une fin d’après-midi à Samukawa

Je voulais rendre visite au grand sanctuaire de Samukawa (寒川神社) depuis longtemps. J’ai toujours été un peu refroidi par son nom qui me donne à chaque l’image d’une rivière gelée dans laquelle il faudrait se débattre sans pouvoir en sortir. Cette image est certes un peu extrême et ne nous a pas empêché d’y aller en plein hiver. J’ai en fait été rassuré d’apprendre qu’il n’y avait pas de rivière appelée Samukawa à traverser avant d’atteindre le sanctuaire. Le sanctuaire de Samukawa est le plus important de l’ancienne province de Sagami et portait ainsi le titre d’Ichinomiya (一宮), qui correspond au plus haut rang des sanctuaires d’une province. Les origines du sanctuaire sont plutôt floues et les premières mentions de ce lieu apparaissent à la date de 846 dans le Shoku Nihon Kōki (続日本後紀), qui raconte l’histoire officielle du Japon. Une des raisons pour laquelle nous voulions visiter le sanctuaire de Samukawa en ce début d’année était de voir la structure lumineuse Nebuta empruntée à la préfecture d’Aomori. Depuis 2001, cette grande structure en papier illuminée est montrée sur la porte Shinmon (神門) du sanctuaire pendant la période allant du Nouvel An jusqu’au festival Setsubun ayant lieu en Février. Je n’avais jamais vu de décorations comparables sur un sanctuaire. À droite du hall principal du sanctuaire se trouve un étrange objet en forme de sphère métallique. Il s’agit d’une sphère armillaire, un ancien instrument d’observation astronomique modélisant la sphère céleste. On l’utilisait pour montrer le mouvement apparent des étoiles, du Soleil, en considérant la Terre comme le centre de l’Univers. Des dragons sont placés aux quatre coins de la sphère, suivant la légende selon laquelle les dragons soutiennent le ciel. Nous sommes arrivés au sanctuaire en fin d’après-midi et les lumières se sont allumées dès 16h, ce qui nous a permis d’apprécier la structure Nebuta illuminée.

En ordre d’apparition, Kushinada Hime (奇稲田姫), Nakisawa Megami (泣沢女神), Kukurihime no Mikoto (菊理媛命), Samukawahime no Mikoto (寒川比女命) et Samukawahiko no Mikoto (寒川比古命). Les cinq images ci-dessus sont imaginaires et ont été créées par intelligence artificielle (IA). Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne seraient que pure coïncidence.

Pour confirmer ma première impression, il faisait en effet froid ce jour là à Samukawa. Il y avait une petite foule au sanctuaire, car il s’agissait d’un jour faste Taian (大安). J’aime bien regarder la foule tout en buvant tranquillement un verre d’amazake dans le froid. Il n’y a pas d’alcool dans l’amazake mais c’est parfois tout comme. Le goût légèrement acidulé est par contre inhabituel et deviendrait même addictif, même si ce n’est pas dans mon intention d’en boire plusieurs verres. On trouve un stand d’amazake dans le parc longeant le sanctuaire, près de la boutique de souvenirs et des petits restaurants yatai. Après avoir acheté un gobelet d’amazake chaud, je suis vite revenu dans la grande enceinte du sanctuaire, sur la place entre le hall et la grande porte Shinmon ornée de la structure de papier Nebuta. On est ici à l’abri du vent mais le froid y est tout de même hivernal.

A travers la grande porte du sanctuaire, apparaît soudainement une jeune fille aux cheveux d’or, portant un parasol pour se protéger des rayons du soleil. Elle est habillée d’une robe de froufrous noire et blanche assez ample, comme on peut en voir parfois dans les environs de la rue Takeshita à Harajuku. Sa coiffure avec des broches cubiques jaunes est très intriguante. Sa présence est en décalage avec la foule qui l’entoure, mais personne n’a l’air de la remarquer. Elle avance tranquillement, mais d’un pas assuré. Lorsqu’elle passe devant moi, elle a un sourire franc, un peu figé et détaché, qui donne l’impression qu’elle apprécie le moment présent sans se soucier des choses et des gens qui l’entourent. Elle s’approche ensuite du grand hall du sanctuaire pour effectuer une prière après avoir replié son parasol. Je l’observe dans ses mouvements lents et délicats. Elle se déplace ensuite vers un coin de la place interne au sanctuaire. Elle s’arrête soudainement, se retourne en regardant en direction de la porte Shinmon. Elle semble attendre quelqu’un en position immobile. Son visage innocent est rayonnant et la lumière du soleil vient faire briller ses cheveux d’or. Il est impossible de ne pas la remarquer car c’est un être lumineux dans l’enceinte du sanctuaire, mais personne ne semble y prêter attention.

