une série comme les autres (2)

Après avoir visité le quartier de Tsukuda que j’évoquais dans un billet précédent, je continue à marcher en direction de Ginza. Je voulais d’abord revoir l’oeuf de Toyo Ito, nommé Egg of Winds, posé quelque part entre les immeubles de Tsukishima. J’étais déjà passé le voir il y a quinze ans et je voulais vérifier qu’il était toujours là. Marcher vers Ginza me fait d’abord passer par Tsukiji, mais je n’ai pas fait de détour vers l’ancien marché aux poissons. J’aurais pu appelé ce billet “de Toyo Ito à Toyo Ito”, car le bâtiment rosâtre pour la marque de bijoux Mikimoto est également une création architecturale de cet architecte. Sur la devanture du magasin, on reconnaît l’acteur et chanteur Suda Masaki (菅田将暉) même s’il se cache avec ses mains. On le voit souvent dans les dramas mais je connais moins sa musique à part le morceau Sayonara Elegy (さよならエレジー) qui est depuis un petit moment dans ma playlist lorsqu’on part loin en voiture. Je me pose parfois la question de savoir si je pourrais reconnaître des personnalités connues, des musiciens et artistes, au hasard des rues. Mari me dit régulièrement qu’elle a aperçu untel ou unetelle dans les rues de Tokyo, comme par exemple Takuya Kimura à Naka Meguro (il habite par là-bas). C’est plus rare pour moi, mais j’ai eu la surprise d’apercevoir Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella marchant accompagnée dans les sous-sols pourtant très empruntés de la station de Shibuya. Même avec un masque, elle est facilement reconnaissable par sa coupe de cheveux. Je ne pouvais pas me tromper. J’étais sur le moment étonné qu’elle marche normalement à Shibuya sans essayer de trop se cacher, mais en même temps, elle n’est pas encore aussi connue que KOM_I.

Je l’ai déjà mentionné auparavant, la musique rock de Tricot est depuis plusieurs semaines ma baseline musicale, c’est à dire que j’écoute les albums et EPs de Tricot la plupart du temps, tout en alternant de temps en temps avec autre chose, comme le hip-hop mentionné dans le billet précédent. Je montre en photo ci-dessus ma collection de CDs du groupe. J’ai maintenant tous les albums et les principaux EPs mais il en reste quelques autres à trouver. Les CDs de Tricot sont moins faciles à trouver que ceux de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen, ce qui m’a amené à commander en ligne sur le site de Disk Union certains CDs pour aller ensuite les chercher au magasin de Shibuya. On peut se faire livrer chez soi, mais je préfère l’occasion qui m’est donnée d’aller faire un tour dans un magasin de disques. Tous les albums sont excellents et mélangent brillamment des morceaux très puissants en guitares et d’autres plus pop. Il y a toujours ce côté inattendu dans la voix d’Ikkyu et dans les guitares, qui fait que les morceaux sont à la fois accrocheurs et intéressants, je dirais même stimulants, à écouter. Les compositions musicales et vocales ont à chaque fois un petit quelque chose d’inhabituel, et c’est ce point particulier que j’aime tant dans la musique du groupe. C’est aussi intéressant de voir que Tricot ne baisse pas sa garde avec les années, car le dernier album Jōdeki (上出来) possède quelques morceaux où les guitares sont très présentes, comme par exemple le morceau Inai (いない). Ceci me fait dire que le groupe n’a pas d’intention nette de basculer dans de la pop plus mainstream. Il y a tout de même un certain nombre de morceaux aux accents volontairement pop, mais toujours avec une certaine dose d’imprévu. Le morceau Kayoko (カヨコ) sur Jōdeki en est un bon exemple. Ça doit être le morceau que je préfère du groupe, car on ressent une sorte d’immédiateté et de liberté qui me plaisent beaucoup. Musicalement, ce que fait Tricot est superbe et sophistiqué. On a le sentiment que c’est du rock sur lequel on doit se creuser les méninges, pour suivre les accords de la guitariste Kida qui partent dans différentes directions. C’est le côté math rock de Tricot. Mais en même temps, la voix et les paroles d’Ikkyu accompagnées des chœurs de Kida et Hiromi ont quelque chose de très spontané. L’esprit général ne diffère pas sur les trois albums que j’écoute plus récemment, à savoir 3 (le troisième album du groupe) puis 10 (le cinquième album sorti lors des dix années de carrière du groupe) et le dernier Jōdeki (avec en photo de couverture le chien d’Ikkyu répondant au nom de Wicket,). Parmi les six albums du groupe, j’aurais beaucoup de mal à dire lequel je préfère. Le son des premiers albums est certes plus brut et l’album A N D reste le plus agressif de tous. Les albums qui suivent dont les trois ci-dessus et Makkuro (真っ黒) que je mentionnais précédemment arrivent à mélanger brillamment des ambiances plus calmes, d’autres plus pop avec la complexité du son des guitares et des percussions. Tricot est devenu en peu de temps le groupe de rock japonais que je préfère juste derrière Tokyo Jihen. Le rapprochement est d’ailleurs intéressant, car la vidéo du morceau Itazura (悪戯) de l’album 10 de Tricot a été tournée au même endroit que la vidéo Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩, ou To Nirvana dans son titre anglais), dans un replica de pavillon de banlieue américaine se trouvant dans la ville de Futtsu à Chiba. Tokyo Jihen a en fait copié Tricot car le morceau Itazura est sorti avant Hotoke Dake Toho. Dans cette même vidéo, Ikkyu porte une petite couronne sur la tête qui me rappelle celle que portait Sheena Ringo à ses débuts sur la tournée Senkō Ecstasy (閃光エクスタシー), qui elle-même me rappelle Courtney Love en photo sur l’album Live Through This de Hole. Et quand on sait que Tokyo Jihen portait le modèle de lunettes de Kurt Cobain dans la vidéo de Hotoke Dake Toho, je ne peux m’empêcher de voir là une convergence d’influences. Ça me plaît forcément beaucoup de trouver des relations entre le rock alternatif américain que j’écoutais dans les années 90 et le rock japonais que j’écoute maintenant.

