Je continue tranquillement mes recherches de l’architecture de Sou Fujimoto dans Tokyo avec l’ensemble très particulier Tokyo Apartment. Il s’agit d’une petite résidence de quatre appartements composés de 2 ou 3 pièces sur plusieurs étages. On accède d’une pièce à l’autre par des escaliers internes qui traversent le sol des appartements ou par des escaliers externes posés sur la surface des façades. La forme de l’ensemble est très particulière, faite de petites maisons posées les unes aux dessus des autres, dans ce qui semble être un équilibre précaire. On nous dit que cette résidence ressemble à une petite montagne où l’on grimpe les escaliers extérieurs pour arriver au sommet. C’est vrai que la forme des escaliers nous fait un peu penser à un chemin de montagne contournant des rochers, les rochers étant les blocs blancs des maisons dans le cas ici. Mais, je retrouve plutôt dans Tokyo Apartment l’image de l’arbre que j’avais pu voir dans House H et surtout House NA du même architecte. On retrouve une sorte de ramification et on pense même à des cabanes construites dans un arbre. Tokyo Apartment a été construit en 2009 et tient relativement bien le coup, même si je ne retrouve pas devant moi le blanc immaculé que j’avais pu voir dans les magazines d’architecture à l’époque. L’adresse de Tokyo Apartment n’est pas très difficile à trouver en cherchant un peu sur internet, mais pas très évidente d’accès. Elle se trouve à quelques stations au delà de Ikebukuro et il faut marcher un peu dans les quartiers résidentiels pour la trouver finalement près d’un jardin public. Comme à chaque fois que je pars à la recherche d’architecture remarquable, j’aime ces quelques minutes avant d’atteindre son but. Je sors l’appareil photo discrètement en espérant que les conditions seront suffisamment bonnes pour prendre quelques photographies. Le positionnement du soleil en fin de journée peut jouer des tours parfois. C’est aussi délicat de prendre des photographies si le propriétaire ou les locataires sont présents aux fenêtres ou à l’extérieur. Au moment de la prise de photos, j’ai été un peu gêné par le linge posé sur l’escalier. Pas tant pour l’esthétique de la représentation de l’immeuble, mais pour le côté intime. Mais comme il s’agissait de grandes couvertures et de serviettes, je me suis permis. Pour continuer la visite, le photographe Edmund Sumner nous montre quelques photographies de l’intérieur sur un article de Dezeen.
Étiquette : Sou Fujimoto
l’architecture de Sou Fujimoto: House H
Dans la foulée de la découverte de House NA, je pars ensuite à la recherche d’une autre maison individuelle particulière de Sou Fujimoto, House H. Elle se trouve quelque part dans les zones résidentielles de l’immense arrondissement de Setagaya. Comme je le mentionnais précédemment dans mon billet sur House NA, j’avais déduit le lieu où se trouve cette maison à partir d’un article du blog Tokyo Files et de quelques recherches sur Google Maps. Le dimanche matin de la deuxième partie de la Golden Week, après avoir déposé Zoa à une de ses activités du week-end, je pars en vélo dans les rues de Meguro puis de Setagaya pour partir à la recherche de cet autre petit trésor architectural. Il faudra un peu de courage car la route, même à vélo, est un peu longue, mais j’ai un courage à toute épreuve. C’est également très agréable de faire du vélo le dimanche matin dans les rues de Tokyo. Vers 9h, la ville dort encore et les rues sont beaucoup plus calmes qu’à l’accoutumé. En fait, les quartiers résidentiels de Tokyo ne sont pas tranquilles que le matin. L’absence de population visible lorsque l’on se promène dans ces quartiers est particulièrement notable. On se demande parfois où se cachent tous les habitants de ces maisons pendant la journée.
Dans l’arrondissement de Meguro, j’avais repéré une longue coulée verte qui m’amènera assez vite vers Setagaya. J’ai trouvé quelques allés vertes semblables dans Setagaya. Ce sont des chemins pavées pour piétons et vélos coincés entre des rangées de maisons individuelles de hauteur basse. Elles sont en général très calmes et entourées de verdure. Ces couloirs verts me rappellent le concept de partitions vertes du projet pour Tokyo Fibercity 2050 de Hidetoshi Ohno. Je me rends compte que certains concepts de cette étude pour un futur Tokyo sont en fait déjà mis en pratique à certains endroits, et ne demanderaient qu’à être étendus dans la ville.
