love u so much

Les quelques photos ci-dessus sont une continuation de la série précédente à Shibuya montrant les graphismes de rues, plus ou moins organisées ou sauvages. Nous sommes ici le long de la voie de train menant à la station Sud de Shibuya. Une partie du quartier à l’écart du centre nerveux de Shibuya à été détruit et remplacé par une nouvelle tour annexe à celle de la station.

Le titre du billet n’est pas une déclaration d’amour pour la musique punk rock du groupe des quatre filles de Otoboke Beaver, mais presque. J’avais déjà été emballé par le EP Love is short l’année dernière et notamment le morceau final coup de poing de 19 secondes intitulé いけず Mean, et je découvre un peu tard un autre morceau tout aussi ravageur appelé あなたわたし抱いたあとよめのめし Anata Watashi Daita ato Yome no Meshi. Les paroles et le titre du morceau se placent du point de vue d’une maîtresse délaissée par un homme, qui après lui avoir fait l’amour, rentre à la maison manger le repas préparé par sa femme. Cette situation n’est apparemment pas une expérience vécue par une des membres du groupe, mais le morceau condensé en 2 minutes joue comme un défouloir de cette colère. Le morceau est ultra-rapide et dense en guitares. Les voix de la chanteuse Accorinrin accompagnée du reste du groupe ne s’arrêtent pas un seul instant. La densité et l’énergie du morceau sont étonnantes et me feraient même sourire. En fait, il n’y a rien de pesant dans l’atmosphère de ce punk rock. Comme sur les autres morceaux du EP Love is short, j’éprouve même une certaine satisfaction quand les voix se transforment en cris (par exemple à la marque de 1min30 du morceau), qui n’ont d’ailleurs rien d’hystériques. L’énergie du morceau et le rythme sont si denses qu’on a l’impression que la chanteuse n’a plus le choix que de libérer ce trop plein d’énergie par les cris. En attendant le prochain morceau ou EP.

a beautiful place

On pourrait croire volontiers en l’absence de graffiti à Tokyo, mais il n’en est rien. On en trouve un peu partout à Shibuya et j’aime les prendre régulièrement en photographie. À vrai dire, à Tokyo, les graffeurs s’attaquent rarement aux murs et devantures de bâtiments récents ou bien entretenus, mais semblent plutôt s’attaquer aux surfaces des vieux immeubles, comme si c’était plus « acceptable ». De la même manière, un premier graffiti ou autocollant posé sur un mur ou un boîtier électrique rend l’ajout d’autres graffitis ou autocollants « possible » car d’autres l’ont déjà fait. Les autocollants se retrouvent donc agglutinés sur des petites surfaces bien délimitées. C’est ce que je montre sur les deux premières photographies de l’article, les autocollants se chevauchent et se superposent sur une une plaque blanchâtre de petite taille, tandis que le mur portant cette plaque reste inaltérée. Cette petite plaque blanchâtre devient même une petite œuvre d’art urbain. En regardant les quelques photographies de graffitis montrées régulièrement sur Made in Tokyo, on pourrait même avoir l’impression que Tokyo est remplie de ce genre de dessins et graphismes de rues, mais il n’en est rien non plus. Il est relativement facile par une phrase ou quelques photographies de donner une vue définitive sur Tokyo, alors que cette ville n’a rien de binaire. Cette réflexion me revient en tête en voyant les très nombreuses photos circulant ces derniers mois sur Internet nous montrant un soit disant Tokyo aux airs de Blade Runner, en ajoutant tout simplement un filtre bleuté sur les photographies. Ca semble un peu léger pour représenter l’univers de Blade Runner. D’ailleurs, en me promenant à Meguro la semaine dernière, j’ai eu beaucoup de mal à m’imaginer dans l’univers de Blade Runner. J’aurais certainement du me rendre dans certains quartiers de Shinjuku un jour de pluie. Ceci étant dit, je pense aussi contribuer à donner une vue altérée et biaisée de cette ville et c’est même souvent volontaire.

Image de couverture du premier LP de Aya Gloomy intitulé Riku no Kotō 陸の孤島. Quelques morceaux à écouter sur Soundcloud et Youtube, notamment Shizuka ni kieru 静かに消える et Tomedonaku afure とめどなくあふれ.

