(ハ) Shinjuku (新宿): Vue sur l’élégance d’un cycliste bravant les automobiles sur leur propre terrain. (ヒ) Shibuya (渋谷): Vue depuis le parc sur les danseurs dessinés sur la vitrine d’un immeuble de verre. (フ) Kichijōji (吉祥寺): Vue sur la délicate fleur d’orchidée vivant dans la pénombre et la fraîcheur d’une pièce de tatami. (ヘ) Marunouchi (丸の内): Vue sur des pois de différentes tailles sur la robe d’une passante sous ombrelle et sur les rebords de la vitrine d’une boutique de Rei Kawakubo. (ホ) Shibuya (渋谷): Vue sur la prédiction d’une éclaircie sur un écran digital et sur une paroi de verre. (+) Accompagnement musical: deux morceaux de Eastern Youth, 自由 et 世界は割れ響く耳鳴りのようだ de leur album 其処カラ何ガ見エルカ sorti en Mars 2003.
Étiquette : 新宿
a day with s (2)
Nous déjeunons au 38ème étage de la tour de Yebisu Garden Place, depuis laquelle nous avons une très belle vue sur une partie de Tokyo, du côté de la Tour de Tokyo et de Roppongi Hills. Il nous faut ensuite réfléchir à l’itinéraire de l’après midi, et nous nous mettons assez vite d’accord pour aller à Nakano Broadway, un des royaumes du monde Otaku avec Akihabara. En fait, je ne suis jamais allé à Nakano Broadway et bien que connaissant le nom de cet endroit, je ne savais pas trop ce qu’on y montrait et vendait. En fait, je savais seulement que Takashi Murakami y avait installé une boutique et un café, que j’avais envie d’aller voir. Voilà une bonne occasion de s’y rendre. Nakano est seulement à quelques stations de la gare de Shinjuku. Il faut marcher quelques centaines de mètres dans une galerie marchande couverte depuis la gare pour finalement arriver à Nakano Broadway. Il s’agit d’un grand immeuble de plusieurs étages avec de multiples boutiques. L’affiche futuriste de ce centre commercial indique tout de suite que le monde du manga et du cinéma d’animation est couvert ici. Il y a en fait beaucoup de magasins de figurines manga, qui doivent être vendues d’occasion. En fait, dans chacune des boutiques, on entre dans un monde de collectionneurs. Ici, des vieux jouets, là, des affiches de vieux films japonais, un peu plus loin, des jeux vidéos vintage. On s’amuse en regardant les prix, par exemple des cartouches de jeux Neo Géo à 420,000¥. Les jeux Neo Géo étaient inabordables à l’époque, mais ce sont maintenant des pièces de collection. Dans une boutique de vieux jouets plutôt axés Ultraman et ses divers monstres, je trouve par hasard un dinosaure mécanique Zoids que j’avais étant petit, et qui se vend 20,000¥ avec la boîte d’origine (10,000¥ sans). C’est incroyable comme certains vieux jouets peuvent prendre de la valeur. Le problème est que l’on ne sait bien sûr pas à l’avance lesquels prendront de la valeur. Certaines figurines et jouets nous rappellent des souvenirs d’enfance. Ces boutiques sont comme des mini-plongeons dans le temps. En se perdant un peu dans les couloirs du centre commercial, on finit par tomber sur le café de Murakami juste à côté d’une petite galerie d’art montrant un étrange samouraï mort-vivant. La galerie appelée Hidari Zingaro fait partie de l’espace de Takashi Murakami. Ce samouraï à tête de mort est une des pièces de l’exposition intitulée Ronin de l’artiste tatoueur Jun Cha, basé à Los Angeles. Mais il est temps de prendre un café au Bar Zingaro de Murakami. Il est bien entendu décoré d’un grand nombre de soleils colorés, dessins emblématiques de Murakami. L’endroit est assez petit mais nous avons la chance de trouver tout de suite une place. Depuis que j’ai vu la grande exposition qui lui était consacré à Roppongi Hills il y a quelques années, j’ai pris un certain intérêt à suivre le travail artistique de Murakami. J’aime notamment quand il modifie l’image de ces figures bon-enfants pour les transformer en petits créatures monstrueuses. L’univers du café Zingaro reste bon-enfant, mais attention, un grand monstre poilu guette dans un coin sombre du café.
