新宿系自作自演屋

L’affiche du Department Store Lumine au dessus de la sortie Sud de la gare de Shinjuku essaie de nous redonner le sourire en fin d’année, mais on sent qu’il est forcé. Je pense qu’on a tous envie de voir cette année 2020 se terminer rapidement. J’aime beaucoup marcher dans les rues de Shinjuku avec de la musique en tête, mais je me retrouve souvent à emprunter les mêmes rues et quartiers. Je m’enfonce de temps en temps de jour dans le quartier de Kabukichō. Fut une époque où on y allait le soir, mais pas dans les établissements peu recommandables. Il y a ce côté ‘adulte’ à Shinjuku qu’on ne trouve pas dans d’autres quartiers comme Shibuya, mais je me demande maintenant s’il s’agit vraiment d’une réalité ou s’agit il seulement d’une impression que j’ai en tête. Les photographies de Daido Moriyama joue très certainement sur cette impression. Dans les rues de Shinjuku, j’essaie de saisir la foule même si elle n’est pas aussi présente que d’habitude. Je suis allé jusqu’à Shinjuku en vélo car j’évite de prendre le train lorsque ce n’est pas nécessaire. J’ai repris plaisir à rouler entre les quartiers et à écouter la rue (ne mettant pas mes écouteurs en roulant à vélo). Ça me rappelle un peu quand j’avais ma première moto, ma CB 400 de couleur Rouge Bordeaux. Je roulais en ville le soir et le week-end sans but très précis, seulement pour le plaisir de conduire, de se perdre et de découvrir des nouveaux lieux. J’allais souvent le soir après avoir travaillé faire un tour à Shinjuku, histoire de passer devant les lumières de l’avenue Yasukuni au niveau de Kabukichō.

Je vais maintenant aborder, dans ce billet et dans un prochain, deux concerts se trouvant à une des pierres angulaires de la carrière de Sheena Ringo: Dynamite et Electric Mole. Live Tour 2005 Dynamite!, dont je vais parler dans ce billet, est la première tournée de Tokyo Jihen, après la fin de la carrière solo de Sheena Ringo qui s’est conclue par la tournée Sugoroku Ecstasy (雙六エクスタシー) en Août et Septembre 2003 immortalisée en DVD sur Electric Mole. Enfin, pour être très précis, les membres de Tokyo Jihen étaient déjà tous présents dans la formation accompagnant Sheena Ringo sur la tournée Sugoroku Ecstasy mais sont devenus officiellement un groupe à part entière quelques mois après cette tournée, le 31 Mai 2004. Le groupe a fait des apparitions sur scène avant la tournée Dynamite, notamment au Fuji Rock Festival en Août/Septembre 2004, mais Dynamite est leur première tournée officielle. Cette tournée s’est déroulée en 14 dates dans tout le Japon pendant un mois, du 17 Janvier au 16 Février 2005, de Matsuyama à Shikoku jusqu’à Tokyo en passant par Hokkaido, Osaka, Kyoto et bien sûr Fukuoka, entre autres. La captation vidéo sur le DVD Dynamite est enregistrée à Nagoya au Century Hall, le 9 Février 2005. Avec 3,012 places assises, il s’agissait de la plus grande salle dans laquelle le groupe a joué lors de cette tournée. En comparaison, Tokyo Jihen jouait dans une salle plus petite à Tokyo, celle du Shibuya Public Hall (渋谷公会堂), fermé en 2015 et reconstruit en 2019. Dynamite est la seule tournée de la première formation de Tokyo Jihen, la Phase 1 appelée également Dai-Ikki (第一期), active en 2004 et 2005 au moment de la sortie du premier album Kyōiku (教育), le 25 Novembre 2004 (tiens, un jour d’anniversaire). Cette formation en phase 1 s’est dissoute après le départ de deux membres, pour passer ensuite en Phase 2 (Dai-Niki 第二期) avant la sortie du deuxième album Adult (大人), le 25 Janvier 2006. Avant Ukigumo à la guitare, il s’agissait de Mikio Hirama (晝海 幹音) et avant Ichiyō Izawa, Masayuki Hiizumi (appelé H Zett M) était aux claviers. Seiji Kameda à la basse et Toshiki Hata (刄田 綴色) à la batterie étaient déjà présents dès la phase 1 de Tokyo Jihen. Je précise les kanji des noms de Hirama et Hata, car il s’avère qu’il ne s’agit pas de leurs véritables kanji, car ils ont été modifié par Sheena (tout comme elle a donné ce nom de nuage à la dérive “Ukigumo” à Ryosuke Nagaoka car il a la bougeotte sur scène). Il n’y a rien de bien étonnant la dedans car Sheena aime modifier les kanji des mots pour en utiliser d’autres moins usités ayant la même prononciation mais un sens différent. On regardait d’ailleurs ce Mardi 9 Décembre 2020, les excellentes interprétations des morceaux Gunjō Biyori et Inochi no Tobari (命の帳) dans l’émission de télévision 2020 FNS Kayōsai (歌謡祭) et Mari me faisait remarquer qu’il ne s’agissait pas d’une utilisation commune du kanji ‘Tobari’. Je pense qu’il ne faut pas commencer à creuser ce sujet là.