Je me rends compte rapidement qu’elle n’est pas la seule personne étrange dans l’enceinte du sanctuaire. Étrange n’est peut-être pas le bon terme, mais disons que la présence de cette autre jeune fille habillée d’une robe assez similaire mais avec des cheveux d’une couleur rosée, a quelque chose d’irréel. Leurs styles sont relativement similaires, comme si elles étaient issues d’une même époque et d’un même lieu loin du Japon traditionnel. Je bois une nouvelle gorgée d’amazake tout en observant la scène. Je ressens maintenant une pointe inhabituelle d’épice dans ce breuvage. A chaque gorgée, j’ai l’impression de boire une boisson différente, pas complètement différente, mais subtilement différente. La fille à la robe noire et blanche et à la chevelure rosée ne bouge pas. Elle se tient debout dans un des coins de l’enceinte. Je distingue bien son visage qui est tourné dans ma direction, mais elle ne regarde pas vers moi. On a l’impression qu’elle attend également quelque chose ou quelqu’un. Cette attente a l’air de l’inquiéter si j’en crois l’expression de son visage. En fait, je comprends en la regardant de manière discrète et intermittente ce qui me paraît étrange dans son apparence. Elle ne semble pas être affectée par le froid ambiant. D’apparence, son visage n’est pas attaqué par la froideur de l’air, ce qui me paraît tout à fait étonnant. Il s’agit peut-être d’une divinité prenant une apparence humaine. Cette pensée soudaine me surprend moi-même et me fait même sourire. Il ne faudrait pas que je commence à voir des créatures fantastiques ou fantomatiques à tous les coins de rues. Je bois de nouveau une gorgée d’amazake en serrant bien le gobelet en papier dans mes mains pour me réchauffer, car cette fille aux cheveux rosés me donne soudainement froid. Je bois doucement par petites gorgées car terminer le gobelet trop vite veut dire que je n’aurais plus de source chaude pour me réchauffer les mains et plus d’excuses pour me poser debout ici dans l’enceinte du sanctuaire à chercher et observer des personnes atypiques.

A peine une minute plus tard, apparaît une nouvelle personne attirant mon attention. Elle porte une robe rouge et noire aux motifs en dentelles travaillées avec un diadème en collier et une veste en cuir légère. Ses cheveux sont mi-longs et d’une couleur rougeâtre. Elle me fait vaguement penser à une actrice mais je ne saurais pas dire qui. C’est peut-être sa manière de marcher avec une assurance et une détermination indéniable qui me fait penser qu’elle doit avoir l’habitude d’être regardée. Elle ne fait pourtant pas attention à ce qui l’entoure et marche droit devant elle vers le hall comme si elle était seule sur la grande place. La foule devant elle s’écarte comme par magie, ou on pourrait plutôt dire que le rythme de ses pas lui permet de passer entre les mailles de la foule avec une justesse qui m’impressionne. C’est comme si ses mouvements avaient été précisément prévus, calculés au millimètre, pour éviter les gens devant elle. Son style vestimentaire ressemble à celui des deux autres. J’en viens à me demander si ce sanctuaire n’est pas utilisé comme décor dans un manga populaire, un anime ou peut-être même un film, et que ces trois jeunes filles y viennent habillées comme les personnages de ce supposé manga pour se mettre en quelque sorte en situation. J’aurais envie de demander autour de moi mais personne ne porte une attention quelconque à ces trois filles en costumes. Il n’y avait pas non plus d’écriteau ou d’affiche dans le sanctuaire indiquant une éventuelle utilisation de ce lieu pour un film ou comme décor dans un manga. Les temples et sanctuaires ne cachent en général pas ce genre de informations qui attirent les visiteurs. En me renseignant sur le sanctuaire de Samukawa avant de venir, je n’avais pas non plus lu de mentions à ce sujet. J’avais par contre lu au sujet de l’histoire du sanctuaire, en apprenant que les divinités qui y sont vénérées sont les kamis Samukawa-hiko no mikoto (寒川比古命) et Samukawa-hime no mikoto (寒川比女命), les incarnations masculine et féminine respectivement d’un couple nommé Samukawa Daimyōjin (寒川大明神). Il reste pourtant beaucoup de mystères autour de ces deux divinités, car elles ne sont pas mentionnées dans les textes anciens du Kojiki ou du Nihonshoki. On dit qu’il s’agirait de souverains du début de l’histoire du Japon, mais les détails restent grandement inconnus. Il existe également diverses théories concernant la divinité réellement consacrée au sanctuaire de Samukawa. On évoque divers noms de divinités et de princesses comme Kushinada Hime (奇稲田姫), Nakisawa Megami (泣沢女神) et Kukurihime no Mikoto (菊理媛命). Alors que je me remémore ces théories lues sur internet, il me vient une évidence. Il me semble maintenant évident que les princesses divines des livres anciens se sont données rendez-vous aujourd’hui, jour faste Taian, dans l’enceinte du sanctuaire Samukawa.

