i was a window

Je ne me souviens pas avoir déjà vu l’école Aoyama Technical College par l’architecte Makoto Sei Watanabe sous cet angle là, sur la première photographie de ce billet. J’ai déjà pris maintes fois en photo la façade principale ou celle arrière, mais on peut en fait entrevoir la face latérale à travers un espace ouvert entre deux buildings d’habitation. Depuis la face avant du building, on ne devine pas cette forme d’œuf et les implantations de tiges métalliques rouges pointant vers le ciel. Les photographies suivantes sont pleines de fenêtres et de reflections. On y distingue, à peine parfois, des formes humaines derrière ces vitrages. J’aime beaucoup l’agencement assez hétéroclite d’ouvertures sur le nouveau bâtiment montré sur la deuxième photographie. Je prends assez souvent en photo des mannequins placés à nu à l’intérieur des vitrines. Nous sommes à Shibuya et il y a un grand nombre de boutiques de mode vestimentaire. Ces mannequins forcément immobiles ont toujours un côté inquiétant, mais en même temps photogénique. Sur la quatrième photographie, il s’agit du grand magasin Seibu en plein centre de Shibuya. Je me suis souvent amusé en composition photographique avec ces répétitions de baies vitrées pseudo futuristes, mais je me retiens cette fois-ci. A vrai dire, j’avais commencé à triturer cette image en la superposant avec d’autres paysages de ville, mais il faut parfois savoir maîtriser ses pulsions créatrices. La dernière photographie est une autre représentation d’ouvertures mais dessinées cette fois-ci sur les devantures de protection d’un des nouveaux immeubles en construction à Shibuya. Quand au titre de ce billet en relation avec ces images, il s’agit du titre du premier morceau de l’album qui va suivre.

Images extraites des videos des morceaux « Free (feat. Devendra Banhart) » et « Not the time » de Sasami Ashworth disponible sur Youtube. Il y a une amusante allusion au groupe rock japonais The Blue Hearts sur la vidéo de Not the time où un groupe d’enfants appellent leur groupe The Linda Lindas.

Et qu’est ce qu’il est beau et délicat cet album que j’écoute en boucle depuis quelques jours. Il s’agit du premier album de SASAMI. Sasami Ashworth, de son nom complet, est compositrice et interprète américaine basée à Los Angeles, mais également musicienne touche-à-tout. Je la mettrais à côté de Deerhunter mais en version féminine au chant. J’attendais l’album discrètement depuis la sortie du premier morceau Callous, il y a plusieurs mois (en Avril 2018) et qui présageait du meilleur. Mitski fait part sur Twitter de la sortie de cet album. Il faut dire que Sasami Ashworth a déjà fait la première partie de quelques concerts de Mitski aux US. A la première écoute de l’album, le cinquième morceau Pacify My Heart me marque tout de suite. C’est ce style musical rock emprunt de mélancolie qui me parle le plus, musicalement, surtout quand le morceau se conclut par une partie instrumentale profonde en émotion (un peu comme Deerhunter sur des morceaux de Microcastle). Le morceau suivant At Hollywood, qui suit immédiatement après, est dans la même lignée émotionnelle. Je me dis à ce moment de la première écoute qu’il s’agit là d’un excellent album qui se révèle. Le shoegazing de My Bloody Valentine, plutôt période Isn’t Anything, me vient aussi en tête en écoutant certains morceaux comme le deuxième Not the Time. Il y a plusieurs invités sur l’album comme Devendra Banhart ou la française Soko sur l’avant dernier morceau Adult Contemporary. Elle chante en anglais et sa voix se mélange avec celle de Sasami au point où on n’arrive pas vraiment à les distinguer l’une de l’autre. L’album se termine avec le morceau Turned out I was everyone, sur une boucle où quelques paroles se répètent sans cesse jusqu’à l’obsession. Pour ne rien gâcher, j’aime beaucoup la pochette de l’album sur un morceau de banquise. Un album réussi est un tout, dommage que Pitchfork n’ait pas un peu plus boosté la note qu’ils lui donnent en revue.

one imaginary form about to explode in the tormented sky of a station building while no one pays attention

Nous nous téléportons à l’intérieur de la gare de Shibuya, dans le centre névralgique du quartier où tout bouge sans arrêt. La population en mouvement ne fait plus attention à la grande fresque murale de Taro Okamoto intitulée Asu no Shinwa, le Mythe de Demain, et créée initialement en 1968-69 à Mexico. Elle a été installée à cet endroit dans la gare de Shibuya en 2008, et nous avions pu la voir pour la première fois en 2006 au pied de la tour de Nippon TV après sa restoration. Nous passions souvent par ici il y a plus de dix ans lorsque nous prenions le train depuis la gare de Shibuya pour Kichijoji, mais nous y allons désormais en voiture. J’avais un peu oublié cette fresque et je décide donc de m’arrêter un peu devant.