Dynamite est en fait composé de deux DVDs qui peuvent s’insérer dans un même boitier cartonné. Dynamite In sorti en Juillet 2005 est une partie documentaire montrant principalement les répétions, des moments choisis de la tournée et pendant les temps libres, des scènes insolites, des répétitions ou des extraits des messages des membres du groupe au public, ainsi que 4 morceaux extraits du concert. Dynamite Out est le concert en lui-même et est sorti en DVD un peu plus tard en Août 2005. Je ne connais pas la raison exacte de cette différentiation dans les dates de sortie mais Dynamite In ressemble un peu à un ‘teaser’ pour le DVD du concert entier. Cette partie ressemble un peu à la partie documentaire sur le DVD de la tournée Hatsuiku Status: Gokiritsu Japon (発育ステータス 御起立ジャポン) et je la trouve même nécessaire pour comprendre un peu mieux les interactions à l’intérieur du groupe. J’ai par contre trouvé ces DVDs vendus séparément dans des Disk Union différents, et je ne pense pas qu’on puisse les trouver vendus ensemble en set, ce qui aurait quand même été plus simple. Le design de couverture des deux DVDs utilise un personnage de taupe avec une pioche dessinée par l’illustrateur Moto Hideyasu (本秀康). Les plus perspicaces noteront très vite que ‘taupe’ se dit ‘mole’ en anglais qui se traduit également en ‘grain de beauté’. Celui que Sheena Ringo a perdu au moment de Ringo no Uta et qui donnait le nom au DVD Electric Mole, semble s’être re-matérialisé en petite taupe, qui intervient dans un mini-manga en deux parties (une dans le livret de chaque DVD) intitulé ‘Underground Love’. Le deuxième petit personnage qui figure sur la pochette s’appelle Hiroshi. Il s’agit peut être du directeur vidéo de la tournée car il s’appelle Hiroshi Usui. Dans l’histoire, Hiroshi est élevé par cette taupe jusqu’au moment où sa mère naturelle apparait soudainement. Pour sortir de leur repère souterrain, ils devront utilisés de la dynamite pour agrandir le trou d’entrée. Une histoire d’amour improbable démarrera entre la mère d’Hiroshi et cette taupe…

Le concert principal sur le DVD Dynamite Out reprend la totalité des morceaux du premier album de Tokyo Jihen, Kyōiku, mais également quelques morceaux de la carrière solo de Sheena Ringo et plusieurs reprises d’autres artistes japonais ou étrangers, dont certaines sont présentes sur les faces B des singles déjà sortis. Je vais dire tout de suite que ce concert est tout bonnement excellent, pas forcément meilleur que d’autres concerts de Tokyo Jihen comme Ultra C par exemple, mais différent, plus sanguin dirais-je. J’aime beaucoup la formation actuelle de Tokyo Jihen, mais cette première phase avec H Zett M et Hirama fonctionnaient également très bien. C’est certainement l’effet de la jeunesse, mais je ressens dans ce concert une certaine fougue et une complicité que je ne vois pas autant dans la formation actuelle. En fait, c’est plutôt une complicité entre Hirama et Kameda, ou Hirama et Hiizumi, qui est notable pendant le concert. La formation actuelle est dans l’ensemble plus sobre, bien que les moments de folie en concert y sont également très nombreux. En fait, Hiizumi me donne l’impression d’être un électron libre et je ne m’étonne pas qu’il ait plutôt souhaité continuer sa carrière de son côté, et revenir de temps en temps pour accompagner Sheena Ringo, sur le morceau Isogaba maware (急がば回れ) de Sandokushi, par exemple. Le documentaire Dynamite In nous montre également beaucoup cette complicité et ça fait plaisir à voir. J’aurais presque souhaité voir ce qu’aurait pu donner cette phase 1 de Tokyo Jihen sur d’autres albums, mais on ne le saura probablement jamais. Je ne regrette pas pour autant cette phase 1, car la phase 2 avec Ukigumo et Izawa fonctionne mieux au final et donne le sentiment d’être plus consistante et harmonisée. J’avais lu dans une interview que Sheena avait l’intention de former ce groupe dès la période où elle écrivait KSK et que sa carrière solo était plutôt une période temporaire avant de pouvoir construire un groupe. Elle expliquait qu’elle a fait ses débuts dans un groupe et que son intention a toujours été d’évoluer dans un groupe. Le fait de ne pas trouver les bonnes personnes au bon moment l’a poussé à démarrer seule en attendant de construire un groupe. Ça peut paraitre difficile à croire mais ça ne m’étonne pourtant pas. Dans le cas du groupe Hatsuiku Status, son nom n’était volontairement pas mis en avant comme si elle cherchait à effacer sa présence par rapport à celle du groupe. Pour le concert Kyoei Buranko (虚栄ブランコ) avec Number Girl le 30 Novembre 1999 au Club Asia de Shibuya, le groupe mentionné sur les affiches était Tensai Präparat (天才プレパラート), groupe créé pour la mini-tournée Manabiya Xstasy le même mois, sans jamais mentionner sa présence et son nom sur les affiches alors qu’elle était déjà connue à cette époque. Au passage, on peut voir ce concert Kyoei Buranko sur cette page YouTube et lire le Live Report d’une fan qu’on attend crier ‘Kawaii’ pendant le set. Malgré une qualité vidéo assez médiocre, ce concert vaut quand même le détour notamment pour y entendre une première version du morceau Kudamono no Heya (果物の部屋) qui apparaitra 15 plus tard sur l’album Hi izuru Tokoro (Sunny) sous le nom Shizuka Naru Gyakushū (静かなる逆襲).

