the edge between days were dyed blood orange

Dans les rues de Dogenzaka à Shibuya, j’ai été surpris de voir cette affiche pour un show dédié à Jean-Paul Gauthier intitulé Fashion Freak Show, se déroulant au Tokyu Theater Orb au 11ème étage du building Hikarie en face de la station de Shibuya. En fait, plus que cette affiche seule ou le show en lui-même, c’est la manière dont cette image vient s’insérer dans l’organisation minutieuse des petits pots de végétaux de cette devanture de maison qui m’intéresse. La deuxième photo nous fait longer le grand magasin Tokyu situé près de Bunkamura. Il a fermé ses portes récemment pour une raison qui m’est inconnue. Peut-être était-il situé trop loin de la station de Shibuya. On passe ensuite dans le quartier d’Udagawachō pour vérifier si les fresques murales du magasin de disques de hip-hop ont changé. Réponse positive car il s’agit bien d’un nouveau grand graph mais l’auteur doit être un habitué de ce mur car il me semble reconnaître ce petit personnage masqué caché dans une poubelle sur la droite. La quatrième photographie a été prise à Ura-Harajuku. Il s’agit également d’un lieu que je parcours régulièrement car on y change souvent les affiches qui se répètent à l’arrière d’un large building. Mais c’est la vieille Datsun, un modèle Bluebird 510 peut-être, qui m’intéressait le plus pour cette photographie. Le jeune propriétaire avec certainement un de ses amis étaient debout à proximité. Je me suis donc fait discret pour prendre cette photo. Je l’aurais sinon un peu mieux cadrée. Ma promenade en vélo m’amène ensuite sur la route 20, anciennement Kōshū Kaidō (甲州街道), à la recherche des toilettes publiques conçues par l’architecte Sou Fujimoto (藤本壮介). Le bloc blanc tout en rondeurs de ces toilettes se trouve à Nishisando dans le quartier de Yoyogi à proximité de l’hôtel Park Hyatt de Shinjuku. Je me demande combien de temps ces toilettes publiques vont conserver cette blancheur. L’emplacement des robinets pour se laver les mains sur le plan extérieur et sans éviers est intéressant, tout comme l’implantation d’un arbuste sur ce même plan. J’en profite d’être à vélo pour filer un peu plus loin en direction d’Hatagaya. Je m’enfonce dans les zones résidentielles en slalomant entre les blocs de maisons et en essayant de le perdre volontairement. Un petit sanctuaire calme et un parc, celui de Minamidai Ichō (南台いちょう公園), attirent mon attention au passage. Mais je ne fais que passer, à la recherche d’éventuelles architectures remarquables, que je ne trouverais finalement pas. Je ne viens pas souvent dans ces quartiers derrière les tours de Nishi-Shinjuku et entre la longue route 20 et les quartiers plus loin de Nakano. L’immensité de cette ville me rappelle toujours que je n’en ai parcouru qu’une petite partie en vingt années. Et comme cette ville s’étend sans cesse, il devient même impossible de l’explorer dans son entièreté.