Lorsque je suis allé voir Tricot dans la salle de concert Toyosu Pit pour la finale de leur tournée Walking x Walking, le groupe annonçait que leur tournée européenne serait reportée et que, pour patienter, trois concerts seraient organisés dans des petites salles de Tokyo à des heures européennes pour une retransmission internet. J’ai regardé en direct le concert du dimanche 10 Avril qui passait à 4h du matin heure de Tokyo (ce qui doit faire 21h en France). Le principe était intéressant. Le public était très limité car le concert se passait dans une toute petite salle appelée Flowers Loft à Shimokitazawa. Chaque spectateur devenait streaming staff et avait pour mission de filmer le concert au smartphone en live sur Instagram. Les adresses Instagram des comptes de chaque spectateur étaient inscrites sur une page spécifique sur le site web de Tricot. On pouvait donc sélectionner le compte Instagram qu’on souhaitait suivre parmi ceux disponibles. On final, j’ai regardé ce concert depuis chez moi avec mon iPhone, mon iPad et mon iPod en simultané pour avoir différents points de vue. Les membres du groupe se filmaient également par moment, notamment Ikkyu sur le final. Cette manière de faire non-professionnelle était très intéressante et l’accès était donc gratuit. Cette mini-tournée de trois concerts s’appelle STOPxSTEP tour 2022 et chacun des concerts a un concept différent. Le premier épisode s’appelait Himitsu. Chaque membre du groupe était habillé en noir, comme à la période de l’album Makkuro et le public devait resté silencieux. Le concert que j’ai regardé en streaming s’intitulait Bakurestu (爆裂), ce qu’on peut traduire par Explosion. Le concert se concentrait donc sur les morceaux rock les plus riches en guitares, comme Tokyo Vampire Hotel sur l’album 3, Noradrenaline sur A N D, Inai sur Jōdeki, Itazura sur 10 ou encore Pool sur le premier album THE. Pendant un des moments où Ikkyu s’adressait au public, elle faisait d’ailleurs remarquer que ce concert aurait dû plutôt s’appeler Pool, car la vidéo de ce morceau montrait justement des personnes filmant le groupe au smartphone comme lors du concert. Comme le concert était principalement destiné au public étranger hors Japon, Ikkyu et Kida ont parlé un peu en anglais mais le niveau d’Ikkyu est plus que moyen (Montifour Kida avait l’air de mieux maîtriser). Le morceau Dogs and Ducks sur le dernier album Jōdeki est d’ailleurs une référence à son pénible apprentissage de l’anglais car elle avait apparemment du mal à faire la distinction entre les mots Dogs et Ducks. Le concert Bakurestu comportait en tout 18 morceaux (incluant 3 en rappel) pour un total de plus d’une heure sur scène. La playlist était très variée reprenant des morceaux de tous les albums. Le son retransmi à travers les smartphones était d’assez bonne qualité, ce qui m’a d’abord surpris, mais les spectateurs étaient vraiment au plus près de la scène. Sinon. Le concert était impeccable et il n’y avait rien à redire. Ikkyu fourmille d’idées originales, ce qui fait aussi que ce groupe est intéressant à suivre. Tricot et Ikkyu sont aussi très présents sur YouTube, pour des vidéos parfois humoristiques comme cette interview en partie fausse d’Ikkyu où elle nous énonce des phrases comme 自分は自分であって自分ではない (je suis moi-même sans être moi-même) en parlant d’elle-même. Je ne sais pas vraiment comment traduire correctement cette phrase à vrai dire, mais elle nous dit qu’elle se répète cette phrase deux cents fois tous les matins et soirs, et qu’après une période de folie, cette phrase finit par prendre sens. Bref, tout ceci est plein de non-sens mais sa manière convaincante d’évoquer cela est très amusant. D’autres vidéos nous font part de ces voyages au Japon, comme par exemple à Aomori sous la neige. L’accompagner dans des paysages enneigés a quelque chose de très plaisant et apaisant. Pour revenir au concert Bakuretsu, j’ai saisi plusieurs copies d’écrans ci-dessus. Les esprits éveillés auront tout de suite remarqué le t-shirt du batteur Yosuke Yoshida, tirée de l’album Washing Machine de Sonic Youth. Et ceci le ramène sur les liens entre le rock américain des années 90 et le rock japonais actuel. J’ai également évoqué que la partie expérimentale bruitiste du morceau Himitsu de l’album Makkuro me rappelait Sonic Youth. Ce genre de liens me satisfait forcément beaucoup.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux interprétés par Tricot pendant ce concert STOPxSTEP tour 2002 Day 2 Bakuretsu:

1. Bakuretsu Panie San (爆裂パニエさん) du EP Bakuretsu Tricot San (爆裂トリコさん)
2. Tokyo Vampire Hotel de l’album 3
3. Super Summer (スーパーサマー) de l’album Jōdeki (上出来)
4. Noradrenaline de l’album A N D
5. 18, 19 de l’album 3
6. E de l’album A N D
7. Itsumo (いつも) de l’album Jōdeki (上出来)
8. End roll (エンドロールに間に合うように), nouveau single
9. Inai (いない) de l’album Jōdeki (上出来)
10. Tobe (飛べ) de l’album THE
11. Itazura (悪戯) de l’album 10
12. Afureru (あふれる) de l’album Makkuro (真っ黒)
13. Setsuyakuka (節約家) du EP KABUKU
14. Niwa (庭) de l’album A N D
15. 99.974℃ de l’album THE
16. Pool Side de l’album THE
17. Pool de l’album THE
18. Matsuri du EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙)

être l’histoire de soi-même

L’actrice Suzu Hirose (広瀬すず) nous montre le nouvel appareil photo instantané Instax Mini Evo sur une grande affiche posée sur une des baies vitrées des bureaux de Fujifilm. L’objet au look classique rétro permet de prendre et d’imprimer des photos similaires aux Polaroïd mais sur un format un peu plus petit appelé Checki (チェキ). Le Checki fait une taille de 8.5×5.4cm par rapport au Polaroïd de 10.8×8.8cm. Ce genre d’objet est très tentant mais je me raisonne rapidement en me disant que j’en aurais que très peu d’utilité. Ce genre d’appareil est plutôt destiné aux portraits, ce qui n’est pas vraiment mon domaine de prédilection. Je me vois déjà, fidèle à moi-même, essayer de prendre des photos de rues et de buildings avec cet appareil. Le SIA Aoyama building sur la deuxième photographie garde intacte sa couleur blanche initiale comme s’il venait juste d’être construit alors pourquoi pas le défigurer avec des fils et poteau électriques. En photographies, j’hésite souvent entre deux formes de beauté urbaine, celle aux formes lisses et aux couleurs inaltérées et celle qui se développe à l’arrière des buildings, dans les interstices qui sont censés n’être vus de personne. Lorsqu’un building est abattu et laisse place à un terrain vague ou à un parking, la complexité des tubes et tuyauteries apparaît au grand jour. Les trois photographies suivantes recherchent plutôt des couleurs, le rouge marquant la nuit d’une enseigne Vivienne Westwood à Aoyama, l’étrange couleur violette d’une porte de temple près de Nishi-Azabu et les couleurs des formes géométriques dessinées sur le mur d’un parking de la banlieue de Shinjuku. Cette dernière photo me rappelle la manière dont je décorais virtuellement les bâtiments il y a plusieurs années de cela, en leurs apportant de nouvelles textures qui changeaient complètement leur apparence. Je me rends compte en écrivant ces lignes que j’évoque souvent mon histoire passée dans les rues de Tokyo, tout autant presque que mon histoire présente. La densité de l’histoire présente paraît toujours moins importante que celle du passé. Ce blog est censé être celui de l’histoire de moi-même, mais je m’interdis de dire et de montrer beaucoup de choses personnelles, au point où je me demande s’il s’agit vraiment de mon histoire. J’y pense souvent, mais cette histoire se transformera peut-être un jour en fiction, ce qui m’apporterait peut-être une nouvelle liberté.

De haut en bas: Images extraites des concerts sur la chaîne YouTube Ginza Sony Park de D.A.N. le 19 Mars 2022 et de Tamanaramen (玉名ラメン) le 26 Février 2022.