Le DVD Dynamite Out reprend tous les morceaux de la playlist du concert réel à Nagoya sauf le morceau Himitsu (秘密) du deuxième album Adult qu’on trouve sur la version “Pour Homme” de l’album. Je n’aime pas beaucoup cette habitude, assez tenace dans la première partie de sa carrière, de couper les concerts en cours de route, mais on ne le remarque pas du tout. Le concert commence par le morceau Ringo no Uta, dans la version rock que l’on trouve en premier morceau de Kyōiku. Ce morceau étant le dernier morceau solo de Sheena Ringo et également présent en dernier sur le DVD Electric Mole, il fait parfaitement la transition avec cette nouvelle phase de sa carrière. Les membres du groupe sont tous habillés en vert foncé et Sheena porte un chapeau en forme de fleur de couleur vert pomme. Ils ne changeront pas de tenues pendant tout le set, à part pour les rappels au final. Le décor avec sol carrelé est très sobre sans écran en fond mais avec un grand écriteau “Dynamite” ou le logo de paon du groupe apparaissant à différents moments du concert. Ce décor me fait penser à celui d’un music hall américain. Jusui Negai qui est interprété ensuite a une intensité extraordinaire. Sheena se tient droite avec la tête légèrement en arrière, ce qui lui donne une position fière et intouchable. Sur ce morceau en particulier, dans une attitude quasi-schizophrénique, elle alterne les sourires à la foule et une intensité sombre dans le regard comme si elle était possédée par les paroles qu’elle chante. Sa voix est puissante et je me trouve scotché à l’écran à chaque fois que je passe ce morceau. J’ai en fait eu un peu de mal à voir ce concert en entier d’une seule traite car j’avais sans cesse envie de réécouter ce morceau en particulier. Il y a plusieurs morceaux avec cette même intensité vocale et musicale dans le concert, et ce sont ce genre de morceaux qui me font penser que SR/TJ est nettement au dessus du lot. Le morceau Dynamite, une reprise de Brenda Lee et présent en B-side du single Sōnan joué juste avant, est un peu le symbole de cette tournée et fonctionne beaucoup mieux en live qu’en version studio. Parmi les morceaux de la carrière solo de Sheena Ringo, le groupe reprend pour cette tournée un morceau de Shōso Strip, Tsuki ni Makeinu, et plusieurs de Muzai Moratorium à savoir Koko de Kiss Shite, Marunouchi Sadistic et Onaji Yoru. Ce dernier est le morceau préféré de Sheena sur Muzai Moratorium, ce qui n’est donc pas étonnant de le revoir régulièrement en concert. La version de Tsuki ni Makeinu sur ce concert reprend la même intensité vocale dont je parlais juste avant sur Jusui Negai. En fait, cette voix à pour moi un côté addictif.

Hirama intervient en parlant au public avant le 6ème morceau pour annoncer ce qui va suivre, à savoir deux morceaux qu’il a écrit, Kao qui est présent en B-side de Gunjō Biyori et If You Can Touch It, présent sur son album solo Yume to Negoto. Les deux morceaux sont excellemment interprétés en duo. Je redécouvre le morceau Kao sous un autre jour et je me dis qu’il aurait dû être inclus en face A de Kyōiku. Je le réécoute souvent depuis et je reviens également assez souvent sur cette partie du concert. La complémentarité des voix de Hirama et Sheena fonctionnent bien sur If You Can Touch It. Pendant ce temps là, Hiizumi qui est un peu moins sollicité, danse d’une manière machinale à l’arrière. Il ne tient pas en place pendant tout le concert, jouant du piano debout ou avec les pieds sur son tabouret. Les membres du groupe sont très expressifs, Hirama souvent la tête en arrière pendant ses parties de guitares, Hata esquissant des sourires pendant le morceau Bokoku Jōcho. Kameda est étonnement plus discret, sauf pendant son intervention devant le public où il se moque gentiment de Sheena au sujet d’une scène de maquillage à laquelle il a été témoin. Elle ne sait d’ailleurs plus où se mettre à ce moment là, en souriant d’un air un peu gêné. C’est un moment très charmant. Par rapport aux autres concerts, il y a beaucoup de reprises dans Dynamite. C’est peut être une des raisons pour lesquelles il semble différent des autres (outre le fait qu’il s’agisse du seul concert de Tokyo Jihen Phase 1). La reprise du morceau Kurumaya-san de Misora Hibari datant de 1961 est magnifique. Je pense qu’il s’agit de la reprise la plus réussie du concert, car elle imite la voix de style Enka de Misora Hibari. Je pense que Sheena devrait faire un album de reprise de morceaux Enka car on y trouve une tension dramatique que je reconnais également dans ses morceaux. Sous le regard amusé de Sheena, Hata fait ensuite son intervention devant le public. On ne sait jamais à quoi s’attendre car il est en général en décalage complet avec le déroulement du concert. Il nous donne cette fois-ci quelques exemples de noms de villages touristiques, car un nouveau village appelé Italia mura doit prochainement voir le jour à Nagoya (apparemment fermé en 2008), et ça l’a poussé à étudier la question. Il nous donne quelques exemples, sous les rires du public et le regard amusé de Kameda qui a l’air de nous dire qu’il raconte des bêtises. Il nous cite notamment le Edo mura à Nikko et un soit-disant Shikoku mura à Kagawa, qui semble être une bien drôle d’idée. En espérant que son intervention a été très instructive, il annonce ensuite la reprise du concert. Ceci étant dit, comme l’album principal de ce concert s’appelle “éducation” (Kyōiku), je ne pense pas qu’il était hors sujet.

