street holograms

Je pousse un peu plus loin le parasitage voire la destruction d’images dans les rues de Shibuya, mais cette fois-ci en utilisant la couleur. Des faisceaux de lumière viennent se superposer aux mouvements insaisissables des passants. J’appellerais ces formes fantomatiques urbaines des Street Holograms, des hologrammes urbains qui m’apparaissent sous l’inspiration de l’EP 15 de OYASUMI HOLOGRAM que j’écoute en ce moment.

Image extraite de la video du morceau ニューロマンサー (Neuromancer) de OYASUMI HOLOGRAM おやすみホログラム disponible sur Youtube et extrait de la couverture du EP 15.

En me perdant dans les méandres de YouTube et de Bandcamp, je découvre OYASUMI HOLOGRAM おやすみホログラム (parfois raccourci en OYSM) avec le morceau Neuromancer「ニューロマンサー」qui m’attire par son rythme électronique et sa basse lourde. Les images du clip vidéo nous montrent les deux protagonistes du groupe August 八月ちゃん et Kanamil カナミル en tenues d’idoles japonaises mais comme placées par erreur sur un terrain de construction ou plutôt dans le décor industriel d’une raffinerie. Ce décalage me laisse penser qu’il y a quelque chose d’intéressant à découvrir dans le monde musical alternatif de OYSM. Je découvre ensuite le EP 15 sur la page Bandcamp du groupe où l’on peut écouter une version complètement différente et même meilleure de ce morceau Neuromancer, en version rock saturée de guitares. En regardant la première photo du dessus, on n’a pas forcément l’image d’un groupe rock alternatif. On est saisi par l’énergie et l’urgence de ce morceau, que l’on retrouve sur le reste du EP. En cherchant un peu plus sur YouTube, je vois qu’elles ont investi les rues de Shibuya au mois de Mai dernier pour un Guerilla Live, improvisé dans Center Gai. On voit de temps en temps des groupes jouer près du croisement de Shibuya au niveau des escaliers descendant à la galerie marchande d’un autre âge, mais je n’avais jamais vu un groupe se déplacer dans les rues du centre, micros en mains reliés à des enceintes portées par un petit groupe de fans. En fait, les deux chanteuses du groupe sont entourées de musiciens et elles semblent se rapprocher du style des idoles alternatives. OYSM ne fait pas partie d’une grosse agence, mais plutôt d’un petit label appelé goodnight! Records. Le groupe créé en 2014 était à l’origine composé de 5 membres, mais s’est assez vite réduit aux deux membres actuels. A vrai dire, je ne sais pas dans quelle mesure le groupe est fabriqué de toute pièce ou pas, mais ça n’a tout compte fait pas beaucoup d’importance. Comme dans beaucoup de morceaux à tendance alternative que j’écoute en ce moment, j’aime beaucoup le décalage de cette musique, les voix un peu imparfaites qui jouent avec une musique de guitares parfaitement exécutée. Il y a une imperfection qui rend ces morceaux très attachants, en plus de la personnalité décalée et légèrement transgressive des deux chanteuses. J’aurais aimé voir ce Guerilla Live à Shibuya.

気がつけば

Traversée rapide de Shibuya en fixant quelques visages qui me regardent le temps de se rendre compte de la photographie. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de mélanges d’images. Les traînées de lumière qui viennent se superposer à la foule de Shibuya ont été prises exactement au même endroit, au carrefour, mais la nuit et un autre jour, il y a plusieurs mois peut être. L’envie de parasiter mes photographies me revient toujours en tête quand j’écoute du shoegazing, où d’une manière similaire mais en musique rock alternative, le bruit des guitares vient rendre plus flou les contours de la voix humaine. Tout en évitant tous les groupes qui essaient de trop ressembler à My Bloody Valentine, j’écoute quelques très bons morceaux de shoegazing japonais, notamment le morceau PRISM (プリズム) de Seventeen Years Old And Berlin Wall (17歳とベルリンの壁) sur le mini album Reflect sorti en avril 2017 et Underwater Girl de For Tracy Hyde sur l’album he(r)art sorti en novembre 2017. En fait, je m’étais procuré cet album de For Tracy Hyde sur iTunes au moment de sa sortie après avoir écouté quelques morceaux, et il m’était resté un avis un peu mitigé. Trois morceaux au milieu de l’album, Underwater Girl, Ghost Town Polaroïds et Frozen Beach sont vraiment excellents, dans le style shoegazing, alors que le reste de l’album revient vers un style pop rock des plus classiques qui m’intéresse moins. Mais depuis novembre 2017, je reviens très souvent vers ces trois morceaux. Je me rends compte d’une chose avec la musique alternative japonaise, c’est qu’à part quelques exceptions, j’ai un peu de mal à apprécier un album en entier. Je pioche donc des morceaux par-ci par-là et quand j’aime ces morceaux, j’ai tendance à les écouter en boucle pendant plusieurs jours (une boucle de 5 ou 6 morceaux de différents artistes en général). Pour revenir à For Tracy Hyde, ce nom de groupe m’avait en fait intrigué. Après quelques recherches rapides, Le nom du groupe fait en fait référence à une actrice anglaise ayant tourné dans un film sorti en 1971 appelé Melody. Ce film eut apparemment beaucoup de succès au Japon à l’époque et j’avais même pousser ma curiosité jusqu’à regarder ce film sur YouTube à la fin de l’année dernière.