Au moment exact de mon éclair de clairvoyance, un autre éclair détone dans le ciel. Le ciel s’est couvert au dessus du sanctuaire. Des nuages épais se sont développés sans que je m’en rende compte, trop occupé à mes réflexions. On distingue dans les nuages des formes longues et sinueuses comme des serpents. On regardant un peu mieux, ce sont plutôt des dragons aux formes floues et mouvantes qui s’entremêlent. Une gueule apparaît parfois puis replonge dans les volumes nuageux. Je ne l’avais pas remarqué jusqu’à présent mais la sphère armillaire portée par les quatre dragons s’est mise à tourner sur elle-même, à la recherche d’un nouvel équilibre. On distingue trois dragons dans les nuages mais il manque le quatrième pour que l’équilibre céleste ne soit pas perturbé. Je bois sans réfléchir une nouvelle gorgée d’amazake, qui a maintenant un parfum de saké, comme pour marquer le démarrage d’une nouvelle étape. Il n’y a pas de doutes, la jeune fille aux cheveux d’or est Kushinada Hime (奇稲田姫), celle au visage triste et aux cheveux rosés est certainement Nakisawa Megami (泣沢女神). L’assurance de la fille habillée de rouge me fait penser qu’il doit s’agir de Kukurihime no Mikoto (菊理媛命). Mais où sont Samukawahiko no Mikoto (寒川比古命) et Samukawahime no Mikoto (寒川比女命), les véritables divinités du sanctuaire? Je n’en ai aucune idée. Je regarde autour de moi mais je ne vois personne qui pourrait correspondre de près ou de loin à l’image tout à fait arbitraire que je me donne de ces divinités. Elles doivent forcément avoir une personnalité forte pour pouvoir nous protéger contre les mauvais esprits de toutes sortes. Mais les vents célestes continuent à souffler, générés par les mouvements continus des dragons dans le ciel, dans des bruits sourds et incessants. Les trois princesses, qui avaient jusqu’à maintenant des visages angéliques, ont entamé une transformation d’apparence stupéfiante, conditionnée par les forces célestes qui les entourent et les submergent. Leurs visages se déforment en un rictus effrayant qui fait froid dans le dos. Elles ressemblent maintenant à des monstres, qui me fascinent plus qu’ils m’effraient. Je regarde ces événements extraordinaires d’une manière sereine. Je suis de toute façon comme paralysé sur place, sans trouver la force ou même la volonté de faire quelque mouvement que ce soit. Les vents tournoyant font maintenant voler la poussière et le ciel s’est beaucoup assombri. La foule s’est déjà dissipée. Je suis seul à être témoin de ce déchaînement des éléments. La sphère armillaire semble tourner de plus en plus vite sur elle-même dans un bruit fracassant. La tornade au dessus du sanctuaire est violente et bruyante. Elle pourrait tout emporter si elle continuait de cette manière. Le point de saturation est proche. Je le sens maintenant très fortement même si j’ai du mal à saisir les enjeux de ce débordement. Je me tiens fermement d’une main à la rambarde derrière moi, mais les vents ne me bousculent pas vraiment, comme si j’étais préservé pour pouvoir être témoin de ce qui se passe. Les trois divinités devenues monstrueuses se tiennent maintenant figées regardant en direction de la grande porte Shinmon. Elles semblent attendre l’apparition d’une force plus grande qu’elles. Malgré leur apparence nouvelle, je ne ressens aucune animosité entre elles. Ce que je suis en train de voir n’annonce peut-être pas une bataille mais s’avère plutôt être une procession pour l’arrivée prochaine du couple Samukawa Daimyōjin. Il ne me reste plus beaucoup d’amazake dans mon gobelet mais je me retiens de boire ce qui reste, car je veux connaître la suite de cette histoire. J’ai compris qu’il s’agissait d’un révélateur m’ouvrant une porte vers ce monde divin et céleste.

