La longue série de photographies avec cerisiers en fleurs touche bientôt à sa fin, même si on continue à les apercevoir par-ci par-là. Certains cerisiers en fleurs ont jusqu’à maintenant résisté aux intempéries de cette dernière semaine. Les photographies nous amènent aujourd’hui à Shinagawa Intercity. Au centre de cet ensemble de bureaux plutôt centrés sur les métiers de la technologie, se trouve un parc agrémenté de quelques arbres, dont des cerisiers. Il y a aussi des structures à mi-chemin entre des pièces d’architecture et des sculptures artistiques. Un de ces espaces se place un peu en hauteur et prend la forme d’une terrasse extérieure avec deux murs couverts de miroirs. Je prends une photographie depuis cette terrasse. La vue résultante est intéressante car elle brouille les pistes entre vue directe et vue reflétée. Une fois sur cette terrasse, l’oeil a un peu de mal à identifier la différence.
Nous allons ensuite au Prince Hotel Takanawa. Mari avait vu à la télévision que les jardins de l’hôtel étaient particulièrement jolis en cette période. L’hôtel est gigantesque et ancien, malgré les rénovations intérieures qui lui donnent une nouvelle jeunesse. Je ne soupçonnais pas la présence de cet hôtel car il est un peu à l’écart, en haut d’une pente pleine de courbes devant la station de Shinagawa. J’étais loin de me douter que l’on trouverait un espace aussi agréable dans les jardins de cet hôtel. Bien que ces jardins soient dans un quartier dense de Tokyo, ils donnent l’impression d’une relative quiétude. On se sent, pendant quelques instants, comme coupé du reste de la ville, comme si on avait traversé une porte de teleportation qui nous amènerait dans des lieux paisibles. Au rez-de-chaussée de l’hôtel, un restaurant, ou un lounge peut être, donne une vue directe sur le jardin et ses cerisiers. Dans un coin du jardin, au pied d’une grande tour dépendant de l’hôtel, des espaces particuliers avec kotatsu ont été mis en place pour le déjeuner sous les cerisiers. Ce n’est pas la partie la plus remarquable des jardins, mais ça doit être extrêmement agréable de manger là, même si c’est sous les yeux envieux de tous. Nous traversons ensuite les jardins pour faire un tour vers le Prince Hotel New Takanawa. C’est une partie un peu plus récente de l’hôtel bien qu’aux allures démodées, comme en témoignent ces balcons de formes rondes répétés à l’infini sur la surface blanche de l’hôtel. Je ne soupçonnais pas que ce bâtiment abritait un hôtel aussi élégant. Je me souviens qu’il y a peut être vingt ans de cela, je venais m’asseoir dans le lounge, déjà d’un autre temps à l’époque, avec mon pote Seb pour y discuter de choses et d’autres pendant des heures en buvant du café, parce qu’il y avait un service à volonté pour mille yens et quelques. L’endroit qui avait autrefois un charme un peu désuet a bien changé. J’aime bien ces endroits qui ont perdu de leur splendeur et qui sont devenu un peu désuets avec les années. Une partie de la ville d’Atami, au bord de mer près de la presqu’île d’Izu, a ce charme là.
Nous bougeons ensuite vers Gotenyama, car il y a un parc à côté de l’hôtel Marriot avec quelques cerisiers. Le festival Sakura Matsuri est déjà terminé mais une lampe japonaise avec l’inscription Reiwa reste en place. C’est le nom de la nouvelle ère qui démarrera le 1er mai de cette année. Il ne reste plus que quelques jours à l’ère Heisei. Ce n’est pas vraiment triste ni joyeux. J’ai en fait un peu de mal à y imaginer une coupure nette, un changement. L’impression de redémarrage est beaucoup plus marquée au début de chaque année. Avec tout le vacarme médiatique qui commence déjà à accompagner ce changement d’ère, voyons comment ces premières impressions se développent. En sortant du parc de Gotenyama, on tombe sur une rue également bordée de cerisiers. Près du musée Hara, je revois une nouvelle fois une maison en construction dont les façades sont conçue de manière artisanale. Le design en vagues est composé de pierres de formes toutes différentes. J’imagine qu’elles sont toutes taillées à la mains et posées petit à petit, ce qui explique la lente progression des travaux.
Je reviens vers la musique électronique de Sapphire Slows avec le EP The role of Purity qui est très beau surtout le premier morceau de plus de 11 minutes tout en nappes mouvantes. C’est un morceau ambient lent qui se laisse imprégner petit à petit à l’intérieur du cerveau. Le morceau me rappelle, je crois, les premiers morceaux de Autechre au niveau de la partie rythmique. J’aime l’ambiance de mystère qui règne dans ce monde musical et la mouvance lumineuse comme une aurore boréale. Le troisième morceau Mallets & Marbles se compose de battements clairs et de petits scintillements musicaux posés sur une musique de fond imprévisible, comme un animal aquatique évoluant dans des eaux profondes. Le reste du EP est plus rythmé et tout aussi excellent. L’ambiance y est très belle.