une calamité

Nous sommes ici, sur la première photographie, à proximité de la station de Ebisu, derrière les immeubles donnant sur la rue principale, la rue Komazawa passant devant la station. Derrière la barrière d’immeubles, se cache un espace urbain à l’écart: un petit jardin public où se sont regroupés quelques adolescents pour s’entrainer à la danse ou pour jouer à voix haute une scène dans l’espoir d’une célébrité future. A côté du parc, un large parking ressemble à un terrain laissé en jachère. Le vaste espace creusé derrière la barrière blanche d’immeubles, les plantes vertes sauvages qui investissent le terrain du parking, mais surtout cette lumière forte attirent mon regard photographique. Un peu plus loin, au croisement de Yarigasaki près de Daikanyama, j’aperçois une succession d’affiches publicitaires qui attirent le regard. C’est fait exprès. Il s’agit d’une publicité pour la marque de vêtements Franco-japonaise Maison Kitsune, qui s’est, à n’en pas douter, inspirée des campagnes d’affichage de la marque New Yorkaise Supreme. On en voit moins en ce moment, mais Supreme avait pris l’habitude d’aligner les affiches publicitaires identiques sur deux ou trois rangées. On voyait sur ces affiches, des personnalités américaines, de Kate Moss à Neil Young. La caractéristique des affiches Supreme est qu’elles étaient toujours un peu déchirées. J’ai d’ailleurs toujours pensé que c’était fait exprès pour représenter une certaine forme d’art urbain. Allez, Maison Kitsune, déchirez un peu vos affiches! La dernière photographie est prise à la station de Shibuya, toujours remplie elle aussi d’affiches publicitaires. Cette fois-ci, c’est l’actrice Suzu Hirose, assise en tenue de collégienne au milieu du croisement de Shibuya, qui occupe l’espace d’affichage stratégique de la station. J’avais vu cette actrice pour la première fois au cinéma dans le très beau film Notre Petite Sœur de Hirokazu Kore-Eda. Le dernier film de Kore-Eda, Manbiki Kazoku, qui a reçu la palme d’or à Cannes cette année, n’est pas encore sorti au cinéma, mais j’ai très envie de le voir. D’ailleurs un peu avant le début du festival de Cannes, j’avais regardé un autre film de Kore-Eda, Nobody Knows. Je voulais le voir depuis longtemps mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée. Je ne le découvre qu’il y a quelques semaines et c’est un sacré choc. Les jeunes acteurs sont excellents tout comme la mère jouée par YOU. On croit tellement à cette histoire d’abandon que ça nous prend au cœur. C’est tiré d’un fait divers, me semble t’il. J’ai beaucoup pensé à ce film et à cette histoire après l’avoir vu. Le fait d’être parent joue certainement beaucoup sur l’émotion qui se dégage quand on regarde ces images. Derrière l’affiche de Suzu monopolisant tout l’espace du croisement de Shibuya, l’immeuble de Kengo Kuma grandit de plus en plus. Il doit avoir atteint sa taille finale et on s’occupe maintenant des vitrages. Je suis venu exprès devant la station pour voir l’avancement des travaux et surtout pour constater de mes yeux le travail de « deconstruction » d’une des façades, que j’avais pu constater avec beaucoup de surprise sur une maquette à l’exposition de Kengo Kuma à la galerie de la gare de Tokyo, le mois dernier.

Photographies extraites de la video du morceau 災難だわ (Sainan dawa) de Megumi Wata 綿めぐみ disponible sur Youtube.

Je continue mes recherches et découvertes musicales japonaises avec Megumi Wata 綿めぐみ, sur le label indépendant Tokyo Recordings, fondé en 2015 par un certain Nariaki Obukuro 小袋成彬, dont je parlais précédent pour son album Bunriha no Natsu. En fait, de Megumi Wata, je n’ai écouté que ce morceau, sorti en Janvier 2015, intitulé 災難だわ (Sainan dawa) qu’on traduirait par C’est une calamité, qui est génial. Le rythme un peu mécanique de la voix et des mouvements de Megumi Wata sur la vidéo en noir et blanc, et le phrasé rapide qui se construit de répétition de quelques phrases sont vraiment addictifs. Les voix féminines sont souvent trop aiguës pour mon goût mais ça passe bien sur ce morceau (pas sûr pour le reste de ses morceaux par contre). Toujours est il que cette calamité-là est la bienvenue dans mes oreilles. Je l’écoute en boucle avec quelques autres morceaux dont je parlerais certainement plus tard dans un prochain billet.