La chaîne YouTube Angura dédiée à la présentation en vidéo de groupes rock indépendants japonais me fait faire une fois de plus une très belle découverte. Hammer Shark Head (ハンマーヘッドシャーク) est un groupe formé en 2018 et originaire de la ville d’Inage (稲毛) dans préfecture de Chiba (千葉). Il se compose actuellement de quatre membres: Hiyu Nagai (ながいひゆ) à la guitare et au chant, Haruhiko Fukuma (福間晴彦) à la batterie, Eita Fujimoto (藤本栄太) en deuxième guitare et Asahi Goto (後藤旭) à la basse. Nagai et Fukuma se connaissaient déjà depuis le lycée mais le groupe s’est formé plus tard à l’Université. Hammer Shark Head se dit être influencé par le groupe Kinoko Teikoku (きのこ帝国) et le rock alternatif des années 2000, ce qui est de bonne augure. J’ai découvert récemment leur EP Slow Scape sorti en 2020 et leur single Blurred Summer sorti l’année dernière, en 2022. Ce son rock alternatif riche en guitares et la voix d’Hiyu Nagai pleine de force et d’émotion me plaisent vraiment beaucoup. Sur des morceaux plus mélancoliques comme Blurred Summer ou Landscape, je ressens une certaine proximité avec le son du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) que j’aime aussi beaucoup. Je suis vraiment surpris par la voix d’Hiyu et par la capacité du groupe a créer des compositions immédiatement accrocheuses. Le refrain du premier morceau Echo du EP Slow Scape nous donne tout de suite envie de le chanter. « Kill me, Kill me, Love you Baby, Kill me, Kill me, Love you Baby, Save me, Save me» s’écrit elle sur ce morceau. Dans l’interview présent sur la vidéo de l’épisode d’Angura, Fukuma nous dit qu’il ressent la musique que joue le groupe comme une descente dans des eaux profondes. On ressent cette impression dans le superbe morceau Landscape (声). La voix d’Hiyu tout en complainte saisit tout l’espace et la quasi totalité du spectre musical pendant quelques instants, relayée ensuite par le flot des guitares empreint d’une brillance certaine, comme la surface de l’océan vu de l’intérieur reflétant la lumière. Hiyu nous dit aussi qu’elle souhaite créer un espace où l’auditeur peut s’échapper et se sentir bien, loin de tout. En dégustant par exemple une glace au beau milieu de la nuit, achetée au seul konbini resté allumé dans cette nuit noir, avant de reprendre la route à moto. C’est à peu près un extrait des paroles du morceau Headlight (点滅ヘッドライト) qui est celui que je préfère pour l’instant. J’ai assez hâte de voir ce jeune groupe évoluer.

once upon the street (3)

Ce troisième épisode en noir et blanc vient terminer cette petite série avant de revenir vers la couleur. Ces dernières semaines ont été particulièrement fatigantes pour une fin d’année et j’ai eu un peu de mal à trouver le temps d’écrire pendant les jours de semaine. Ça me manque car prendre le temps d’écrire, c’est s’extraire de tout ce qui m’entoure pendant quelques dizaines de minutes. Pour la série de photographies ci-dessus, je m’étais décidé à marcher jusqu’à Takadanobaba, au delà de Shinjuku. Un des objectifs que je m’étais donné était de trouver un immeuble dont la façade semble s’ouvrir comme un rideau. Ce bâtiment que je montre sur la première photographie se nomme Light house par Yamamura Sanz Lavina Architects (YSLA). Marcher ensuite de Takadanobaba jusqu’à Shinjuku me fait passer par le quartier coréen de Shin-Okubo, que je montre très brièvement sur l’avant dernière photo du billet. Les magasins vendant des photos et autres objets à l’effigie des stars de la K-pop sont nombreux, mais j’étais plutôt là pour acheter le déjeuner à emporter. J’imaginais très bien qu’il y aurait foule mais ça restait circulable même s’il fallait prendre son temps à l’approche de la station. Ce petit détour ne m’a pas particulièrement donné envie d’écouter de la K-pop. Je fais le curieux de temps en temps en écoutant par exemple un ou deux morceaux des deux groupes japano-coréens qui passeront à l’émission de NHK Kōhaku cette année, mais ça ne m’intéresse pas beaucoup. Je n’ai pour l’instant que deux morceaux de K-Pop sur mon iPod et j’aime beaucoup les réécouter de temps en temps: 내가 제일 잘 나가 et CAN’T NOBODY de 2NE1. A Shinjuku, les vitrines de la boutique Louis Vuitton du grand magasin Takashimaya montrent des photos en grand format de HoYeon Jung (정호연), modèle et actrice qui jouait le rôle de Kang Sae-byeok (강새벽) dans la série à succès Squid Game sur NetFlix. Beaucoup regretteront de ne plus la voir dans la deuxième saison de la série en préparation, car son personnage n’a pas survécu à la première saison, mais on peut souhaiter qu’elle apparaisse en flashback. Dans le même style d’histoire que Squid Game, je suis très curieux de voir la deuxième saison de la série japonaise Alice in Borderland qui commencera le 22 Décembre 2022 sur NetFlix, et de retrouver les personnages principaux interprétés par Kento Yamazaki (山﨑賢人) dans le rôle de Ryōhei Alice et Tao Tsuchiya (土屋太鳳) dans le rôle de Yuzuha Usagi. La deuxième photographie du billet a été prise à Sangenjaya. La moto de style café racer à gauche avec son drapeau anglais m’avait attiré le regard. La photo suivante montre un détail du petit bâtiment sur la rue Miyuki à Omotesando pour la marque Miu Miu. Cette boutique conçue par les architectes Herzog & De Meuron ressemble à une boîte prête à se refermer. La quatrième photo n’a rien de remarquable en apparence mais elle a la particularité de montrer une toute nouvelle rue à Shinjuku reliant la longue avenue Meiji au parc Shinjuku Gyoen. Je n’ai pas compté le nombre d’années nécessaires pour construire cette route, mais c’était un travail de très longue haleine. Je n’ai plus le souvenir de voir cette zone de Shinjuku sans travaux.