Le Samedi 19 Mars 2022 à partir de 21h, on pouvait voir en live sur YouTube un mini concert de D.A.N. sur la chaîne de Ginza Sony Park. Je m’en suis rendu compte trop tard pour le voir en live, mais la chaîne YouTube maintient heureusement ce concert dans ses archives. Le concert se passe sans public dans les sous-sols de l’ancien immeuble Sony dans le centre de Ginza. Je ne suis pas encore complètement revenu de leur dernier album NO MOON, et je réécoute assez souvent certains morceaux comme le morceau titre ou The encounters. Ce dernier n’était, sans surprise, pas interprété pendant ce live car il fait intervenir des voix extérieures, celles d’un rapper appelé Takumi et de Tamanaramen (玉名ラメン). Tamanaramen s’est d’ailleurs récemment produit sur cette même scène du Ginza Sony Park, il y a peu de temps, le 26 Février 2022. Ce concert là était plutôt expérimental à mi-chemin entre installation artistique et véritable concert. Hana et Hikam Watanabe se faisaient constamment face, et les trois murs de l’espace de la scène étaient recouverts d’images vidéos abstraites. Tamanaramen avait tout de même interprété leurs deux derniers morceaux, Glowing Arcade et The light behind my eyelids. L’approche de mise en scène de D.A.N. au Ginza Sony Park était en comparaison plus classique, jouant sur la pénombre. Derrière leurs machines pleines de câbles, le groupe interpréta plusieurs morceaux de leur dernier album comme le morceau titre de l’album, NO MOON, et Anthem. Ce dernier morceau fait intervenir des sonorités de steel pan joué sur cet album par Utena Kobayashi, mais elle n’était malheureusement pas présente sur scène avec les trois membres de D.A.N. Ce petit concert d’une trentaine de minutes m’a fait réécouter une nouvelle fois l’album du groupe.

une multitude de points lumineux

Cette fin d’année est arrivée tellement vite que j’ai du mal à réaliser que nous sommes déjà le matin de Noël. On n’a même pas eu le temps d’aller voir et photographier les feuilles colorées d’automne, ni aller faire le tour des décorations de rues pour les fêtes, ni même commencer à préparer les cartes de nouvel an. Les petites vacances de fin d’année commencent maintenant et même si j’ai l’intention de rattraper mon retard sur les photographies que je n’ai pas encore montré, les textes que je n’ai pas encore écrit et les billets que je n’ai pas encore publié, je sais pertinemment que le courage va me manquer.

Nous sommes quand même allé voir quelques décorations pour les fêtes, notamment celles sur l’avenue Omotesando sur les deux dernières photographies, décor qui a d’ailleurs servi pour mes compositions photographiques d’un billet précédent intitulé light waves. On voit également des décorations de fin d’année sur les autres photographies, quoique je suis moins sûr pour la troisième photo. Les deux premières photographies sont prises à Shinjuku, devant l’affiche du grand magasin Lumine que j’aime souvent prendre en photo avec la foule en premier plan (et cette fille dans un joli kimono prenant des airs festifs) et devant des décorations aux formes et couleurs de Tokyo Jihen sur le Department Store Flags, où se trouve le Tower Records, près de la gare de Shinjuku. Les autres photographies sont prises dans l’arrondissement de Shibuya à des moments divers. J’aime surtout le bonsaï occupé par le père Noël et ses amis. Ce qui me donne l’occasion de souhaiter de joyeuses fêtes de fin d’année aux visiteurs de Made in Tokyo.

銀ぶら

La foule des jours normaux est de retour dans les rues de Ginza fermées en partie pour les voitures le dimanche. Je me mélange à cette foule en zigzaguant entre des buildings que je connais bien sans pour autant être un grand spécialiste de Ginza. Je cherche en fait des buildings que je ne connais pas, mais le temps qui m’est imparti est trop court pour explorer des rues que je connais moins. Je reste donc dans le centre en entrant à l’intérieur du grand magasin Ginza6 conçu par l’architecte Yoshio Taniguchi. On doit le design intérieur du complexe au français Gwenael Nicolas. L’intérieur est riche et raffiné, agrémenté d’oeuvres d’art comme ce cerf blanc debout sur des nuages réalisé par le sculpteur Kōhei Nawa. On trouve une librairie Tsutaya dans les derniers étages du grand magasin. j’aime y passer lorsque je suis à Ginza car elle comprend également une petite galerie ouverte montrant des créations artistiques pop. Les livres vendus dans cette librairie ne sont pas forcément différents de ce qu’on peut trouver au Tsutaya de Daikanyama, mais les sélections mises en avant couvrent souvent des sujets artistiques. Je marche également en direction de la station de Shimbashi afin de revoir la petite tour Shizuoka Press and Broadcasting Center in Tokyo construite en 1967. Elle est apparemment en cours de rénovation, recouverte d’un filet grillagé. En passant, j’aperçois diverses choses comme cette carte de visite d’un club de Ginza peut être volontairement oubliée sur le trottoir pour ne pas laisser de traces.

