隠れてる人間の姿

Pendant que Zoa assiste à son cours de robotique avancée, je marche dans Shinagawa le long de la voie ferrée, quelque part entre les stations de Shinagawa et de Tamachi. Près de plusieurs immeubles de bureaux, un parc est installé en hauteur à un niveau qui correspondrait au deuxième étage d’un immeuble. Il est tout près d’une tour qui crache des fumées de vapeurs malodorantes. Au dessous de ces énormes bouches d’aération, un petit écriteau très discret nous rappelle qu’il est interdit de fumer à cet endroit. En entrant dans le parc, on pourrait facilement se laisser surprendre par un être verdâtre caché dans les buissons. Il s’agit peut être d’un satyre. Cette statue est en tout cas un peu inquiétante car on aperçoit seulement une partie de son visage lorsqu’on entre dans le parc. Un peu plus loin, on approche d’une vaste usine de traitement de l’eau que le parc chevauche en hauteur. Les tuyaux de toutes tailles et couleurs se déploient dans tous les sens comme sur mes dessins de formes futuristes organiques. En sortant du parc, on peut traverser les multiples lignes de la voie ferrée à un endroit bien précis dans un tunnel très bas de plafond. Les taxis peuvent y passer de justesse, mais avec mes 1m73 je ne peux pas le traverser sans baisser la tête tout du long. Ce tunnel est une des nombreuses curiosités urbaines de Tokyo. En revenant sur mes pas, je constate que la nouvelle gare construite spécialement pour les Jeux Olympiques de 2020 sur la ligne Yamanote entre Shinagawa et Tamachi est déjà bien avancée. Elle est vraiment située au milieu de nulle part. Tout reste à construire autour, mais je ne doute pas que l’espace va être très vite rempli. Tokyo a horreur du vide.

Les images de tuyauteries à Shinagawa me rappellent la photo de raffinerie qui apparaît au loin sur la pochette du premier album de YAPOOS ヤプーズ, intitulé YAPOOS Keikaku ヤプーズ計画, sorti en décembre 1987. Comme Sheena Ringo 椎名林檎 le fera 15 ans plus tard avec son groupe Tokyo Jihen, Jun Togawa 戸川純 s’est entouré d’un groupe appelé YAPOOS après ses premières années et albums en solo. YAPOOS était d’abord le groupe de musiciens qui l’accompagnaient en concerts, pour ensuite devenir la formation principale de Jun Togawa avec plusieurs albums à son actif. Sur l’album YAPOOS Keikaku, comme sur tous les albums de Jun Togawa, on ne sait jamais trop à quoi s’attendre avant de démarrer l’écoute du premier morceau. Le premier morceau Barbara Sexeroid バーバラ・セクサロイ a un côté bubble pop avec des faux airs de musique de film d’espionnage, comme le fait également penser la vidéo en parodie de film de James Bond. Togawa roule même les « r » dans ce morceau, ce qui n’est pas sans me rappeler la manière de chanter de Sheena Ringo. Je me dis d’ailleurs que Jun Togawa a du être une source d’influence et d’inspiration pour Sheena Ringo. J’irais même jusqu’à y voir un certain mimétisme, mais ce n’est pas un reproche car les univers de Sheena Ringo et de Tokyo Jihen ont également leurs propres particularités. YAPOOS Keikaku contient deux morceaux complètement hystériques intitulés Nikuya no you ni 肉屋のように et Collector コレクター. Ce sont les morceaux les plus marquants de l’album et encore une fois, la manière de chanter de Togawa est impressionnante de tension. Ce sont des morceaux mélangeant une certaine dose d’érotisme grotesque (ero-guro) avec un sentiment de bipolarité, ne serait-ce qu’en constatant le contraste qui s’opère entre la tension hystérique de Nikuya no you ni 肉屋のように et le morceau qui le suit juste après Daddy the Heaven ダディ・ザ・ヘヴン. Comme sur les autres albums que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant, les styles des morceaux se mélangent sur cet album et peuvent être très différents. Quelques morceaux beaucoup plus pop eighties, comme le cinquième morceau Love Clone ラブ・クローン viennent s’insérer entre des morceaux plus tendus. Il faut plusieurs écoutes je pense pour apprécier l’ensemble mais on ne peut pas ignorer la jubilation pratiquement immédiate à écouter cette voix et cette façon de chanter si particulière. Encore une fois, c’est une musique non conventionnelle qui nous est proposée là et il faut savoir garder les oreilles grandes ouvertes pour profiter de tout son intérêt. J’aime aussi beaucoup le morceau Lolita Number 108 ロリータ108号 où Togawa prend un peu une voix d’idole, comme elle peut le faire régulièrement. En fait, j’aime la musique faite de néons sur ce morceau. Il y a une ambiance cybernétique omniprésente comme thème de cet album, comme le premier morceau faisant référence à des robots replicants, le cinquième morceau Love Clone avec des histoires de clonages et la Lolita 108 en cyborg construite de toute pièce. Ce thème semble être récurent dans l’imagerie entourant Jun Togawa car elle apparaissait déjà avec un bras cybernétique sur les photos accompagnant le EP Radar Man レーダーマン.