Encore une très belle découverte musicale, Aya Gloomy avec son premier album Riku no Kotō 陸の孤島. L’album est sorti il y’a un peu plus d’un mois en Avril 2018. Je l’écoute et réécoute très souvent ces derniers jours, tant j’adore cette musique électronique assez minimaliste, laissant beaucoup de place à la voix particulière de Aya Gloomy. J’aime beaucoup cette voix et cette façon de chanter en séparant clairement les mots, comme sur le morceau Shizuka ni Kieru 静かに消える (disparaître en silence), ou d’une manière très désinvolte et même distordante sur certains morceaux. La musique devient parfois répétitive et inquiétante comme sur le superbe 2020 / Tokyo destruction, peut être une référence au Neo Tokyo de Akira « about to explode » (comme disait l’affiche du film d’animation). Le morceau est entrecoupé de sons sourds de percussions et de sons de clochettes rappelant la musique de Geinoh Yamashirogumi, donc la référence à Akira semblerait plus que probable. Le morceau suivant Tomedonaku afueru とめどなくあふれ est tout aussi étrange et superbe. La voix se force tandis que la musique semble aller au ralenti en menaçant de stopper à tout moment. Les deux derniers morceaux Drive et I sink sont un peu différents car moins minimalistes dans le son et plus chargées et distordus. C’est encore une fois une musique décalée, alternative et très personnelle, qui me plait beaucoup et me laisse dire qu’il y a beaucoup de choses intéressantes à découvrir sur la scène musicale japonaise en dehors du mainstream.

Aya Gloomy, en fait Aya Yanase, est un personnage assez mystérieux aux cheveux d’un rouge éclatant (ou bleu dernièrement à en croire les photographies sur son Instagram). Quelques vidéos sur YouTube pour la chaîne musicale du câble Space Shower TV nous montre Aya Gloomy dans des scènettes pleines de second degré. Elle nous parle de soit disant voyages dans l’espace, joue les artistes blasées auprès d’une journaliste et d’une fan, prétend avoir gagné 10 milliards de yens avec les ventes de son premier album et utilise un synthétiseur qui distord l’espace. Il y a tout un univers autre de la musique de Aya Gloomy. S’il fallait faire un parallèle outre-pacifique, je rapprocherais cette musique à celle de Grimes, plutôt sur les premiers albums comme Halfaxa. Tiens, je vais réécouter Grimes, en attendant que Claire Boucher sorte son nouvel album tant attendu.

street holograms

Je pousse un peu plus loin le parasitage voire la destruction d’images dans les rues de Shibuya, mais cette fois-ci en utilisant la couleur. Des faisceaux de lumière viennent se superposer aux mouvements insaisissables des passants. J’appellerais ces formes fantomatiques urbaines des Street Holograms, des hologrammes urbains qui m’apparaissent sous l’inspiration de l’EP 15 de OYASUMI HOLOGRAM que j’écoute en ce moment.

Image extraite de la video du morceau ニューロマンサー (Neuromancer) de OYASUMI HOLOGRAM おやすみホログラム disponible sur Youtube et extrait de la couverture du EP 15.