one face

Avant de traverser au croisement de deux rues sans noms, l’une montant vers Daikanyama et l’autre longeant la voie ferrée menant à Shibuya, je me sens une nouvelle fois comme observé. Je dis discrètement à Zoa de regarder au sol, l’air de rien et sans se faire remarquer. On nous observe avec des grands yeux et un air étonné. Le feux passe au bleu, nous traversons avec un petit sourire aux lèvres. Il n’a pas réalisé que nous l’avions débusqué.

En partant de la rivière Meguro au delà du Starbucks dont je parlais auparavant et en regagnant Shibuya, on peut facilement confondre le bâtiment de la deuxième photographie de l’article avec un gros buisson. Si on regarde de plus près, mais il faut bien s’approcher, on remarque une porte qui permet de rentrer à l’intérieur de ce buisson. Il y a même un bistrot au niveau de la rue. La ressemblance de ce buisson géant avec un bâtiment habité est vraiment bluffante. Il est placé dans une rue très ouverte et avec le soleil de cette journée et le froid dehors, ce moment bucolique à marcher dans cette rue était des plus agréables.

Sur le petit bâtiment de la troisième photographie du billet, on se demande si l’agacement des plaquettes de bois est volontaire ou a subi les méfaits de contraintes budgétaires. Le reste du bâtiment est en béton. Ce bois désordonné et délavé n’est placé que pour l’apparence. Cela donne peut être la fausse impression que la maison est abandonnée et qu’il fait mieux passer son chemin.

Les pruniers en fleur sont de retour avant les cerisiers. Les fleurs de pruniers n’ont qu’une seule utilité, nous préparer mentalement à l’arrivée des cerisiers le mois suivant. Celui sur la quatrième photographie du billet se trouve le long de la rivière bétonnée de Shibuya. Par sa présence, il essaie tant bien que mal d’embellir les lieux. Sur la photographie, je le confronte à son environnement immédiat, une barre d’immeuble quelconque comme on en trouve beaucoup en ville, avant sa destruction probable pour remplacement par des tours de verre quelconques.

A Daikanyama, je suis toujours attiré par le bâtiment à la forme d’une pseudo-hélicoïde, mais les tentatives de photographies ne lui rendent jamais justice. Celle du dessus non plus, mais j’abandonne les essais pour l’instant en montrant cette version sur la cinquième photographie du billet.

J’écoute de temps en temps mais assez régulièrement l’album Kūdō desu 空洞です (c’est creux) de Yura Yura Teikoku ゆらゆら帝国 datant de 2007, mais je me rends compte maintenant que je ne l’ai jamais mentionné sur ce blog. Je suis dans ma phase rock indépendant en ce moment donc cet album est également dans ce style là, mais dans une version plus nonchalante que ce que j’écoute d’habitude, notamment par la façon de chanter du leader du groupe Shintaro Sakamoto. On dit que ce groupe se classe dans le genre du rock psychédélique. Je veux bien croire que ces morceaux ont un côté hypnotisant notamment pour les répétitions musicales de riffs de guitares. Les morceaux ont une personnalité bien particulière, chantés parfois sur le ton de la plainte parfois donnant l’impression que le groupe est dans un éventuel état second. On finit par vaciller également en écoutant cet album. L’empire du vacillement est d’ailleurs une traduction du nom du groupe. Il y a une grande unité dans cet album dans le sens où bien que tous les morceaux soient bons, il n’y en a pas un qui sort du lot ou qui agit comme repère dans l’album. On se laisse plutôt engouffrer dans le flot musical répétitif jusqu’au final. Des sons différents comme de la flûte de pan ou du saxophone viennent parfois perturber ce flot tranquille. Le morceau le plus particulier et le plus psychédélique, à mon avis, est le huitième 学校へ行ってきます, qu’on traduit par « Je vais à l’école ». Il a des allures de rock expérimental dans le son, et par le phrasé grave et monocorde du chanteur sur ce morceau en particulier. Pour renforcer cette impression générale de nonchalance, les titres des morceaux et les textes en général sont d’une simplicité amusante. Je ne vais cependant pas creuser le sujet pour savoir s’il y a un sens profond derrière la simplicité de ces titres comme 美しい (c’est beau) ou できない (je n’y arrive pas). Cet album n’est pas une nouveauté mais un bel album tout de même, assez apaisant dans son ensemble.

canards de surveillance urbaine

Ces canards que j’ai trouvé à deux endroits différents dans des quartiers un peu à l’écart du centre de Shibuya sont bien étranges. En passant devant à pieds, je me sens comme surveillé par cette image étrange.

