canards de surveillance urbaine

Ces canards que j’ai trouvé à deux endroits différents dans des quartiers un peu à l’écart du centre de Shibuya sont bien étranges. En passant devant à pieds, je me sens comme surveillé par cette image étrange.

Je suis sous le charme des mélodies extrêmement accrocheuses des morceaux de Telltale Signs du groupe Sobs, originaire de Singapour. Ils construisent une musique mélangeant rock indépendant et dream pop.

walking in a spiral: side C

Je marche parfois dans le quartier de Udagawachō à Shibuya pour vérifier si les graphismes muraux ont changé. Le superbe dessin de requin se confondant avec un avion de chasse, sur le premier billet de cette série (side A) était nouveau. Du moins, je ne l’avais pas vu à cet endroit auparavant. La grande fresque cachée à l’arrière des buildings avec, entre autres, des représentations de cochons au format cartoon, n’a par contre pas changé. Les graphismes de rues sont en général éphémères, mais cette grande fresque murale reste inchangée depuis longtemps. Je jette toujours un œil rapide dans l’escalier intérieur du vieux building où se trouve le dessin du requin-avion de chasse. Les murs de la cage d’escalier sont entièrement recouverts d’illustrations, notamment des étranges personnages extraterrestres aux couleurs verdâtres. Il s’agit de l’entrée d’un bar avec programmation musicale, au sous-sol, au nom de JUMP Life is Game.

Une énorme structure métallique a fait subitement son apparition au dessus de la rue séparant le parc Miyashita. La structure, par sa grandeur, ressemble à une porte ouvrant l’accès depuis l’avenue Meiji vers le centre bouillonnant de Shibuya. Il s’agit en fait d’un passage pédestre qui semble être construit sur plusieurs étages. C’est un des éléments du re-développement du parc Miyashita démarré en 2017 et qui devrait s’achever en Août 2019. Ce parc avait la particularité d’être aérien depuis sa construction en 1966, c’est à dire que c’était un parc construit à l’étage au dessus d’un parking couvert. C’est un parc étroit et tout en longueur, placé le long de la ligne de train Yamanote. Il avait été complètement repensé par l’Atelier Bow Wow, il y a quelques années, pour le transformer en espace d’activités sportives, avec notamment un terrain de skateboard et un mur d’escalade. Ça n’avait pas suffit à mon avis à rendre l’endroit accueillant et agréable. Il est actuellement complètement détruit et en court de reconstruction. Un hôtel a été placé à un des bouts du parc, en direction de Harajuku. Les dessins du nouveau parc sont assez prometteurs, avec beaucoup de verdure. Il semble maintenir son élévation et les zones sportives pour skateboard, futsal et escalade. Des fines arches avec des plantes sont également prévues, si on en croît les dessins du projet.

Je repasse ensuite devant le Sankyo New Headquarter Building par l’architecte Tadasu Oe (Plantec), située au niveau de la sortie Sud de la gare de Shibuya. Je l’ai pris plusieurs fois en photo et je passe régulièrement devant. Le design est très original, ressemblant à un bloc surélevé mis en cage dans une structure métallique. Je marche souvent dans ce quartier en ce moment pendant que Zoa est à son cours de danse. En l’attendant, j’ai environ une heure et demi à moi pour parcourir les environs, que je finis d’ailleurs par un peu trop bien connaître. Parce qu’ils sont relativement rares dans une semaine, j’apprécie ces quelques moments solitaires, à marcher avec un objectif en tête et en écoutant la musique du moment. J’écoute cette fois-ci quelques morceaux piochés par-ci par là, sans forcément écouter l’album entier. C’est le cas du morceau Traumerei (トロイメライ) de YUKI sur son dernier album forme. J’aime beaucoup ce morceau et surtout sa voix et sa manière de chanter. Ce que j’aime particulièrement dans sa manière de chanter, c’est que sa voix est une peu particulière et a tendance à devenir un peu poussive dans les refrains mais juste ce qu’il faut. Je n’aime en général qu’un ou deux morceaux de ses albums, les trois premiers morceaux Chime, Traumerei et Yatara to Synchronicity (やたらとシンクロニシティ) sur forme, ou par exemple Joy et surtout Daredemo Lonely (誰でもロンリー) sur les albums précédents de 2005 et 2014 respectivement. J’ai tout de même envie de chercher d’autres morceaux qui m’intéressent. Je ne connais pas trop les morceaux du groupe Judy and Mary où elle chantait auparavant, mais le style m’attire moins à priori. Dans un genre un peu différent, j’écoute aussi beaucoup le morceau Romance par Hina Ota 太田ひな sur son album Between the sheets. Je n’ai pas écouté le reste de l’album mais ce morceau en particulier est vraiment magnifique.