Le concert continue ensuite avec le morceau de Shōso Strip, Tsuki ni Makeinu, qui est, comme je le disais ci-dessus, aussi un grand moment d’intensité émotionnelle, tout comme Onaji Yoru d’ailleurs mais dans une ambiance plus apaisée où Sheena est seulement accompagnée du piano de Hiizumi. On ressent à l’écran l’immersion totale dans laquelle elle se plonge lors de ces morceaux. Viennent ensuite les deux morceaux de la série Genjitsu (Genjitsu ni Oite et Genjitsu o Warau), qui m’avaient le plus marqué à l’époque de la sortie de Kyōiku en 2004. L’ambiance devient beaucoup plus sombre et seul Hiizumi au piano est éclairé. Nous sommes au milieu du concert et ces deux morceaux fonctionnent comme une charnière, comme c’est le cas sur l’album Kyōiku d’ailleurs. Les notes de piano me donne la chair de poule, peut être parce que des souvenirs d’il y a plus de 15 ans me reviennent en tête. Les morceaux fonctionnent souvent par deux dans ce concert. Après les deux morceaux écrits par Hirama dans la première partie du concert, Kameda présente deux morceaux dont il a écrit les musiques, Super Star et Tōmei Ningen qui apparaitront plus tard sur l’album Adult et dont c’est la première interprétation lors de cette tournée. Les paroles de Super Star sont écrites par Sheena, s’inspirant du joueur de Baseball Ichiro. Ichiro lui avouera d’ailleurs qu’il n’écoute jamais ce morceau qui lui est consacré quand il écoute l’album Adult, peut être se sent il gêné, connaissant l’humilité du personnage. Mais en contrepartie, Ichiro lui disait en interview qu’il enviait beaucoup sa capacité à naturellement ne jamais faire comme les autres. Il insistait sur le côté naturel et j’ai également le sentiment fort que SR/TJ n’est pas beaucoup influencé par les modes et styles du moment. Cette interprétation de Super Star est bonne mais je garde toujours en tête celle de 2020 pour la tournée News Flash qui m’avait marqué. Ceci me rappelle qu’on n’a toujours pas de nouvelles d’un éventuel Blu-ray de ce concert. J’espère qu’il ne va pas être oublié. Tōmei Ningen a également été interprété d’une manière plus convaincante dans les concerts qui vont suivre. Mais l’intervention agressive au piano de Hiizumi est tout de même remarquable et voir Kameda jouer son morceau avec le sourire aux lèvres vaut le détour.

Le morceau Ekimae revient vers un terrain plus sombre et moins enjoué que Tōmei Ningen. Il faut remarquer que Sheena a pratiquement toujours la guitare en mains pendant ce concert, mais si elle n’en joue pas toujours beaucoup comme sur la première partie de ce morceau. La partie finale instrumentale du morceau et encore une fois l’intensité de la voix de Sheena juste avant ce final, sont d’une beauté poignante. Le morceau suivant mélange Σ en B-side de Gips et Crawl de Kyōiku. Σ en version originale était joué par Hisako Tabuchi et je pense à chaque fois qu’elle va apparaître soudainement pour jouer avec Hirama. Les membres du groupe sont présentés pendant la transition avec le morceau Crawl en démarrant par Hata qui est comme d’habitude infatigable à la batterie (sauf sur sa dernière intervention télévisée pour le morceau Gunjō Biyori sur FNS où il perd bizarrement l’équilibre en tombant en arrière). Sur ce morceau comme sur d’autres, Hirama prend souvent une attitude de rockeur en sautant à pieds joints sur un riff de guitare. Sheena est moins statique que d’habitude et ne chante pas de côté comme on le verra plus tard, mais fait déjà ses courbettes en remerciements au public et allonge souvent sa voix en tendant le bras vers la foule. Le concert s’enchaine ensuite assez vite avec les derniers morceaux du set: une version assez fidèle à Muzai Moratorium de Marunouchi Sadistic mais avec un supplément piano de Hiizumi, une reprise du morceau The Lady Is a Tramp et des morceaux de Kyōiku: Omatsuri Sawagi et Service. Service est le seul morceau où Sheena utilise son mégaphone. On se demande où est passé le morceau Gunjō Biyori, le premier single du groupe qui reste le plus populaire même encore maintenant. C’est en fait le dernier morceau du set avant les rappels.

