it’s so hard to tell

Même si le marché aux poissons ne se trouve plus à Tsukiji depuis longtemps (depuis 2018), l’endroit reste très animé et principalement occupé par les touristes étrangers qui viennent en grand nombre. On observe d’abord de loin puis on vient voir de plus près les prix gonflés du poisson frais en sushi ou autre préparation. Nous étions en fait de passage ici pour montrer l’endroit à un cousin de Yamagata. Il y heureusement à Tsukiji des endroits un peu plus calmes, et des affaires à faire lorsque l’on passe aux horaires de fermeture au tout début de l’après midi. Nous sommes également passés voir les grandes têtes de lion du sanctuaire Namiyoke (波除神社), mais l’un d’entre eux était malheureusement de sortie. Je l’avais en fait vu un peu plus tôt dans les allées de Tsukiji en train de courir avec une délicate élégance, mais j’avais cru qu’il s’agissait d’un mirage. Voir le lion absent de l’enclos du sanctuaire Namiyoke m’a troublé quelques instants, mais je me suis en même temps convaincu que la liberté de mouvement ne devait pas être limitée aux simples humains. Il n’était en tout cas pas parti se cacher dans l’immense terrain vague qui reste désormais à l’endroit où se trouvait le marché. Ici verra le jour en 2032 un grand stadium de 50,000 places qui sera utilisable pour des évènements divers, comme des compétitions sportives mais aussi des concerts. Le re-développement de cette zone est mené par Mitsui Fujisan avec un consortium composé de Yomiuri Shimbun Holdings, Toyota Fudosan, Kajima et Taisei Corporation. En plus du stadium, on y trouvera bien sûr des espaces commerciaux, hôtel, bureaux et résidences. Le design que j’ai pu voir sur internet est élégant, avec une toiture élancée et laissant une part importante aux espaces verts. Sa capacité le fait entrer en compétition directe avec le Tokyo Dome de 55,000 places, et sera plus spacieux que le Saitama Super Arena de 37,000 places. A ce propos, j’ai bien entendu lancé mes demandes de réservation pour le concert Ringo Expo’24 qui aura lieu dans pas moins de cinq mois, mais cette réservation se fait bien entendu par loterie et les résultats ne seront connus qu’un peu plus tard ce mois-ci. Avec trois dates au Saitama Super Arena, ce qui équivaut donc à 111,000 places en tout, j’espère tout de même qu’il y aura une petite place pour moi. Cette taille de niveau arena me changerait des salles de moins de 1000 personnes dans lesquelles j’assiste régulièrement à des concerts. La salle WWW X pour le concert de DAOKO cette semaine ne fait par exemple que 600 places.

Je suis toujours très attentif aux nouveaux singles du groupe Som4li et j’en ai systématiquement parlé sur ce blog tant j’ai été à chaque fois enthousiasmé par ce que j’écoutais. Je ne suis pas déçu par le nouveau single Frozen sorti en avance du nouvel EP du groupe intitulé Chachacha qui sortira le 19 Juin 2024. Ce morceau est composé et écrit par Rio Shimamoto (島本理緒), le guitariste du groupe, et est comme toujours chanté par Mako. Je pense qu’il s’agit du morceau le plus abouti du groupe et très certainement le meilleur. Il est en fait assez différent des morceaux du premier EP Escapism sorti il y a déjà 2 ans, en 2022. Les guitares lentes et pleines d’écho nous transportent dans une ambiance enveloppante, d’abord froide puis se complexifiant et se densifiant dans un final particulièrement réussi. Le morceau a une atmosphère quasiment cinématographique. Espérons que le EP Chachacha, avec un chat en couverture, soit aussi réussi que le single Frozen. En parlant de cette image de couverture, on doit sa composition à Mako et il doit très certainement s’agir de son chat en photo.

sakura overload (un dernier sanctuaire)