Je suis sous le charme des mélodies extrêmement accrocheuses des morceaux de Telltale Signs du groupe Sobs, originaire de Singapour. Ils construisent une musique mélangeant rock indépendant et dream pop.

walking in a spiral: side C

Je marche parfois dans le quartier de Udagawachō à Shibuya pour vérifier si les graphismes muraux ont changé. Le superbe dessin de requin se confondant avec un avion de chasse, sur le premier billet de cette série (side A) était nouveau. Du moins, je ne l’avais pas vu à cet endroit auparavant. La grande fresque cachée à l’arrière des buildings avec, entre autres, des représentations de cochons au format cartoon, n’a par contre pas changé. Les graphismes de rues sont en général éphémères, mais cette grande fresque murale reste inchangée depuis longtemps. Je jette toujours un œil rapide dans l’escalier intérieur du vieux building où se trouve le dessin du requin-avion de chasse. Les murs de la cage d’escalier sont entièrement recouverts d’illustrations, notamment des étranges personnages extraterrestres aux couleurs verdâtres. Il s’agit de l’entrée d’un bar avec programmation musicale, au sous-sol, au nom de JUMP Life is Game.

Une énorme structure métallique a fait subitement son apparition au dessus de la rue séparant le parc Miyashita. La structure, par sa grandeur, ressemble à une porte ouvrant l’accès depuis l’avenue Meiji vers le centre bouillonnant de Shibuya. Il s’agit en fait d’un passage pédestre qui semble être construit sur plusieurs étages. C’est un des éléments du re-développement du parc Miyashita démarré en 2017 et qui devrait s’achever en Août 2019. Ce parc avait la particularité d’être aérien depuis sa construction en 1966, c’est à dire que c’était un parc construit à l’étage au dessus d’un parking couvert. C’est un parc étroit et tout en longueur, placé le long de la ligne de train Yamanote. Il avait été complètement repensé par l’Atelier Bow Wow, il y a quelques années, pour le transformer en espace d’activités sportives, avec notamment un terrain de skateboard et un mur d’escalade. Ça n’avait pas suffit à mon avis à rendre l’endroit accueillant et agréable. Il est actuellement complètement détruit et en court de reconstruction. Un hôtel a été placé à un des bouts du parc, en direction de Harajuku. Les dessins du nouveau parc sont assez prometteurs, avec beaucoup de verdure. Il semble maintenir son élévation et les zones sportives pour skateboard, futsal et escalade. Des fines arches avec des plantes sont également prévues, si on en croît les dessins du projet.

Je repasse ensuite devant le Sankyo New Headquarter Building par l’architecte Tadasu Oe (Plantec), située au niveau de la sortie Sud de la gare de Shibuya. Je l’ai pris plusieurs fois en photo et je passe régulièrement devant. Le design est très original, ressemblant à un bloc surélevé mis en cage dans une structure métallique. Je marche souvent dans ce quartier en ce moment pendant que Zoa est à son cours de danse. En l’attendant, j’ai environ une heure et demi à moi pour parcourir les environs, que je finis d’ailleurs par un peu trop bien connaître. Parce qu’ils sont relativement rares dans une semaine, j’apprécie ces quelques moments solitaires, à marcher avec un objectif en tête et en écoutant la musique du moment. J’écoute cette fois-ci quelques morceaux piochés par-ci par là, sans forcément écouter l’album entier. C’est le cas du morceau Traumerei (トロイメライ) de YUKI sur son dernier album forme. J’aime beaucoup ce morceau et surtout sa voix et sa manière de chanter. Ce que j’aime particulièrement dans sa manière de chanter, c’est que sa voix est une peu particulière et a tendance à devenir un peu poussive dans les refrains mais juste ce qu’il faut. Je n’aime en général qu’un ou deux morceaux de ses albums, les trois premiers morceaux Chime, Traumerei et Yatara to Synchronicity (やたらとシンクロニシティ) sur forme, ou par exemple Joy et surtout Daredemo Lonely (誰でもロンリー) sur les albums précédents de 2005 et 2014 respectivement. J’ai tout de même envie de chercher d’autres morceaux qui m’intéressent. Je ne connais pas trop les morceaux du groupe Judy and Mary où elle chantait auparavant, mais le style m’attire moins à priori. Dans un genre un peu différent, j’écoute aussi beaucoup le morceau Romance par Hina Ota 太田ひな sur son album Between the sheets. Je n’ai pas écouté le reste de l’album mais ce morceau en particulier est vraiment magnifique.