walking in a spiral: side A

Je construis souvent des séries de photographies en trois épisodes. Celui-ci est le premier épisode de cette petite série. Ces derniers temps, j’ai du mal à écrire dans le vide, alors je m’abstiens jusqu’à ce que l’inspiration d’écriture me revienne. Heureusement, l’inspiration photographique ne se tarit par encore complètement même si je passe mon temps à marcher en spirale dans la ville. Le titre de ces trois billets est inspiré d’un morceau de Liz Harris sur l’album After its own death / Walking in a spiral towards the house de son nouveau projet Nivhek. On n’est pas très loin de ses créations musicales sous le nom Grouper, avec la même noirceur et beauté imparable, mais la musique de Nivhek prend un accent un peu plus expérimental. J’écoute beaucoup cet album composé de seulement quatre morceaux allant de 8 à 20 minutes pour une durée totale d’une heure. Cette musique s’accommode bien du noir et blanc, comme souvent sur les pochettes des albums de Liz Harris, mais j’ai volontairement envie d’associer sur ce billet cette musique aux couleurs de la ville, pour le contraste. Cet album de Nivhek joue d’ailleurs sur les contrastes, car chaque morceau est découpé en petite scènes musicales alternant des voix atmosphériques et indéchiffrables aux Intrusions de sons lourds et sourds en répétition de type drone. Dans la musique de Liz Harris, on apprécie le son entre les cordes, comme si chaque note et chaque moment de silence étaient minutieusement soupesés. De Grouper, je garde toujours en tête le sublime album Ruins sorti en 2014 et j’y reviens régulièrement. L’album de Nivhek atteint cette même qualité musicale bien qu’il fasse plusieurs écoutes pour l’apprécier pleinement.

Dans une interview passée de Liz Harris sur Pitchfork, je retiens quelques mots qui m’interpellent et que j’avais noté dans un coin de mon iPad. Elle y parle de sa relation à son œuvre musicale et à son public. A propos de la sortie d’un album: “I often picture releasing an album as trying to secretly sink a heavy object in a lake – find a quiet corner, gently slip it under the surface, watch the ripples for a moment, and steal away.” A propos de son audience: “I think I pretty genuinely forget they’re there most of the time. It’s nice if people like it. I’m not making it so people like it, though. »

ハタチ

Depuis le 1er Février 2019, cela fait exactement vingt ans que je vis au Japon. Il y a vingt ans, j’étais dans l’avion qui m’amenait de Paris Charles de Gaulle à Tokyo Narita. Hier, j’étais dans l’avion qui me ramenait d’une semaine à Hong Kong vers Tokyo Haneda. Les sensations à mon arrivée à l’aéroport de Tokyo hier et il y a vingt ans sont certes bien différentes. J’y pense un peu hier, assis dans l’avion, entre deux films. A l’allée et au retour, j’ai vu deux très bons films japonais, de styles très différents mais qui m’ont tous les deux donné la larme à l’oeil par moments, car on y parle de relations enfants parents. A l’allée, sur le petit écran du fauteuil de l’avion, j’ai vu Une affaire de Famille, en japonais Manbiki kazoku 万引き家族, le film de Hirokazu Kore-Eda 是枝 裕和 ayant reçu la palme d’or à Cannes l’année dernière. C’est l’histoire d’une famille recomposée dont les liens sont assez flous, pauvre et vivant de débrouilles et de vols à l’étalage dans les petits supermarchés. L’histoire commence alors qu’ils recueillent une petite fille, Yuri battue par ses parents et délaissée à l’extérieur de l’appartement familial dans le froid. Au fur et à mesure que l’histoire se déroule, on découvre un peu plus précisément les liens entre les personnes partageant le toit d’une vielle baraque autour de la grand mère dont il profite de la pension. Le jeu des acteurs et actrices est excellent comme toujours dans les films de Kore-eda. C’est d’ailleurs là que se trouve toute la force de ses films. L’histoire est différente mais me rappelle beaucoup un autre film plus ancien de Kore-Eda, Nobody Knows 誰も知らない sorti en 2004. On y trouve la même force émotionnelle. Les enfants sont toujours au centre de l’histoire. Dans un style très différent, c’est aussi le cas du film d’animation Mirai, en japonais Mirai no Mirai 未来のミライ de Mamoru Hosoda. L’histoire du petit Kun, voyant arriver sa petit soeur Mirai dans la maison familiale, mélange les visions fantastiques qui viendront l’aider dans les épreuves de sa vie d’enfant. Parmi ces visions, celle de sa petite soeur mais plus âgée et semblant venir du futur. D’autres personnages du passé de la famille interviennent ensuite dans cette histoire très originale et bien construite. Il y a beaucoup de moments émouvants, que l’on est amené à ressentir en tant que parent. C’est un des très bons films d’animation que j’ai pu voir dernièrement.