Le sanctuaire de Yasukuni se trouve juste à côté de Chidorigafuchi. Il suffit de traverser une passerelle piétonne pour se retrouver à l’entrée de l’immense torii du sanctuaire et de la large et longue allée qui y mène. La foule s’intensifie plus on approche du hall principal du sanctuaire, mais ça n’empêche pas d’apprécier l’effet de cadrage que forme la grande porte juste avant le hall sur le paysage de fleurs qui se révèle petit à petit devant nous. Je resterais assez peu de temps dans l’enceinte du sanctuaire car il était plus que difficile de cadrer ses propres photographies avec autant d’éléments mouvant autour de soi. Cette année, je ne suis volontairement pas allé voir les cerisiers au bord de la rivière Meguro car la foule doit y être encore plus dense sur des allées beaucoup plus étroites. Il y a quelques années, il n’y avait pas autant de monde à Naka-Meguro. Le lendemain, nous irons voir les cerisiers ailleurs, en dehors du centre de Tokyo, mais en attendant, je passe par le centre de Shibuya pour une autre foule entassée devant la station. Il faut croire que cette densité humaine m’attire sans cesse. Après cette fatigue accumulée à piétiner sans marcher sur les autres, je ne sais pour quelle raison l’envie de boire une bière pression bien fraîche me prend soudainement (生きれば生きるほど生ビールはうまい!).

Je découvre grâce à YouTube le morceau Exit A8 (A8番出口) d’une jeune compositrice et interprète appelée Noa (乃紫) que je ne connaissais pas. Elle a sorti une bonne dizaine de singles mais pas encore d’albums ou de EP. Le morceau Exit A8, qui doit certainement faire référence à la sortie débouchant sur Hachiko (ハチ公口) de la station de Shibuya si on lit les paroles, a une composition rock relativement classique mais bien maîtrisée, et le chant de Noa est très convaincant et engageant. La fiche Wikipedia donne très peu d’information sur sa jeune carrière mais note un point qui m’intéresse sur ses influences. Lors d’une interview avec le journaliste de la presse musicale Tomonori Chiba (柴那典), de Rockin’on Japan entre autres, elle a cité Sheena Ringo, Tokyo Jihen et Radwimps comme influences de sa musique. Je suis donc en terrain connu, et me réconforte dans cette idée que de nombreuses jeunes compositrices et interprètes rock ont été influencées par la liberté artistique de Sheena Ringo, du moins par sa première partie de carrière.

Toujours dans le rock japonais, mais plus underground, je reviens vers la musique du groupe SOM4LI (ソマリ) avec un nouveau morceau intitulé (I’m) SICK OF IT. J’avais déjà parlé de ce groupe basé à Tokyo et composé de quatre membres: Rio Shimamoto (également du groupe Strip Joint), Mako et Risako (de feu Ms.Machine) et SHV du groupe KLONNS. C’est dommage que le groupe Ms.Machine se soit dissolu, mais je me réconforte en quelque sorte avec les nouveaux morceaux de SOM4LI qui arrivent malheureusement au compte-gouttes. J’imagine bien que les membres du groupe sont déjà occupés leurs formations respectives. Mako a par exemple une activité principale en tant qu’artiste électronique de style Witch House, sous le nom 1797071. Elle écrit également les paroles des morceaux de SOM4LI et chante. Le style général de SOM4Li et de ce morceau en particulier est brut, que ça soit dans le chant de Mako ou les guitares bruitistes qui l’accompagnent rappelant le rock alternatif américain. J’aime beaucoup la dernière partie du morceau où elle crie dans ce qui ressemble à une complainte répétitive.

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Que se passe t’il quand les images s’entrechoquent, lorsqu’un ciel bleu tokyoïte se laisse soudainement submerger par des flots de brumes nuageuses et par des textures sombres ressemblant à des cicatrices. Pourquoi ce besoin régulier de déconstruire le paysage urbain pour y ajouter une densité supplémentaire comme si elle était vraiment nécessaire. Tokyo est un espace difforme sans unité apparente dont les trésors se cachent derrière le bruit urbain. Même si on essaie d’éteindre les lumières de la ville pour révéler toute sa noirceur, elles finissent toujours par nous échapper. Ces lumières fuyantes révèlent les nervures des immeubles et les silhouettes de ses habitants. Elles nous poussent à nous concentrer sur ce qui fait la beauté de cette ville derrière la densité du bruit ambiant.