C’est un plaisir de revenir vers l’univers musical d’Etsuko Yakushimaru. Je n’avais pas réalisé qu’elle avait sorti un EP intitulé Existence of Us (僕の存在証明) le 26 Avril 2022 sous une formation appelée Yakushimaru Etsuko Metro Orchestra (やくしまるえつこメトロオーケストラ). Le EP se compose de deux morceaux, celui intitulé Existence of Us et un autre morceau intitulé Our ground zeroes, accompagnés des versions instrumentales. Le premier est plutôt pop avec les qualités mélodiques, symphoniques et un brin fantaisistes que j’aime beaucoup chez Etsuko Yakushimaru. Our ground zeroes est plus éthéré et rêveur. Ces deux morceaux assez différents se complémentent très bien pour créer deux mouvements d’un même ensemble. J’aime beaucoup son approche mélangeant une certaine légèreté dans son chant avec une composition musicale très maîtrisée et sophistiquée. Du coup, l’envie m’a pris de réécouter son EP AfterSchoolDi(e)stra(u)ction (放課後ディストラクション), l’album Radio Onsen Eutopia (2013) et l’excellent album Hi-Fi Anatomia (2009) de son groupe Sōtaisei Riron (相対性理論). Beaucoup de musique imaginative particulièrement réjouissante qu’il serait dommage de ne pas connaître.

des images et des voix ancestrales

Je ne suis pas allé à la galerie d’art de Tokyo Opera City à Shinjuku depuis de très nombreuses années. Je ne sais pour quelle raison exacte j’avais envie d’y retourner mais j’attendais une exposition qui m’intéresserait et c’était celle de Rinko Kawauchi (川内倫子). Je connais les photographies de Rinko Kawauchi depuis plusieurs années, au moins depuis 2006, car je parlais rapidement de cette photographe dans un billet de Décembre cette année là. La première fois que nous sommes allés dans cette galerie était pour une exposition sur Jean Nouvel en Janvier 2004, qui a d’ailleurs peut-être déclenché mon intérêt progressif pour l’architecture. Avoir ces notes mémoires inscrites sur le blog est bien pratique. Pourvu que ça dure.

L’exposition s’intitule “M/E On this sphere Endlessly interlinking”, sachant que le M/E correspond à la fois au mot “Mother Earth” et “Me”. Elle se déroule du 8 Octobre au 18 Décembre 2022. C’est la première exposition en solo de Rinko Kawauchi depuis six ans. Il s’agit en fait de sa plus grande exposition dans un musée japonais. Cette exposition couvre dix années sur six séries photographiques, dont celle intitulée M/E commencée en 2019 et dont les photographies ont été prises à Hokkaido. Cette série occupe la partie centrale de la galerie dans un grand espace conçu par l’architecte Hideyuki Nakayama. Il crée au centre de cette pièce un passage ressemblant à une tente couverte de tissus légers quasiment transparents. Cette délicatesse correspond très bien aux photographies de Rinko Kawauchi, car ses photographies mélangent force et fragilité. J’ai toujours en tête, en pensant à ses photos, les rayons de lumière se diffusant dans le cadre jusqu’à brouiller notre vision. Dans ces séries, Rinko Kawauchi explore les relations entre l’humain et la terre. On retrouve également des photographies un peu plus anciennes comme celles de la série Ametsuchi capturant la tradition ancienne de brûler de manière contrôlée les terres à Aso dans la préfecture de Kumamoto. L’exposition inclut également quelques installations vidéo, dont une assez impressionnante et immersive avec deux projections sur des pans entiers de murs. Je m’imaginerais bien écouter à cet endroit la musique de la chanteuse originaire d’Hokkaido actuellement basée à Londres, Hatis Noit.

