir un peu. je parlais déjà de For Tracy Hyde dans un billet précédent au sujet de leur deuxième album.

渋谷白黒

Je crois que le nouveau titrage de Made in Tokyo fait de blocs noirs entourant chacune des lettres du titre, influence l’ambiance de mes derniers billets que je développe plutôt en noir et blanc. A vrai, le noir et blanc très contrasté va bien avec la chaleur d’été qui démarre. Depuis plusieurs semaines et même mois, le rythme des prises de photographies se faisait plus dense que celui de la publication de mes billets. De ce fait, ma motivation pour publier des billets sur ce blog (j’allais même dire contribuer) restait toujours soutenue car j’avais toujours un certain stock de photographies à montrer. La longue saison des pluies et des week-ends bien occupés ne m’ont par contre pas permis de prendre beaucoup de photographies, donc les publications ici devraient prendre un rythme estival. Les photographies sont prises pour la plupart dans le centre de Shibuya. Sur la façade de la gare, on peut voir des grandes affiches de Tenki no ko (天気の子), le nouveau film d’animation de Makoto Shinkai, qui vient juste de sortir au cinéma. J’irais très certainement le voir.

ディスラプティブ・ナンセンス

Je nage dans l’espace urbain à la recherche d’un point de chute. Je me concentre sur l’asphalte pour garder les pieds sur terre.


En « photographie », j’aime par dessus tout modifier la réalité pour apporter ma propre vision de l’espace. Je me dis parfois que je ne devrais faire de ce blog qu’une accumulation d’images créées de toute pièce comme les trois ci-dessus, plutôt que de prendre des photographies conventionnelles de lieux que l’on peut voir ailleurs, certes sous d’autres angles et sensibilités. Ça aurait certainement de la gueule d’avoir des pages ne montrant que ce type d’images modifiées voire déstructurées. Mais, ça peut également devenir fatigant, donc des petites doses sont peut-être préférables. Le processus de création de ces images tient souvent du hasard provoqué, fait de nombreux essais et d’erreurs, de retouches souvent minutieuses, jusqu’à ce que j’obtienne une image qui m’intéresse. Je n’ai pas vraiment l’habitude d’expliquer mes images ou d’indiquer ce que je cherchais à montrer, parce que cela tient pour moi de la sensation plus qu’autre chose. Comment expliquer l’intérêt que je vois dans la première image montrant une personne prenant en photo un objet flou et nuageux, ou cette autoroute surélevée faisant soudainement des courbes sur la deuxième image, ou ce halo de lumière éclairant des jeunes gens sous un nuage noir menaçant. Cela doit tenir à l’envie de montrer un monde parallèle plein de non-sens, une distorsion de la réalité, mais également esthétiquement parlant l’envie de “détruire” une photographie conventionnelle pour créer une nouvelle image, un nouvel espace. C’est une approche disruptive en quelque sorte.

Après les premières écoutes, je me suis posé la question de ce qui m’attirait dans cet album Thumb Sucker de PEDRO, le projet solo d’AYUNi D アユニ・D du groupe BiSH. Sa voix aiguë et perçante peut être difficile à supporter. Mais pourtant, cette voix accompagnée de la force des guitares parvient à se faufiler dans les méandres du cerveau jusqu’à provoquer une sorte d’addiction. J’ai pour sûr été attiré par cet album car j’aimais bien le contraste qu’apportait la voix d’AYUNi D sur le dernier album de BiSH dont je parlais récemment. J’ai aussi été attiré par cet album car Hisako Tabuchi 田渕ひさ子, des mythiques Number Girl, est la guitariste du groupe. Je me réjouissais à l’idée de réécouter son jeu de guitare. Les morceaux ne sont pas tous du même niveau mais se suivent avec beaucoup de constance et un dynamisme à toute épreuve. J’ai acheté cet album sur iTunes le jour de sa sortie car il était proposé exceptionnellement à 300¥. L’agence Wack a souvent des méthodes particulières de distribution de la musique qu’elle produit. Cet album de 13 morceaux était par exemple vendu le premier jour au Tower Records au format de 13 CDs d’un seul titre vendus séparément pour 100¥. Bien sûr, ce n’est pas très intéressant d’avoir 13 boites en plastique à stocker chez soi, mais on peut tout de même apprécier les méthodes disruptives employées par l’agence. Un autre exemple des méthodes inhabituelles de Wack, certains morceaux du prochain album du reboot du groupe BiS étaient également sortis en avance en téléchargement gratuit sur DropBox pour quelques jours seulement. En fait, je me rends compte que l’approche disruptive s’applique également aux morceaux du groupe, et c’est certainement, inconsciemment, ce qui m’intéresse beaucoup dans cette musique. On peut avoir un bon aperçu de l’album en écoutant le premier morceau sur YouTube, Nekoze Kyouseichū 猫背矯正. Il y a dans la vidéo un petit détail qui me plaît beaucoup (à 1:08 minutes), un mini poster de l’album Dirty de Sonic Youth accroché sur un mur dans ce qui semble être la chambre de Ayuni. On l’aperçoit à peine, mais il veut dire beaucoup de choses.