C’est H Zett M qui s’adresse ensuite au public avant le début des rappels, en rappelant à la foule les mesures d’hygiène à suivre, comme de bien se laver les mains, pour éviter d’attraper la grippe, qui est de saison en Janvier/Février. Entendre ces recommandations me fait croire pendant un bref instant que ce concert s’est déplacé dans le temps jusqu’en 2020 et qu’Hiizumi nous parle en fait de la pandémie actuelle. Après le morceau Kokoro et avant le tout dernier morceau Yume no Ato, Sheena prend la parole mais comme d’habitude son discours est assez décousu, alors que le public lui crie des messages d’encouragement sur lesquels elle tente en vain de rebondir. Peut être est ce dû à la fatigue après un set relativement long, mais j’ai souvent remarqué ce contraste entre sa performance impeccable sur les morceaux qui sont très certainement extrêmement bien préparés, et le relatif manque de spontanéité lorsqu’il s’agit d’adresser un message final à la foule. Elle était en fait beaucoup plus spontanée et instinctive au tout début de sa carrière et s’adressait en permanence à la foule. Les salles étaient aussi beaucoup plus petites et la proximité différente. J’imagine que l’émotion alors que le concert se termine doit être trop forte pour pouvoir s’exprimer clairement et que les mots adaptés ne viennent pas. Sheena est pourtant très bavarde. En écoutant ses émissions de radio Etsuraku Patrol (悦楽巡回) sur la radio Cross FM de Fukuoka d’Octobre 1998 à Juin 1999, elle montre également une personalité très instinctive et spontanée, et est même assez désorganisée dans sa manière de lancer ses idées et de changer de sujet en cours de phrases (après des ‘まあいいや’ en cours de phrase pour changer de sujet). A vrai dire, j’adore l’écouter à la radio à cette époque car on y apprend beaucoup de choses sur les morceaux et les vidéos de Muzai Moratorium sortis à ce moment là et sa manière de s’exprimer sans filtres m’amuse beaucoup. On en parle d’ailleurs avec mahl dans le ´thread’ de commentaires du billet précédent.

Après avoir regardé ce concert en entier, j’ai un peu de mal à m’en séparer car les morceaux me reviennent beaucoup en tête, notamment la reprise du morceau de Misora Hibari ou les morceaux chantés en duo avec Hirama. Difficile de dire s’il est meilleur que les autres concerts de Tokyo Jihen, mais il est en tout cas remarquable sans faiblesse notable. J’y reviendrai plus tard et cette perspective me réjouit déjà.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux du concert Dynamite:

1. Ringo no Uta (りんごのうた) du 1er album Kyōiku (教育)
2. Jusui Negai (入水願い) du 1er album Kyōiku (教育)
3. Sōnan (遭難) du 1er album Kyōiku (教育)
4. Dynamite (ダイナマイト), reprise du morceau de Brenda Lee et présent en B-side sur le single Sōnan (遭難)
5. Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。) du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
6. Kao (顔), présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
7. If You Can Touch It, morceau de Mikio Hirama extrait de son album Yume to Negoto (夢と寝言)
8. Bokoku Jōcho (母国情緒) du 1er album Kyōiku (教育)
9. Kurumaya-san (車屋さん), reprise du morceau de Misora Hibari sorti en Avril 1961 sur le double single Hibari no Dodonpa/Kurumaya-san (ひばりのドドンパ/車屋さん), également présent sur le DVD Tokyo Incidents Vol. 1.
10. Tsuki ni Makeinu (月に負け犬) du 2ème album Shōso Strip (勝訴ストリップ) de Sheena Ringo
11. Onaji Yoru (同じ夜) du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
12. Genjitsu ni Oite (現実に於て) du 1er album Kyōiku (教育)
13. Genjitsu o Warau (現実を嗤う) du 1er album Kyōiku (教育)
14. Koi no Urikomi (恋の売り込み), reprise du morceau I’m Gonna Knock on Your Door de The Isley Brothers
15. Super Star (スーパースター) du 2ème album Adult (大人)
16. Tōmei Ningen (透明人間) du 2ème album Adult (大人)
17. Ekimae (駅前) du 1er album Kyōiku (教育)
18. Σ~Crawl (Σ~クロール), medley du morceau Σ présent en B-side sur le single Gips (ギブス) de Sheena Ringo et du morceau Crawl du 1er album Kyōiku (教育)
19. Marunouchi Sadistic (丸の内サディスティック), du 1er album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム) de Sheena Ringo
20. Sono Onna Fushidara ni Tsuki (その淑女ふしだらにつき), reprise du morceau The Lady Is a Tramp écrit et composé par Lorenz Hart et Richard Rodgers pour la comédie musicale Babes in Arms, également chanté par Frank Sinatra, présent en B-side du single Gunjō Biyori (群青日和)
21. Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) du 1er album Kyōiku (教育)
22. Service (サービス) du 1er album Kyōiku (教育)
23. Gunjō Biyori (群青日和) du 1er album Kyōiku (教育)
24. (Encore) Kokoro (心), présent en B-side sur le single Sōnan (遭難)
25. (Encore) Yume no Ato » (夢のあと) du 1er album Kyōiku (教育)

真夏.6

(ハ) Shinjuku (新宿): Vue sur l’élégance d’un cycliste bravant les automobiles sur leur propre terrain. (ヒ) Shibuya (渋谷): Vue depuis le parc sur les danseurs dessinés sur la vitrine d’un immeuble de verre. (フ) Kichijōji (吉祥寺): Vue sur la délicate fleur d’orchidée vivant dans la pénombre et la fraîcheur d’une pièce de tatami. (ヘ) Marunouchi (丸の内): Vue sur des pois de différentes tailles sur la robe d’une passante sous ombrelle et sur les rebords de la vitrine d’une boutique de Rei Kawakubo. (ホ) Shibuya (渋谷): Vue sur la prédiction d’une éclaircie sur un écran digital et sur une paroi de verre. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de Eastern Youth, 自由 et 世界は割れ響く耳鳴りのようだ de leur album 其処カラ何ガ見エルカ sorti en Mars 2003.