Samukawahime no Mikoto (寒川比女命) entre finalement en scène suivie de Samukawahiko no Mikoto (寒川比古命). Ils marchent l’un à la suite de l’autre d’un pas décidé et rapide, dissipant rapidement les nuages et les bourrasques qui avaient perturbé le sanctuaire. Les trois autres princesses ayant retrouvées leur apparence initiale s’inclinent à leur passage. Je fais de même sans réfléchir. La place devant le grand hall du sanctuaire est vide. La sphère armillaire a freiné son mouvement jusqu’à l’arrêt apparent indiquant un équilibre retrouvé. Les cinq divinités sont maintenant alignées devant le sanctuaire avec le couple Samukawa Daimyōjin au centre. Elles montent les quelques marches de bois puis disparaissent dans la pénombre comme si elles n’avaient jamais vraiment existé. Je bois la dernière gorgée de l’amazake qui restait dans mon gobelet. A ce moment précis, on m’appelle soudainement et je reprends mes esprits. Je semble être le seul à avoir été témoin de cette procession extraordinaire. Enfin, je n’en suis pas sûr car de l’autre côté de la place du sanctuaire, une fille habillée de noir me regarde avec insistance comme si elle comprenait ce que je venais de voir. Elle ressemble beaucoup à Kei, mais je n’en suis pas certain car elle se trouve un peu loin de moi. Je me résonne en me disant que ça ne doit pas être Kei car je n’ai pas encore écrit cette partie de son histoire. A moins qu’elle ne vive maintenant en dehors de mon histoire, vu que je mets beaucoup trop de temps à l’écrire. C’est peut-être même elle qui écrit mon histoire. Cette idée me donne froid dans le dos dans un premier temps. Elle disparaît à son tour me laissant seul avec mon histoire dont j’ai maintenant du mal à percevoir les contours.

Kei se reveille progressivement au son de l’introduction vaporeuse d’une musique Dream Pop émanant des écouteurs de son iPhone. Elle s’était endormie en écoutant une longue émission musicale de la radio anglaise NTS, consacrée au Shoegaze sous toutes ses formes. Dans son rêve, qui n’en était peut-être pas un, les nuages de guitares entremêlées du Shoegaze venaient ajouter une ambiance musicale dramatique à la tourmente qui se déroulait devant ses yeux dans le ciel au dessus du grand sanctuaire de Samukawa.

J’écoute aussi beaucoup, en boucle même dirais-je, deux émissions consacrées au Shoegaze sur NTS Radio. L’une s’intitule NTS Guide to Shoegaze 2K24 et l’autre Liquid Mirror with Olive Kimoto – On the Edges of Shoegaze. Il s’agit en fait de longues playlists de plus d’une heure chacune contenant des morceaux d’inspirations Shoegaze, sous différentes formes incluant la Dream Pop. Je ne connais pas la plupart des groupes présents sur ces deux playlists, à part deux (Slowdive et Yeule) et je suis complètement épaté par la qualité fabuleuse de la sélection. On parle ici de groupes indépendants, très loin du mainstream et par moment très proches de la recherche expérimentale de sons. La constante est une certaine forme de brouillard sonore typique du Shoegaze, mais ça serait très réducteur de se limiter à ce type d’images. On ressent l’influence de MBV sur les sons de guitares instables de certains groupes de ses deux sélections. Ils savent pourtant se réorienter vers d’autres directions en cours de morceau. La musicienne, DJ et artiste multimédia Olive (美真 | みどり) Kimoto présente une des deux émissions, celle intitulée Liquid Mirror. Cette émission est diffusée une fois par mois et va certainement faire partie de mes nouvelles habitudes d’écoute. La confusion et le flou musical du Shoegaze m’a en grande partie inspirée l’histoire ci-dessus, car j’écoutais ces deux playlists pendant l’écriture de certains passages.

NTS nous parle d’un revival du Shoegaze et je suis tout ouïe. J’ai tout de même le sentiment que le style Shoegaze a toujours été présent sans discontinuer au Japon. C’est même très intéressant de voir que Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) s’y met également pour le nouveau single intitulé Spark de son projet SUSU(好芻) avec Kanji Yamamoto (山本幹宗). J’ai suivi les différentes directions prises par ce projet et cette incursion dans le monde vaporeux du Shoegaze est vraiment étonnante et enthousiasmante. Le compositeur et guitariste Kanji Yamamoto est également guitariste d’appoint du groupe Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ) de Kazunobu Mineta (峯田和伸) que j’aurais le grand plaisir de voir sur scène le 9 Mai avec Hitsuji Bungaku (羊文学), si tout va bien. La composition du groupe qui a enregistré le morceau Spark avec Ikkyu Nakajima et Kanji Yamamoto est très intéressante. Kentaro Nakao (中尾憲太郎) y joue de la basse et Ahito Inazawa (アヒト・イナザワ) est à la batterie. Ils sont tous les deux anciens membres du groupe Number Girl. Il s’agit d’une belle équipée et ça ne pouvait donner qu’un très bon morceau pour SUSU. Avant d’écouter les émissions radio de NTS, j’avais en fait déjà noté une renaissance du Shoegaze à travers quelques jeunes groupes découverts récemment comme Retriever avec leur EP Attic Ocean. Lorsque j’ai vu pour la première fois la vidéo du single Lilies and Sea tournée dans le centre de Shibuya, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un groupe japonais. En fait non, Retriever est un jeune groupe allemand originaire de Düsseldorf. Ce morceau est très beau tout comme les autres quatre titres composant le EP. En écoutant ces morceaux, j’ai tout de suite remarqué l’influence de Slowdive, et je n’ai ensuite pas été étonné d’apprendre que Simon Scott de Slowdive était en charge du mastering. Le EP Attic Ocean dans son ensemble est une petite pépite Shoegaze nous noyant pendant une petite vingtaine de minutes dans des mondes sonores oniriques et nostalgiques. On s’éloigne ensuite un peu du Shoegaze mais on reste dans le rock alternatif avec une excellente découverte du groupe Anglais English Teacher. J’ai entendu pour la première fois le morceau intitulé The World Biggest Paving Slab sur la radio J-Wave et j’ai tout de suite accroché au style vocal un brin provocateur de la chanteuse Lily Fontaine. « I am the world’s biggest paving slab So watch your fucking feet » nous dit-elle dans le refrain. Ce morceau est tiré de leur premier album This could be Texas sorti le 12 Avril 2024.