Je ne sais quel superlatif utilisé pour évoquer l’album Aura de Hatis Hoit (ハチスノイト), sorti en peu plus tôt cette année en Juin 2022. Il s’agit de son premier album mais j’ai déjà évoqué ici Hatis Noit car elle chantait sur le fabuleux album Il y a (イリヤ) de Mutyumu (夢中夢). Cet album Aura est très différent car il est purement basé sur sa voix. Il n’y a aucun instrument utilisé sur cet album mais la profondeur y est pourtant immense. Seul un morceau intitulé Inori (pour prière) utilise des prises de sons de l’océan dans la préfecture de Fukushima. La voix d’Hatis Noit est multiple et fait penser à des chants ancestraux, parfois inspirés par les voix bulgares jouant sur une certaine dissonance. Elle y mélange aussi sa voix tout en vibrato d’opéra qu’on lui connaissait déjà sur Mutyumu. Elle avait déjà une voix superbe sur l’album Il y a (イリヤ) mais c’est incomparable de profondeur sur ce nouvel album solo. Hatis Noit est originaire de Shiretoko à Hokkaido et on ressent sur cet album un lien fort avec la nature, sans forcément pouvoir le toucher vraiment du doigt. Son nom signifie, en langage Ainu peut-être, la tige de la fleur de lotus, faisant le lien entre la fleur représentant le monde des vivants et les racines du monde invisible des esprits. On trouve un côté mystique du monde de l’au-delà sur ces morceaux comme des incantations ou des chants religieux. Et ces morceaux sont étonnamment très mélodiques et on s’y accroche assez facilement dès la première écoute. Tous les morceaux sont fantastiques, mais le cinquième intitulé Jomon me donne à chaque fois des frissons dans le dos. En écoutant cette voix, on a soudainement besoin de grands espaces, et ça conditionne même mes trajets à pieds car j’ai envie d’écouter cette musique dans des espaces ouverts, plutôt que dans des petites rues étroites, à défaut de pouvoir l’écouter dans les fastes plaines ou les forêts montagneuses d’Hokkaido. Et je m’imagine tout d’un coup les pieds dans les herbes mi-hautes entouré d’un brouillard légèrement humide à écouter cette voix sortant de nul part. Alors oui, comme superlatifs, on peut dire que c’est superbe et fabuleux car la force de cette voix ne peut pas laisser indifférent. On peut trouver l’album sur Bandcamp où je l’ai acheté et une émission de France Musique, La chronique d’Aliette de Laleu, présente brièvement cet album.

hey, must be a devil between us

Lorsque je n’ai pas d’idée particulière sur un endroit où aller, je marche de Shibuya à Shinjuku le long de la longue avenue Meiji. Je me perds volontairement en chemin en bifurquant soudainement vers d’autres rues plus étroites lorsque l’envie se fait sentir. Shinjuku est un centre qui m’attire, sans que je sache vraiment pourquoi. En chemin, j’y trouve à chaque fois des choses qui viennent intéresser mon regard: un sac qui interpelle les passants et me donne l’idée du titre du billet tiré de paroles d’un morceau des Pixies, des plantes qui envahissent tranquillement un building de béton, un motocycliste qui attend qu’on le regarde et qu’on le prenne en photo, ce que je fais bien sûr car je suis bon public (il me semble d’ailleurs avoir déjà vu cette moto il y a quelques mois à Yoyogi), une figure de manga posée sur le mur d’une galerie, un avion survolant la ville après 3h de l’après-midi et disparaissant rapidement derrière les nuages du typhon qui approche, un recoin près de la gare de Yoyogi voulant ressembler au métro new-yorkais. Je me demande si je regarde mieux depuis que je prends des photographies. Est ce que tous ces détails urbains passeraient inaperçus à mon regard si je n’étais pas continuellement à l’affut? Une chose est sûr, je ne m’ennuis jamais lorsque je parcours ces rues, même la longue avenue Meiji entre Shibuya et Shinjuku que je connais pourtant très bien.