a day with s (2)

Nous déjeunons au 38ème étage de la tour de Yebisu Garden Place, depuis laquelle nous avons une très belle vue sur une partie de Tokyo, du côté de la Tour de Tokyo et de Roppongi Hills. Il nous faut ensuite réfléchir à l’itinéraire de l’après midi, et nous nous mettons assez vite d’accord pour aller à Nakano Broadway, un des royaumes du monde Otaku avec Akihabara. En fait, je ne suis jamais allé à Nakano Broadway et bien que connaissant le nom de cet endroit, je ne savais pas trop ce qu’on y montrait et vendait. En fait, je savais seulement que Takashi Murakami y avait installé une boutique et un café, que j’avais envie d’aller voir. Voilà une bonne occasion de s’y rendre. Nakano est seulement à quelques stations de la gare de Shinjuku. Il faut marcher quelques centaines de mètres dans une galerie marchande couverte depuis la gare pour finalement arriver à Nakano Broadway. Il s’agit d’un grand immeuble de plusieurs étages avec de multiples boutiques. L’affiche futuriste de ce centre commercial indique tout de suite que le monde du manga et du cinéma d’animation est couvert ici. Il y a en fait beaucoup de magasins de figurines manga, qui doivent être vendues d’occasion. En fait, dans chacune des boutiques, on entre dans un monde de collectionneurs. Ici, des vieux jouets, là, des affiches de vieux films japonais, un peu plus loin, des jeux vidéos vintage. On s’amuse en regardant les prix, par exemple des cartouches de jeux Neo Géo à 420,000¥. Les jeux Neo Géo étaient inabordables à l’époque, mais ce sont maintenant des pièces de collection. Dans une boutique de vieux jouets plutôt axés Ultraman et ses divers monstres, je trouve par hasard un dinosaure mécanique Zoids que j’avais étant petit, et qui se vend 20,000¥ avec la boîte d’origine (10,000¥ sans). C’est incroyable comme certains vieux jouets peuvent prendre de la valeur. Le problème est que l’on ne sait bien sûr pas à l’avance lesquels prendront de la valeur. Certaines figurines et jouets nous rappellent des souvenirs d’enfance. Ces boutiques sont comme des mini-plongeons dans le temps. En se perdant un peu dans les couloirs du centre commercial, on finit par tomber sur le café de Murakami juste à côté d’une petite galerie d’art montrant un étrange samouraï mort-vivant. La galerie appelée Hidari Zingaro fait partie de l’espace de Takashi Murakami. Ce samouraï à tête de mort est une des pièces de l’exposition intitulée Ronin de l’artiste tatoueur Jun Cha, basé à Los Angeles. Mais il est temps de prendre un café au Bar Zingaro de Murakami. Il est bien entendu décoré d’un grand nombre de soleils colorés, dessins emblématiques de Murakami. L’endroit est assez petit mais nous avons la chance de trouver tout de suite une place. Depuis que j’ai vu la grande exposition qui lui était consacré à Roppongi Hills il y a quelques années, j’ai pris un certain intérêt à suivre le travail artistique de Murakami. J’aime notamment quand il modifie l’image de ces figures bon-enfants pour les transformer en petits créatures monstrueuses. L’univers du café Zingaro reste bon-enfant, mais attention, un grand monstre poilu guette dans un coin sombre du café.

La suite de notre après-midi s’accélère. En revenant de Nakano, nous nous arrêtons à Shinjuku pour traverser la minuscule allée de restaurants en comptoir de Omoide Yokocho. Avant cela, il nous aura fallu attendre, coincés dans la marée humaine du samedi soir entre la gare de Shinjuku et le Studio Alta. Je n’avais jamais vu autant de monde à Shinjuku, même un samedi soir. Après Omoide Yokocho, nous longeons Kabukichō, toujours dans la foule, pour accéder un peu plus loin aux rues étroites d’un autre temps de Golden Gai. Nous n’avons pas le temps de nous y arrêter, et je serais de toute façon bien en mal de choisir un de ces bars aux portes fermées sur l’extérieur. Certains bars affichent pourtant un écriteau en anglais pour souhaiter la bienvenue. Mais j’imagine que ceux qui viennent dans ces endroits veulent y trouver une ambiance à part et ne viennent pas pour se retrouver entre touristes étrangers. Je suis allé dans un de ces bars il y a très longtemps une ou deux fois, mais je ne souviens plus duquel et à quelle occasion. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, les souvenirs de fin de soirée dans les rues de Shinjuku se font parfois flous. Depuis Shinjuku, nous décidons de marcher vers le nouveau stade olympique avant de regagner Shibuya. Mais la fatigue se fait sentir dans les jambes et le pluie fine incessante finit par avoir raison de notre volonté initiale. Nous prenons donc plutôt la ligne de métro Fukutoshin qui nous amène en quelques minutes seulement jusqu’au centre de Shibuya. Nous voulions revoir le grand carrefour de Shibuya envahi par les flots humains. Je me souviens d’un point de vue en haut d’un des buildings du croisement. J’y suis déjà allé il y a plusieurs mois. Alors que c’était auparavant gratuit, il faut maintenant s’acquitter de 300¥ par personne pour accéder au point de vue sur le carrefour. C’est vraiment abusé, d’autant plus que les vitres de protection mouillées par la pluie ne donnent qu’une vue floue du carrefour. En redescendant du building, on se console en quelque sorte en admirant les fresques dessinées sur les murs de l’escalier nous faisant redescendre au rez-de-chaussée. J’aime beaucoup la fresque représentant deux boxeurs avec des pieuvres sur la tête ou ces autres pieuvres aux allures extra-terrestres qui me rappellent les personnages ennemis d’un des jeux de la série Metal Slug sur Neo Geo. Pour conclure cette longue tournée dans les rues de Tokyo, nous mangerons des sushis à Shibuya, avant de souhaiter bon voyage à Samy qui partira pour Hong Kong, la prochaine étape de son long voyage.