the day in question

Ce jour là, je me souviens très bien m’être perdu dans les nuages. C’était Samedi dernier en début d’après-midi. Partir au hasard des rues tokyoïtes m’amène souvent vers le quartier de Jingumae. C’est comme si un mystérieux fil rouge d’un centième de millimètres de diamètre, pratiquement invisible, me guidait sans que je m’en rende compte à travers les rues du centre de Tokyo. J’ai bien entendu le sentiment de guider mes propres pas sans influence externe mais le destin est pourtant à chaque fois scellé, peut importe la direction initiale que j’emprunte. Il y a un intérêt visuel certain à ce quartier de Jingumae, que ça soit pour l’immense comme l’impressionnant immeuble verdâtre en forme d’iceberg sur l’avenue Meiji, ou le beaucoup plus petit comme la multitude d’autocollants de toutes formes et messages fleurissant sur de nombreux boîtiers électriques métalliques, entre autres parois murales apparemment autorisées à être décorées. Ces autocollants colorés, ou délavés suivant leur ancienneté, sont après réflexion les éléments de décor urbain qui me dirigent et qui me font avancer sans cesse dans ces rues. Cette marche automatique me fait passer par la rue des chats, Cat Street. Ils sont bien cachés, ces chats, attendant certainement que la pénombre envahisse la ville pour sortir et l’envahir pendant que les travailleurs harassés dorment. Il est certain qu’en pleine nuit, la rue appartient à ces chats. En marchant au milieu de l’étroite rue piétonne, je scrute les endroits cachés entre deux immeubles, les escaliers qui gravissent les rues en pente, les toits enchevêtrés des maisons basses, mais il n’y a pas un chat. En fait, ma recherche est gênée par la foule marchant dans le sens opposé au mien, formant un rideau protecteur cachant l’arrière de la scène urbaine. Les chats doivent s’abriter dans les coulisses du spectacle de la rue. Ils doivent d’ailleurs bien s’amuser à regarder la foule déambuler sans arrêt, à travers la discrète ouverture que l’on peut se créer entre deux pans de rideaux. Parfois, je m’imagine être comme un chat derrière ces rideaux à observer la foule et à attendre le bon moment pour saisir en photographie une conversation volée, au croisement de deux rues, devant une grande affiche publicitaire déchirée. Je suis debout au milieu de la rue mais également invisible derrière cette couverture protectrice. Mon existence en ce lieu en devient même incertaine, comme si elle s’était fondue dans l’air ou plutôt dans des nappes épaisses de nuages. Ma matérialité semble se dissoudre et se détacher petit à petit du sol. Je suis tellement bien caché derrière ces nappes brumeuses qu’on ne peut me voir depuis la rue. Je ne peux d’ailleurs plus me voir moi-même. La conscience de mon existence est pourtant bien présente mais elle devenue légère comme les nuages au dessus de ma tête. Naturellement, je lève les yeux pour constater la présence de ces nuages qui m’attirent tant. Le bleu du ciel est très marquant mais c’est la tourmente des nuages qui accapare toute mon attention. Les nuances subtiles de gris et de blanc sont fascinantes. On n’en devine que difficilement les limites. Quand on commence à les observer, on ne peut plus tourner le regard. On regarde au contraire plus profondément pour tenter de les traverser afin de voyager à l’intérieur. Je ne peux m’en détacher car ils m’envahissent doucement de toute part, comme un drap moelleux qui m’enveloppe, sans pourtant me serrer ou me faire suffoquer. On s’y sent libre de tout mouvement et de tout regard, flottant au dessus de la foule urbaine. Pendant quelques instants, je regarde le spectacle de la vie urbaine à travers la discrète ouverture que l’on peut se créer entre deux pans de rideaux nuageux. Les réseaux de draperies nuageuses peuvent ressembler à des labyrinthes si on s’y égare un peu trop, mais je connais ces endroits pour les avoir maintes fois emprunté. Les dernières notes du morceau alife de Slowdive que j’écoute sous écouteurs me font plonger doucement depuis les surfaces nuageuses jusqu’à la surface ferme du sol de Cat Street. La musique de Slowdive a cette qualité de rendre les êtres vaporeux pendant quelques minutes, le temps d’un morceau, et de nous transporter pour s’échapper loin de toutes choses.