en marchant vers l’ellipse

Je retrouve le petit bâtiment Natural Ellipse de l’architecte Masaki Endoh à Maruyamacho dans les hauteurs de Shibuya. Il n’est pas facile à trouver malgré sa blancheur immaculée qui tranche avec le reste du quartier rempli en quasi-totalité de Love Hotels ultra-décorés kitsch. Je le retrouve finalement à un détour de rue, non sans une pointe d’étonnement et de satisfaction. J’avais peur que ce petit bâtiment ait disparu car je ne l’avais pas retrouvé la dernière fois que j’ai marché par ici. En fait, Natural Ellipse est bien là debout comme sortant de terre à un coin de rue et il semble même plus blanc que la dernière fois que je l’ai vu. La surface a certainement été repeinte ou au moins nettoyée. Le building est maintenant entouré de quelques plantes vertes. En fait, on m’a appris récemment dans les commentaires de mon premier billet de 2007 sur ce bâtiment (j’ai réouvert les commentaires sur mes anciens billets) que Natural Ellipse est maintenant disponible en location d’appartement pour des courtes durées.

Je repars ensuite près de la station de Shibuya pour constater l’avancement de la destruction du quartier au Sud de la gare, à proximité du nouvel immeuble Stream. C’est un quartier que j’ai souvent pris en photos, notamment les graffitis et l’énorme illustration en noir et blanc aperçue récemment à l’arrière d’un building voué à une destruction prochaine. Le quartier est désormais complètement condamné, interdit d’accès par des barricades blanches et par quelques gardes par-ci par-là. On ne peut plus approcher la grande illustration au dos du building. Ça fait un drôle d’effet de voir tout un ensemble de bâtiments et de rues rendus complètement inaccessibles. Il s’agit du projet de redevelopment du district 1 de Sakuragaokacho qui sera composé de trois tours et contribuera un peu plus encore à la transformation de Shibuya. L’ensemble devrait se terminer en 2020/2021. Les nouvelles tours A1, A2 et B feront respectivement 36, 15 et 32 étages et seront composées de bureaux, d’espaces commerciaux et d’une zone résidentielle. Les tours A1 et A2 longeront la ligne de train JR Yamanote, tandis que la tour B résidentielle sera en retrait juste derrière.

Tiens, Radiohead sort un nouveau morceau intitulé Ill wind. Ce n’est pas vraiment un nouveau morceau car il s’agit d’une face B de leur dernier album A Moon Shaped Pool sorti en 2016, accompagnant la version vinyl. Je ne sais pas la raison pour laquelle ils ont pris tant de temps à sortir ce morceau en version digitale, mais c’est en tout cas une très bonne nouvelle tant le morceau est superbe, dans la pure continuité de style de A Moon Shaped Pool. Je me demande d’ailleurs pourquoi un morceau d’une telle qualité était relégué en face B. La voix de Thom Yorke y est belle et troublante. La musique est légèrement floue et vaporeuse, ce qui nous donne l’impression de se laisser emporter par ce vent du titre. Il s’agit peut être d’un vent cosmique comme le laisse suggérer la couverture du morceau, que j’allonge volontairement sur l’image ci-dessus. Du coup, je me remets à écouter les albums de Radiohead les uns après les autres, notamment pendant cette promenade d’une bonne heure dans Shibuya à la recherche de l’ellipse.