La newsletter musicale de Patrick Saint-Michel me fait découvrir la compositrice et interprète Miyuna (みゆな) dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à maintenant. Et c’est une bien belle découverte! Son premier album intitulé Guidance (ガイダンス), sorti le 24 Août 2022, occupe beaucoup mon temps musical ces dernières semaines. En fait, dans la courte présentation de l’album sur sa newsletter, Patrick mentionnait l’influence qu’avait Sheena Ringo sur des jeunes artistes comme Ado et notait que cette influence se ressentait également sur cet album de Miyuna. Il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour jeter une oreille attentive à la musique de Miyuna. A vrai dire, je ne trouve pas de ressemblance directe entre Miyuna et Sheena Ringo, car leurs voix sont différentes, mais j’y ressens une aspiration similaire dans les nuances vocales et dans la densité et la complexité de la partition musicale. Certaines sonorités de voix et quelques accords par-ci par-là me rappellent bien Sheena Ringo, mais ça reste à mon avis plutôt discret. Miyuna a un atout de taille, celui de sa voix qui lui permet de faire varier rapidement les émotions qu’elle transmet, un peu comme Sheena Ringo pourrait le faire. Le premier morceau de l’album, Maisou (埋葬), en est un très bon exemple. J’ai découvert Miyuna par ce morceau, à la vidéo pour le moins particulière (il ne faut pas se laisser distraire par le zombie qui perd sans cesse son œil). Ce morceau alterne les ambiances rock et d’autres plus pop, que je qualifierais de post-vocaloid. Il n’y a pas de ressemblance avec la musique de Yoasobi mais la petite trame musicale pop traversant le morceau me fait penser à cette ambiance là. La composition musicale est très dynamique et changeante, et on s’accroche aux variations et à la passion transmise par sa voix. Maisou compte parmi les meilleurs morceaux que j’ai pu entendre pour l’instant cette année. Et ce morceau se conjugue bien avec le suivant, Giyōshi (凝視). Miyuna n’hésite pas à déstructurer ses morceaux, entrecoupés ici par des phrases parlées, et à mélanger les influences. Bien qu’un peu court, Giyōshi compte aussi dans les meilleurs morceaux de l’album. Sans passer en revue la totalité des titres de l’album, je dirais que même les morceaux apparemment plus classiques, ont ce petit quelque chose dans la composition qui nous donne envie d’y revenir. Le quatrième morceau Chōdai (頂戴) prend une ambiance electro pop très différente du reste de l’album. Miyuna utilise l’autotune pour sa voix sur ce morceau, ce que certains lui reprochent car sa voix n’en a pas besoin, mais cela reste assez léger. A vrai dire, je n’ai pas d’avis à priori négatif sur l’autotune s’il reste mesuré et je trouve que c’est à chaque fois une critique facile qu’on peut faire à un artiste dès qu’il ou elle utilise cet effet. Un morceau comme le neuvième intitulé Kyōai (狂愛) me fait un peu penser à des compositions que Sheena Ringo pourrait écrire, mais j’ai du mal à m’en convaincre complètement. Ce type de morceaux, tout comme le suivant Kanku (甘苦), m’a convaincu de sa capacité à créer des ambiances qui lui sont personnelles même si elles sont basées sur des elements musicaux qu’on a déjà pu entendre ailleurs. Elle arrive superbement à lier ces ambiances disparates pour créer un objet musical accrocheur. Et Miyuna n’a que 20 ans! Ses premiers morceaux sont sortis en 2018 alors qu’elle n’avait que 16 ans. Elle a l’avenir devant elle et je suis certain qu’elle fera parler d’elle. Espérons qu’elle conserve cette tension rock particulière et qu’elle n’adoucisse pas trop sa musique. Elle le fait déjà sur certains des morceaux de son album, mais ces morceaux là dans le style ballade apportent des moments d’apaisement à l’ensemble. La playlist de Guidance m’a tout de suite sauté aux yeux car tous les titres ont la même longueur, composées de deux kanji seulement. Ce petit détail est à mon avis très ringo-esque. Il faut noter également que Miyuna est originaire du Kyushu, comme son aînée, mais elle est par contre née à Miyazaki.