Le nouvel album de Slowdive intitulé everything is alive sorti le 1er Septembre 2023 est beau de bout en bout, sans fausse note ni fausse distorsion. Slowdive est certes un groupe légendaire du shoegazing anglais quasiment au même titre que My Bloody Valentine, mais je suis vraiment surpris par la qualité de leur production, d’un niveau comparable à leurs tous premiers albums sortis il y a plus de trente ans au tout début des années 90. On y trouve la même émotion noyée dans des flux de musiques vaporeuses qui nous amènent à rêver et à plonger dans les nuages, comme je peux le faire parfois de manière tout à fait imagée. L’album ne contient que 8 morceaux mais dure tout de même 42 minutes. Certains morceaux donnent la part belle à l’instrumental. De cet album, j’avais déjà évoqué le premier single Kisses qui est un des meilleurs morceaux de l’album, avec le troisième intitulé Alife où on a le plaisir d’écouter les voix de Rachel Goswell et Neil Halstead en duo. Halstead a écrit tous les morceaux de cet album. Il disait qu’il a hésité un moment à inclure le morceau Kisses sur l’album pensant qu’il serait trop pop. Cette réaction m’amuse car elle démontre l’orientation volontaire du groupe vers les sons du rock indé, craignant de s’éloigner d’un certain purisme rock attendu par leur public. Slowdive n’a plus rien à prouver mais on sent vraiment qu’ils ne veulent pas tomber dans la catégorie des groupes cultes faisant un retour en demi-teinte. Ceci étant dit, Kisses reste le morceau ressemblant le plus à un single, car la plupart des autres morceaux de l’album se jouent dans une continuité aux bords flous. Les moments marquants sont pourtant nombreux comme le morceau The Slab, concluant brillamment l’album. On se dit à ce moment précis, que l’album est un peu trop court, car on a le sentiment de s’être tout juste imprégné de cette atmosphère rêveuse. Le quatrième morceau Andalucia plays est également marquant car certaines notes de guitare me rappellent beaucoup un morceau de The Cure. Je pense qu’il s’agit de Pictures of You sur l’album Desintegration de 1989, mais je n’en suis pas complètement certain.

I know you dream of snowfields, Floating high above the trees

Je traverse régulièrement à pieds le sanctuaire Toranomon Kotohiragu (虎ノ門 金刀比羅宮) dont l’origine remonte à l’année 1660. Une de ses particularités remarquables est qu’il se trouve encastré entre des hauts immeubles. Il partage son emplacement avec la tour Kotohira et une partie du sanctuaire est d’ailleurs située dans cette tour. Cette combinaison d’un sanctuaire et d’une tour moderne peut paraître assez atypique mais n’est pas particulièrement rare à Tokyo. Dans le cas présent cependant, on a vraiment le sentiment que la tour à optimiser l’espace utilisable sans trop porter atteinte à l’environnement nécessaire au sanctuaire. Un des grands torii du sanctuaire est par exemple situé à l’entrée du building et l’approche du sanctuaire est en grand partie couverte par celui-ci. On pourrait très bien retrouver cet entrelacement de sanctuaire et de building dans le petit guide jaune Made in Tokyo de Junzo Kuroda, Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima. Je continue ensuite ma marche en longeant en partie le parc Hibiya, que je traverse aussi assez souvent en ce moment sans pourtant le prendre en photo. Le Hibiya Chunichi Building (日比谷中日ビル), conçu par Nikken Sekkei et construit en 1973, se trouve devant une des entrées du parc. J’ai toujours été intrigué par l’ouverture horizontale et biseautée située à un angle du building. Quelle peut bien être la fonction de cette ouverture, elle ne semble pas utilisée actuellement. Le bâtiment est occupé par une agence de presse et je me suis même imaginé qu’on jetait depuis cette fenêtre les journaux aux passants qui souhaiteraient bien les recevoir, un peu à la manière de paperboy dans le jeu vidéo d’arcade des années 80. Mais tout ceci est très improbable et le mystère reste entier. Je rejoins ensuite Kyobashi où un matsuri se prépare. Une dame me dit gentiment en anglais que le matsuri ne commencera qu’à 15h. Je lui réponds en japonais et elle se trouve du fait tout embêtée. Depuis quelques années, on ne m’adressait jamais la parole en anglais car on ne me confondait pas avec un touriste pendant toute la période de la crise sanitaire, les touristes étrangers étant quasiment absents. C’est désormais beaucoup plus fréquent qu’on m’adresse la parole en anglais. Il n’y a rien là de vraiment désobligeant mais je viendrais presqu’à oublier que j’habite au Japon depuis maintenant 24 ans. L’avantage d’être pris pour un touriste est de pouvoir prendre tout et n’importe quoi en photo sous prétexte d’exotisme, sans attirer grande attention. Ça apporte un confort certain.