De la même manière qu’en Juin cette année à la sortie de leur dernier album Music et dans des proportions similaires, Tokyo Jihen fait quelques sorties dans les médias ces derniers jours, que ça soit à la télévision, à la radio, dans des magazines musicaux ou sur YouTube. Je fais de mon mieux pour suivre tout cela. Je n’avais au départ pas l’intention d’acheter le double All Time Best Album Sōgō (総合) couplé au Blu-ray Prime Time contenant toutes les vidéos du groupe, mais j’ai changé d’avis après avoir écouté une des émissions radio. Il s’avère que les anciens morceaux de Tokyo Jihen ont reçu une révision, un nouveau mix par l’ingénieur du son en chef Uni. Écouter quelques anciens morceaux à la radio sous ce nouveau mix m’a donné envie d’acheter le Best Album. Les morceaux ne sont bien entendu pas fondamentalement différents mais les techniques de mixages actuelles semblent avoir permis de mettre certains sons en valeur. Il ne m’en fallait pas beaucoup plus pour réserver cette compilation sur le site d’Universal Store. On y trouvera également les deux nouveaux morceaux Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩) et Genzai to Fukuin (原罪と福), dont je parlais auparavant et que l’on connaît désormais. Il sort donc le 22 Décembre et ça sera mon cadeau de Noël. J’opte donc pour la version du Best Album Sōgō qui contient également le Blu-ray de toutes les vidéos de Tokyo Jihen et une mystérieuse cassette audio avec des remixes, mais je ne suis pas allé jusqu’à commander la version contenant le lecteur analogique de cassettes audio.

Le numéro de Janvier 2022 du magazine musical Rockin’on Japan met Tokyo Jihen en couverture et inclut une série de photos du groupe en tenues hivernales prêts pour le ski ou pour le réveillon au chaud les pieds sous le kotatsu. On voit plutôt le groupe extrêmement sérieux sur scène ou lors des émissions télévisées, et ça me plait bien de les voir s’amuser en photo sur ce magazine. Ça faisait apparemment neuf ans et neuf mois que Tokyo Jihen n’avait pas fait la couverture de Rockin’on. C’était le numéro d’Avril 2012 intitulé Adieu Tokyo Jihen (さらば、東京事変) couvrant la dernière tournée Domestic Bon Voyage de 2012 avant la séparation du groupe. J’écoute aussi en différé sur Radiko les quelques émissions radio où Sheena Ringo est invitée, accompagnée parfois par Toshiki Hata comme sur Tokio Hot 100 sur J-Wave. Sheena ne cache pas le fait que l’idée de cette compilation est d’abord celle de la maison de disques Universal qui a également sélectionné les morceaux présents. C’est amusant de l’entendre dire qu’elle se plaignait à la maison de disques sur la sélection qu’ils ont fait privilégiant les singles plutôt que les morceaux fétiches des fans. On voit donc qu’elle a influencé la sélection finale car des morceaux comme UruUruUruu (うるうるうるう) se trouve dans la playlist finale du best album. Elle commente également dans les émissions que réécouter les morceaux remixés les a tous fait rire, ce qui surprenait à chaque l’interviewer radio. Le rire des membres portent sur le fait que certains sons semblent plus audibles qu’initialement prévu, ce qui réveilla des anciennes discussions des membres du groupe lors de la construction des morceaux. On croît comprendre que certains morceaux se sont construits dans le douleur car chacun était pointilleux sur le son qu’il voulait transmettre. Ceci ne m’étonne pas beaucoup mais je ne pense pas avoir une cette confirmation auparavant. Enfin, ce genre de discussions semblent être typiques de musiciens perfectionnistes. Un commentaire rigolo de Sheena sur le nouveau morceau Hotoke Dake Toho est que Kameda s’est rendu compte bien après avoir commencé à jouer le morceau lors des répétitions que ce titre était un palindrome. La manière de Sheena d’expliquer qu’elle est parfois incomprise était assez amusant.