Après une période pop estivale, je reviens vers des sons beaucoup plus underground avec deux EPs au son rock indé pour l’un et électronique tendance witch house pour le deuxième. Le point commun entre ces deux EPs est le lien de certains membres avec le groupe post-punk Ms. Machine dont je parle tres régulièrement sur ce blog. Je découvre d’abord le morceau Insane du groupe Som4li (ソマリ) qui me plait tout de suite beaucoup. Som4li est en fait un groupe formé de membres d’autres groupes toujours en activité et évoluant dans les mêmes cercles, que ce soit ceux des concerts ou des labels. Il se compose de Rio Shimamoto qui est guitariste d’un groupe appelé Strip Joint, MAKO et RISAKO qui sont respectivement guitariste et bassiste de Ms. Machine et SHV du groupe KLONNS. Le son rock indé du EP Escapism de quatre titres sorti le 31 Août 2022 que j’écoute en ce moment est brut. Mais cette musique est pourtant très mélodique et rythmée. J’aime beaucoup le fait que les morceaux soient souvent chantés à plusieurs voix, avec des chœurs, ce qui contraste habillement avec la noirceur générale du son de cet EP. Le dernier morceau du EP intitulé Mei (メイ) doit être le plus facile d’approche et le morceau qui frôle le plus avec un son pop-rock. Le EP ne fait que 10 minutes et est malheureusement un peu court car on aimerait découvrir plus de morceaux de ce super-groupe très prometteur.

Dans la foulée du EP de Som4li, je découvre le EP D1$4PP34R1NG de 1797071. Derrière ce nom de code bien mystérieux, on retrouve MAKO du groupe Ms. Machine, également membre du groupe Som4li comme je l’indiquais ci-dessus. Elle vient de sortir cet EP aux sons électroniques sombres et industriels le 2 Septembre 2022 sur le label Discipline Production. 1797071 officie souvent comme DJ lors de concerts organisés par Discipline. Outre la composition des morceaux principalement centrés sur la guitare pour Ms. Machine, celle électronique sur cet EP, MAKO illustre également les pochettes de ce EP et celui de Som4li. Elle a donc de multiples talents. J’adore tout simplement l’ambiance électronique sombre de cet EP que le texte d’introduction sur Bandcamp (par SHV de Som4li) indique comme étant apparentée à la witch house née des profondeurs de l’internet des années 2010. Cette musique aux sons agressifs n’a rien de reposant et n’est certainement pas pour toutes les oreilles mais elle possède une puissance certaine. J’ai immédiatement accroché au troisième morceau ka 4 ko sen qui est mis en avant sur la page Bandcamp du EP. Ce morceau me rappelle un peu les ambiances sonores que j’aimais tant de Crystal Castles. J’aime beaucoup les distorsions sonores et les changements de tons allant vers les aigus. Le son est brut, souvent teinté d’une agressivité sonore, mais superbe en même temps. Les morceaux qui suivent sont d’une beauté mystérieuse, notamment phantom, car on y ressent une grande mélancolie. J’aime beaucoup la dimension plus intime de ce morceau, qui donne une profondeur supplémentaire à cet EP. Le EP commence superbement avec le morceau †riple a, mélangeant la beauté de nappes sonores rêveuses et les sons de basse crachotante martelant cette beauté apparente. Dès ce premier morceau, on sait que l’écoute sera exigeante, mais comme toute écoute exigeante, elle apporte beaucoup de satisfaction. On reconnaît d’ailleurs certains des sons électroniques de cet EP dans la musique de Ms. Machine. Ah, quel plaisir de trouver ce genre de sons sans compromis. Et les photographies de ce billet me sont bien entendus directement inspirées par ces deux EPs.