Il suffit que je dise que je n’écoute pratiquement plus que de la musique japonaise pour que certains des artistes anglo-saxons que je préfère se mettent à sortir des nouveaux morceaux. Je suis toujours très attentif aux dernières créations électroniques d’Aphex Twin car je suis rarement (jamais) déçu. Il n’a pas sorti de nouvelles musiques depuis 2018 avec le EP Collapse. Un nouvel EP intitulé Blackbox Life Recorder 21f/In a Room7 F760 sortira le 28 Juillet 2023 et le premier morceau Blackbox Life Recorder 21f est déjà disponible. On ne sera pas surpris par l’ambiance générale du morceau. Il s’agit bien, dès les premières notes, du style Aphex Twin et c’est exactement ce qui me plaît. Il y a toujours un savant mélange et dosage entre les mélodies et la destruction sonores. La superbe image de couverture très architecturale est signée Weirdcore. Les shoegazers ’historiques’ Slowdive viennent également de sortir un nouveau single intitulé Kisses, en avance de leur prochain album Everything is alive qui sortira le 1 Septembre 2023. On a le temps de l’entendre venir mais ça fait de toute façon six ans qu’on attend un nouvel album de Slowdive, le précédent album éponyme étant sorti en 2017. Ce nouveau Kisses est vraiment excellent surtout quand les voix des anciens amants Neil Halsteid et Rachel Goswell se mélangent entre elles, avec des guitares très spatiales qui envahissent tout l’espace. Trente années après leurs heures de gloire avec l’album culte Soulvlaki, Slowdive n’a rien perdu de son inspiration et ça fait beaucoup de bien. Une autre excellente surprise est la découverte d’un nouveau morceau du projet The Smile fondé par les deux membres de Radiohead, Thom Yorke et Jonny Greenwood, avec Tom Skinner à la batterie. Ce nouveau morceau intitulé Bending Hectic fait 8 minutes. Je pourrais m’arrêter là car on peut facilement imaginer la qualité du morceau rien qu’en annonçant sa longueur. Il commence doucement, axé sur la voix hantée de Thom et sur des notes atypiques de guitare enclenchant des décélérations étranges. Et puis, il y a un retournement de situation assez flippant qui donne la chair de poule. Le morceau part ensuite vers d’autres territoires plus violents et chaotiques. Émotionnellement, c’est très fort. Ayant récemment réécouté certains albums de Radiohead comme Hail to the Thief, Amnesiac ou le single Ill Wind, ce nouveau morceau arrive au meilleur moment possible. Il y a une dose de génie chez Thom Yorke. Je le pense à chaque fois que j’écoute sa musique à travers Radiohead ou ses autres projets.

we are walking in the air

Nous marchons dans les airs. La nuit venue, c’est permis. On nous croit rendu loin mais nous flottons tout près en frôlant les êtres. Les musiques de fin d’été nous attirent autour de la foule qui vient se réunir le soir. On ne soupçonne pas notre présence si ce n’est des signes, un courant frais dans le cou, un vertige soudain. Nous remplissons pourtant les pensées de temps en temps le soir venu, quand le rythme de la vie se calme et que l’esprit se laisse aller aux divagations. Quand les attaches terrestres font une pause brève, une réunion s’opère. Nous reviendrons peut être demain, mais ça ne dépend pas de nous. Rien ne se commande ni ne se prévoit.


J’écoute l’album éponyme de Slowdive depuis quelques semaines, et je ne me lasse pas de le ré-écouter sans cesse, notamment pendant mes promenades photographiques en ville dans les rues de Tokyo. Ce groupe de shoegaze était actif dans les années 90 et s’est reformé récemment pour quelques concerts et pour cet album éponyme. Plus de 20 ans après les trois premiers albums du groupe, on retrouve cette même atmosphère et c’est très enthousiasmant. J’aime tout particulièrement les morceaux où les voix de Neil Halstead et de Rachel Goswell se complètent. L’esprit shoegazing est toujours présent sans prendre trop de rides. Les moments dans le morceau « Don’t know why » où la voix de Rachel se noie progressivement et disparait sous le flot musical des guitares me donnent toujours des frissons de satisfaction musicale. Si l’album Souvlaki, sorti en 1993, reste très certainement le meilleur album de Slowdive (la beauté pénétrante d’un morceau comme Dagger), ce nouvel album s’en approche par sa qualité.