Après quelques kilomètres à vélo au delà de Sangenjaya, je finis par approcher le quartier où se trouve House H. Je ne la trouverais pas tout de suite. Un peu comme pour Garden and House de Ryue Nishizawa, je passerais même devant sans m’en rendre compte. Mais, elle apparaît tout d’un coup derrière quelques arbres. Elle date de 2009 et après presque dix années, les surfaces de béton restent superbes, à peine affectées par le temps. J’aime beaucoup la conjugaison de la couleur légèrement verte des vitrages avec la couleur claire du béton, donnant un ensemble très lumineux. Il s’agit d’une structure en béton renforcé de trois étages avec quatre pièces par étage. Les rideaux de la maison étant fermés, on ne devine malheureusement pas la structure interne. Quelques photographies sur le site de Iwan Baan (encore lui) nous permettent de comprendre que c’est une maison pleine de trous. En plus des très grandes ouvertures sur les murs extérieurs, des immenses ouvertures sont également présentes sur le sol, les murs et les plafonds de chacune des pièces. On devine ces ouvertures sur les photographies ci-dessus, au dernier étage. Certaines des ouvertures au sol sont évidemment couvertes de plaques de verre, mais d’autres laissent passer plusieurs escaliers en bois à l’oblique reliant les pièces aux étages. Du fait de la transparence, on a l’impression d’un grand espace ouvert communiquant. Comme sur House NA, Sou Fujimoto nous dit qu’il reprend le principe de l’arbre et c’est vrai qu’on a cette impression, même en regardant la maison de l’extérieur, car cette maison apparaît avant tout comme une structure avec des ramifications. Les plaques de verre formant le sol des pièces sont posées comme des feuilles sur les branches en béton renforcé de l’arbre.
Une fois encore, c’est un vrai plaisir de faire ce type de découvertes architecturales. Il faut maintenant que je trouve d’autres maisons à découvrir, ou peut être retournerais-je voir Moriyama House de Ryue Nishizawa, histoire de voir comment elle a évolué avec le temps.
l’architecture de Sou Fujimoto: House NA
Je n’avais jamais rencontré l’architecture de Sou Fujimoto jusqu’à maintenant, tout simplement parce qu’elle se trouve dans des zones résidentielles de la périphérie proche du centre de Tokyo où je ne vais pas souvent, voire même pas du tout. Bien entendu, les adresses des maisons individuelles restent secrètes, pour protéger la vie privée des propriétaires mais avec un peu de recherche, le passionné d’architecture un peu persévérant finit par découvrir ces petits trésors urbains. Je pars à la recherche de deux maisons conçues par Sou Fujimoto: House NA et House H. Elles ne se situent pas du tout au même endroit. House NA est en fait assez facile à trouver car l’adresse est publiée à plusieurs endroits sur internet, sur des cartes Google Maps. Ce n’est pas le cas de House H, mais le blog Tokyo Files m’avait donné de bonnes pistes de recherche, ce qui m’a permis de la trouver sans trop de difficulté. Il faut dire que j’ai pris une certaine habitude à rechercher l’architecture sur Google Maps, même si c’est malheureusement sans grand succès parfois.
House NA se trouve près de la station de Koenji, au delà de Shinjuku et de Okubo. Je profite de deux heures de temps libre le lundi de la Golden Week pour partir à la recherche de cette maison, et par la même occasion découvrir un peu les rues de Koenji et quelques autres œuvres architecturales vues dans les magazines d’architecture, comme le théâtre Za Koenji de Toyo Ito, mais j’y reviendrais plus tard dans un autre billet. En fait, je connaissais déjà Koenji pour y être allé il y plusieurs années déjà. Il y a certainement plus de dix ans de cela, nous allions voir des concerts rock plutôt underground dans la salle 10000 Volts, désormais disparue. Nous y allions avec Pierre la nuit et mes souvenirs des rues de Koenji ne sont plus très clairs. On devait y aller à moto et je me souviens qu’on traçait notre route à toute allure en pleine nuit lorsque tous les feux de la rue Inokashira s’alignaient au vert. J’exagérais si je disais qu’on se prenait pour Kaneda dans les rues de Neo-Tokyo, mais je me souviens qu’on allait vite. Ma mémoire résiduelle embellit et exagère très certainement les choses, mais c’est ce souvenir qui me reste en tête à cet instant précis.