Ninomiya et ailleurs

Pendant la Golden Week, qui paraît d’ailleurs déjà bien loin maintenant, nous avons passé un après-midi à Ninomiya. Cette bourgade se trouve dans le Shōnan, au bord de l’océan pacifique bien au delà de Kamakura, la station de train suivant Ōiso. Depuis la station de Ninomiya, on peut grimper une petite montagne boisée jusqu’au sommet découvert. Cette petite montagne appelée Azumayama est un parc avec quelques jeux pour enfants et notamment un long toboggan avec de nombreux virages. Ce toboggan n’est d’ailleurs pas réservé qu’aux enfants. C’était une belle journée ensoleillée et le ciel était dégagé, permettant d’apercevoir le Mont Fuji au loin. Nous avions amené des bentō pour déjeuner en regardant cette montagne divine qui nous protège, tout en souhaitant discrètement qu’elle ne se réveille pas pendant au moins les cent années qui viennent (la dernière éruption du Mont Fuji date de 1707). En tournant un peu les yeux vers la gauche, on aperçoit l’océan. Au loin, c’est Izu qui se dégage d’une brume légère. On ne se lasse pas de regarder l’océan. En marchant sur les hauteurs du parc, on le cherche à travers les arbres. Le bleu se laisse parfois découvrir. On se noie quelques instants dans ces couleurs, mais on refait rapidement surface. Zoa veut courir dans le parc, jouer au chat et à la souris. A ce jeu, le chat est beaucoup moins rapide que la souris. Il faut feinter pour inverser les rôles dans ce jeu de course-poursuite, qui remplacera ma course à pieds hebdomadaire dans les rues de Tokyo.

Ailleurs, à Minami Aoyama, en suivant discrètement un groupe de femmes en kimono. Et ailleurs à Shibuya, où se trouvait auparavant le Department Store PARCO. Les collages du manga Akira montrés précédemment ont été remplacé récemment par des nouveaux et je me suis empressé d’aller voir ce que ça donne. J’ai d’ailleurs relu les 6 tomes du manga Akira dernièrement et je me suis rendu compte que j’avais un peu oublié quelques parties de l’histoire. Mon souvenir s’est en fait calé sur le film d’animation et j’avais un peu oublié l’histoire initiale de Katsuhiro Otomo. En fait, je me suis mis en tête de relire en version électronique les manga cyberpunk que je lisais au milieu des années 90, en commençant par Appleseed de Masamune Shirow. Je continuerais très certainement avec l’incontournable Ghost in the shell, Black Magic et peut-être Orion. Mon billet intitulé Nagasaki 98 m’avait rappelé, avec nostalgie, à ces lectures d’avant mon arrivée au Japon.

Photographies extraites des videos des morceaux « Supersonic » et « Dystopia » de Utae disponible sur Youtube.

Utae est une jeune artiste électronique pop que je découvre tout juste avec son très joli morceau « Supersonic » sorti en Mai 2018 et le EP précédent appelé « Toi Toi Toi« . Comme partagé sur sa page Bandcamp, le motto de l’artiste semble être « Enjoy it. Don’t force it. Stay serene. » Il est vrai que cette musique électronique reste sereine, et la voix de Utae ne se force pas, par rapport à ce que pourrait laisser penser ce titre « Supersonic », et reste légèrement en retrait par rapport à la musique virevoltante avec des changements subtils de ton. Le morceau « Dystopia« est plus dans un esprit dream pop, la voix se fait plus floue et plus sombre contrastant avec les quelques notes sautillantes du début du morceau mais se mariant avec des nappes légères de guitares au final. Les morceaux restent empreints d’une légèreté, dans le sens que la musique et la voix n’occupent pas tout l’espace et laisse à l’auditeur une possibilité de rêve. Quand j’écoute une nouvelle musique, je me demande toujours ce qu’elle peut donner dans les rues de Tokyo pendant une promenade photographique. Je pense que ces formes musicales doivent bien s’accorder avec une approche contemplative de la ville, comme le clip de « Dystopia » en donne également l’impression. Le « Don’t force it » du motto m’interpelle également, mais au niveau de ma propre conception de la prise de photographie dans la ville. J’ai l’impression que cela correspond assez bien aux photographies que je prends, prises dans l’instant sans préparation ou sans attendre un éventuel moment décisif, juste prises dans le flot continu de la contemplation urbaine.

Éden Not

Dans le quartier de Udagawa-cho à Shibuya, un vieil immeuble est pris d’assaut par les dessins de rue. Ce n’est pas récent. Je reviens d’ailleurs assez souvent voir ce qui a changé, car ces dessins sont éphémères. D’ailleurs, l’intérieur de ce bâtiment est également très chargé en dessins en tous genres, comme ces singes menaçant en photo ci-dessus. J’hésite d’abord à entrer à l’intérieur, mais je monte finalement les escaliers pour voir jusqu’où ces graffitis me mènent. Il n’y a de toute façon pas grand chose à craindre car nous sommes dans le centre de Tokyo. Ce quartier composé de quelques rues seulement dont une longue fresque à l’arrière semble pourtant être à l’écart du reste. Autour, à des dizaines de mètres seulement, des destructions et reconstructions ont déjà pris forme. Le bulldozer urbain viendra bientôt taper à la porte de l’immenble aux graffitis qui disparaîtra sans laisser de traces. On trouve des graffitis un peu partout dans Tokyo, mais je ne connais pas d’autres endroits comme celui-là.