En me perdant dans les méandres de YouTube et de Bandcamp, je découvre OYASUMI HOLOGRAM おやすみホログラム (parfois raccourci en OYSM) avec le morceau Neuromancer「ニューロマンサー」qui m’attire par son rythme électronique et sa basse lourde. Les images du clip vidéo nous montrent les deux protagonistes du groupe August 八月ちゃん et Kanamil カナミル en tenues d’idoles japonaises mais comme placées par erreur sur un terrain de construction ou plutôt dans le décor industriel d’une raffinerie. Ce décalage me laisse penser qu’il y a quelque chose d’intéressant à découvrir dans le monde musical alternatif de OYSM. Je découvre ensuite le EP 15 sur la page Bandcamp du groupe où l’on peut écouter une version complètement différente et même meilleure de ce morceau Neuromancer, en version rock saturée de guitares. En regardant la première photo du dessus, on n’a pas forcément l’image d’un groupe rock alternatif. On est saisi par l’énergie et l’urgence de ce morceau, que l’on retrouve sur le reste du EP. En cherchant un peu plus sur YouTube, je vois qu’elles ont investi les rues de Shibuya au mois de Mai dernier pour un Guerilla Live, improvisé dans Center Gai. On voit de temps en temps des groupes jouer près du croisement de Shibuya au niveau des escaliers descendant à la galerie marchande d’un autre âge, mais je n’avais jamais vu un groupe se déplacer dans les rues du centre, micros en mains reliés à des enceintes portées par un petit groupe de fans. En fait, les deux chanteuses du groupe sont entourées de musiciens et elles semblent se rapprocher du style des idoles alternatives. OYSM ne fait pas partie d’une grosse agence, mais plutôt d’un petit label appelé goodnight! Records. Le groupe créé en 2014 était à l’origine composé de 5 membres, mais s’est assez vite réduit aux deux membres actuels. A vrai dire, je ne sais pas dans quelle mesure le groupe est fabriqué de toute pièce ou pas, mais ça n’a tout compte fait pas beaucoup d’importance. Comme dans beaucoup de morceaux à tendance alternative que j’écoute en ce moment, j’aime beaucoup le décalage de cette musique, les voix un peu imparfaites qui jouent avec une musique de guitares parfaitement exécutée. Il y a une imperfection qui rend ces morceaux très attachants, en plus de la personnalité décalée et légèrement transgressive des deux chanteuses. J’aurais aimé voir ce Guerilla Live à Shibuya.

気がつけば

Traversée rapide de Shibuya en fixant quelques visages qui me regardent le temps de se rendre compte de la photographie. Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait de mélanges d’images. Les traînées de lumière qui viennent se superposer à la foule de Shibuya ont été prises exactement au même endroit, au carrefour, mais la nuit et un autre jour, il y a plusieurs mois peut être. L’envie de parasiter mes photographies me revient toujours en tête quand j’écoute du shoegazing, où d’une manière similaire mais en musique rock alternative, le bruit des guitares vient rendre plus flou les contours de la voix humaine. Tout en évitant tous les groupes qui essaient de trop ressembler à My Bloody Valentine, j’écoute quelques très bons morceaux de shoegazing japonais, notamment le morceau PRISM (プリズム) de Seventeen Years Old And Berlin Wall (17歳とベルリンの壁) sur le mini album Reflect sorti en avril 2017 et Underwater Girl de For Tracy Hyde sur l’album he(r)art sorti en novembre 2017. En fait, je m’étais procuré cet album de For Tracy Hyde sur iTunes au moment de sa sortie après avoir écouté quelques morceaux, et il m’était resté un avis un peu mitigé. Trois morceaux au milieu de l’album, Underwater Girl, Ghost Town Polaroïds et Frozen Beach sont vraiment excellents, dans le style shoegazing, alors que le reste de l’album revient vers un style pop rock des plus classiques qui m’intéresse moins. Mais depuis novembre 2017, je reviens très souvent vers ces trois morceaux. Je me rends compte d’une chose avec la musique alternative japonaise, c’est qu’à part quelques exceptions, j’ai un peu de mal à apprécier un album en entier. Je pioche donc des morceaux par-ci par-là et quand j’aime ces morceaux, j’ai tendance à les écouter en boucle pendant plusieurs jours (une boucle de 5 ou 6 morceaux de différents artistes en général). Pour revenir à For Tracy Hyde, ce nom de groupe m’avait en fait intrigué. Après quelques recherches rapides, Le nom du groupe fait en fait référence à une actrice anglaise ayant tourné dans un film sorti en 1971 appelé Melody. Ce film eut apparemment beaucoup de succès au Japon à l’époque et j’avais même pousser ma curiosité jusqu’à regarder ce film sur YouTube à la fin de l’année dernière.