Tokyo Jihen est déjà passé dans deux émissions télévisées dont Music Station le 3 Décembre pour jouer le nouveau morceau Hotoke Dake Toho. Les tenues du groupe en kimono avant la représentation étaient assez hallucinantes mais c’est vraiment dommage qu’ils n’aient pas gardé ces tenues sur scène pour jouer le nouveau morceau. Ils sont revenus sur la scène de Music Station habillés de manière plus « classique ». On sait que ce morceau composé par Sheena Ringo est assez difficile à interpréter et je trouve qu’Ukigumo n’était pas au meilleur de sa forme, côté voix. J’ai même l’impression que ça a fait sourire Izawa juste à côté. Sheena rattrapait le coup tant bien que mal, mais je n’ai pas trouvé cette interprétation mémorable. Les prestations sur l’émission FNS du 8 Décembre des morceaux Himitsu (秘密) et Genzai to Fukuin (原罪と福), qu’on a découvert ce soir là étaient beaucoup plus réussis et intéressantes. Sur Genzai to Fukuin (原罪と福), Tokyo Jihen étaient entièrement habillés de rouge dans une ambiance chrétienne qui alterne avec celle bouddhiste de Hotoke Dake Toho. Sur Tokio Hot 100 sur J-Wave, Sheena indiquait qu’elle était intéressée par les religions. Sur cette tenue rouge, Sheena porte des grands ailes qui nous font penser que celles de ces débuts sur Kōfukuron (幸福論) ont bien grandi.

Devant l’entrée de l’immeuble Flags de Shinjuku dans lequel on trouve le magasin Tower Records, un petit sapin métallique est installé avec des néons reprenant le logo et les lettrages de Tokyo Jihen. Je n’ai pas pu m’empêcher d’aller y jeter un coup d’oeil. Il y a vraiment un lien particulier entre Sheena Ringo / Tokyo Jihen et cet immeuble contenant Tower Records. Le groupe est d’ailleurs en photo sur la nouvelle affiche “No Music No Life” habillé en noir et blanc comme des médecins. La dernière apparition de Tokyo Jihen sur cette campagne d’affichage de Tower Records date de 2010, il y a donc pratiquement 12 ans. Et pendant ce temps là sur les émissions YouTube Hanakin Night Beyond, Seiji Kameda mange des anguilles unagi après un onsen, Ichiyō Izawa mélange exercices de musculation et gateaux japonais et Toshiki Hata cuisine au bord d’une rivière. Sheena les accompagne souvent et présente à chaque fois faussement sérieusement, toujours dans une tenue différente. Dans ces petites séances YouTube, on en apprend un peu plus sur le groupe et sur les interactions entre les membres. ce sont ces petits moments que je préfère.

shinjuku backyards

Cette longue marche pendant une journée de congé ensoleillée sur Tokyo se termine ensuite avec Shinjuku. Je pensais continuer encore un peu à marcher le long de l’avenue Meiji pour rejoindre Shibuya mais le courage m’a manqué. Il faut dire que j’ai marché en tout 31,886 pas, ce qui correspond à 19.6km, depuis Tamachi pour traverser le Rainbow Bridge, d’Odaiba jusqu’à Toyosu, dans le quartier de Iidabashi puis de Ichigaya jusqu’au centre de Shinjuku. Je n’avais pas autant marché en une seule journée depuis la visite de mon cousin S. L’envie de marcher pendant longtemps me démangeait depuis un petit moment. La fatigue physique me gagnant toute de même en naviguant au hasard des rues de Shinjuku, j’y trouve moins d’inspiration photographique. Il y a bien cette maison individuelle ronde sans fenêtres qui m’a beaucoup intrigué ou ce petit bar bas de plafond qui semble avoir squatté une place de parking pour s’y installer. La baraque ne semble pas très solide mais doit certainement être là depuis de nombreuses années.

