Dans les rues de Tokyo, j’avance désormais masqué en permanence et en évitant la foule. En fait, j’ai déjà l’habitude de privilégier les petites rues qui sont en général vide de monde au point où on se demande à quoi servent tous ces bâtiments. Je ne modifie donc pas beaucoup mes habitudes, sauf que ça devient parfois un peu compliqué de prendre des photos quand les lunettes sont embuées à cause du masque, ce qui peut donner de temps en temps des photographies floues ou mal cadrées. Je fais de toute façon la sélection de ce qui restera présentable sur le blog, mais j’aime aussi de temps en temps jouer avec le flou et les cadrages aléatoires, ce qui peut parfois donner une dynamique inattendue. Les deux premières photographies sont prises à l’étage du Jingumae Building de l’atelier d’architecture ChuoArchi. Cet immeuble de béton que je prends souvent en photo est intéressant car il est composé de blocs non alignés et séparés les uns des autres par un espace vide laissant traverser la lumière. En montant à l’étage par un petit escalier extérieur en acier, tôt le matin avant l’ouverture, on peut mieux comprendre la composition atypique de cet immeuble. Le troisième étage est occupé par un café dont la terrasse donne une vue sur l’arrière de la barrière de buildings longeant la rue Meiji à proximité du carrefour d’Harajuku. On ne peut pas dire que la vue soit exceptionnelle, mais elle reste très ‘urbaine’ et l’endroit est calme et à l’abri des regards. Le Jingumae Building se trouve juste derrière le building Iceberg dans lequel se trouvait autrefois le concessionnaire Audi. Il s’agit maintenant d’espaces de bureaux partagés et collaboratifs.
La troisième photographie du billet est prise au niveau de l’immeuble Iceberg mais de l’autre côté de la rue Meiji. Le graffiti montrant un visage d’homme est assez étrange. Je n’avais pas remarqué cette illustration auparavant et je pense qu’elle a été dessinée récemment, peut être parce que le bâtiment est destiné à être détruit. Je ne sais pas si c’est le cas ici, mais il arrive parfois que des artistes soient invités pour investir de leurs créations un lieu destiné à disparaître sous peu. Ils ont en général carte blanche et leurs créations artistiques in-situ sont souvent irréversibles. C’était le cas de l’exposition No Man’s Land en Février 2010 qui avait pris d’assaut les anciens locaux de l’ambassade de France à Tokyo avant destruction pour être remplacés par le bâtiment actuel. Juste en dessous, une plante verte à grandes feuilles que j’aime beaucoup prendre en photographie dès que la trouve dans des petits jardins près des maisons ou immeubles. Elle a quelque chose de très photogénique. On a l’impression que ces grandes feuilles cachent derrière elles des mondes entiers qu’ils nous restent à explorer si l’on veut bien y regarder d’un peu plus près.
En naviguant tranquillement mais sûrement dans les rues de la ville avec de la musique en tête, je ralentis toujours un peu le rythme quand j’aperçois un attroupement de stickers. Les stickers vivent rarement seuls et ont tendance à cse regrouper. Ces regroupements attirent parfois mon regard lorsqu’une couleur plus vive que les autres traverse la rue jusqu’à mes pupilles. Ici, il s’agit de cheveux roses dessinées sur un visage. Juste au dessus, on ne peut pas manquer de voir un autocollant assez classique avec le nom supposé d’une personne inscrit en noir et en lettres majuscules. Il est écrit « UZAI », c’est à dire énervant ou agaçant. Je pense qu’il s’agit d’une française voyageuse régulière au Japon qui l’a collé ici. Sur la dernière photographie, je retrouve une nouvelle fois le petit immeuble au toit en diagonale QUICO par l’atelier et laboratoire d’architecture de Kazunari Sakamoto. J’ai toujours un peu de mal à le prendre en photo en entier en raison du manque de recul, et cette photographie légèrement en contre-plongée ne le met pas forcément en valeur.
La musique que j’ai en tête pendant ces navigations urbaines est celle de l’excellent deuxième album Color Theory de la compositrice et interprète Indie Rock américaine du Tennessee Soccer Mommy, de son vrai nom Sophia Regina Allison. Ce son de guitare a quelque chose de familier et me rappelle un peu certains morceaux de Snail Mail, l’album Lush de 2018 que j’écoute encore très souvent. Un morceau comme Crawling in my skin, que j’utilise en titre de ce billet, me rappelle quant à lui le son de Deerhunter. J’adore ce son rock américain car il me rappelle la musique que j’écoutais au début des années 90 quand j’étais adolescent. Ces morceaux mid tempo fonctionnent bien par la force immédiate et émotionnelle de sa voix. Je continuerais certainement l’écoute de l’univers intime de Soccer Mommy (drôle de nom ceci étant dit) avec son album précédent Clean, également disponible sur bandcamp.