a ray of sun, a better tomorrow

Je suis venu tout spécialement en cette fin de journée devant le Tokyo Metropolitan Gymnasium (conçu par Fumihiko Maki) pour regarder comment il réagissait à la lumière du soir, de quelle manière il venait la réfléchir. Cela me donne l’occasion de marcher autour du stade olympique et autour d’un autre stade dans lequel se déroule un match de baseball. En poussant un peu ma marche, j’arrive dans le centre de Shinjuku près du Yasuyo Building de Nobumichi Akashi, que je mentionnais dans un billet récent. J’avais utilisé ce building aux formes agressives noires comme image d’en-tête de Made in Tokyo pendant 6 ans, de 2010 à 2016, pour les évolutions Version-5 et Version-6 de ce blog. Pour la Version-6, j’avais même complètement enlevé le titre du blog pour ne laisser que cette image comme élément distinctif. Le titre de ce billet est en partie emprunté à celui du film de Hong Kong A Better Tomorrow (男たちの挽歌 en japonais) de John Woo avec Chow Yun-Fat et Leslie Cheung sorti en 1986. Le film A Better Tomorrow était à l’affiche d’un petit cinéma du centre de Shinjuku. J’ai eu une période cinéma de Hong Kong, il y a très longtemps avant de venir au Japon. Elle avait démarré avec la violence des films de John Woo pour continuer ensuite avec le romantisme décalé des films de Wong Kar-Wai pour lesquels j’ai eu une grande passion (et un poster de Fallen Angels que j’avais amené jusqu’au Japon). Outre Chungking Express et Fallen Angels de Wong Kar-Wai, je garde précieusement quelques autres films dans ma cinémathèque idéale, comme Made in Hong Kong du réalisateur Fruit Chan (qui m’a inspiré le nom de ce blog) et Millenium Mambo du taïwanais Hou Hsiao-hsien. L’envie de regarder ces films me revient régulièrement, presque comme une nécessité. Fut aussi une époque un peu plus lointaine où je regardais sur Canal+ les films du réalisateur chinois Zhang Yimou (Épouses et concubines, Vivre!), ceux de la première partie des années 1990 avec l’actrice Gong Li.

Musicalement parlant, j’écoute en ce moment, en alternance avec le reste, la musique du groupe Ray sur leur dernier album intitulé Green, sorti officiellement le 25 Mai 2022. On pouvait en fait l’écouter en intégralité sur YouTube sur la chaîne du groupe depuis la fin Avril, un mois avant la sortie officielle de l’album. Ce principe avait déjà été employé sur l’album précédent de Ray intitulé Pink, dont j’avais également parlé sur ce blog. Le concept de Ray est de mélanger une musique rock à inspiration shoegazing avec des voix d’idole, celles des quatre filles du groupe. Le contraste est intéressant et plutôt bien accepté par les amateurs de shoegazing. Même s’il ne fonctionne pas toujours parfaitement sur tous les morceaux, à mon avis, je trouve le concept plus abouti sur cet album. Le premier morceau Gyakkō (逆光) est un bon exemple du style musical du groupe, mais le meilleur morceau de l’album est d’assez loin le troisième intitulé Gravity, car il pousse fort le son des guitare shoegaze. Ce morceau est en quelque sorte l’équivalent du morceau Meteor de l’album Pink, qui reste tout de même pour moi le meilleur morceau du groupe (j’aime d’ailleurs aussi beaucoup la vidéo du morceau). Gravity est le seul morceau produit par un musicien étranger, à savoir Daniel Knowles du groupe shoegaze anglais AMUSEMENT PARKS ON FIRE. Meteor sur Pink était également le seul morceau produit par un musicien non-japonais (Elliott Frazier du groupe shoegaze américain Ringo Deathstarr). Comme sur Pink, plusieurs compositeurs réputés prennent en charge la partition musicale qui est toujours impeccable. On retrouve certains noms déjà évoqués ici pour leurs groupes respectifs ou d’autres projets, comme Azusa Suga (管梓) de For Tracy Hyde et AprilBlue, Tomoya Matsuura de monocism, Yusei Tsuruta de 17 years old and Berlin Wall (17歳とベルリンの壁) ou encore Kei Toriki. Parmi les noms de compositeurs, on trouve également Yūsuke Hata (ハタユウスケ) du groupe Cruyff in the bedroom, connu de la scène shoegaze japonaise, et quelques autres. Parmi les bons morceaux de ce nouvel album, on retrouve également les morceaux Koharuhi (コハルヒ), et 17 qui est déjà sorti depuis plusieurs mois. L’album Green s’aventure parfois vers des ambiances plus electro-pop d’inspiration 80s sur des morceaux comme Moon Palace (ムーンパレス) ou TEST. Le début de Moon Palace me fait d’ailleurs pensé au générique de la série Stranger Things sur Netflix que je suis justement en train de regarder en ce moment (la quatrième saison), comme tout le monde. Et comme tout le monde également, je me suis mis à écouter le morceau Running Up That Hill de Kate Bush, qui intervient dans une scène importante d’un épisode de cette quatrième saison.