En approchant du centre de Shinjuku, je passe devant une porte métallique beige quelconque comme on en voit souvent placée à l’arrière des buildings. Je l’aperçois au bout d’une petite rue perpendiculaire à celle que j’emprunte. J’y prête d’abord peu d’attention mais je reviens ensuite sur mes pas exprès pour la prendre en photo (la dernière photographie de ce billet), comme si elle cachait un mystère. Le petit escalier entouré de plantes m’intrigue en fait beaucoup. Il est utilisable et permet d’approcher la porte mais des obstacles tels que des plantes envahissantes et un gros paquet en carton viennent tout de même gêner le passage. J’imagine qu’on veut éviter qu’un passant vienne taper à la porte pour découvrir les secrets qui se cachent derrière. Après quelques réflexions en fixant cette porte pendant quelques dizaines de secondes, je me dis qu’elle ressemble à la porte du quartier d’Aoyama dont j’avais déjà parlé auparavant et qui donne accès à un Tokyo parallèle. Ma curiosité me pousse à essayer d’ouvrir cette porte mystérieuse. Il n’y a personne dans la petite rue où je me trouve, mais une improbable affiche du Christ collée sur le mur d’un building me regarde de travers. Il faut que je profite d’un moment de distraction pour monter rapidement l’escalier sans faire tomber le paquet en carton ou un des pots de fleur. Je devrais ensuite pouvoir m’infiltrer à l’intérieur. La porte ne demandait bien entendu qu’à être ouverte. Elle ne m’oppose aucune résistance, mais le grincement émis par les gonds de cette porte métallique me fait dire qu’elle n’a pas dû être utilisée très souvent. Après avoir pénétré à l’intérieur, je referme rapidement la porte derrière moi par peur d’avoir été aperçu. Il n’y a heureusement personne dans cette étroite allée coincée entre deux murs à l’arrière de buildings sans fenêtres. Il y a bien quelques branchages pour gêner le passage mais on doit pouvoir se faufiler. Je remarque rapidement une inscription posée sur le mur immédiatement à droite de la porte. Il est écrit « 新宿の目トンネル ー 入り口 », qui veut dire « Tunnel de l’oeil de Shinjuku – Entrée », sur une plaque métallique blanchâtre qui semble très ancienne, même si j’aurais bien du mal à la dater. Une autre inscription écrite en plus petits caractères et partiellement recouverte par des mousses se trouve en dessous de la plaque. On la remarquerait à peine car seulement deux katakana sont visibles. En grattant légèrement avec un morceau de branche trouvé sur le sol, on parvient finalement à déchiffrer l’inscription en lettres noires. Je ne suis par vraiment surpris en découvrant petit à petit les mots suivants: « パラレル東京観測委員会 », le Comité d’observation du Tokyo parallèle. Il s’agit du même comité que celui du bosquet à Aoyama. Mon intuition était donc bonne. Je ne suis pas du genre intrépide mais je ne peux plus vraiment faire demi-tour maintenant. Je ne sais quelle force me pousse à aller voir un peu plus en avant ce que peut bien cacher ce tunnel de l’oeil de Shinjuku. L’allée étroite dans laquelle je me trouve est plus ombragée que ce que je pouvais imaginer depuis l’extérieur. Il ne fait pourtant pas sombre, et une lumière chaude se diffuse à travers les branchages. Je me sens à couvert dans ce tunnel de verdure, sans crainte d’être vu. L’œil de Shinjuku mentionné sur le vieil écriteau fait peut être référence à l’oeuvre d’art de Yoshiko Miyashita appelée également l’Oeil de Shinjuku (新宿の目). Mais Nishi-Shinjuku me semble bien éloigné de l’endroit où je me trouve maintenant et même un raccourci ne m’amènerait pas jusque là bas. Il ne me reste plus qu’à avancer pour voir. Je peux faire demi-tour à tout moment, même si j’en n’ai pas vraiment envie.