La suite de notre après-midi s’accélère. En revenant de Nakano, nous nous arrêtons à Shinjuku pour traverser la minuscule allée de restaurants en comptoir de Omoide Yokocho. Avant cela, il nous aura fallu attendre, coincés dans la marée humaine du samedi soir entre la gare de Shinjuku et le Studio Alta. Je n’avais jamais vu autant de monde à Shinjuku, même un samedi soir. Après Omoide Yokocho, nous longeons Kabukichō, toujours dans la foule, pour accéder un peu plus loin aux rues étroites d’un autre temps de Golden Gai. Nous n’avons pas le temps de nous y arrêter, et je serais de toute façon bien en mal de choisir un de ces bars aux portes fermées sur l’extérieur. Certains bars affichent pourtant un écriteau en anglais pour souhaiter la bienvenue. Mais j’imagine que ceux qui viennent dans ces endroits veulent y trouver une ambiance à part et ne viennent pas pour se retrouver entre touristes étrangers. Je suis allé dans un de ces bars il y a très longtemps une ou deux fois, mais je ne souviens plus duquel et à quelle occasion. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, les souvenirs de fin de soirée dans les rues de Shinjuku se font parfois flous. Depuis Shinjuku, nous décidons de marcher vers le nouveau stade olympique avant de regagner Shibuya. Mais la fatigue se fait sentir dans les jambes et le pluie fine incessante finit par avoir raison de notre volonté initiale. Nous prenons donc plutôt la ligne de métro Fukutoshin qui nous amène en quelques minutes seulement jusqu’au centre de Shibuya. Nous voulions revoir le grand carrefour de Shibuya envahi par les flots humains. Je me souviens d’un point de vue en haut d’un des buildings du croisement. J’y suis déjà allé il y a plusieurs mois. Alors que c’était auparavant gratuit, il faut maintenant s’acquitter de 300¥ par personne pour accéder au point de vue sur le carrefour. C’est vraiment abusé, d’autant plus que les vitres de protection mouillées par la pluie ne donnent qu’une vue floue du carrefour. En redescendant du building, on se console en quelque sorte en admirant les fresques dessinées sur les murs de l’escalier nous faisant redescendre au rez-de-chaussée. J’aime beaucoup la fresque représentant deux boxeurs avec des pieuvres sur la tête ou ces autres pieuvres aux allures extra-terrestres qui me rappellent les personnages ennemis d’un des jeux de la série Metal Slug sur Neo Geo. Pour conclure cette longue tournée dans les rues de Tokyo, nous mangerons des sushis à Shibuya, avant de souhaiter bon voyage à Samy qui partira pour Hong Kong, la prochaine étape de son long voyage.
rouge et toxique
Un ciel et des nuages rouges envahissent les rues de Shinjuku, rouges comme les yeux des insectes géants Omus dans Nausicaä lorsqu’ils sont pris d’une fureur inarrêtable. J’aime cette couleur rouge car elle donne beaucoup de force aux images mais je me limite volontairement à l’employer. De temps en temps, l’envie me prend de teinter mes photographies. La dernière fois que j’ai utilisé et mis en avant volontairement le rouge, c’était sur une série intitulée sometimes en février de cette année. J’avais beaucoup hésité avant de montrer cette série, et c’est très souvent le cas quand je tente des expérimentations d’images. Mes expérimentations sont très souvent basées sur la destruction d’images et qui dit destruction dit intervention d’une certaine forme de violence visuelle. L’emploi de la couleur rouge va dans ce sens, mais je porte également attention à ne pas forcer le trait inutilement, d’où mes restrictions naturelles. Un autre dilemme se pose à moi régulièrement, c’est la perte d’homogénéité engendrée par le mélange de photographies ‘classiques’ de lieux visités et d’architecture avec ces photographies plus expérimentales. Parfois, j’aurais envie de les séparer plus clairement mais je me dis aussi que ce mélange fait aussi l’intérêt de ces pages basées uniquement sur l’émotion que veut transmettre son auteur sans soucis de s’harmoniser avec des standards établis par d’autres. Cette liberté n’est en fait que très limitée car l’empêchement que je m’impose à moi-même me maintient dans des limites bien définies.