rouge et toxique

Un ciel et des nuages rouges envahissent les rues de Shinjuku, rouges comme les yeux des insectes géants Omus dans Nausicaä lorsqu’ils sont pris d’une fureur inarrêtable. J’aime cette couleur rouge car elle donne beaucoup de force aux images mais je me limite volontairement à l’employer. De temps en temps, l’envie me prend de teinter mes photographies. La dernière fois que j’ai utilisé et mis en avant volontairement le rouge, c’était sur une série intitulée sometimes en février de cette année. J’avais beaucoup hésité avant de montrer cette série, et c’est très souvent le cas quand je tente des expérimentations d’images. Mes expérimentations sont très souvent basées sur la destruction d’images et qui dit destruction dit intervention d’une certaine forme de violence visuelle. L’emploi de la couleur rouge va dans ce sens, mais je porte également attention à ne pas forcer le trait inutilement, d’où mes restrictions naturelles. Un autre dilemme se pose à moi régulièrement, c’est la perte d’homogénéité engendrée par le mélange de photographies ‘classiques’ de lieux visités et d’architecture avec ces photographies plus expérimentales. Parfois, j’aurais envie de les séparer plus clairement mais je me dis aussi que ce mélange fait aussi l’intérêt de ces pages basées uniquement sur l’émotion que veut transmettre son auteur sans soucis de s’harmoniser avec des standards établis par d’autres. Cette liberté n’est en fait que très limitée car l’empêchement que je m’impose à moi-même me maintient dans des limites bien définies.

En ce moment, j’écoute beaucoup l’album électronique Feed Forward du collectif Sandwell District, sorti en 2010. Je connais quelques morceaux depuis longtemps comme le superbe Falling the same way, morceau de 9:40 minutes grandiose pour sa spatialité. Lorsqu’on écoute ce morceau, on est tout de suite absorbé par l’ambiance créée par ces nappes musicales jusqu’à ce que démarre ensuite un rythme inarrêtable formant la colonne vertébrale du morceau. J’ai écouté ce morceau pour la première fois il y a sept ans et j’y reviens très régulièrement, comme une référence électronique, lorsque je suis à court d’idées sur les prochains morceaux a découvrir. Sur cet album, je m’étais inconsciemment limité à ce morceau sans écouter le reste de l’album parce que j’avais l’impression que le reste de l’album ne pourrait de toute façon pas atteindre ce sommet. C’est d’une manière assez vrai car Falling the same way fait de l’ombre à tout le reste de l’album. En écoutant l’album Feed Forward maintenant, je découvre cependant beaucoup de beaux morceaux comme le triptyque Immolare qui nous fait entrer dans un monde sombre, dans une ambiance post-industrielle qui semble avoir été noyée dans une mer toxique. L’ambiance est à la limite angoissante, avec des sons qu’on croirait venir d’insectes, comme ceux peuplant la fukaï, la forêt toxique en pleine extension de Nausicaä. La pochette grise de l’album avec cet être portant un scaphandre correspond bien à cette idée d’un univers hostile non habitable. Les morceaux suivants Grey cut out et Hunting lodge maintiennent cette ambiance post apocalyptique, mais Haunting lodge va un peu plus loin dans la puissance martelante du son électronique, jusqu’à développer une addiction. Ce morceau nous entraine dans des bas-fonds tandis que Falling the same way, qui suit juste après, nous ramène vers la lumière, celle qui perce à travers l’obscurité et envahit soudainement tout l’espace de sa clarté. Dans cette ambiance aux vents tourmentés, on attend que la machine se révèle petit à petit. Elle martèle d’un son clair jusqu’à l’infini, du moins on aimerait que ce son ne s’arrête jamais. Les quelques morceaux beaucoup plus minimalistes qui suivent ont un peu de mal à rivaliser en intensité avec Falling the same way. N’oublions pas que cet album est construit par un collectif, et que les ambiances résultantes varient suivant les influences de chaque membre.