your eyes are flashing like traffic lights

Je joue une fois encore avec le décor urbain tokyoïte en mélangeant et en superposant les images pour brouiller les pistes. Nous sommes bien à Tokyo sur toutes ces photographies mais à des endroits très différents et éloignés. De photographies prises à Shinagawa et à Haneda, nous allons ensuite sur les deux dernières photographies vers la banlieue de Tokyo près des montagnes, dans le restaurant japonais Toutouan de la petite ville de Akirunoshi あきる野市. Ça doit être la quatrième ou cinquième fois que nous y allons pour, à chaque fois, des réunions de famille après être passé au cimetière. Toutouan 燈燈庵 est un havre de paix. La vieille bâtisse du restaurant est entourée d’un jardin avec allées sinueuses et forêts de bambou. On y mange très bien, la cuisine y est très raffinée. A l’entrée du restaurant se trouve une petite boutique d’objets en porcelaine et en verre. On trouve également dans cette boutique quelques magazines ou livrets nous parlant du restaurant. Un classeur au format A4 posé sur la grande table en bois de la boutique m’intrigue un peu. En jetant un œil à l’intérieur, on découvre des photographies du restaurant à différentes saisons ainsi que des photographies des employés et cuisiniers à l’œuvre. Elles sont l’œuvre de Lionel Dersot. Il y a de cela plusieurs années, je suivais régulièrement son blog, attaché au journal en ligne lemonde.fr, qu’il appelait Journal de résidence. On le suivait dans ses déambulations dans Tokyo, mais il nous parlait surtout de cette ville d’une manière piquante, ce qui n’était pas très fréquent dans la blogosphère française au Japon. Il n’écrit plus sur ce blog depuis quelques temps. La plupart des blogs sur Tokyo ou sur le Japon que je lisais régulièrement il y a dix ou quinze ans sont malheureusement devenus inactifs ou ont tout simplement disparu. Les photographies à Shinagawa sont prises dans un restaurant de type izakaya dans un des buildings de la gare JR, au niveau des quais du Shinkansen. Nous sommes éclairés par une lune de papier japonais et avons une vue sur des rayons de bouteilles de saké, ce qui me laisse penser que la majorité de l’activité de ce restaurant doit être le soir lorsque les employés de bureaux des tours voisines d’Intercity terminent leurs longues journées de labeur. La photographie de la toiture courbe de l’aéroport joue comme un trait d’union entre ces deux mondes tokyoïtes. Toutes les photographies de ce billet, en plus du parasitage par superposition d’images des feux de la ville, sont légèrement teintées d’une couleur rose pour faire le lien avec la musique qui va suivre.

La chanteuse J-POP Kyary Pamyu Pamyu きゃりーぱみゅぱみゅ (de son vrai nom Kiriko Takemura 竹村 桐子), fer de lance du mouvement kawaii de Harajuku, n’est plus à présenter tant sa renommée dépasse depuis plusieurs années les frontières du Japon. On ne peut pas dire que je sois un fervent amateur ni que je suive sa carrière et ses disques avec attention, mais j’ai toujours gardé une oreille même distraite sur les créations pop électronique de Kyary, épaulée depuis ses débuts par le compositeur et producteur Yasutaka Nakata 中田 ヤスタカ, également aux manettes d’autres formations J-POP populaires comme Perfume. Autant je ne trouve pas beaucoup d’intérêt pour la musique sans profondeur de Perfume, autant certains morceaux de Kyary m’ont plu de manière ponctuelle au fur et à mesure des années. Je reconnais également une personnalité et une authenticité dans sa manière d’être, correspondant à sa musique. D’abord découverte dans les rues de Harajuku, elle n’était pas une pure création marketing. A ses débuts, il y avait quelque chose de novateur dans ce style, quelque chose d’un peu décalé, même dans la surdose générale de kawaii de cette musique. On remarquait parfois ce décalage dans sa façon de chanter ou dans l’imagerie utilisée. Malheureusement, ce décalage n’est pas constant et de nombreux morceaux sont je trouve assez peu intéressants. Son style ne s’est pas vraiment renouvelé d’où une certaine perte de popularité ces dernières années. Je pense que la machine marketing a poussé un peu trop loin les recettes des premiers morceaux à succès. Nous l’avions aperçu dans les rues de Omotesando pour un défilé d’halloween. C’était en 2012, la période de son pic artistique de l’époque de Fashion Monster ファッションモンスター.