En ce moment, j’écoute beaucoup l’album électronique Feed Forward du collectif Sandwell District, sorti en 2010. Je connais quelques morceaux depuis longtemps comme le superbe Falling the same way, morceau de 9:40 minutes grandiose pour sa spatialité. Lorsqu’on écoute ce morceau, on est tout de suite absorbé par l’ambiance créée par ces nappes musicales jusqu’à ce que démarre ensuite un rythme inarrêtable formant la colonne vertébrale du morceau. J’ai écouté ce morceau pour la première fois il y a sept ans et j’y reviens très régulièrement, comme une référence électronique, lorsque je suis à court d’idées sur les prochains morceaux a découvrir. Sur cet album, je m’étais inconsciemment limité à ce morceau sans écouter le reste de l’album parce que j’avais l’impression que le reste de l’album ne pourrait de toute façon pas atteindre ce sommet. C’est d’une manière assez vrai car Falling the same way fait de l’ombre à tout le reste de l’album. En écoutant l’album Feed Forward maintenant, je découvre cependant beaucoup de beaux morceaux comme le triptyque Immolare qui nous fait entrer dans un monde sombre, dans une ambiance post-industrielle qui semble avoir été noyée dans une mer toxique. L’ambiance est à la limite angoissante, avec des sons qu’on croirait venir d’insectes, comme ceux peuplant la fukaï, la forêt toxique en pleine extension de Nausicaä. La pochette grise de l’album avec cet être portant un scaphandre correspond bien à cette idée d’un univers hostile non habitable. Les morceaux suivants Grey cut out et Hunting lodge maintiennent cette ambiance post apocalyptique, mais Haunting lodge va un peu plus loin dans la puissance martelante du son électronique, jusqu’à développer une addiction. Ce morceau nous entraine dans des bas-fonds tandis que Falling the same way, qui suit juste après, nous ramène vers la lumière, celle qui perce à travers l’obscurité et envahit soudainement tout l’espace de sa clarté. Dans cette ambiance aux vents tourmentés, on attend que la machine se révèle petit à petit. Elle martèle d’un son clair jusqu’à l’infini, du moins on aimerait que ce son ne s’arrête jamais. Les quelques morceaux beaucoup plus minimalistes qui suivent ont un peu de mal à rivaliser en intensité avec Falling the same way. N’oublions pas que cet album est construit par un collectif, et que les ambiances résultantes varient suivant les influences de chaque membre.
Je parle un peu soudainement de Nausicaä dans le texte ci-dessus car je viens de le revoir pour la première fois depuis plus de 15 ans. L’émission radio « Les chemins de la philosophie » animée par Adèle Van Reeth sur France Culture diffusait à la fin avril et début mai quatre épisodes intitulés « Philosopher avec Miyazaki ». Les émissions faisaient intervenir des spécialistes et abordaient quatre films d’animation de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli à savoir Ponyo sur la falaise, Porco Rosso, Princesse Mononoke et Nausicaä de la vallée du vent. Les émissions étaient toutes très intéressantes pour les amateurs de l’univers de Miyazaki. Elles s’efforçaient à déchiffrer les principaux thèmes de son œuvre. La cohabitation entre la nature, l’humain et la technologie est un des thèmes récurrents, tout comme le parcours initiatique du Héros. Ces éléments composent d’ailleurs le cœur du film d’animation Nausicaä de la vallée du vent, sorti en 1984. J’ai eu très envie de le revoir après avoir écouté les émissions et j’essaierais très certainement de lire le manga du même Hayao Miyazaki dont le film est tiré. Je ne reviendrais pas sur l’histoire du film car d’autres l’expliquent très bien, notamment cette analyse très intéressante de Guillaume Lasvigne sur le site Courte-Focale. Après l’avoir regardé, je ne soupçonnais pas être touché à ce point, par l’atmosphère du film, par la qualité de ce monde et de ses protagonistes dont on sait peu de choses (Miyazaki nous suggère plutôt que nous explique), par la volonté intouchable du personnage de Nausicaä, par l’émotion qui se dégage dans son désir de voir cohabiter des êtres bien différents et a priori hostiles les uns envers les autres. La musique toujours très juste de Joe Hisaishi contribue beaucoup à l’émotion qui se dégage de ces images. Je pense que Ghibli doit beaucoup à Hisaishi pour transporter le spectateur. Juste après voir vu le film, je télécharge sur iTunes quelques morceaux de la bande sonore du film, notamment le thème d’ouverture et un autre morceau très sensible Fukaï nite composé de notes de musique légères comme des gouttes de lumières, ou des petits flocons de pollen envahissant le ciel, comme ceux sur l’image ci-dessus qui retombent sur le corps de Nausicaä, alors qu’elle s’allonge sur le dos bombé d’un Omu dans la forêt toxique fukaï, protégée par un masque à oxygène. L’émotion qui se dégage de cette musique, en se remémorant certains passages du film, est magnifique. Une musique d’exception lorsqu’elle se marie bien avec les images transforme pour moi un bon film en un moment d’émotion pure qui nous dégage de toute notion temporelle, pendant le temps où on est plongé profondément dans ces images et ces sons. Dans un style complètement différent, les images de la route défilant dans la nuit sous le morceau « I’m deranged » de David Bowie dans le film Lost Highway de David Lynch est aussi un moment d’exception. Je me souviens encore très clairement du moment où j’ai vu le film pour la première fois au cinéma lorsque j’étais étudiant. Dès les toutes premières images sous la voix de Bowie, j’étais convaincu de la qualité du film. David Lynch a très bien compris que ce rapport émotionnel est indispensable.