Les quelques photographies ci-dessus où corps et décors se mélangent sont en quelque sorte mon équivalent photographique aux morceaux de Slowdive quand les voix se fondent et se mélangent aux sons des guitares.

Dans un autre style, électronique cette fois, j’écoute aussi beaucoup Aphex Twin ces derniers temps et cette musique électronique très rythmée, parfois joueuse et parfois sombre, m’accompagne aussi souvent dans mes parcours urbains. Il y a plus de 15 ans, je découvrais Aphex Twin à travers l’album Richard D. James, sorti en 1997. Cet album m’avait laissé à l’époque un avis assez mitigé. Certains morceaux comme « Cornish Acid » sont sublimes et mystérieux, mais d’autres morceaux sont beaucoup plus légers à mon goût, voire pop sur les bords, et un peu anecdotiques. Je n’avais pas cherché à creuser plus en avant la musique de Aphex Twin à l’époque. Les hasards d’un article sur Pitchfork sur les meilleurs albums de IDM (Intelligent Dance Music), me ramène vers cette musique. IDM est une dénomination très décriée regroupant une catégorie de musique électronique compliquée faite pour l’écoute au casque plutôt que sur les dance floor. Le label Warp en est spécialiste. Ce style me plait intrinsèquement. Comme pour la musique d’Autechre, les morceaux de Aphex Twin que j’ai pu découvrir récemment sur trois albums: le plus ancien Selected Ambient Works 85-92 et les plus récents Syro et Cheetah EP, semblent se faufiler dans les méandres les plus profondes du cerveau, comme si cette musique pointue venait réveiller des sens encore inconnues. On n’est pas loin d’un effet d’addiction, comme à l’époque de mon écoute exclusive et probablement excessive de la musique d’Autechre. Mais alors qu’Autechre devient de plus en plus obscure et inaccessible, Aphex Twin reste très abordable car les mélodies sont bien présentes de manière beaucoup plus immédiate et souvent entêtantes. Mais l’esprit joueur qui brouille les pistes n’a pas disparu des derniers albums de Aphex Twin. Parmi la multitude des sonorités électroniques de Syro, se cache par exemple un morceau totalement au piano dans le calme d’un jardin le soir. Ce piano me rappelle d’ailleurs celui de Grouper sur le superbe album Ruins. Ces trois albums de Aphex Twin sont ancrés dans une même continuité de son et ces sons minutieux sont un véritable plaisir à l’écoute.

Ces derniers jours, je suis troublé par ce morceau « Rest » de Charlotte Gainsbourg sur son futur album du même nom qui sortira en novembre 2017. Ces mots, cette voix sur la musique électronique en répétion et en suspension de Guy-Manuel de Homen-Christo (une moitié de Daft Punk) sont d’une beauté imparable. J’attends de pouvoir écouter le reste de l’album Rest, en espérant qu’il conservera cette ambiance.

Pour terminer avec la musique que j’écoute en ce moment et pour changer encore de style, j’apprécie beaucoup le nouveau morceau de Utada Hikaru Forevermore. Le prochain album après Fantôme qui était très bon, n’est pas encore prévu à ma connaissance. J’ai toujours gardé une oreille attentive aux morceaux de Utada Hikaru. Je trouve qu’elle est très inspirée ces dernières années et construit des morceaux avec beaucoup de variations dans la composition et dans la voix. On est très loin de ce que l’on peut entendre en général dans la pop japonaise, souvent peu inspirée et répétant les mêmes recettes sans beaucoup d’originalité avec pour but unique le succès commercial immédiat. Il y a beaucoup de succès commercial pour Utada Hikaru, mais elle semble tracer son chemin loin de cela (peut être la distance géographique car elle réside à Londres). Ma lucidité me dit que ça ne durera peut être pas.

Hitting North

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Leave Them All Behind, le sous-titre du billet précédent est également le titre de l’album Going Blank Again de Ride, datant du début des années 90. Encore un disque que j’aurais pu découvrir à l’époque de mes quinze ans. Un peu en dessous du monument qu’est Nowhere, j’aime quand même beaucoup cet album Going Blank Again. Comme beaucoup, je pensais que le Shoegaze se limitait à Loveless de My Bloody Valentine, mais je découvre Ride et Slowdive. Ces derniers temps, j’achète ma musique en CDs comme au bon vieux temps, plutôt que sur iTunes. J’écoute toujours sur mon iPod Touch, mais j’aime aussi conduire en musique. Je me suis procuré dernièrement en CDs: Souvlaki de Slowdive, Visions de Grimes, Veckatimest de Grizzly Bear, dans trois styles très différents.

Sur la série de photographies ci-dessus, l’appareil photo saute de lieux en lieux de Shibuya vers Shimo Kitazawa en passant par Mejiro et Akasaka.