Kyary vient de sortir son nouvel album Japamyu じゃぱみゅ le 26 septembre et je suis agréablement surpris. Attention, en prélude à ce qui va suivre, la musique de cet album est dans la continuité du style ultra-pop avec voix aiguë et style kawaii de l’ensemble de son œuvre. C’est un style aux antipodes de la musique rock indépendante ou électronique que j’écoute d’habitude. Cet album Japamyu est d’ailleurs le premier album de Kyary que j’écoute en entier, donc je ne peux pas vraiment comparer avec ses autres albums. Japamyu commence avec un court morceau intitulé Virtual Pamyu Pamyu バーチャルぱみゅぱみゅ pratiquement instrumental ressemblant à la musique d’un jeu vidéo de style shoot them up et prend ensuite des sonorités un peu plus pop. A vrai dire, ce premier morceau me surprend, mais c’est moins le cas des suivants qui me donnent l’impression de déjà les connaître et qui sont beaucoup plus classiques du style electro-pop sucré qu’on lui connaît. En fait, ce sont des singles déjà sortis auparavant, il y a longtemps même pour Harajuku Iyahoi 原宿いやほい, que j’avais d’ailleurs acheté sur iTunes à l’époque de sa sortie. J’aime beaucoup ce morceau, notamment pour certains passages où elle semble chanter un peu faux dans les couplets. C’est ce style un peu « off », en décalage, qui m’attire dans certains morceaux de Kyary. Il y a un certain nombre de morceaux japonisants également sur cet album, assez concis dans l’ensemble d’ailleurs, ce qui est une bonne chose. Certains sons électroniques me rappellent un peu ce que pouvait faire Suiyoubi no Campanella sur certains de leurs albums. Il y a un côté très ludique dans les enchaînements électroniques et la voix de Kyary sur un morceau comme Oto no Kuni 音ノ国. Un des morceaux de l’album que je préfère est le morceau intitulé Enka Natorium 演歌ナトリウム pour ses couplets parlés-rappés et son refrain aux accents de musique traditionnelle mais modifié électroniquement. Je me suis dit en écoutant ce morceau qu’elle devrait explorer un peu plus cette piste musicale, différente de ce qu’elle fait d’habitude. Ce morceau et celui d’avant Chami Chami Chamin ちゃみ ちゃみ ちゃーみん m’ont convaincu que cet album valait le coup d’entrer dans cet univers musical. Ce sont les deux meilleurs morceaux de l’album, à mon avis. Même si je ne me sens pas vraiment à ma place dans cet univers musical, je ne peux m’empêcher de vouloir y retourner.

avant la fin de l’année (1)

Quelques dernières photographies pour terminer l’année en une petite série de deux épisodes, ici autour de Shinagawa et de Waseda. Cette année 2017 a été relativement plus productive que les années précédentes en terme de billets publiés sur ce blog. J’ai publié environ 90 billets cette année, alors qu’en 2016, j’en étais plutôt à 35 billets publiés (et 44 en 2015, 55 en 2014, 61 en 2013). Les textes ont également pris une place plus importante cette année dans les billets, notamment dû au fait que je les écris d’abord sur un carnet avant de les retranscrire sur le blog. Je ne suis pas certain de continuer ce rythme ou cette façon de faire, mais on verra bien. J’ai fini par comprendre que je n’arriverais pas à mettre fin à ce blog, mais je vais peut être essayer de le regarder d’un peu plus loin pour essayer de réfléchir un peu mieux à ce qu’il pourrait devenir en 2018. L’air de rien, le contenu s’est transformé petit à petit selon les envies au fur et à mesure des années, que cela soit l’introduction des compositions graphiques il y a quelques années (les mégastructures, l’urbano-végétal…), les compositions musicales plus récemment ou les formes dessinées. Et les textes plus étoffés cette année. Je crois toujours que tout cet ensemble peut devenir une unité.