une calamité

Nous sommes ici, sur la première photographie, à proximité de la station de Ebisu, derrière les immeubles donnant sur la rue principale, la rue Komazawa passant devant la station. Derrière la barrière d’immeubles, se cache un espace urbain à l’écart: un petit jardin public où se sont regroupés quelques adolescents pour s’entrainer à la danse ou pour jouer à voix haute une scène dans l’espoir d’une célébrité future. A côté du parc, un large parking ressemble à un terrain laissé en jachère. Le vaste espace creusé derrière la barrière blanche d’immeubles, les plantes vertes sauvages qui investissent le terrain du parking, mais surtout cette lumière forte attirent mon regard photographique. Un peu plus loin, au croisement de Yarigasaki près de Daikanyama, j’aperçois une succession d’affiches publicitaires qui attirent le regard. C’est fait exprès. Il s’agit d’une publicité pour la marque de vêtements Franco-japonaise Maison Kitsune, qui s’est, à n’en pas douter, inspirée des campagnes d’affichage de la marque New Yorkaise Supreme. On en voit moins en ce moment, mais Supreme avait pris l’habitude d’aligner les affiches publicitaires identiques sur deux ou trois rangées. On voyait sur ces affiches, des personnalités américaines, de Kate Moss à Neil Young. La caractéristique des affiches Supreme est qu’elles étaient toujours un peu déchirées. J’ai d’ailleurs toujours pensé que c’était fait exprès pour représenter une certaine forme d’art urbain. Allez, Maison Kitsune, déchirez un peu vos affiches! La dernière photographie est prise à la station de Shibuya, toujours remplie elle aussi d’affiches publicitaires. Cette fois-ci, c’est l’actrice Suzu Hirose, assise en tenue de collégienne au milieu du croisement de Shibuya, qui occupe l’espace d’affichage stratégique de la station. J’avais vu cette actrice pour la première fois au cinéma dans le très beau film Notre Petite Sœur de Hirokazu Kore-Eda. Le dernier film de Kore-Eda, Manbiki Kazoku, qui a reçu la palme d’or à Cannes cette année, n’est pas encore sorti au cinéma, mais j’ai très envie de le voir. D’ailleurs un peu avant le début du festival de Cannes, j’avais regardé un autre film de Kore-Eda, Nobody Knows. Je voulais le voir depuis longtemps mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée. Je ne le découvre qu’il y a quelques semaines et c’est un sacré choc. Les jeunes acteurs sont excellents tout comme la mère jouée par YOU. On croit tellement à cette histoire d’abandon que ça nous prend au cœur. C’est tiré d’un fait divers, me semble t’il. J’ai beaucoup pensé à ce film et à cette histoire après l’avoir vu. Le fait d’être parent joue certainement beaucoup sur l’émotion qui se dégage quand on regarde ces images. Derrière l’affiche de Suzu monopolisant tout l’espace du croisement de Shibuya, l’immeuble de Kengo Kuma grandit de plus en plus. Il doit avoir atteint sa taille finale et on s’occupe maintenant des vitrages. Je suis venu exprès devant la station pour voir l’avancement des travaux et surtout pour constater de mes yeux le travail de « deconstruction » d’une des façades, que j’avais pu constater avec beaucoup de surprise sur une maquette à l’exposition de Kengo Kuma à la galerie de la gare de Tokyo, le mois dernier.

Photographies extraites de la video du morceau 災難だわ (Sainan dawa) de Megumi Wata 綿めぐみ disponible sur Youtube.

Je continue mes recherches et découvertes musicales japonaises avec Megumi Wata 綿めぐみ, sur le label indépendant Tokyo Recordings, fondé en 2015 par un certain Nariaki Obukuro 小袋成彬, dont je parlais précédent pour son album Bunriha no Natsu. En fait, de Megumi Wata, je n’ai écouté que ce morceau, sorti en Janvier 2015, intitulé 災難だわ (Sainan dawa) qu’on traduirait par C’est une calamité, qui est génial. Le rythme un peu mécanique de la voix et des mouvements de Megumi Wata sur la vidéo en noir et blanc, et le phrasé rapide qui se construit de répétition de quelques phrases sont vraiment addictifs. Les voix féminines sont souvent trop aiguës pour mon goût mais ça passe bien sur ce morceau (pas sûr pour le reste de ses morceaux par contre). Toujours est il que cette calamité-là est la bienvenue dans mes oreilles. Je l’écoute en boucle avec quelques autres morceaux dont je parlerais certainement plus tard dans un prochain billet.