地球に帰りたい
Je commence parfois ce genre de compositions futuristes sans les terminer et elles finissent par se perdre dans les répertoires remplis de photographies du iMac, jusqu’à ce que je les retrouve soudainement en parcourant mes archives mois après mois à la recherche d’inspiration. Quand je trouve ce genre de compositions, je ne suis d’ailleurs plus très sûr si je les ai déjà montré dans le passé, sous une autre version car ces buildings flottant dans le ciel tokyoïte se ressemblent tous beaucoup. Je retrouve cette composition au dessus du ciel de Nishi-Shinjuku, d’où s’échappe la tour futuriste Mode Gakuen Cocoon Tower par l’architecte Paul Noritaka Tange, fils de Kenzo.
Je fais une rechute d’Autechre en ce moment. Après avoir ré-écouté le classique album Confield de 2001, je me plonge dans les 5 volumes de elseq sortis en 2016. Je l’avais acheté à sa sortie en digital, mais n’avait écouté à l’époque que quelques morceaux du premier volume. Je pense que la série elseq, environ 4 heures de musique en tout, ne tombait pas, à cette époque là, au bon moment de mon cycle d’écoute musicale. Car on ne peut pas écouter Autechre l’air de rien d’une oreille discrète, ça demande un certain investissement. Bien sûr, c’est difficile d’écouter cette série d’une traite et c’est encore plus difficile d’en parler. On n’a même pas besoin d’en parler d’ailleurs, car l’amateur d’Autechre saura à quoi s’attendre et ne sera pas déçu, tandis que le néophyte se demandera certainement ce que tout cela veut bien pouvoir signifier. Elseq n’est pas la porte d’entrée la plus aisée dans le monde d’Autechre, il faut idéalement commencer par les premiers albums qui n’ont pas vieilli de toute façon et remonter les années jusqu’à maintenant pour comprendre comment Autechre s’est peu à peu affranchi de tous les concepts classiques qui composent normalement la musique électronique. Les morceaux de elseq sont souvent obscurs mais ne renient pas toutes conceptions mélodiques. Les mélodies sont bien là, plutôt évidentes sur certains morceaux proches de l’ambient ou beaucoup plus difficiles à déchiffrer lorsqu’elles se cachent derrière des nappes de sons ultra-détaillés se fracassant les uns contre les autres. Je ne peux m’empêcher d’y voir l’image d’une musique post-humaine. Si on le veut bien, on se laisse emporter par la beauté et la complexité de ces sons, pour revenir sur terre un peu plus tard, comme l’image de la megastructure de ma composition graphique ci-dessus. Un peu plus tard peu être, il me restera à écouter les 8 heures de NTS Sessions 1-4…
hysterical lights
Je reviens sur les lumières de Shinjuku dont je ne peux me lasser, mais en les mélangeant cette fois-ci avec des figures dessinées que j’ai prises en photo avec mon iPhone lors d’expositions à la galerie Spiral de Aoyama et au Department store Seibu de Shibuya. Sur ces compositions photographiques, la densité extrême des lumières reflète la surabondance des informations qui viennent inonder le cerveau jusqu’à l’hystérie. C’est ma tentative de parallèle avec la musique qui va suivre.