Je parle un peu soudainement de Nausicaä dans le texte ci-dessus car je viens de le revoir pour la première fois depuis plus de 15 ans. L’émission radio « Les chemins de la philosophie » animée par Adèle Van Reeth sur France Culture diffusait à la fin avril et début mai quatre épisodes intitulés « Philosopher avec Miyazaki ». Les émissions faisaient intervenir des spécialistes et abordaient quatre films d’animation de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli à savoir Ponyo sur la falaise, Porco Rosso, Princesse Mononoke et Nausicaä de la vallée du vent. Les émissions étaient toutes très intéressantes pour les amateurs de l’univers de Miyazaki. Elles s’efforçaient à déchiffrer les principaux thèmes de son œuvre. La cohabitation entre la nature, l’humain et la technologie est un des thèmes récurrents, tout comme le parcours initiatique du Héros. Ces éléments composent d’ailleurs le cœur du film d’animation Nausicaä de la vallée du vent, sorti en 1984. J’ai eu très envie de le revoir après avoir écouté les émissions et j’essaierais très certainement de lire le manga du même Hayao Miyazaki dont le film est tiré. Je ne reviendrais pas sur l’histoire du film car d’autres l’expliquent très bien, notamment cette analyse très intéressante de Guillaume Lasvigne sur le site Courte-Focale. Après l’avoir regardé, je ne soupçonnais pas être touché à ce point, par l’atmosphère du film, par la qualité de ce monde et de ses protagonistes dont on sait peu de choses (Miyazaki nous suggère plutôt que nous explique), par la volonté intouchable du personnage de Nausicaä, par l’émotion qui se dégage dans son désir de voir cohabiter des êtres bien différents et a priori hostiles les uns envers les autres. La musique toujours très juste de Joe Hisaishi contribue beaucoup à l’émotion qui se dégage de ces images. Je pense que Ghibli doit beaucoup à Hisaishi pour transporter le spectateur. Juste après voir vu le film, je télécharge sur iTunes quelques morceaux de la bande sonore du film, notamment le thème d’ouverture et un autre morceau très sensible Fukaï nite composé de notes de musique légères comme des gouttes de lumières, ou des petits flocons de pollen envahissant le ciel, comme ceux sur l’image ci-dessus qui retombent sur le corps de Nausicaä, alors qu’elle s’allonge sur le dos bombé d’un Omu dans la forêt toxique fukaï, protégée par un masque à oxygène. L’émotion qui se dégage de cette musique, en se remémorant certains passages du film, est magnifique. Une musique d’exception lorsqu’elle se marie bien avec les images transforme pour moi un bon film en un moment d’émotion pure qui nous dégage de toute notion temporelle, pendant le temps où on est plongé profondément dans ces images et ces sons. Dans un style complètement différent, les images de la route défilant dans la nuit sous le morceau « I’m deranged » de David Bowie dans le film Lost Highway de David Lynch est aussi un moment d’exception. Je me souviens encore très clairement du moment où j’ai vu le film pour la première fois au cinéma lorsque j’étais étudiant. Dès les toutes premières images sous la voix de Bowie, j’étais convaincu de la qualité du film. David Lynch a très bien compris que ce rapport émotionnel est indispensable.

地球に帰りたい

Je commence parfois ce genre de compositions futuristes sans les terminer et elles finissent par se perdre dans les répertoires remplis de photographies du iMac, jusqu’à ce que je les retrouve soudainement en parcourant mes archives mois après mois à la recherche d’inspiration. Quand je trouve ce genre de compositions, je ne suis d’ailleurs plus très sûr si je les ai déjà montré dans le passé, sous une autre version car ces buildings flottant dans le ciel tokyoïte se ressemblent tous beaucoup. Je retrouve cette composition au dessus du ciel de Nishi-Shinjuku, d’où s’échappe la tour futuriste Mode Gakuen Cocoon Tower par l’architecte Paul Noritaka Tange, fils de Kenzo.

Je fais une rechute d’Autechre en ce moment. Après avoir ré-écouté le classique album Confield de 2001, je me plonge dans les 5 volumes de elseq sortis en 2016. Je l’avais acheté à sa sortie en digital, mais n’avait écouté à l’époque que quelques morceaux du premier volume. Je pense que la série elseq, environ 4 heures de musique en tout, ne tombait pas, à cette époque là, au bon moment de mon cycle d’écoute musicale. Car on ne peut pas écouter Autechre l’air de rien d’une oreille discrète, ça demande un certain investissement. Bien sûr, c’est difficile d’écouter cette série d’une traite et c’est encore plus difficile d’en parler. On n’a même pas besoin d’en parler d’ailleurs, car l’amateur d’Autechre saura à quoi s’attendre et ne sera pas déçu, tandis que le néophyte se demandera certainement ce que tout cela veut bien pouvoir signifier. Elseq n’est pas la porte d’entrée la plus aisée dans le monde d’Autechre, il faut idéalement commencer par les premiers albums qui n’ont pas vieilli de toute façon et remonter les années jusqu’à maintenant pour comprendre comment Autechre s’est peu à peu affranchi de tous les concepts classiques qui composent normalement la musique électronique. Les morceaux de elseq sont souvent obscurs mais ne renient pas toutes conceptions mélodiques. Les mélodies sont bien là, plutôt évidentes sur certains morceaux proches de l’ambient ou beaucoup plus difficiles à déchiffrer lorsqu’elles se cachent derrière des nappes de sons ultra-détaillés se fracassant les uns contre les autres. Je ne peux m’empêcher d’y voir l’image d’une musique post-humaine. Si on le veut bien, on se laisse emporter par la beauté et la complexité de ces sons, pour revenir sur terre un peu plus tard, comme l’image de la megastructure de ma composition graphique ci-dessus. Un peu plus tard peu être, il me restera à écouter les 8 heures de NTS Sessions 1-4