Je n’avais pas remarqué devant moi un petit chat noir au poil lisse et aux yeux clairs. Il n’a pas peur de moi, restant assis à me regarder avec une insistance détachée. Il porte une petite clochette autour du cou ressemblant à celle que pourrait porter Doraemon. On se regarde tous les deux pendant de longues secondes qui paraissent être des minutes. Il n’a pas l’air étonné de me voir dans ce passage. Je ne le suis pas non plus. Après tout, les chats connaissent tout des recoins les plus secrets de la ville. Ils pourraient être d’excellents guides. Peut-être s’agit il de mon guide vers le Tokyo parallèle mentionné sur l’écriteau. Je fais quelques pas dans sa direction et il se retourne pour marcher lui aussi dans la même direction que moi. Il me faut certainement le suivre. Il émet à ce moment précis un miaulement approbateur comme s’il avait entendu mon questionnement interne et souhaitait me répondre. Très bien, je vais te suivre si tu insistes tant. Le chemin est parfois étroit et il faut dégager certaines branches de la main. On passe devant des tuyauteries qu’il faut parfois chevaucher. Le chat noir me laisse assez de temps pour me dépêtrer des obstacles se dressant sur le chemin. Il a l’air très habitué des lieux. Il marque ensuite une pause devant des escaliers descendant vers un couloir beaucoup plus sombre, placé entre des immeubles de béton. Faut il vraiment descendre dans les entrailles de la ville ou devrais-je plutôt faire demi-tour. Je ne vois déjà plus la porte derrière moi, et le chat qui me fixe maintenant des yeux ne me laisse plus beaucoup le choix. Par chance, j’ai avec moi une petite lampe de poche jaune dorée que je garde toujours dans mon sac en cas de tremblement de terre. L’intérieur du tunnel est vide. Une cinquantaine de marches environ nous amènent vers un couloir sous-terrain où circule un air légèrement frais. Je ne suis heureusement pas claustrophobe. Une petite inscription à l’intérieur du couloir indique 1,800m avec une flèche pointant droit devant. A l’intérieur de ce tunnel uniforme rempli de ténèbres, on perd complètement la notion de distance. C’est comme si j’avais perdu toute notion d’orientation. Mais je ne ressens pourtant pas de malaise. Mon guide est devant moi, il me regarde de temps en temps pour vérifier que je le suis bien. Ses yeux brillent dans les ténèbres. Ce petit chat à la clochette de Doraemon ne me veut pas de mal. Une lumière frêle se devine ensuite au loin, dévoilant bientôt des marches montant à nouveau vers la surface. Je n’ai pas l’impression d’avoir marcher 1,800m dans ce tunnel sous-terrain et le chemin doit être encore long avant d’arriver au but. Mais je ne sais pas de quel but il s’agit exactement. Le petit chat sautille en vitesse sur les marches et je suis donc obligé de presser le pas pour le suivre. J’ai l’impression d’entrer maintenant dans un labyrinthe de béton. Le chemin tout aussi étroit qu’au début du périple tourne maintenant à droite puis à gauche, puis à droite encore. Dans mon déboussolement passager, je perds la trace du petit chat qui a dû s’échapper loin devant. Un dernier virage m’amène finalement vers un couloir un peu plus large et éclairé de néons. Enfin la plupart des néons ne fonctionnent plus. Cet espace ressemble à un entrepôt car divers objets empaquetés y sont déposés. L’épaisse couche de poussière me fait penser qu’ils ont été oubliés ici depuis longtemps. On a peut-être même construit des buildings tout autour en oubliant l’existence de cet espace. Il s’agit d’une zone oubliée de la ville, perdue entre les buildings et dans l’épaisseur du trait des cartes. Je sais que l’oeil de Shinjuku est désormais proche. Il se trouve devant moi, je suis même à l’intérieur. Une petite chaise est placée derrière la pupille et invite à s’y asseoir. On peut bien sûr voir à travers l’oeil la foule passagère qui se presse dans le couloir de Nishi-Shinjuku. Personne ne prête attention à l’Oeil de Shinjuku, l’oeuvre d’art de Yoshiko Miyashita qui observe la vie tokyoïte depuis 1969. Du côté intérieur de l’oeil, où je me trouve, on peut lire l’inscription, en anglais cette fois-ci, « Gate of Living ». Ce poste d’observation permet d’observer la vie, d’imaginer ses traumas et ses joies. J’accompagne pendant quelques instants les douleurs et les sourires que je peux entrevoir. Ils me paraissent étrangement réels, comme si je pouvais les afficher clairement sur les visages. Je n’ai pourtant pas ce don. Que faire de ces observations? Toutes ces émotions individuelles vues à travers l’œil s’additionnent et se mélangent dans mon esprit. La dame au teint pâle habillée d’un tailleur noir approchant à pas rapide porte toujours la douleur de la disparition de sa sœur il y a deux ans. L’homme dans la trentaine qui l’a croisé à ce moment là tente de cacher ses difficultés financières qui le pousse à emprunter sans cesse plus que de raison. L’autre jeune fille un peu plus loin est intérieurement pleine de bonheur car elle vient juste de faire la connaissance d’une personne qu’elle trouve exceptionnelle et qu’elle imagine déjà être son petit ami. Le vieux monsieur qui avance lentement ne se plaint pas mais retient intérieurement sa douleur à chaque pas. Je n’arrive pas à déchiffrer sa douleur mais je la vois comme si elle était mienne. Pleins d’emotions individuelles se bousculent les unes contre les autres devant moi et se mélangent dans un brouhaha qui me remplit le cerveau. Je n’arrive pas à les effacer de mon esprit car j’essaie de les comprendre en vain. Le trop-plein d’émotions me donne le vertige. Moi qui ait plutôt l’habitude de marcher dans des rues vides de monde, cette vision me déséquilibre. J’ai l’impression de perdre petit à petit conscience alors que ma vision s’affaiblit et se teint d’un voile blanchâtre. Le flou m’envahît jusqu’à la perte totale de conscience.

Une dame, qui doit avoir à peu près une soixantaine d’années, me tapote doucement sur l’épaule en me disant d’une voix lente et douce « 大丈夫ですか? », est-ce que ça va? J’ai le souvenir un peu effacé d’avoir eu un coup de fatigue soudain alors que je regardais intensément l’Oeil de Shinjuku pour le prendre en photo sous le meilleur angle, avec si possible des passants pressés en premier plan devant mon objectif. Alors que je cherchais à saisir cette foule inexpressive se dépêchant pour rejoindre la station, j’ai tout d’un coup été saisi par des pensées introspectives, comme si l’Oeil de Shinjuku placé devant moi savait des choses me concernant que j’ignorais moi-même. Le malaise qui s’en suivait m’avait poussé à m’asseoir par terre, à même le sol, pour reprendre mes esprits en fermant les yeux quelques instants. La gentille dame s’était inquiétée de mon état et m’avait adressé la parole. Cette journée de marche a peut-être été trop longue pour moi. Je me remets vite debout en remerciant la dame et en évitant de créer des inquiétudes supplémentaires. Il est temps de rentrer chez soi. En quittant les lieux, j’évite l’oeil mais il ne me regarde déjà plus.