HYS est le dernier album de YAPOOS ヤプーズ sorti en Juin 1995. Je repoussais un peu son écoute car je ne voulais pas en terminer avec la découverte de la musique du groupe. Le titre de l’album et du premier morceau HYS ヒス est un diminutif du mot anglais Hysteria. Cette hystérie est évidente à certains moments du morceau, et ce n’est pas pour me déplaire car j’aime quand Jun Togawa repousse les limites de ce qu’on a l’habitude d’entendre dans un morceau musical. L’hystérie est également dans les paroles composées d’une accumulation d’annonces de faits divers dramatiques, comme on peut le voir représenté dans le clip vidéo. D’une certaine manière, elle-même fera partie de ces faits divers dramatiques quelques mois après la sortie de l’album. J’y reviendrais un peu plus tard. Je sens des notes de folklore musical sur certains morceaux comme le deuxième Honnou no Shoujo 本能の少女 ou le dernier Akai Hana no Mankai no Shita 赤い花の満開の下, mais cette musique aux accents traditionnels est complètement remaniée par des sons rock et des sons électroniques mélangés. La voix de Jun Togawa prend également par moment ces accents de folklore, un peu comme sur certains morceaux des deux premiers albums sortis sous son nom propre (Tamahime Sama et Kyokuto Ian Shoka). Le morceau suivant Love Bazooka ラブ・バズーカ est beaucoup plus classique dans son approche pop-rock mais avec une certaine rapidité du rythme et un chant proche de celui d’une idole. Le morceau Charlotte Sexeroid no Yuutsu シャルロット・セクサロイドの憂鬱 doit être une suite du morceau Barbara Sexeroid mais en plus sombre dans le son mécanique et répétitif. La voix de Jun Togawa est ici robotique comme l’androïde du titre et entrecoupée de voix automatiques électroniques. Le cinquième morceau Shishunkibyo 思春期病 est beaucoup plus calme et posé que les morceaux habituels du groupe et apporte une sorte de coupure à l’album avant de repartir vers d’autres territoires sur le morceau suivant Shounen A 少年A. Ce sixième morceau est un des morceaux marquants de l’album, je trouve, sombre et inquiétant, comme souvent, jusqu’à terminer par des sons d’ambulance dans la nuit. J’aime beaucoup le changement de rythme au milieu du morceau où Jun Togawa scande des noms de matières scolaires après un court passage instrumental. Le morceau suivant Ijime いじめ est au piano et Jun Togawa prend sa voix enfantine. C’est un court morceau laissant vite place à un morceau plus dynamique pop-rock Soreike! Lolita Kiki Ichi Hatsu それいけ!ロリータ危機一髪, comme on en connaît d’autres sur les albums de YAPOOS. Ce n’est pas un morceau qui marque vraiment les esprits et je préfère le suivant Atashi Mou Jo Ki Dame ni Naru あたしもうぢき駄目になる, car elle y mélange son chant avec des superpositions de tonalités d’opéra aux airs maléfiques. L’album accumule un désespoir certain dans les paroles et les titres (« trouble adolescent » pour le cinquième morceau, « harcèlement » sur le septième, et l’idée que plus rien ne vaudra bientôt la peine sur le morceau neuf). Je ne peux m’empêcher de rechercher dans ces morceaux des indices qui annonceraient sa tentative de suicide, manquée heureusement, en novembre 1995. On évoque des difficultés répétées dans les rapports humains, des départs soudains de membres du groupe, des embrouilles sur des droits d’auteurs et tout le stress qu’y en est engendré. A travers les divers interviews que j’ai pu voir sur YouTube, on devine une certaine fragilité derrière cette apparence excentrique, un besoin d’être aimé qu’elle a dû avoir du mal à trouver à ce moment de sa vie. Ceci l’a poussé à écrire les mots « tout le monde me déteste » sur un mur au moment de sa tentative de disparition. Je n’étais pas au Japon à cette époque mais cela avait apparemment fait du bruit dans les médias et choqué l’opinion. Le destin est tragique pour cette famille, car la sœur de Jun Togawa, Kyoko Togawa, actrice connue et chanteuse se donnera la mort quelques années après en Juillet 2002. Les raisons sont inexpliquées mais on parle d’une raison médicale. Cette disparition va l’affecter lourdement et elle demeurera silencieuse pendant plusieurs années, jusqu’à la sortie d’un album de reprises intitulé 20th Jun Togawa en 2000, pour ses 20 ans de carrière musicale, qui la fera petit à petit sortir de son silence. Il n’y aura plus de nouveaux albums de YAPOOS, mais un mini-album intitulé CD-Y sort quand même en 2003. Il s’agit de 4 morceaux plus anciens que 2003 et qui n’avaient pas été édités jusque là. Le premier morceau Sheer Lovers シアー・ラバーズ est d’une grande tristesse et compte parmi les plus beaux morceaux du groupe. Le morceau et le mini-album ont un ton assez différent de ce que l’on connaissait jusqu’à maintenant. Sur les quatre morceaux, deux sont parlés sur une ambiance sonore théâtrale. Sur le dernier morceau intitulé (something extra), une histoire est racontée. Elle ressemble à un conte. Il s’agit d’une histoire d’amour contrariée entre deux personnages, féminin et masculin, dont les voix sont interprétées par Jun Togawa. L’histoire ne se termine pas vraiment pour le mieux, on aurait pu sans douter. Jun Togawa ne terminera pas définitivement sa carrière musicale car elle sortira un nouvel album en 2004, intitulé Togawa Fiction, dont je parlerais certainement un peu plus tard. Vu son activité dense en dix ans de 1985 à 1995, on peut comprendre que, malgré les épreuves de la vie, le besoin de création musicale était plus fort que tout.