Koenji se trouve à seulement 6 minutes de la station de Shinjuku sur la ligne JR Chuo. J’avais l’impression que Koenji était plus éloigné de Shinjuku que cela. En descendant de la station, je me dirige rapidement en direction de la maison House NA, non sans une certaine excitation. Dans les petites rues, les bars et restaurants ont tous leurs devantures fermées après une longue soirée de labeur. Nous sommes le matin et les rues sont calmes. J’aperçois au loin un groupe de trois étrangers semblant se diriger dans la direction de House NA. Ils sont peut-être, comme moi, à la recherche de cette maison de Sou Fujimoto. Je savais que cette maison était assez renommée, car affichée régulièrement dans les magazines ou livres d’architecture japonais ou internationaux, mais pas au point de trouver au même moment que moi d’autres découvreurs d’architecture tokyoïte. En fait, le petit groupe passe bien devant la maison, remarque son originalité, mais ne semble pas pour autant venus exprès pour la voir car ils ne s’attardent pas sur les lieux. J’approche ensuite la maison. La plupart des rideaux sont fermés, à part au rez-de-chaussée. La 2CV bleue clair est également là, comme sur les photos des magazines d’architecture que j’ai pu voir dans le passé. Elle ressemble à celle de mon grand-père. Elle est par contre poussiéreuse et je soupçonne qu’elle ne doit pas beaucoup servir. Elle est peut être devenue un objet de décoration.
Lorsque l’on aperçoit House NA, on est tout de suite saisi par la fragilité de la structure ouverte sur la rue. On essaie ensuite de comprendre comment sont organisés les étages, mais ça reste assez compliqué depuis l’extérieur. Elle est composée d’une multitude de demi étages sans murs et reliés par des escaliers de quelques marches. La maison est complètement ouverte et on a un peu de mal à faire la distinction entre l’espace intérieur et extérieur. La maison donne l’impression d’une extrême légèreté et délicatesse, car elle n’est pratiquement composées que de plaques blanches au sol soutenues par de fines tiges blanches d’acier. On se demande comment elle peut soutenir la présence humaine et les meubles. La maison est composée de 21 plaques à des hauteurs différentes, un peu comme des grandes feuilles placées sur un arbre. Elle se veut être un espace collectif et modulable. En ce sens, elle prend l’esprit d’un espace nomade car l’espace peut être utilisé de nombreuses manières différentes selon les envies. Comme pour Moriyama House ou Garden & House de Ryue Nishizawa, je me pose toujours la question de la viabilité de cette ouverture complète sur la rue, surtout qu’il s’agit, comme très souvent dans les zones résidentielles de Tokyo, d’une rue assez étroite avec un vis-à-vis. En ce sens, elle est encore plus radicale que les deux maisons de Nishizawa.
Le site Dezeen montre de nombreuses photographies de l’intérieur et les plans de la maison pour se donner une meilleure idée. De nombreuses photographies sont également visible sur le site du photographe Iwan Baan. Une vidéo par Vincent Hecht nous permet de découvrir l’intérieur. House NA a également été prise en photo par Jérémie Souteyrat sur son livre Tokyo no ie (Tokyo Houses). Tout ça pour dire que House NA est très bien documentée et sous tous les angles. Dans un prochain billet, je partirais à la recherche de House H, une autre maison individuelle particulière de Sou Fujimoto.
I PLAY IT OVER IN MY HEAD
Je finis par apprécier mélanger les méthodes de captures d’images, entre mon Reflex, l’appareil analogique et l’iPhone sur Instagram. Les photos de ce billet sont pour la plupart déjà montrées sur Instagram. Parmi le flot de photographies, on remarque l’immeuble blanc en cube Omotesando Branches par l’architecte Sou Fujimoto. Beaucoup des autres photos se déroulent autour de ce bâtiment, dans les petites rues de Jingumae. Sur les autres photos, on passe vers la tour de Tokyo, Toyosu en couché de soleil et une ville imaginaire faite de magazines pour une affiche publicitaire. L’immeuble imaginaire de la dernière photo provient de Osaka.